COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 16 février 2022
La séance est ouverte à dix-sept heures dix
La commission examine le rapport de la mission d'information sur les transports sanitaires (M. Julien Borowczyk et Mme Josiane Corneloup, rapporteurs).
Il s'agit de la dernière mission d'information de notre législature, confiée le 1er décembre dernier à nos collègues Julien Borowczyk et Josiane Corneloup.
Les transports sanitaires peuvent‑ils être mieux organisés dans notre pays ? Les moyens que nous y consacrons, en forte hausse depuis ces dernières années, sont‑ils justifiés ? Voilà deux des questions auxquelles nos rapporteurs pourront certainement apporter des éléments de réponse à l'issue de leurs travaux.
Ma collègue Josiane Corneloup et moi‑même avons l'honneur de vous présenter les résultats des travaux que nous avons menés depuis la fin de l'année 2021 dans le cadre d'une mission d'information sur les transports sanitaires. À cet égard, nous avons auditionné de nombreux acteurs, en particulier les fédérations professionnelles – ambulanciers, taxis, services d'aide médicale urgente (SAMU), sapeurs‑pompiers –, les fédérations hospitalières, les syndicats de médecins, les différents ministères responsables de ce dossier et la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM). Cette dernière nous a transmis des données très actualisées que nous avons intégrées dans ce rapport. Ce dernier s'articule autour de trois parties dont nous vous restituons les principaux axes.
Les transports sanitaires sont constitués de l'ensemble des vecteurs destinés à transporter les patients vers les lieux de soins. Ils peuvent être de plusieurs types : ambulances, véhicules sanitaires légers (VSL), taxis, transports personnels, transports en commun et d'autres, plus rares comme les avions et les bateaux. La première partie de notre rapport dresse les principaux constats établis sur le transport sanitaire en France. Nous avons observé cent quarante situations différentes pouvant justifier d'un remboursement des frais de transport, soit un taux de remboursement de 93 %. Ces situations associent différents motifs de prise en charge. Il en existe onze dont l'affection de longue durée (ALD), les accidents du travail et maladies professionnelles, l'hospitalisation, etc. Auxquels s'ajoutent douze cas d'exonération du ticket modérateur – femmes enceintes de plus de six mois, nouveau‑nés de moins de trente jours, etc. – et cinq cas d'exonération de franchise, comme la complémentarité santé solidaire ou les personnes porteuses d'une invalidité.
Cette situation s'avère difficilement lisible et peut susciter des incompréhensions de la part des patients, des prescripteurs et des transporteurs. À noter qu'il existe 5 000 entreprises de transport en France. Dans la première partie de notre rapport, nous constatons une augmentation régulière des dépenses de l'assurance maladie pour ces transports. En effet, 4,3 milliards d'euros y ont été consacrés en 2020 contre 2,3 milliards en 2003. Les causes sont multiples : les patients les plus concernés par le transport sanitaire sont ceux qui souffrent d'une ALD et qui, à ce titre, bénéficient d'une exonération du ticket modérateur. Deux tiers des dépenses s'expliquent par le traitement de quatre pathologies : cancer, insuffisance rénale, maladies psychiatriques et cardiovasculaires. Ensuite, nous observons une augmentation continue de la part des taxis dans les déplacements : 16 % étaient effectués en taxi en 1995, contre 48 % en 2020. Or les taxis affichent des tarifs sensiblement supérieurs à ceux des véhicules sanitaires légers ou des véhicules personnels. En effet, le tarif moyen d'un trajet en taxi en 2020 s'élevait à 55 euros, contre 34 euros pour les VSL, 18 euros pour les transports personnels et 100 euros pour les ambulances, qui constituent des transports plus lourds. Toutefois, il convient de modérer ce constat, car la modulation tarifaire engendre la réalisation de trajets en VSL de plus en plus courts quand les transports en taxis réalisent de plus longs trajets.
L'accroissement des distances parcourues explique en partie l'augmentation des dépenses. Ces distances avoisinent en moyenne 13 kilomètres, soit une distance en nette augmentation depuis 2019. Les patients les plus concernés par les transports sanitaires souffrent d'une ALD. Or cette situation nécessite des déplacements dans des centres spécialisés souvent éloignés. Ces établissements sont de plus en plus techniques, notamment pour la prise en charge des cancers. Le vieillissement de la population représente un autre facteur d'augmentation du coût du transport sanitaire et concourt également à ces dépenses. Nous pouvons établir de manière assez claire une corrélation entre les régions où la part de la population de plus de 75 ans est la plus élevée avec les régions où les dépenses de transport sont très fortes.
La deuxième partie de notre rapport examine en profondeur les spécificités de chaque type de transport. Tout d'abord, en ce qui concerne le transport assis professionnalisé, c'est‑à‑dire les VSL et les taxis, les VSL représentaient en 2020 710 millions d'euros de remboursements pour l'assurance maladie. Les VSL sont utilisés pour des trajets courts. Ainsi, 60 % de ces trajets atteignent moins de 15 kilomètres. En parallèle, la France a mis en place un conventionnement pour les entreprises de taxis afin qu'elles puissent réaliser un transport sanitaire. Ainsi, 37 400 véhicules sont conventionnés. Globalement, hors Île‑de‑France, cela concerne 82 % des taxis. Il s'agit d'une activité économique fondamentale pour ces entreprises. Or leurs tarifs s'avèrent complexes à définir, tandis que ces entreprises impliquent trois ministères. Les VSL se distinguent principalement des taxis, car leur chauffeur doit être titulaire d'un diplôme d'État d'ambulancier.
Dans notre rapport, nous expliquons qu'une expérimentation débutera en avril 2022 afin d'inciter, grâce à une contrepartie financière, les entreprises qui le peuvent à convertir leurs taxis conventionnés en VSL. Le ministère nous a indiqué que cette expérimentation permettrait de déterminer les conditions dans lesquelles l'harmonisation de la réglementation et des tarifs entre taxis et VSL pourrait s'effectuer.
Ensuite, notre rapport s'attarde sur l'autre pan du transport sanitaire, à savoir le transport urgent pré‑hospitalier. Celui‑ci est principalement assuré par les ambulances. 2,7 millions de personnes ont eu recours en 2020 à ce type de transport pour une dépense de 1,7 milliard d'euros. Dans notre rapport, nous examinons la question sensible des carences ambulancières. En effet, dans certains territoires, le manque d'ambulances pour assurer le transport urgent conduit les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) à assurer ces transports que nous pouvons qualifier de transports « secs ». Or la profession d'ambulancier rencontre des difficultés économiques. Les ambulanciers nous ont expliqué qu'ils ne pouvaient plus laisser des ambulances vides dans l'attente d'un transport urgent. Par conséquent, des carences sont identifiées et les SDIS doivent intervenir.
Si les SDIS sont d'accord pour intervenir en cas de secours d'une personne puis d'évacuation, ils ne souhaitent pas effectuer des transports dits « secs ». En effet, les SDIS sont principalement composés de pompiers volontaires. Leur intervention dans le cadre de transports secs peut les démotiver et mettre à mal l'organisation fonctionnelle des centres de secours. Ces derniers pourraient alors manquer de pompiers volontaires pour intervenir en cas d'urgence vitale.
Ces carences ont diverses explications, notamment les difficultés économiques de ces entreprises qui ont disparu dans certains territoires. D'après les chiffres à notre disposition, la situation s'avère particulièrement préoccupante. En 2020, les sapeurs‑pompiers ont effectué 522 000 interventions au titre de carences et celles‑ci ont augmenté de 54 % depuis 2012. Il faut donc aujourd'hui trouver une solution qui permettra aux différents acteurs d'occuper la place qui est la leur.
Un avenant à la convention avec les transporteurs privés est entré en vigueur en mars 2021. Il prévoit une réforme structurelle du transport urgent. Or cette réforme repose également sur la publication d'un décret qui vise à redéfinir l'organisation locale du transport urgent avec des ambulances qui seraient dédiées aux transports urgents pré‑hospitaliers. En cas de non‑utilisation des ambulances, les transporteurs seraient rémunérés. Ce décret prévoit une revalorisation des tarifs applicables aux transports urgents. À ce jour, il nous a été indiqué que ce décret était totalement finalisé. Cependant, il peine à être publié, alors qu'il est attendu par tous les acteurs présents sur le terrain. Ce retard peut en partie s'expliquer par la difficile coordination entre les différentes autorités de tutelle, en l'occurrence le ministère de l'intérieur et le ministère de la santé. Nous demandons donc la publication rapide de ce décret et une réflexion plus globale sur la gouvernance publique du secteur des transports sanitaires. En effet, de nombreuses autorités sont impliquées : la CNAM, les ministères de la santé, de l'intérieur, des transports, du travail et celui des finances. Cette organisation est devenue totalement illisible et génère des retards à la décision.
Notre rapport mentionne également la question complexe de la plateforme unique de réception des appels d'urgence. La « loi Matras » permet des expérimentations. Nous avons auditionné le centre d'incendie et de secours ainsi que le SAMU de Haute‑Savoie, qui ont choisi de travailler ensemble depuis de nombreuses années. Ils disposent d'une plateforme unique. Il n'est pas question de numéro unique, mais bien de plateforme unique. Ils nous ont indiqué qu'au‑delà d'un numéro d'appel unique, une véritable volonté des acteurs de travailler ensemble s'avère essentielle. Ces derniers disposent d'une culture du travail en commun qui permet un fonctionnement optimum de leur organisation et la limitation des carences ambulancières. Nous devons recentrer la mission des pompiers sur le secours et celles des SAMU et des structures mobiles d'urgence et de réanimation sur le transport sanitaire.
Nous pouvons également citer d'autres réformes déjà menées, telles que celle portée par l'article 80 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2017. Cet article prévoit de confier aux établissements de santé le financement des transports inter et intra‑hospitaliers. Cette réforme semble porter ses fruits, puisqu'en 2020, plus de 270 millions d'euros de frais de transport ont été supportés par les établissements. Les fédérations hospitalières nous ont toutefois indiqué qu'une évaluation budgétaire précise devrait compléter cette réforme. Par ailleurs, la mise en place de cette réforme a subi un ralentissement pendant la crise sanitaire. De plus, la nécessité d'évaluer son fonctionnement se fait sentir. Néanmoins, d'après les chiffres à notre disposition, nous constatons qu'une économie substantielle a été réalisée. En effet, il semblerait que les prescripteurs et les payeurs, à savoir les établissements hospitaliers, aient pris en compte leurs nouvelles responsabilités.
Nous avons également été saisis d'une autre problématique : le transport bariatrique pour les personnes de plus de 150 kilos. Pour les personnes en situation d'obésité, la LFSS 2022 prévoit la possibilité d'expérimenter une prise en charge de ces transports et de ces équipements pendant trois ans sur des fonds d'intervention régionaux. L'équipement des transports et les moyens humains sont spécifiques. Il est également nécessaire de prendre en charge le surcoût supporté par les patients, entre 400 et 800 euros. En effet, cette somme n'est pas prise en charge par les complémentaires santé. Ce point fait l'objet de l'article 81 de la LFSS 2022. Nous espérons que cette expérimentation portera ses fruits.
Nous souhaitons également promouvoir le transport partagé pour des raisons de performances économiques et écologiques. Les tarifs ont été revalorisés afin d'inciter les transporteurs à réaliser davantage de transports partagés. En 2019, seuls 15 % des transports sanitaires étaient partagés. Depuis le début de la crise sanitaire, le transport partagé a été très limité pour des raisons sanitaires et médicales.
Après avoir réalisé une analyse des réformes récentes, nous proposons plusieurs pistes de réflexion pour l'avenir. Tout d'abord, ce secteur peut gagner en efficience. Pour cela, nous avons besoin de données. En effet, toutes les parties prenantes arrivent à cette même conclusion : il existe un manque de données, de chiffres et de cartographie permettant de mettre en lien la demande et l'offre de transport sur chaque territoire. Ce travail doit nous permettre de mieux utiliser les outils qui existent dans notre droit pour contingenter, lorsque c'est nécessaire, l'offre de transport sanitaire. Sur cette base, nous devons également réfléchir à la création de plateformes territoriales qui permettraient de centraliser vers une entité unique les demandes de transport. Il s'agirait de disposer d'une plateforme de gestion publique permettant une plus grande objectivité dans la répartition des transports. Cette dernière favoriserait une meilleure efficience du « taux de remplissage » des transports, tandis qu'elle permettrait d'adapter au mieux le transport à la pathologie du patient et d'éviter les retours à vide de certains transporteurs. Ce processus est d'ores et déjà expérimenté à un niveau local, notamment par les hôpitaux de Montpellier. La Nouvelle‑Aquitaine expérimente également ce mode de fonctionnement à un échelon régional. La question se pose d'une expérimentation départementale. Quoi qu'il en soit, les opérateurs de transport nous ont demandé de poursuivre nos efforts dans l'élaboration de ces plateformes, qui constitueraient une garantie d'efficience.
Un autre élément régulièrement mentionné concerne les salons d'entrée et de sortie qui existent notamment à Martigues. Ces salons offrent une plus grande fluidité dans la gestion des entrées et des sorties des patients. Ils permettent de libérer des chambres et des lits dans les services hospitaliers, de proposer davantage de confort et de disposer d'un check ‑ in et d'un check ‑ out avec des dossiers administratifs complétés au fur et à mesure. Ce processus favorise une moindre immobilisation des équipages ambulanciers et une meilleure répartition des entrées et des sorties dans le temps. Pour autant, il demeure important que les salons disposent des documents administratifs requis. De même, il s'agira de ne pas multiplier les salons en fonction du nombre de services.
Nous pensons également qu'une meilleure pédagogie est nécessaire vis‑à‑vis des patients, afin d'expliciter plus clairement les modalités de remboursement. Les prescripteurs, notamment les médecins généralistes, subissent une forte pression pour délivrer un bon de transport à leurs patients. À ce sujet, nous avons auditionné les syndicats de médecins, et ils nous ont fait part d'une réflexion intéressante, même si cette dernière reste difficilement transposable de manière objective dans le droit. Il s'agirait de prendre en considération le caractère médico‑psychosocial du patient. Parfois, pour une pathologie même sévère, il est possible de ne pas avoir besoin de transport et, à l'inverse en raison d'un éloignement géographique ou social, d'être davantage éloigné de l'accès au soin tout en étant atteint d'une pathologie moins lourde.
En parallèle, il nous paraît important de flexibiliser les conditions de remboursement de transports en véhicule personnel. J'ai rappelé ce point au regard des différences de tarifs existants entre les VSL, les taxis et le transport personnel. Pour ce dernier cas, les déplacements ne donnent lieu à un remboursement qu'au‑delà d'un trajet de 50 kilomètres. Pourtant ces trajets s'avèrent moins coûteux pour l'assurance maladie et permettent de ne pas emprunter un VSL ou un taxi.
Nous souhaitions également aborder le sujet du verdissement du parc automobile du transport sanitaire. Une problématique subsiste sur le coût et la disponibilité des matériaux. L'adaptation des entreprises de transports sanitaires aux modèles de véhicules électriques ou hybrides représente un coût pour ces dernières. Une piste intéressante serait d'inciter à l'utilisation de véhicules de plus grande capacité. C'est notamment le cas en Australie, où les transports sanitaires sont effectués en minibus. Ces modalités de transport permettent de véhiculer davantage de personnes et promeuvent ainsi le transport partagé.
Enfin, nous devons rappeler que le référentiel de transport pour les médecins date de 2006. Il doit être réactualisé autour des notions suivantes : renforcer le caractère médical du transport en ambulance, à ce jour le plus coûteux ; réaffirmer les notions de déficience et d'incapacité comme critère de remboursement ; préciser que l'ALD n'implique pas obligatoirement une prise en charge des transports.
Une autre piste découlant de nos travaux concerne l'utilisation des rémunérations sur objectifs de santé publique pour les médecins généralistes et spécialistes, afin de responsabiliser le prescripteur et de promouvoir des taux d'utilisation de transport moins importants.
Il nous semble également que la profession de transporteur sanitaire doit évoluer. Elle souffre d'un réel déficit d'attractivité avec des rémunérations basses et des conditions d'accès décourageantes. En effet, il est impossible de devenir ambulancier avant 21 ans, puisque l'entrée dans la profession ne s'effectue qu'après une période probatoire de trois ans à la suite de l'obtention du permis de conduire.
Après le Ségur de la santé, un travail de réforme du diplôme d'ambulancier a été lancé. Toutefois, il nous semble que nous pouvons proposer de nouvelles améliorations. Il s'agira plus spécifiquement d'intégrer dans le parcours d'apprentissage le permis de conduire pour supprimer cette condition d'accès à l'âge de 21 ans, d'élargir les gestes que les ambulanciers peuvent réaliser, notamment le relevage à domicile ou les actes en lien avec les évolutions numériques et la télémédecine, et de définir des passerelles avec les autres métiers du soin.
Pour conclure, les transports sanitaires constituent une condition indispensable pour assurer un accès égalitaire aux soins en dépit des conditions sociales, de la situation géographique ou des pathologies concernées. Il s'agit d'un acquis précieux que nous devons préserver. Pour autant, nous devons remédier à leur extrême complexité et à la difficile lisibilité des motifs pouvant justifier d'une prise en charge par l'assurance maladie. Les propositions que nous formulons doivent permettre d'avancer pour consolider un secteur qui connaît d'importantes difficultés économiques, alors qu'il demeure indispensable pour notre système de santé.
Vous avez su éviter l'écueil d'un rapport se perdant dans les méandres de la complexité et mis en valeur une approche pragmatique et humaine des problématiques. Je souhaite saluer les professionnels pour leurs actions au quotidien auprès des patients et plus particulièrement au moment des vagues épidémiques. Les ambulanciers, les chauffeurs de VSL et de taxis conventionnés, les sapeurs‑pompiers, le personnel du SAMU ou encore du TGV ont persévéré dans une tâche particulièrement ardue. Cinq mille entreprises sont réparties sur le territoire pour assurer un droit fondamental d'égal accès aux soins. Elles permettent de répondre aux enjeux d'urgence de la prise en charge, tandis qu'elles jouent un rôle de premier plan face à l'inflation des maladies chroniques nécessitant un suivi régulier. Ces professionnels répondent quotidiennement à des appels concernant la chute d'une personne âgée, tandis qu'ils assurent les transports en série dans le cadre des séances de radiothérapie par exemple. Effectivement, les dépenses demeurent en constante augmentation pour assurer la qualité des soins. Rappelons que les professionnels du transport participent en amont et en aval au parcours de soins des patients. Ils représentent des acteurs essentiels de notre système de santé. Combien de témoignages n'avons‑nous pas recueillis de patients attestant du soutien que les ambulanciers leur apportent au cours du transport, de l'attention qu'ils portent à la personne âgée qui a perdu sa mobilité ? En effet, leur participation au parcours de soins ne se limite pas au transport.
Mes interrogations découlent de vos seize propositions. Vous y avez d'ailleurs en partie répondu. S'agissant de votre proposition n° 16 concernant l'attractivité du métier d'ambulancier, quelles sont vos préconisations pour une formation initiale et continue, la mise en place de passerelles, les évolutions de carrière et la rémunération ? À propos de la proposition n° 12, que recommandez‑vous quant aux patients, aux conditions de remboursement des transports sanitaires et à leur bonne utilisation ? S'agissant de la prise en charge des transports pour les plus indigents, je souhaite mentionner un rapport récent d'ATD Quart Monde qui relève le tournant médico‑social de la transformation de notre système de santé. Enfin, à propos de la proposition n° 6, que pensez‑vous de l'avancement du décret réformant le transport urgent pré‑hospitalier, de son contenu et de la place du médecin régulateur dans le choix du mode de transport ?
Nous connaissons tous l'importance du transport sanitaire. Les établissements de santé et les patients sont régulièrement confrontés à un manque de disponibilité du personnel ambulancier, dont je salue néanmoins le travail de qualité. La disponibilité de ces transports peut s'avérer insuffisante sur certaines plages horaires. En outre, il existe des retards aux conséquences importantes sur l'organisation interne des transporteurs. En effet, ils constituent les principaux vecteurs d'événements indésirables que vous mentionnez dans votre rapport. Les difficultés pour trouver une solution de transport sanitaire ont été constatées par les établissements de santé, notamment la nuit et les week‑ends. Les impacts sont directement perçus par les patients. Certains usagers n'auraient pas toujours accès aux soins faute de transport sanitaire disponible. Que recommandez‑vous en la matière ? Quelle coordination faut‑il organiser pour permettre une fluidification des parcours ? Comment le développement de plateformes informatiques de gestion et de centralisation de la demande de transport pourrait‑il impacter la situation de pénurie vécue par certains établissements ? Quelles échéances envisagez‑vous ? Comment accélérer ce déploiement ? Vous apportez déjà un grand nombre de réponses à ces différentes interrogations.
Je souhaite vous interroger plus spécifiquement sur la question du transport sanitaire bariatrique, qui s'adresse aux personnes souffrant d'obésité ou de handicap. Il suppose un véhicule doté d'un équipement spécifique et d'une équipe dédiée composée de quatre personnes. Si le recours à un moyen de transport sanitaire dit classique est pris en charge par l'assurance maladie, le surcoût en ambulance bariatrique l'est‑il également ? Une prescription médicale est‑elle requise ? Comment mieux organiser cette prise en charge financière ?
Enfin, vous n'abordez pas le sujet des transports pour les soins extérieurs aux établissements tels que les dentistes, ophtalmologistes ou autres médecins spécialisés. Avez‑vous pu mener des auditions sur ce thème ? Quelle organisation, quelle prise en charge financière et quelle évolution seraient envisageables ?
Je salue la qualité de votre travail et les nombreuses auditions organisées sur cette thématique complexe. Derrière les nombreux aspects du transport sanitaire se cache un enjeu majeur : garantir l'égalité de tous dans l'accès aux soins. Les membres du groupe UDI et Indépendants y sont particulièrement attachés, car nous luttons pour une décentralisation de la santé. Plusieurs propositions sont à saluer dans votre rapport, notamment celles visant à encourager les transports partagés, à revaloriser la profession, ou à publier le décret offrant la possibilité d'inclure les SDIS dans la garde ambulancière sur la base du tarif CNAM. Il est nécessaire d'avancer encore sur ces sujets afin d'optimiser les systèmes de gardes pour garantir une couverture du territoire aux horaires critiques.
Enfin, je souhaite recueillir votre avis sur deux points. Le premier point se rapporte au transport sanitaire transfrontalier. Je suis concernée dans ma circonscription par ce phénomène que vous n'abordez pas dans votre rapport. Cependant, j'ai été interpellée par les habitants de ma circonscription qui est frontalière de la Belgique. Ils m'ont fait part de dysfonctionnements. Nous savons que des conventions en matière d'aide médicale d'urgence existent, mais elles ne semblent pas toujours appliquées. Selon que le patient soit présent d'un côté ou de l'autre de la frontière, l'ambulance la plus proche doit se rendre sur place. Or ce n'est pas le cas et cette perte de temps peut entraîner des conséquences graves sur la santé.
Ma seconde question concerne la tarification des transports bariatriques, sujet que nous abordons régulièrement lors des commissions et notamment lors de l'examen des LFSS. À l'heure actuelle, l'offre de transport bariatrique est inégalement répartie sur le territoire et demeure en inadéquation avec les besoins. Nous restons dans l'attente d'une réglementation afin d'organiser la prise en charge de ces surcoûts. Les négociations tarifaires semblent toujours bloquées.
Je salue ce travail de qualité. Vous mettez en évidence les enjeux importants du transport sanitaire et vous soulignez l'urgence d'un traitement territorial de cette prise en charge. En effet, il existe des différences singulières entre les montants des coûts des trajets en fonction des modalités de transport disponible dans chaque territoire. Par ailleurs, il existe un réel besoin de travailler sur les transports bariatriques. Nous avons adopté ici un amendement pour mener des expérimentations. Or nous constatons que depuis plusieurs années les négociations entre la CNAM et les transporteurs n'aboutissent pas. Quel est l'état d'avancement de ces négociations ?
Par ailleurs, je m'interroge sur le lien existant entre la difficulté d'accès aux transports sanitaires par rapport au recours aux soins. En dépit du transport bariatrique, avez‑vous constaté des difficultés de ce type dans d'autres secteurs sanitaires ? Investir dans le transport permettrait alors de s'engager dans la prévention et d'agir pour la santé de nos concitoyens.
Je salue également la qualité de ce rapport. Bien qu'ils soient absolument nécessaires, les transports sanitaires représentent un coût important pour l'assurance maladie : 4,3 milliards d'euros. En moins de dix ans, leur coût a doublé, phénomène qui s'avère particulièrement inquiétant. Vous avez formulé de nombreuses propositions. Laquelle vous paraît la plus urgente à mettre en œuvre afin d'éviter que le coût de ces transports n'augmente ?
Par ailleurs, concernant le transport urgent, vous proposez de publier le plus rapidement possible le décret des réformes des transports urgents pré‑hospitaliers en laissant la possibilité aux départements d'inclure les SDIS dans la garde ambulancière. Pourquoi cela n'a‑t‑il pas déjà été réalisé ?
Enfin, je vous rejoins quant à la nécessaire mise en place d'un nouveau référentiel de prescription des transports à destination des médecins sans pour autant que ces formalités administratives n'alourdissent leurs tâches. Il s'agira de les consulter préalablement à l'engagement d'une réflexion sur ces référentiels.
Je reste particulièrement attentive à la question des transports bariatriques. Je m'interroge également sur les transports sanitaires en milieu rural pour réaliser des soins spécialisés. Dans ma circonscription, de nombreuses offres de soins sont centralisées à Bordeaux. Il existe des associations financées notamment par les agences régionales de santé (ARS) pour organiser des transports sanitaires et accompagner des personnes chez les médecins spécialistes. Avez‑vous auditionné des associations de ce type ? Il en existe une dans ma circonscription, financée directement par l'ARS.
Nous avons constaté le rôle très important joué par les transporteurs lors de la pandémie. Nous avons également pu observer la grande difficulté que pouvait représenter cette gouvernance multiple. Aujourd'hui, les transports sanitaires relèvent essentiellement du ministère des transports. Or ce personnel ne figure pas sur les listes des professionnels dont l'accomplissement des tâches nécessite un équipement de protection individuel. Nous avons pris connaissance de nombreuses interventions effectuées par les transporteurs privés sans aucune protection alors qu'ils se trouvaient régulièrement en contact avec des malades du covid‑19. Il est indispensable de revoir cette gouvernance pour les assimiler à des professionnels de santé. Ils pourront ainsi évoluer dans leurs missions et être équipés convenablement lors d'une crise sanitaire.
Au cours de nos différentes auditions, nous avons constaté que, la nuit et le week‑end, il s'avérait particulièrement problématique de trouver une ambulance. C'est la raison pour laquelle une réforme structurelle de ces transports urgents pré‑hospitaliers a été mise en œuvre en mars 2021. Cependant, nous attendons toujours le décret d'application. Cette réforme structurelle vise à organiser les transports de façon différente. Elle a pour objectif de définir des périmètres et d'y installer des transports sanitaires réservés aux urgences pré‑hospitalières. Tous les acteurs que nous avons auditionnés souhaitent que cette réforme soit mise en œuvre. Cependant, pour cela nous devons disposer d'une idée précise de l'offre et de la demande. Or, à ce jour, il n'existe pas de cartographie fine de ces éléments. Nous devons affiner ces critères pour proposer une répartition juste du personnel et du matériel laissé à disposition. Au fur et à mesure des différentes auditions réalisées, il est apparu indispensable que des ambulances dédiées à l'urgence pré‑hospitalière puissent être effectives. En effet, compte tenu des difficultés financières de ce secteur, il s'avère impossible de conserver des ambulances immobiles qui ne permettent pas d'optimiser le système.
La question de la prise en charge de la mobilité dans les milieux ruraux a été abordée. Elle se pose également dans les milieux urbains où certains rencontrent des problèmes de mobilité en raison de leur grande précarité. Ces problématiques requièrent la mise en place de moyens de transport complémentaires. Néanmoins, nous devrons demeurer vigilants face à l'augmentation des coûts.
Les problèmes transfrontaliers n'ont pas été abordés. Nous n'avons mené aucune audition en ce sens. Il s'agit donc d'un champ à investiguer.
La tarification des transports bariatriques constitue une attente forte. Il s'agit d'un amendement à la LFSS 2022 mais les négociations sont encore en cours. Les restes à charge évoqués sont importants. La demande s'avère particulièrement forte sur les territoires tandis que l'offre n'est pas adaptée. Les transporteurs privés nous ont fait part des difficultés engendrées par une mise en adéquation du parc, qui demande des investissements importants. Cette évolution ne pourra pas être réalisée sans une aide à destination des transporteurs, afin qu'ils puissent s'équiper de manière adéquate.
Le coût de ces transports sanitaires a doublé en dix ans. Les causes de cette évolution à la hausse sont multiples. Elle est notamment engendrée par le vieillissement de la population. Les besoins s'avèrent alors plus importants. En 2030, la démographie française se caractérisera par une fort accroissement du nombre des personnes centenaires. Cette évolution conduira à une augmentation des soins pour des individus pluripathologiques. Beaucoup seront en ALD, ce qui entraîne une prise en charge totale des frais de transport. La hausse des coûts est également liée à un éloignement géographique des établissements hospitaliers. La part de kilomètres à parcourir croît, ce qui augmente la facture des transports sanitaires. Les taxis ont pris une place plus importante dans le transport sanitaire. Or leur coût est supérieur à ceux des VSL. Par conséquent, nous avons envisagé d'inciter fortement la prise en compte de l'utilisation du véhicule personnel avec une indemnisation des kilomètres probablement moins coûteuse. Enfin, si le coût de ces transports s'avère important, il demeure minoré par les interventions des SDIS, relativement moins facturées.
Nous n'avons pas auditionné de transporteurs bénévoles. Il en existe également dans ma circonscription. Ces associations rendent un service important, notamment pour les transports paramédicaux. Dans ma circonscription, le remboursement n'est pas effectué par la sécurité sociale, le bénéficiaire paye simplement les kilomètres effectués.
Je souhaite féliciter ces transporteurs qui ont subi la pandémie en première ligne tout en manquant de matériel. Je leur apporte tout mon soutien.
Beaucoup de questions subsistent sur ce décret. Un fossé existe entre le transport prévu — facile à gérer pour les transporteurs — et le transport urgent, qui nécessite de mobiliser des vecteurs. S'agissant de la disponibilité de ces vecteurs, la plateforme globale que nous avons évoquée pourrait constituer une solution pour éviter les transports à vide et favoriser le partage des véhicules. L'intégralité des décrets concernant l'urgence pré‑hospitalière viennent d'être soumis au Conseil d'État : ils proposent un parcours complet depuis la prise en charge de la garde ambulancière par les transporteurs sanitaires vingt‑quatre heures sur vingt‑quatre jusqu'à la revalorisation de la carence ambulancière, en passant par la formation et l'attractivité de cette carrière. Il existe également un lien avec la capacité de réaliser de la télémédecine en régulation urgente pour limiter la mobilisation des patients. En effet, si cette procédure est inapplicable pour un dentiste, la télé‑expertise pratiquée par des infirmiers et infirmières doit être favorisée dans de nombreux cas.
Nous n'avons pas auditionné les associations. Nous nous trouvons sur une ligne de crête entre la mobilité intrinsèque et le transport sanitaire. Ces interrogations rejoignent nos réflexions sur le caractère médico‑psychosocial du transport.
À mon sens, il est primordial de mettre en place la révision du référentiel. Les prescripteurs subissent une certaine pression.
Concernant les transports bariatriques, le vote en LFSS représente une réelle avancée. Il s'agit d'une expérimentation. Nous faisons face à un problème d'adaptation du personnel et du matériel. Parallèlement, une cartographie de l'offre s'avère nécessaire. Cette question se pose davantage pour le transport prévu car, dans le cas du transport urgent, les adaptations sont plus aisées à réaliser. Il s'agit de l'enjeu de cette expérimentation, qui n'est pas encore transcrite par des accords. Elle constitue une avancée s'agissant des transports bariatriques.
Personnellement, je souhaiterais que la régulation soit d'ordre médical, car il s'avère nécessaire de régulariser la situation et d'adapter l'offre de transports à la pathologie initiale. Toutefois, ma collègue et moi ne sommes pas totalement d'accord sur ce point, ce qui est d'ailleurs signalé dans le rapport.
Nous n'avons pas mené d'auditions à propos du transport transfrontalier. La question se pose également concernant les transports transdépartementaux. Sur une garde, la capacité de transport transdépartemental n'existe pas ou peut s'avérer particulièrement compliquée. Or il arrive qu'un patient soit transporté à plusieurs kilomètres afin de rester dans son département, tandis qu'un établissement plus proche se trouve dans un département frontalier. Ce phénomène mobilise des équipages. Je n'ai pas de réponse à ces questions, qui constituent de réelles problématiques à étudier pour les gardes ambulancières.
À mon sens, l'élaboration d'un nouveau référentiel et le renforcement de l'attractivité du métier sont indispensables. De nombreux transporteurs nous ont indiqué éprouver des difficultés de recrutement. Les obstacles sont nombreux comme celui de la période probatoire au permis de conduite, tandis que la profession n'est pas suffisamment considérée en dépit de son travail important pendant la crise sanitaire. Il s'agirait de leur octroyer de nouvelles missions qui revaloriseraient leurs actions au quotidien.
Enfin, je remercie nos administrateurs, qui nous ont particulièrement aidés dans la réalisation de ces travaux.
Je salue les avancées de ces travaux quant à la prise en charge des transports bariatriques. Il s'agit d'un sujet récurrent au cours de cette mandature. Cette expérimentation représente une véritable avancée.
En application l'article 145, alinéa 7, du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d'information.
La séance est levée à dix-huit heures.
Présences en réunion
Réunion du mercredi 16 février 2022 à 17 heures
Présents. – M. Julien Borowczyk, Mme Josiane Corneloup, M. Marc Delatte, Mme Véronique Hammerer, Mme Fadila Khattabi, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, M. Bernard Perrut, M. Alain Ramadier, Mme Valérie Six, M. Jean-Louis Touraine
Excusés. - Mme Stéphanie Atger, Mme Justine Benin, M. Jean-Pierre Door, Mme Claire Guion-Firmin, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Marie-Pierre Rixain, Mme Nicole Sanquer, Mme Hélène Vainqueur-Christophe