Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Réunion du jeudi 21 octobre 2021 à 9h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Jeudi 21 octobre 2021

La séance est ouverte à neuf heures quarante.

(Présidence de M. Philippe Benassaya, président de la commission)

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Cette commission d'enquête a été créée à la demande du groupe Les Républicains en vue d'identifier les dysfonctionnements et les manquements de la politique pénitentiaire française. Nous nous sommes fixé un vaste cadre d'investigation qui inclut le renseignement pénitentiaire. Nous poursuivons ce matin une séquence consacrée à la radicalisation. Bien que ce phénomène ne concerne qu'un faible pourcentage des personnes détenues, il préoccupe bien sûr l'ensemble de la représentation nationale compte tenu des risques que la radicalisation, voire la sur-radicalisation en détention font peser la sécurité du pays. Comme nous l'avons constaté nous-mêmes sur le terrain, l'administration pénitentiaire s'est mise en ordre de bataille pour gérer cette problématique, notamment à travers le service que vous dirigez. Le sujet a déjà été abordé à plusieurs reprises dans le cadre de notre commission d'enquête, en particulier avec le directeur de l'administration pénitentiaire et lors de notre visite du centre pénitentiaire de la Santé.

Nous attendons de votre audition que vous communiquiez sur les chiffres, les dispositifs et l'analyse de la manière dont vous travaillez, sachant que nous venons d'auditionner la mission de lutte contre la radicalisation violente – MLRV – et que nous enchaînerons ensuite avec une table ronde de chercheurs spécialistes du sujet.

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Nous nous interrogeons sur l'impact potentiel de la surpopulation carcérale sur la réinsertion, les conditions de détention, l'activité en prison, l'accès aux soins et le parc immobilier. Parmi toutes ces questions, nous avions à cœur d'investiguer la question du traitement de la radicalisation en prison en lien avec la surpopulation, ce phénomène étant plutôt récent à l'échelle de l'histoire de l'administration pénitentiaire française.

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L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(Mme Charlotte Hemmerdinger et Mme Fabienne Daviet prêtent successivement serment.)

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Charlotte Hemmerdinger, cheffe du service national du renseignement pénitentiaire (SNRP)

Bien qu'ayant une histoire très récente, notre service, cinq ans après sa création, jouit d'un fonctionnement extrêmement riche.

Le renseignement pénitentiaire est une pratique inhérente à l'administration pénitentiaire depuis la création de celle-ci. Les surveillants, et plus globalement les établissements pénitentiaires, perpétuent une culture de l'observation des détenus à des fins de sécurité. Il s'agit en effet de repérer des comportements et d'analyser des évolutions comportementales dans un but de protection. Le renseignement pénitentiaire existe donc depuis très longtemps, mais il a commencé à se structurer essentiellement en 2003 avec la création d'un bureau du renseignement pénitentiaire, qui n'était pas encore, à cette date, inséré dans un service de renseignement pénitentiaire au sens du code de la sécurité intérieure.

À la faveur de la prise de conscience du phénomène de radicalisation endogène sur le territoire national, notamment avec l'affaire Merah, en 2012, puis de la montée en puissance des individus qui se rendaient sur zone, rentraient en France et étaient incarcérés, ainsi que des attentats de 2015, un débat s'est instauré sur la nécessité de dépasser le stade de simple bureau du renseignement pénitentiaire. Il s'agissait de poser le SNRP en tant que service de renseignement intégré au sein d'une communauté française du renseignement qui serait plus à même de travailler avec des outils adaptés sur des individus de plus en plus nombreux en établissements pénitentiaires. C'est le cas des terroristes islamistes sunnites passés de 200 détenus en 2012 à 550 en 2016-2017. De même, en termes de radicalisation, dans les années 2015-2016, 1 700 individus radicalisés étaient repérés.

Dans un premier temps, le 1er février 2017, un bureau central du renseignement pénitentiaire a vu le jour à la direction de l'administration pénitentiaire – DAP –, ainsi que dix cellules interrégionales du renseignement pénitentiaire – CIRP – dans chacune des directions interrégionales des services pénitentiaires. Des référents agents pénitentiaires ont été désignés dans les établissements. Ce service de renseignement pénitentiaire suivait une double ligne hiérarchique et fonctionnelle, chaque entité étant placée sous une autorité pénitentiaire, avec en revanche une autorité opérationnelle sur tous les agents du renseignement. Une telle structuration a permis au service de démarrer rapidement, mais s'est très vite révélée potentiellement inadaptée, car propice aux contradictions entre les instructions opérationnelles données par le bureau central du renseignement pénitentiaire à ses agents et les instructions de terrain données par les chefs d'établissement et les directeurs interrégionaux.

Le service a donc progressé pendant deux années dans ses missions, dans sa collecte et son analyse d'informations, puis il s'est mû en 2019 en un grand service à compétence nationale, ce qui lui a donné une légitimité supplémentaire et une visibilité beaucoup plus claire au sein de la communauté du renseignement. La conséquence majeure qui en a découlé a été l'unification de l'ensemble des moyens du service et la création d'une ligne hiérarchique unique du sommet du service du renseignement pénitentiaire jusqu'à ses agents. Le service a gagné en réactivité et en efficacité opérationnelle des agents, a amélioré son contrôle de l'activité ainsi que de ses capacités de rationalisation des outils et moyens. Il a par ailleurs pu mettre en œuvre une stratégie de pilotage du réseau beaucoup plus cohérente.

Les missions du service sont définies par le code de la sécurité intérieure. Une grande partie de nos activités se tourne vers la protection des intérêts fondamentaux de la nation, à travers la prévention du terrorisme, de la délinquance et de la criminalité organisée. Depuis 2019, nous nous intéressons également à la prévention des mouvances extrémistes – ultra-droite, ultra-gauche et ultra-jaune. Par ailleurs, l'une des priorités absolues de l'administration pénitentiaire est la prévention de la sécurité pénitentiaire, à travers la surveillance de l'ensemble des détenus susceptibles de s'évader ou de déstabiliser durablement la détention, soit par des velléités de mutinerie, soit par l'organisation de trafics internes de grande ampleur.

Nos objectifs de départ étaient principalement axés sur les détenus, mais, depuis 2019, les compétences du service se sont étendues à tous les intervenants en détention. Nous pouvons donc non seulement nous intéresser aux personnels pénitentiaires, mais également à toute personne intervenant en détention – éducateur, aumônier, médecin, etc. Toute personne susceptible d'avoir commis une infraction pénale ou présentant un profil de radicalisation préjudiciable entre dans le stock du renseignement pénitentiaire, ce qui constitue une grande nouveauté.

Notre schéma d'emploi est de plus de 330 personnes, réparties sur trois échelons : 80 personnes à l'échelon central ; plus de 160 personnes réparties dans les cellules interrégionales ; 90 délégués locaux au renseignement pénitentiaire – DLRP – implantés dans les établissements pénitentiaires les plus sensibles. Dans les établissements où nous ne disposons pas de délégués, nous avons néanmoins systématiquement et obligatoirement au moins un correspondant local du renseignement pénitentiaire – CLRP –, officier de l'établissement.

Nous bénéficions tous les ans, sur le programme 107, d'un budget de 5 millions à 6 millions d'euros dévolu à la sécurisation des locaux – nos contraintes à ce niveau étant très fortes –, à l'acquisition de techniques de renseignement ainsi qu'à des actions de formation dans la mesure où notre service est composé de plus en plus d'agents pluridisciplinaires : fonctionnaires de l'administration pénitentiaire, fonctionnaires du ministère de la justice, analystes veilleurs pour la recherche en sciences ouvertes, experts en investigation numérique pour la mise en œuvre des techniques, traducteurs arabophones. La plus grosse part du budget est consacrée au déploiement d'un réseau confidentiel défense, c'est-à-dire un réseau classifié visant à itérer avec les échelons les plus centrés de façon plus sécurisée.

Comme tous les autres services du renseignement, nous nous chargeons de la collecte, de la fiabilisation, du recoupement et de l'analyse des données à des fins d'externalisation aux autorités politiques, aux autorités opérationnelles pénitentiaires, aux autorités judiciaires et aux partenaires de la communauté. Le renseignement pénitentiaire ne pratique pas le renseignement pour lui-même, mais dans un but d'externalisation à destination des autorités qui en ont besoin.

Nous collectons les données en milieu carcéral de deux façons : soit les données viennent à nous grâce à la tradition extrêmement forte d'observation des détenus que j'évoquais précédemment, soit nous procédons à des techniques de recueil de renseignements – interceptions de sécurité lorsque nous récupérons des numéros de téléphone détenus illicitement, micros dans les cellules, dans les unités de vie familiale, dans les coursives, dans les salles de prêche ou encore recueil des données de connexion liées à l'utilisation de systèmes d'information, téléphones portables ou ordinateurs clandestinement reliés à internet.

Nous disposons également d'un système de collecte d'informations via des sources humaines immatriculées, à l'instar des autres services de renseignement. Nous bénéficions évidemment de très nombreuses informations émanant des services partenaires, ce qui représente d'ailleurs tout l'intérêt d'être devenu un service de renseignement. Cela implique un cercle de confiance dans un cadre légal et selon un langage commun qui nous permettent d'échanger de l'information, y compris classifiée. Nous effectuons également des recherches en sciences ouvertes, puisque nous avons développé un pont d'activité avec des analystes veilleurs. En effet, certains détenus détiennent des systèmes d'information de façon totalement illicite et se montrent extrêmement bavards sur les réseaux sociaux, laissant des empreintes numériques très intéressantes pour l'activité opérationnelle du service.

Il nous parvient un nombre extrêmement important d'informations en milieu pénitentiaire, notamment parce que les individus concernés se trouvent sous main de justice, ce qui rend possible une observation vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Paradoxalement, il est également difficile de travailler en milieu carcéral, dans la mesure où les détenus sont surveillés toute la journée, que tous les mouvements sont réguliers, et que l'enjeu de discrétion sans les établissements pénitentiaires est important.

Le renseignement pénitentiaire constitue l'un des maillons de la chaîne du renseignement. Notre rôle est d'assurer la continuité du renseignement entre l'intérieur et l'extérieur. Nous suivons donc, pendant leur temps d'incarcération, un très grand nombre d'individus qui, à l'issue, seront gérés par des services partenaires. L'enjeu de coordination avec les services partenaires est particulièrement fort. Certains individus sont par ailleurs condamnés à de très lourdes peines pour des faits de grand banditisme ou des activités terroristes. Ils doivent alors purger une peine de vingt ans, trente ans, voire une peine à perpétuité. Le service doit par conséquent prendre en compte une observation sur un temps particulièrement long, ce qui implique une réflexion sur les moyens et sur leur cadencement à long terme. Notre service ne dispose pas de cette capacité d'observation et de mise en œuvre de techniques en continu sur des périodes aussi longues. Tout l'enjeu est donc de savoir à quel moment il est nécessaire de densifier l'observation et à quel moment il est possible de la relâcher quelque peu, et de tenir dans la durée.

Actuellement, 600 détenus sont identifiés comme radicalisés et plus de 450 terroristes islamistes sont suivis par le service. Sur les mouvances extrêmes, nous recensons une centaine d'individus suivis en permanence. La criminalité organisée concerne quant à elle environ 550 détenus. Cela représente donc 1 700 objectifs à suivre en permanence.

Vous l'aurez compris, la majeure partie de notre activité se focalise sur la lutte contre l'islamisme radical sunnite. Pour ces objectifs particuliers, nous travaillons en coordination permanente avec la MLRV. C'est en premier lieu le cas pour le repérage, puisque, grâce à notre accès au FSPRT – fichiers de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste –, nous savons dès son incarcération si un individu était déjà suivi à l'extérieur pour des faits de radicalisation religieuse ou pour des risques terroristes. En effet, 75 % des individus radicalisés étaient déjà repérés par les services partenaires à l'extérieur avant leur incarcération. Seuls 25 % sont donc repérés en interne par l'administration pénitentiaire et par le service.

Le service de renseignement pénitentiaire se trouve donc parfaitement inséré dans le dispositif de lutte antiterroriste, que ce soit au moment de l'incarcération, pendant la durée de la peine ou dans le dispositif mis en place pour la sortie. Nous avons par exemple un système d'alerte automatique qui indique la sortie d'un individu, un système de notes de signalement en fin d'incarcération qui retrace l'intégralité du parcours carcéral ainsi que des instances au niveau des groupes d'évaluation départementaux – GED – et au niveau national.

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Je crois comprendre que les correspondants territoriaux constituent des points d'entrée pour le renseignement tout en effectuant par ailleurs leur travail habituel de surveillants, alors que les personnels de la ligne directe sont membres du renseignement territorial et effectuent uniquement des tâches de renseignements. Est-ce bien le cas ?

L'évolution des effectifs du côté des membres du renseignement territorial depuis la création est-elle similaire à celle des correspondants territoriaux ?

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Vous avez évoqué la présence de 90 agents implantés dans les établissements. Où se situent-ils dans la hiérarchie des établissements ?

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Charlotte Hemmerdinger, cheffe du service national du renseignement pénitentiaire (SNRP)

Dans la ligne hiérarchique du service à compétence nationale – SCN –, on compte l'ensemble des agents de l'échelon central et des délégués locaux, officiers ou surveillants pénitentiaires nommés à des mobilités sur des postes du renseignement pénitentiaire. Dans chaque établissement sensible – où nous avons donc le plus d'objectifs –, nous disposons de délégués locaux au renseignement pénitentiaire et, dans les gros établissements, nous sommes même dotés de délégations locales au renseignement pénitentiaire composées d'une à cinq personnes. On trouve toujours un officier à la tête de ces délégations, la composition du personnel pouvant varier – personnels administratifs, surveillants gradés ou non.

Dans tous les établissements où nous ne disposons pas de délégués locaux, soit parce qu'il n'y a pas suffisamment d'objectifs, soit parce que notre schéma d'emploi ne nous le permet pas, nous travaillons avec un correspondant local du renseignement pénitentiaire, qui est nécessairement un officier pénitentiaire affecté dans l'établissement placé sous la hiérarchie du chef d'établissement – et non sous la hiérarchie du SCN – et qui consacre une partie seulement de son activité à la collecte et à l'analyse d'informations, ainsi qu'à la relation partenariale locale, principalement le service central du renseignement territorial et la direction générale de la sécurité intérieure. Ces correspondants échappent donc en effet à la ligne hiérarchique du service. Leur nombre s'élève à une centaine. Toutefois, il reste certains établissements qui nécessiteraient le déploiement de délégués locaux, mais pour lesquels, faute de ressources suffisantes, nous nous limitons à un correspondant.

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Combien suivez-vous de détenus radicalisés d'extrême droite, d'extrême gauche ou jaunes ?

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Charlotte Hemmerdinger, cheffe du service national du renseignement pénitentiaire (SNRP)

Le service suit en permanence 1 700 objectifs, dont 110 détenus affiliés à des mouvances extrêmes. Il s'agit principalement de détenus signalés par les services partenaires, puisque la difficulté, en dehors des cas d'association de malfaiteurs terroristes, principalement pour l'ultra droite, est que ces détenus sont incarcérés sur des qualifications de droit commun, généralement des violences commises en réunion ou des violences avec circonstances aggravantes.

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Depuis sa création, quelle a été l'évolution des effectifs propres au service ?

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Charlotte Hemmerdinger, cheffe du service national du renseignement pénitentiaire (SNRP)

Je pourrai vous transmettre ultérieurement un détail précis par année, mais, globalement, à l'échelon central, à la création du service en 2016, nous comptions 17 personnes, une soixantaine de personnes en CIRP et une trentaine de délégués locaux. En 2017, nous avons bénéficié de 51 postes supplémentaires dans le cadre du plan d'action contre la radicalisation et le terrorisme – PART. Entre 2018 et 2020, nous avons obtenu 109 postes supplémentaires, à savoir 35 emplois de DLRP en 2018, 39 postes en 2019 à l'échelon central et 35 emplois en 2020 qui sont venus abonder les effectifs des CIRP. Nous comptons donc aujourd'hui 79 personnes à l'échelon central, 164 en CIRP et 89 en établissement.

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Vous avez évoqué la multiplicité des objectifs qui sont les vôtres : prévention du terrorisme et de la grande délinquance, surveillance des mouvements extrémistes et sécurité pénitentiaire. Dans les établissements où vous disposez de DLRP, certains sont-ils spécialisés dans des types de prévention en particulier ou doivent-ils gérer l'ensemble des risques possibles ?

Par ailleurs, comment ces délégués locaux sont-ils formés ? Assurez-vous également une formation aux correspondants territoriaux le cas échéant ?

Vous avez insisté sur l'importance de la coordination avec les autres services de renseignement. Quelle évaluation pouvez-vous faire de cette articulation ? Comment s'effectue-t-elle de manière concrète ?

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Charlotte Hemmerdinger, cheffe du service national du renseignement pénitentiaire (SNRP)

Si quelques-uns se sont effectivement dotés d'une connaissance plus fine de certains phénomènes, par appétence personnelle ou grâce à une formation antérieure, aujourd'hui, les DLRP sont en quelque sorte tout-terrain. Toutefois, dans certains établissements extrêmement sécuritaires accueillant des détenus au profil particulier, on peut observer un niveau de connaissance plus fin que dans d'autres maisons d'arrêt.

Au démarrage du service, nous avons bénéficié de l'appui de l'académie du renseignement, qui a formé la plupart de nos agents sur des concepts criminels généraux et sur la notion d'agent de renseignements. Nous avons par ailleurs bénéficié du soutien des deux plus grands services du premier cercle, qui nous ont proposé des actions de formation pour nous permettre de démarrer dans les conditions les plus sécurisées et optimisées possibles. Le 1er février 2020, nous avons créé un département de formation au renseignement pénitentiaire directement implanté à l'ENAP – l'École nationale d'administration pénitentiaire. Ce département sécurisé, avec lequel nous partageons l'ensemble de nos doctrines et de nos modalités opérationnelles de travail, dispense une formation d'adaptation à l'emploi, obligatoire pour tout DLRP qui intègre le réseau. L'ENAP dispense également des formations continues pour tous les agents suivant différents domaines de spécialisation : collecte de renseignements humains ou formations plus techniques pour les analystes veilleurs. Nous sommes dotés d'un plan de formation sur l'opérationnel comme sur les métiers du renseignement pénitentiaire en tant que tels. Nous bénéficions toujours de formations à l'académie du renseignement, mais nous souhaiterions également participer à des formations spécialisées encore réservées au premier cercle.

Concernant les CLRP, il existe une formation a minima, proposée par les cellules interrégionales du renseignement pénitentiaire. Le système est donc imparfait à ce stade, puisque nous ne leur proposons pas de formation d'adaptation similaire à celle des DLRP.

La coordination avec les autres services du renseignement dépend évidemment des finalités. S'agissant des mouvances extrêmes, nous pouvons d'une certaine manière nous considérer comme prestataires de services dans la mesure où, si les autres services de renseignement ne nous signalent pas les individus que nous devons suivre, nous avons de fortes chances de ne pas les identifier. Sur ce point, nous avons récupéré la compétence de 2019 et, depuis un an, nous observons une accélération du nombre d'objectifs suivis et une coordination avec les services très bénéfique. Nous sommes toujours en phase de montée en puissance dans la mesure où la compétence est récente. Néanmoins, sur le signalement qui nous est fait des individus d'intérêt, il n'existe aucune difficulté.

S'agissant de la lutte antiterroriste, nous sommes partie intégrante du dispositif national. Il n'existe aucun sujet sur la coordination ou sur le plan opérationnel, puisque ne nous sont transmises que les informations dont nous avons besoin. Je pense pouvoir affirmer que le renseignement pénitentiaire rend le service attendu, puisqu'en amont de la sortie, il communique les éléments nécessaires au service chargé de la reprise du suivi. Le dispositif est très rodé et complètement opérationnel, impliquant les GED au niveau territorial lors de séances de coordination hebdomadaires sous l'égide du préfet ainsi qu'une réunion mensuelle au niveau national qui permet de sécuriser encore davantage le dispositif. Une importante montée en compétences s'est effectuée dans la coordination avec le renseignement criminel, position toutefois délicate, car susceptible d'empiéter sur l'aspect judiciaire. Nos actions de coordination demeurent cependant très fortes, au point qu'au 1er septembre 2021, nous avons missionné un officier de liaison à l'office antistupéfiants – OFAST. Il est d'ailleurs possible que nous soyons intégrés au prochain plan « stup'», notamment parce qu'en matière de renseignement criminel, nous représentons, sur le plan national, le chef de file des objectifs incarcérés.

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Vous présentez un tableau très positif en matière de coordination de renseignement. Ne constate-t-on cependant aucun dysfonctionnement ? Certains axes d'amélioration ne seraient-ils pas envisageables ?

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Charlotte Hemmerdinger, cheffe du service national du renseignement pénitentiaire (SNRP)

La particularité du service est que l'on ne prive personne de ses parts de marché, si j'ose dire. Nous sommes les mieux placés pour interagir, observer les détenus et mettre en place les techniques. J'ai le sentiment que la SCRT et la DGSI ont vécu comme un soulagement le fait qu'un service puisse mener en ses murs des actions d'investigation et d'analyse. Nous nous trouvons donc rarement en zone de concurrence, en tout cas en matière de lutte antiterroriste, avec les gros services.

Il peut cependant se produire quelques difficultés liées aux personnes au niveau local, qui se traduisent par des problèmes de communication. Mais cela se règle assez facilement. L'ensemble des services dispose de systèmes assez verticalisés et la hiérarchie directe sur les agents a beaucoup renforcé la coopération pour le renseignement pénitentiaire.

Le tableau n'est donc certes pas idyllique, mais il n'existe globalement pas de problématique de coordination entre les services. Nous n'observons jamais de difficultés d'accès à un partenaire. On nous donne toujours des éléments qui nous permettent de travailler.

La réunion se termine à dix heures vingt-cinq

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Présents. – Mme Caroline Abadie, Mme Françoise Ballet-Blu, M. Philippe Benassaya, M. Éric Diard, M. Olivier Falorni, Mme Maud Gatel, M. Michel Herbillon, M. Jacques Krabal

Excusés. - M. Alain Bruneel, Mme Séverine Gipson