La séance est ouverte à 11 heures 10.
La mission d'information procède à l'audition de M. François Héran, sociologue et démographe, professeur au Collège de France, directeur de l'Institut convergence migrations au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), président du conseil d'orientation du Musée national de l'histoire de l'immigration.
Nous continuons donc, mes chers collègues, les auditions de la matinée dans le cadre de la mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter. Nous accueillons pour cette seconde audition M. François Héran, qui est sociologue, anthropologue et démographe, professeur au Collège de France, titulaire de la chaire Migrations et sociétés, directeur de l'Institut Convergence Migration du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et Président du conseil d'orientation du musée national de l'histoire de l'immigration.
Nos travaux ont pour objectif de dresser un rapport présentant l'état des lieux des formes de racisme en France et de proposer des mesures ou des pistes de réflexion pour rendre plus effective la lutte contre le racisme dans toutes ses dimensions. Cette mission d'information a un champ d'études très transversal. Les propositions que nous ferons pourront servir à un gouvernement pour mettre en œuvre de nouvelles mesures de politique publique à l'avenir.
Cette mission d'information a été décidée en décembre l'année dernière. Elle est bien antérieure aux événements que nous avons pu connaître sur ce mois de juin, ces mouvements antiracistes notamment. Mais l'actualité nous rattrape et nous commençons nos travaux depuis deux semaines. Nous avions tenu, dans cette première phase d'auditions, à avoir des chercheurs, des universitaires qui puissent nous aider à délimiter ce sujet du racisme qui est quand même assez complexe, très vaste et très différent aussi d'un pays à un autre selon son histoire.
Vous êtes un grand spécialiste de la géographie du peuplement, des mouvements migratoires, des politiques d'immigration, d'intégration et de lutte contre les discriminations. Que nous apportent ces sciences géographiques pour appréhender le racisme et pour le combattre ? Quand est apparue la notion de racisme selon vous ? A-t-elle une évolution ou un lien fort avec l'histoire des migrations ? On peut toujours imaginer que lorsqu'il y a davantage de migrations, il y a moins de racisme. Est-ce vrai ? Quels sont les autres paramètres qui rentrent en jeu ? Qu'en est-il des conditions économiques ?
Un podcast consacré à ces questions est proposé sur le site internet du Collège de France, que je réécouterai après cette audition. Cette année, vous avez décidé de parler de la question de l'intégration. On dit souvent qu'on n'intègre pas des enfants de la République. Une deuxième génération ne s'intègre pas puisqu'elle est née en France, mais quel impact a eu la bonne ou la mauvaise intégration de la première génération sur le sentiment de racisme que peuvent percevoir, ressentir et vivre au quotidien les générations suivantes ? Les modèles que vous avez pu étudier à l'étranger, anglo-saxons ou d'autres pays, pourront peut-être aussi nous apporter des éclairages intéressants.
Ce qui est frappant quand on regarde l'histoire de la différenciation des perceptions en fonction des origines, c'est à quel point il suffit de lire la littérature du XIXe siècle. Elle est très bien résumée dans un très grand livre d'Eugen Weber, le grand historien américain de la formation de la France au XIXe siècle. Dans son livre, La fin des terroirs, Peasants Into Frenchmen : The Modernization of Rural France, 1880-1914, paysans d'hier, Français d'aujourd'hui, il commence par citer des dizaines de textes qui montrent à quel point, lorsque les voyageurs parisiens allaient en province – cela pouvait commencer à Angers, au sud de la Loire – ils étaient frappés par la barbarie des habitants, leur sauvagerie, et leur méconnaissance de la langue. Ces gens-là appartenaient à une autre espèce. Il faudra longtemps pour que toutes ces provinces conquises ou rattachées, souvent de force – je rappelle que la réunion de la Savoie, c'était 99 % de « oui », mais il n'y avait pas de bulletin « non » dans les bureaux de vote –, soient finalement unifiées. L'intégration de la France a été un processus très long et l'on est totalement étonné, à la lecture de ces textes, de voir à quel point les perceptions de l'époque voyaient des différences physiques chez les gens du Midi, les gens de l'Est, les gens du Nord, etc., et prétendaient être capables de différencier les gens en fonction de leur phénotype, de leurs apparences.
D'une certaine manière, il y a une propension très forte à différencier les gens en fonction de leur apparence ou à tout faire pour que leur apparence puisse les différencier. Mon père, qui n'est plus de ce monde, me racontait que vivant dans l'Hérault quand il était jeune, les travailleurs espagnols qui étaient dans les vignes étaient très mal perçus. C'étaient pour une part seulement des réfugiés républicains, mais pour beaucoup, c'étaient des travailleurs. Il m'a dit un jour qu'on les percevait exactement comme les travailleurs arabes dans les années 1960 ou 1970. La capacité à différencier les autres en fonction de leur prétendue apparence, plus ou moins visible, est tout à fait étonnante. Il n'y a pas de visibilité absolue dans les choses. Il y a un rapport de perception dont il ne faut pas sous-estimer la force.
Mais il existe aussi des phénomènes objectifs. Lors du recensement de 1975, à peu près 20 % de la population immigrée vivant en France venait du Maghreb ou du reste de l'Afrique subsaharienne. Aujourd'hui, c'est 43 %. Pourquoi ce pourcentage a-t-il évolué ? Parce qu'entre-temps, la migration ibérique, espagnole et portugaise, qui était considérable dans les années 1960 et 1970, s'est tarie. Elle a un peu repris depuis, puis l'Asie est venue, etc. Au Canada, on parlerait de minorités visibles qui sont parfaitement perçues par la population. Il y a un sentiment assez vif d'une évolution qui est un peu irréversible et qui frappe les esprits sur plusieurs décennies.
Je voudrais remettre la question du racisme dans un ensemble un peu plus vaste, que j'ai développé notamment dans mon cours du Collège de France du 21 février 2020, où j'expose en des termes aussi clairs que possible la notion de discrimination, ce qu'elle est, ce qu'elle n'est pas et comment le racisme se situe dans cet ensemble. Je suis très frappé de voir que dans le débat public, parfois chez certains parlementaires, un certain nombre de choses ne sont pas réellement en place.
Les chercheurs ne voient pas du racisme partout, ne voient pas de la discrimination à tout bout de champ. La discrimination, pas plus que le racisme, ne se postule pas. Elle doit se démontrer et se mesurer. Ce n'est pas facile. Toutes les différences ne sont pas des inégalités ; la couleur des yeux, par exemple. Cela dépend de la société de traiter ces différences en inégalités systématiques. Et toutes les inégalités ne sont pas des discriminations.
Il existe un rapport un peu compliqué entre le droit et la statistique. En droit, une discrimination est un traitement défavorable qui doit remplir deux conditions. Il faut d'abord que s'applique un critère ou un motif qui est illégitime. Ce critère doit être défini par la loi. Vous en connaissez la liste : le sexe, l'âge, le handicap, l'apparence physique, l'origine, la religion, l'orientation sexuelle. La liste est longue et n'est d'ailleurs pas homogène entre tous les pays européens, ce qui pose un gros problème, soit dit en passant.
Deuxième critère, il faut que ce traitement défavorable s'effectue dans des situations qui sont visées par la loi. L'emploi, mais pas tous les emplois. Un artisan peut recruter un ouvrier très proche de lui, qui peut être un conjoint ou un membre de la parenté. Discrimine-t-il en exigeant que cette jeune recrue ait les mêmes opinions que lui ? Ce n'est pas évident. Il y a une frontière qui n'est pas facile à tracer et que le droit ne précise pas très bien.
Enfin, les situations visées par la loi sont l'accès à l'emploi, le niveau de rémunération ou l'éducation, le logement, l'accès aux soins, la protection sociale, l'accès aux services et les activités syndicales. Par exemple, le fait que l'Église recrute uniquement des hommes pour être prêtres est-il une discrimination ? Ce n'est pas dans les situations visées par la loi, pas pour l'instant en tout cas.
L'exemple type de la discrimination, ce sont deux candidates semblables qui ont le même âge, les mêmes diplômes, les mêmes compétences, mais l'une est retenue et l'autre est rejetée pour l'entretien d'embauche, par exemple en raison de leurs origines respectives ou de leur apparence physique. Les chercheurs, le plus souvent, essaient de dire : à conditions sociales égales, y a-t-il un effet de l'apparence physique ou de l'origine visible sur le traitement dont les personnes sont victimes ? La réponse est oui. Toutes les études ont montré qu'il existe des différenciations sociales fortes dans notre société comme dans bien d'autres, mais la différenciation en fonction des origines ou de l'apparence s'y ajoute. Parfois, les deux effets se compensent.
On ne peut pas, contrairement à ce qu'avait fait Marine Le Pen dans une déclaration qui a retenu l'attention, rabattre la discrimination raciale sur une discrimination sociale. Ce sont deux phénomènes différents que les statisticiens sont tout à fait capables maintenant de démêler et dont ils peuvent peser le poids respectif.
J'ajoute que, depuis 2015, la Convention européenne des droits de l'homme, dans son article 14, a été modifiée par le protocole numéro 12. On dit désormais que la discrimination est interdite dans la jouissance de tous droits prévus par la loi et dans tout acte d'une autorité publique. C'est une formidable extension au champ d'application de ce qu'on appelle le racisme et les discriminations.
Le grand problème est que la discrimination et le racisme – vous m'excuserez de mettre cela ensemble, mais le racisme est un des cas particuliers de discrimination qui communique beaucoup avec les autres – ne sont pas un comportement nécessairement actif ni même intentionnel. Nous allons arriver à la notion de racisme systémique qui trouble beaucoup les esprits.
D'abord, il faut rappeler qu'il existe une discrimination active. On traite de manière différente des personnes qui se trouvent dans des situations semblables. On le fait uniquement sur un critère illégitime qui peut être la prétendue race, l'apparence, etc., mais il y a aussi des discriminations passives, le fait de traiter de manière semblable des personnes qui se trouvent dans des situations différentes. Le cas typique, c'est de traiter tout le monde de la même manière sans voir que certains sont handicapés. Ils ne vont pas pouvoir, de ce fait, avoir accès à un certain nombre d'entrées et de services, etc.
Il y a ensuite des discriminations intentionnelles, mais qui sont déguisées. C'est par exemple une mesure qui est prétendument générale, qui ne déclare pas ouvertement qu'elle cible un groupe sur un critère donné, mais qui finalement espère bien par ce biais le désavantager. Il existe des discriminations non intentionnelles et indirectes, telles qu'une mesure générale qui se veut neutre a priori, mais qui va désavantager de facto sur un critère donné. Cela devient un peu compliqué. Il existe aussi des discriminations par association. C'est le cas par exemple si vous vous occupez de quelqu'un qui est handicapé, si pour ce faire, vous réduisez votre temps de travail pour vous en occuper parce qu'il est discriminé. Par ricochet, vous êtes vous-même atteint par la discrimination qui le touche.
Vous savez aussi, et c'est une potentialité qui est encore peu utilisée, qu'il peut exister des discriminations collectives, donc une mesure qui, au sein d'une administration ou d'une entreprise, va frapper l'ensemble des salariés, mais définie par un critère donné. Cela est attaquable par une action de groupe.
À l'origine, la notion de discrimination systémique était réservée à des cas assez particuliers. Ce sont les Suédois qui ont insisté sur ce point. Si, par exemple, vous avez des usines qui emploient uniquement des femmes ou des personnes venant des territoires paysans environnants, il est très difficile de faire une mesure de la discrimination parce que vous aurez des conserveries alimentaires où ne travaillent que des femmes et des chantiers industriels où ne travaillent que des hommes. Vous ne pouvez pas comparer à travail égal si les salaires sont identiques, parce qu'il n'y a pas de population mixte qui permettrait de faire la comparaison. La séparation est tellement étanche qu'on n'arrive pas à mesurer, à travail égal ou à situation égale, les traitements différents. C'est un cas de discrimination systémique, où il n'y a pas nécessairement de volonté individuelle, mais c'est la répartition structurelle des emplois qui aboutit à cette distinction et qui fait que, par exemple, on ne va pas rémunérer de la même façon les hommes et les femmes.
Je prends toujours des équivalents dans la question du genre, parce que l'on comprend tout de suite, mais vous avez des transpositions qui sont tout à fait possibles pour d'autres discriminations. Un jour, un député du Nord m'a dit : « J'ai une usine de transformation agricole dans ma circonscription. Quand je la visite, je m'aperçois que tous les ouvriers sont blancs, alors que je suis dans une circonscription qui est manifestement extraordinairement mélangée et diverse par les origines. Comment cela se fait-il ? » Il suffit que le directeur de l'usine autorise le recrutement par relations personnelles et donc des filières tout à fait individuelles, pour que le recrutement reste homogène et exclue une bonne partie de l'habitat environnant.
En refusant d'agir et de s'intéresser au problème, en laissant faire des mécanismes qui ont l'air assez naturels, qui ont longtemps existé – les immigrés eux-mêmes ont eu recours au recrutement préférentiel par relations personnelles –, on crée des inégalités d'accès qui peuvent être systémiques. Il est important, pédagogiquement, que l'on insiste sur ces cas-là.
J'ai travaillé une quinzaine d'années à l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et j'ai fait partie des personnes qui ont lutté à partir de 2003 pour que les grandes enquêtes de l'INSEE (les enquêtes sur l'emploi, la pauvreté, le patrimoine et toutes les enquêtes sur les conditions de vie) puissent incorporer des variables et des questions qui permettent d'identifier, non seulement la première génération des immigrés, mais aussi la seconde et de les classer en fonction de l'origine continentale qui offre une assez bonne approximation de ce que les États-Unis perçoivent à travers la notion de race. Ce sont des questions qui sont relatives à l'état civil : quel est votre pays de naissance ? Quelle est votre première nationalité ? Idem pour les deux parents. Cette trajectoire migratoire fondée sur des données d'état civil est complétée parfois par des questions qui permettent de séparer les rapatriés des personnes d'origine algérienne par exemple.
Ces données de la statistique publique nous mettent maintenant à égalité avec le reste de l'Europe continentale. Je rappelle que les seuls pays en Europe qui utilisent des variables ethno-raciales sont l'Angleterre et l'Irlande sur le modèle américain. Partout ailleurs en Europe, nous sommes exactement sur le même plan que les autres pays. Il n'est pas question d'utiliser des couleurs de peau à cocher sur une liste, sur un référentiel, mais on utilise des trajectoires migratoires. Je vous renvoie à un document important, c'est le numéro triple 464-465-466, publié par l'INSEE dans sa revue Économie et Statistique en 2013. Cela s'appelle « Inégalités et discriminations : questions de mesure ». Y figure une introduction extrêmement pédagogique sur les différentes mesures de la discrimination et du racisme et les approches indirectes. Il existe des différences entre les gens que l'on n'arrive pas à expliquer par leurs compétences, leur âge et un certain nombre de données sociales fondamentales, donc on présume que cette composante inexpliquée des inégalités est la discrimination (accès au logement, au travail, à la promotion, etc.).
Parmi les approches expérimentales figure le testing, qui est maintenant effectué à grande échelle. On envoie des milliers de CV en modifiant juste une ou deux variables relatives à l'origine, à l'apparence physique, etc. Et nous avons des approches plus subjectives, comme le sentiment de discrimination, l'auto-déclaration, la façon dont on pense que l'on est perçu par les autres. Pour résumer, on constate une très bonne correspondance entre les différentes approches en matière de discrimination.
Nous avons en France un niveau de discrimination et de racisme qui est malheureusement banal, et qu'on retrouve à peu près dans tous les pays occidentaux. Nous ne nous signalons pas par un racisme exacerbé ou au contraire une immunité vis-à-vis du racisme. En témoignent des revues de la littérature, des revues systématiques de toutes les enquêtes qui ont été menées depuis plusieurs décennies. Elles évaluent le taux de discrimination aux alentours de 40 à 60 %. Les références figurent dans mon cours précité du Collège de France.
Qu'est-ce qu'un taux de discrimination ? C'est le fait qu'avec des compétences égales, dans des conditions égales et postulant de façon identique au même bien que la société peut vous accorder, quand vous appartenez à une minorité visible, vous perdez à peu près 50 % de chance d'être rappelé pour un entretien d'embauche si, malgré toutes vos compétences, vous n'avez pas la bonne origine ou la bonne apparence. La possibilité d'obtenir un entretien d'embauche, aussi appelée parfois le taux de rappel. Cela varie de 40 à 60 % selon les enquêtes. La première mesure précise qui a été faite par l'INSEE date de 2010. On avait un taux de discrimination de 35 % à l'encontre des candidats d'origine maghrébine. C'est une donnée largement admise dans tous les travaux empiriques qui ont été menés en Europe et aux Amériques.
Quand on regarde les études menées par l'INSEE, les testings à vaste échelle menés par exemple par l'université de Créteil ou encore les études de discrimination très bien faites qui ont été patronnées par l'Institut Montaigne – je pense au travail de Marie-Anne Valfort –, on constate des discriminations selon l'origine, l'habitat, la couleur de la peau, la religion et que tout cela ne se superpose pas. Parfois, certaines choses qui se compensent, mais on ne peut pas rabattre une forme de discrimination sur une autre.
Dans le testing extraordinairement précis et rigoureux du point de vue méthodologique qui avait été fait par l'Institut Montaigne, combien de CV fallait-il envoyer avant d'obtenir un entretien d'embauche ? On prenait une série de gens qui s'appelaient tous Haddad, qui venaient du Liban, qui avaient tous immigré en France, mais les uns s'appelaient Michel, les autres Dove, Samira, Mohamed, Nathalie, etc. Pour Michel ou Nathalie, il faut envoyer quatre ou cinq CV avant d'obtenir un entretien d'embauche. Pour Mohammed, il faut en envoyer vingt. Les écarts sont vraiment considérables.
Bien sûr, il y a ce qu'on appelle la discrimination statistique. C'est un terme qui était utilisé par les économistes américains dès les années 1960, consistant à dire qu'un employeur a une idée de la corrélation statistique qui existe entre une catégorie de la population et des comportements qu'il juge négatifs ou indésirables. Toute personne qui appartient à ce groupe va être rejetée dans les procédures de sélection parce que l'employeur pratique une sorte de statistique spontanée.
Des enquêtes expérimentales sur les interpellations « au faciès » dans les grands lieux publics de Paris ont donné des différences considérables. L'enquête a déjà une douzaine d'années. Quand on observait ce qui se passait à la gare du Nord, au Châtelet et dans tous ces endroits où il y a énormément de passage, lorsqu'un jeune avait une tenue de ville, même lorsqu'il ne portait pas un grand sac (porter un tel sac est un facteur qui accroit le risque d'une interpellation), il a encore trois ou quatre fois plus de chances d'être interpellé par la police dans un lieu public s'il est d'origine maghrébine. Ceci a été publié dans la revue de démographes Population de façon extrêmement précise dans un numéro qui date de 2012. Tout cela est connu et parfaitement répertorié.
On est un peu fâché d'entendre des termes nouveaux comme « racisé », qui n'est finalement pas plus gênant pour la langue française que le mot « ostracisé », et qui attire simplement l'attention sur le fait qu'un certain nombre de nos compatriotes ou résidents permanents légitimes qu'il y a dans notre pays sont réduits à leur race supposée, à leur apparence physique. Cela consiste à dire que ce n'est pas un processus naturel, mais une construction sociale.
Il ne faut pas croire que tous ceux qui utilisent le mot « racisé », qui maintenant se répand chez les jeunes chercheurs à une vitesse grand V, sont tous indigénistes. On peut être parfaitement républicain, avoir une vision parfaitement standard et conforme à notre histoire de l'idéal républicain d'égalité et insister sur le fait que la racialisation est un phénomène qu'il faut savoir identifier et mesurer. C'est à ce prix-là que l'on pourra efficacement lutter contre.
Vous avez évoqué les études statistiques de l'INSEE et les études « Trajectoires et Origines » (TeO). Nous avons reçu la semaine dernière M. Cris Beauchemin qui a pu nous en parler. Nous avons étudié la première et la deuxième génération. J'ai le sentiment qu'il va y avoir une limite à ces études. Je ne milite absolument pas pour des statistiques ethniques à l'américaine ou à l'anglaise, mais l'argumentation de certains consiste à dire qu'avec la première génération et la deuxième génération, par la nationalité et le lieu de naissance des parents, on arrive à une étude assez fine qui permet de mesurer le racisme. Vous semblez nous faire comprendre que cela va être assez complexe pour les générations trois et suivantes. Nous avons beaucoup d'études basées sur la trajectoire, la nationalité et sur des éléments qui permettent de ne pas assigner l'identité des personnes et les enfermer dans une case. En restant en l'état actuel, allons-nous avoir une limite au suivi de ce racisme ?
Avant de vous parler de la troisième génération, je voudrais quand même réfuter un argument qui est très utilisé, celui de l'assignation. C'est l'idée qu'à partir du moment où le statisticien utiliserait des catégories, il enfermerait les gens à l'intérieur et que finalement, cela mettrait en péril la République puisqu'une différenciation dans l'accès aux droits pourrait s'en suivre.
Prenez l'exemple des catégories socioprofessionnelles de l'INSEE. Elles sont inventées en 1954 et renouvelées en 1982. Elles ont été encore renouvelées récemment. Elles ont été utilisées systématiquement par l'INSEE pour décrire les inégalités, avec une cinquantaine de catégories ; il existe même une version qui va encore plus loin. Les instituts de sondage continuent d'utiliser ces catégories pour faire leur quota et pour avoir une représentativité des différentes couches de la population. Pour autant, il n'y a jamais eu un seul droit qui a été accordé ou refusé à quelqu'un au motif qu'il appartenait à une catégorie socioprofessionnelle. La statistique publique est parfaitement capable d'utiliser des catégories instrumentales permettant de mettre en relief les inégalités sans que ce soit une assignation individuelle qui ait une incidence sur le sort des personnes et qui se traduirait finalement par une différenciation juridique en fonction de ces classifications. L'exemple des catégories socioprofessionnelles montre que cela est possible.
Il a existé par le passé une tentative de certaines compagnies d'assurance de modifier leur police en fonction des probabilités de survie par groupe socioprofessionnel. Cela a été interrompu. Désormais, elles utilisent une grille commune. L'argument de l'assignation ou du performatif, l'idée que quand j'utilise une catégorie, c'est nécessairement quelque chose qui va modifier le sort des gens, est faux. Il émane la plupart du temps de gens qui n'ont pas du tout la pratique, ou très peu, des enquêtes statistiques.
Il faudrait un jour quand même que les journalistes et la classe politique fassent des différences entre des gens qui ont fait des dizaines d'enquêtes nationales, qui ont eu comme mission de se demander comment étudier les discriminations, quelles questions il faut introduire dans un questionnaire ou dans le recensement pour que l'on puisse déceler des discriminations – il faut se confronter au problème – et des gens qui n'ont jamais fait d'enquête nationale de leur vie. Il peut y avoir des démographes qui ont fait autre chose en démographie de tout à fait intéressant, mais qui n'ont jamais eu à travailler sur la question des enquêtes. Il y a une différence à faire.
Quand on a l'expérience personnelle de ce travail d'objectivation, comment arrive-t-on à faire en sorte que les catégories n'infléchissent pas les destins ? C'est parce que ce sont des enquêtes par sondage. Ce sont des enquêtes anonymes ; la collecte peut certes être nominative, mais ensuite on anonymise très vite les résultats. Ce sont aussi toutes les conditions posées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) pour que des questions sensibles puissent être posées : la sécurité des données ou encore le fait que ces travaux soient réalisés par des instituts qui ont eux-mêmes une solide expérience. Tous ces critères sont pris en compte par la CNIL. C'est uniquement en les regardant tous (consentement des personnes, anonymat, sécurité des données, etc.) qu'elle accorde des dérogations au principe général qui empêche de traiter des données sur les appartenances individuelles.
L'enquête TeO, qui date de 2008-2009, est en cours de réédition. Le questionnaire a été considérablement développé et amélioré. Il introduit des questions permettant d'identifier la troisième génération sur le pays de naissance et la nationalité des grands-parents. Nous savons maintenant que presque un quart de la population vivant en France est soit immigrée, soit enfant d'immigré. Si on remonte d'une génération – on a pu le faire avec des modèles, mais si l'on pose directement la question aux gens – ce sera peut-être un tiers. Un tiers de la population vivant en France sera soit immigré, soit enfant, soit petit-enfant d'au moins un immigré.
En posant ce genre de question, on ne porte pas atteinte aux libertés. On ne rogne absolument pas les libertés. Au contraire, on banalise la question de l'immigration. On permet par ce biais-là de dire que la migration a tellement diffusé dans la société française que l'on pose ces questions pour avoir une idée de notre histoire et de la contribution considérable de l'immigration à la croissance démographique, au développement du pays, etc.
Il faut poser ce genre de question et cela minimise beaucoup toutes les obsessions que l'on voit courir régulièrement, qui consistent à demander combien nous coûte l'immigration. À l'extrême droite, il y a un procédé classique qui revient régulièrement, qui consiste à dire qu'il faut compter la deuxième génération. « Tous les enfants d'immigrés qui sont à l'école, s'ils sont 12 % des élèves, représentent 12 % du budget de l'Éducation nationale. » On va appliquer ce genre de clés de répartition d'un ministère à l'autre, en l'absence de données. Ainsi, avec de tels raisonnements, on n'obtient plus un chiffrage comme celui que réalise la Cour des comptes pour estimer les sommes affectées à l'accueil des migrants, mais puisque l'on passe des flux d'entrées à des stocks qui concernent les portions entières de la population, les sommes vont devenir des milliards d'euros. C'est cela, l'origine des chiffrages qui sont faits par l'extrême droite sur le coût de l'immigration. Mais quel sens cela a-t-il de calculer ce que coûte un quart de la population aux trois quarts restants ? Quel sens cela a-t-il de calculer ce que coûte, sur trois générations, un tiers de la population aux deux tiers restants ? Cela n'a plus aucun sens.
Pour conclure, je dirais que ce genre d'études prenant en compte l'origine, si on les mène bien, si on les publie bien, si on les explique bien, si on sécurise les données, permettent non, pas d'assigner ou de discriminer, mais tout au contraire de banaliser l'immigration et de montrer que finalement, c'est une composante devenue ordinaire de la population de la France.
Vous avez dit que les chances d'une personne de décrocher un entretien d'embauche étaient minimisées à partir du moment où cette personne appartenait à une minorité dite visible, une perte de 50 % de chance. J'ai moi-même été pendant 25 ans enseignante dans le plus gros centre de formation pour apprentis en Bourgogne, un Centre de Formation d'Apprentis (CFA) interprofessionnel. Sur une rotation de trois semaines, j'avais à peu près 600 jeunes apprentis. J'avais constaté effectivement qu'il y avait, au début de ma carrière, très peu de jeunes issus de cette minorité dite visible ou invisible ; tout dépend de quel côté on se place. Ils avaient du mal à décrocher un contrat d'apprentissage – n'oublions pas que c'est un contrat de travail – du fait aussi que beaucoup de ces jeunes n'avaient pas les réseaux pour pouvoir être aidés dans cette recherche.
J'ai eu la chance entre-temps, en 2004, de devenir conseillère régionale, puis vice-présidente de la Région, en charge justement des problématiques de formation et d'apprentissage. J'ai fait mettre en place une aide aux entreprises pour recruter des jeunes, notamment issus des quartiers défavorisés, où le taux de chômage était encore bien plus élevé qu'ailleurs. Évidemment, les entreprises ne recrutent pas parce qu'il y a une aide, mais je pense que c'était aussi une façon de mettre l'accent sur une problématique qui est vécue par ces jeunes.
J'ai pu constater des améliorations. Il y a des avancées. Je vois que la cour de ce centre de formation est un peu plus « colorée », si je puis me permettre. Les choses évoluent positivement. Comme vous avez fait de nombreuses recherches, je suis certaine que vous constatez qu'on avance sur ce sujet, même si dans le vécu, dans la perception qu'ont les populations qui se disent discriminées, cela reste encore violent. Quel est votre avis là-dessus ?
Il y a un paradoxe qu'il faut comprendre, c'est que quand on interroge la première et la deuxième génération sur leur expérience de la discrimination ou le sentiment d'avoir été discriminé, la première génération donne des chiffres beaucoup plus bas que la seconde. Cela peut paraître étonnant puisqu' a priori, la seconde est née en France, est francisée, a été scolarisée, etc. Elle devrait d'une certaine manière avoir progressé davantage dans le parcours d'intégration. C'est ce qu'on attend logiquement. C'est un résultat que l'on observe partout, qui n'est pas propre à la France, mais qui est lié au fait que la première génération, celle qui a vraiment migré, sait l'avantage qu'elle a gagné à migrer. Elle compare sa situation à celle de ses compatriotes qui sont restés au pays. Elle sait bien que malgré toutes les difficultés, tous les sacrifices, toutes les avanies qui ont été subies, elle a gagné à la migration.
Les jeunes qui sont nés en France n'ont aucune raison de se comparer aux enfants des compatriotes de leurs parents restés en Algérie, en Turquie, au Portugal, etc. Ils se comparent évidemment avec les jeunes de leur génération qui sont sur le marché de l'emploi, à l'école. Là, ils font l'expérience de la discrimination. Les mesures que nous avons prises font très attention à observer à compétences égales. Il y a même des économistes qui ont regardé si, à comportement égal, à maîtrise égale des codes, il y a encore des différences liées aux origines. La réponse est oui. Elles restent quasiment intactes. Ce n'est pas uniquement une question de maîtrise inégale des codes comme on le dit souvent.
Il existe le sentiment dans les jeunes générations, qu'il ne faut pas réduire à de la victimisation – ce serait trop facile, que puisqu'ils sont nés en France, qu'ils ont la nationalité française, ils devraient être traités à égalité mais ne le sont pas.
Je pense comme vous que dans la pratique, les choses se sont améliorées, c'est certain. Notamment dans les concours de recrutement de l'administration, les choses se sont améliorées.
On parle ainsi beaucoup de la police en ce moment. Dominique Meurs est une économiste de Nanterre, une grande spécialiste des discriminations au sein de la fonction publique qui a beaucoup travaillé avec elle. À l'époque où Dominique de Villepin était ministre de l'intérieur, nous avions étudié le recrutement des différentes catégories de policiers. Nous avons eu accès à tous les fichiers de la police. Nous avions obtenu l'accord des syndicats. On ne peut rien faire au ministère de l'intérieur sans cela. Nous avions pu observer, en regardant les recrutements des dernières décennies, que le ministère de l'intérieur avait su recruter ses agents en tenant compte de l'évolution des différentes vagues migratoires. C'étaient des enfants de migrants, puisqu'il faut être français pour être policier, mais le ministère de l'intérieur est certainement un des ministères qui a le plus pris en compte les changements de la composition de la population due à l'immigration dans son recrutement. C'est un paradoxe, lorsque l'on voit tout ce qu'on dit sur la police.
Il nous manque des comparaisons systématiques entre les ministères. Si vous regardez ceux que l'on peut qualifier d'aristocratiques : la culture, les affaires étrangères, c'est certainement très différent, sauf peut-être le recrutement chez des binationaux ou des étrangers de haute volée. Nous manquons d'une étude un peu systématique qui nous permettrait, par le biais d'un observatoire – et là, je rejoins tout à fait la demande de Jacques Toubon – tous les cinq ans par exemple, d'essayer de voir où nous en sommes dans les ministères, et pas seulement en matière de recrutement en fonction des origines. Nous avions mené cette enquête au ministère de l'intérieur de façon totalement anonyme, avec des fichiers nominatifs au départ pour tirer l'échantillon. Il faudrait pouvoir mesurer cela systématiquement dans les ministères, non pas seulement à l'embauche, mais aussi pour les promotions et le déroulement de la carrière. Nous savons par exemple que les femmes ont été très fortement recrutées dans la police, mais que leur déroulement de carrière est considérablement ralenti comparé à celui des hommes.
Il est important de rappeler à ceux qui mettent en avant comme unique instrument le testing que celui-ci permet de très bien mesurer la discrimination à l'embauche, mais qu'il ne permet pas, par définition, de mesurer ce qui se passe lors du déroulement de la carrière. C'est une de ses très grandes limites, y compris ceux menés à grande échelle auprès des entreprises ou des cabinets de recrutement. Il faut que les administrations et les entreprises se mobilisent.
Je rappelle qu'il existe un document important qui avait été coédité en 2012 par le Défenseur des droits, qui venait juste d'être créé, et par la CNIL. C'était un manuel de méthodologie à l'usage des acteurs de l'emploi sur la diversité qui définissait les différentes méthodes disponibles dans les entreprises en matière d'enquête, pour mesurer les avancées de la lutte contre les discriminations. Pour l'instant, nous n'avons pas les moyens de savoir si cela progresse ou pas. Nous avons quelques enquêtes de l'INSEE, mais pas un système qui mesurerait – pas tous les ans, car cela n'aurait pas de sens – au moins tous les cinq ans plutôt que tous les dix ans, les évolutions dans les administrations et dans les entreprises. Je vous renvoie à ce document qui ne changeait pas le droit. J'en avais été l'inspirateur parce que le rapport que j'avais écrit pour Yazid Sabeg, alors commissaire à la diversité et à l'égalité des chances, qui en avait été assez mécontent, avait expliqué ce que l'on pouvait faire avec les outils existants.
Nous avons des outils et des percées juridiques qui ont été faites. En 1999, j'ai introduit une grande enquête de l'INSEE dans les prisons. On sait, contrairement à ce que tout le monde raconte, quelle est la surreprésentation de certaines nationalités, de certaines origines, y compris en seconde génération dans les prisons. Cela n'a jamais été refait depuis. Les obstacles ne sont pas tellement juridiques, mais plutôt pratiques. Nous avons des outils, mais que nous n'utilisons pas de façon systématique, qui ne sont pas institués sous la forme d'observatoires ou d'obligations répétées. Nous n'avons pas dans ce domaine l'équivalent de ce que l'on a imposé aux entreprises pour l'égalité de genre. C'est cela qu'il faudrait faire de façon raisonnable, en veillant à l'anonymat. Si les entreprises sont trop petites pour que l'on fasse ce genre d'enquête, organisons-les par branches entières et c'est ainsi que l'on résoudra le problème.
Je reste attaché à ce que ce soit la CNIL qui accorde les dérogations pour étudier toutes sortes de choses – pas seulement le cas des origines, car nous avons des enquêtes sur l'orientation sexuelle, sur les opinions politiques religieuses. Elle accorde des dérogations pour des enquêtes de recherche ou de connaissances comme celles que font l'INSEE, l'INED, etc. Elle n'a jamais accordé de dérogation pour les fichiers de gestion, c'est-à-dire les fichiers qui ont une incidence sur le sort des personnes, les fichiers d'élèves, de salariés, de locataires, etc. C'est une distinction fondamentale à respecter. L'introduction de ces valeurs dans les fichiers de gestion n'est pas permise actuellement, même par dérogation. Elle est possible par contre dans des enquêtes anonymes avec des données sécurisées et le consentement des personnes.
L'autre distinction sans laquelle on ne comprend rien à toute cette histoire, c'est qu'il ne faut pas confondre l'ethnique et l'ethno-racial. Notre statistique publique est en fait une statistique ethnique quand on prend le vocabulaire utilisé communément en Europe. Cela fait référence au pays d'origine alors que la personne est installée dans un autre pays. Les seuls pays qui, en Europe, font de la statistique ethno-raciale, c'est-à-dire qu'ils proposent une liste de couleurs, de races, avec éventuellement des cultures, des sous-cultures, sont l'Angleterre et l'Irlande sur le modèle américain. Nous sommes exactement dans la même situation que l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Espagne, etc.
Dans des enquêtes de recherche très spécialisées comme TeO – la CNIL l'a déjà autorisé – on peut poser des questions sur le fait de savoir si les discriminations ressenties sont dues ou pas à la couleur de la peau ou à tout autre critère. Il faut évidemment proposer la palette des critères pour que la démonstration soit correcte.
Notre statistique actuellement est à la fois ethnique et républicaine. Elle est ethnique parce qu'elle continue de s'intéresser au poids des origines alors que l'on est établi en France. Elle est républicaine parce qu'elle travaille fondamentalement sur des données d'état civil. Elle peut aller jusqu'au racial, mais uniquement dans des enquêtes de recherche dûment contrôlées.
Je n'ai aucun doute sur le fait que les sociologues et les statisticiens savent très bien ne pas faire d'assignation à identité, mais la question posée a trait à la situation de la personne interrogée qui, quand elle doit donner sa couleur, sa « race », va peut-être finir par se ranger dans une catégorie ou se sentir assignée. J'avais lu des explications que vous donniez, précisant que cela ne se faisait effectivement que dans des statistiques et des études très spécialisées sur les discriminations et que le critère ne devait pas être une case à cocher imposée à l'individu, mais un élément perçu ou ressenti par lui pour justement ne pas l'enfermer.
Ce que les chercheurs utilisent avait beaucoup intéressé Louis Schweitzer quand il présidait la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) avant son absorption par le Défenseur des droits. La HALDE avait d'ailleurs été l'un des financeurs de l'enquête TeO. Cette enquête n'a jamais été financée par le ministère de l'intérieur. Ils ont toujours refusé et ce sont les affaires sociales, la HALDE et d'autres agences qui l'avaient financée.
L'idée centrale est l'hétéro-perception : « comment pensez-vous être perçu par autrui ? » Ce n'est pas : « êtes-vous noir ? » Ce n'est pas cocher une case. Le Conseil constitutionnel a refusé l'idée de ce référentiel à l'américaine, ou à la britannique, qui serait imposé à la population, et qui est totalement exclu partout ailleurs en Europe continentale. Mais en revanche il est possible de demander : « comment pensez-vous être perçu ? » ou « pensez-vous que c'est cela qui vous vaut d'être discriminé dans telle et telle circonstance ? », etc. Cela constitue l'essentiel selon moi. Si l'on s'intéresse aux discriminations raciales en posant toutes les questions, sauf celles liées à la prétendue race, c'est quand même paradoxal. Il faut que l'on puisse interroger les personnes en relation directe avec le sujet, mais par le biais de l'auto-hétéro-perception.
Je vous remercie beaucoup, monsieur Héran, d'avoir accepté notre invitation à être auditionné.
La séance est levée à 12 heures 05.
Membres présents ou excusés
Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter
Réunion du jeudi 9 juillet 2020 à 11 heures
Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Fadila Khattabi, Mme Fiona Lazaar, M. Robin Reda, Mme Nathalie Sarles, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, Mme Michèle Victory