COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Jeudi 17 février 2022
La séance est ouverte à onze heures quarante-cinq.
Dans le cadre de ses auditions sur la situation dans certains établissements du groupe Orpea, la commission entend Me Sarah Saldmann et Me Fabien Arakelian, avocats de familles de résidents.
Après les révélations du livre de Victor Castanet, Les Fossoyeurs, et compte tenu des enjeux juridiques, tant individuels que collectifs, il nous a paru utile d'entendre Me Sarah Saldmann et Me Fabien Arakelian, deux avocats qui se sont investis dans cette cause. Madame, monsieur, je vous cède la parole, non sans vous poser une première question, inspirée du témoignage des familles entendues ce matin : comment se fait‑il que tant de plaintes soient classées sans suite ?
Je suis à la fois honorée et émue d'être auditionnée par votre commission sur ce sujet si douloureux. Depuis le mois de mars 2020, j'ai reçu plusieurs centaines de signalement des familles, déplorant la manière dont leurs parents étaient traités dans les établissements des groupes Orpea et Korian, et de façon plus minoritaire, du groupe DomusVi. Face à de tels témoignages, il est impossible, croyez‑moi, de rester de marbre.
Avant d'évoquer l'aspect judiciaire, je souhaite vous faire part des faits portés à ma connaissance. Les familles que je représente, dont certaines ont témoigné publiquement à mes côtés, rapportent des situations d'une gravité sans précédent. Ces cas ne semblent pas être des situations isolées. Les faits sont précis et concordants, appuyés par des éléments probatoires tels que des certificats médicaux, des photographies, des enregistrements et des témoignages.
Les exemples concrets, dont j'ai la preuve, les voici : des hommes et des femmes laissés dans leur lit souillé pendant des heures, attendant qu'on vienne les secourir ; des hommes et des femmes qui patientent parfois des journées entières dans des conditions d'hygiène déplorable ; des hommes et des femmes qui mendient pour pouvoir sortir de leur chambre, ne serait‑ce que le temps d'une promenade ; des hommes et des femmes rationnés, laissés seuls devant une assiette qu'ils ne peuvent atteindre, méconnaissables à force de perdre du poids.
Je pense à toutes ces personnes qui ont sonné pendant des heures, qui ont fait signe en vain à l'infirmière qui passait par là. Peut‑on imaginer la force de leur souffrance morale et physique ? Je pense aussi à ce parent, atteint par la maladie d'Alzheimer, à qui l'on assène : « Mais vous ne vous rappelez pas de moi ? ». Je pense encore à ces pères, ces mères, tutoyés et méprisés par des personnels surmenés.
Je pourrais aussi évoquer l'odeur nauséabonde de la détresse, les cafards parfois, l'odeur tenace d'urine, résultat d'une incontinence que l'on feint d'ignorer, le manque d'hygiène, de soins, et les douches trop rares.
Comment ne pas parler de cette personne que je représente, qui a trouvé un autre résident installé dans le même lit que son père, en raison – lui a‑t‑on dit – d'un manque de place ? Comment ne pas évoquer cette personne gisant dans une mare de sang – je détiens la photographie –, celles, nombreuses, maintenues dans des positions portant atteinte à leur intimité et à leur intégrité ou encore celles chez qui une fracture, ou un accident vasculaire cérébral, a été découverte plusieurs semaines après leur survenue sans que jamais les familles n'en aient été informées ?
Dans les témoignages, la déshydratation revient fréquemment et de façon concordante. On ne peut pourtant pas refuser un verre d'eau, même à un ennemi ! « “Donne‑lui tout de même à boire”, dit mon père ». Depuis le poème de Victor Hugo, le temps a passé, les progrès sont nombreux et pourtant les drames de la fin de vie demeurent.
Je souhaite attirer votre attention sur la culpabilité qui étreint les victimes et leurs familles, victimes par ricochet. J'ai senti le profond malaise de ceux qui ont placé leurs êtres chers dans des conditions si difficiles. Personne ne met son père ou sa mère de gaieté de cœur dans ce type d'établissement, c'est à chaque fois un déchirement. Souhaitant que les choses se passent au mieux, ils avaient choisi de lui offrir le meilleur, un « EHPAD de luxe ». Certaines des familles que je représente ont dû vendre leurs biens immobiliers, ont contracté des crédits pour pouvoir payer une chambre dans l'un de ces établissements ; elles sont aujourd'hui surendettées.
Alors bien sûr, en découvrant l'envers du décor, certains me disent : pourquoi les familles n'ont‑elles rien fait avant ? Si elles n'ont pas agi, c'est parce qu'elles étaient esseulées, parfois endeuillées ; elles n'avaient pas les ressources émotionnelles suffisantes pour affronter des groupes aussi imposants qu'Orpea et Korian.
Je souhaite aussi évoquer la situation des soignants, à qui j'apporte tout mon soutien – ils sont les victimes collatérales de ce drame. Ils sont nombreux à m'écrire, souvent de façon anonyme ; ils refusent de donner une quelconque information permettant de les identifier ou concernant l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) dans lequel ils travaillent mais écrivent : « Voici mon témoignage, faites‑en ce que vous voulez ».
Leurs témoignages, nombreux et concordants, expriment une pression hiérarchique certaine : « Je suis seule pour gérer un étage entier, je ne suis pas assez formée ». La plupart sont des femmes, des mères courageuses qui élèvent seules leurs enfants et sont poussées, par manque de moyens, à commettre des actes contraires à leur morale.
Je veux aussi évoquer la peur des témoins. Ils sont nombreux à mentionner des procédés d'intimidation, notamment la menace de représailles. J'attire particulièrement l'attention de la commission à ce sujet car cela me semble être un point capital.
Les agissements dont les familles me font part sont, à mon sens, parfaitement étayés. Les chefs d'accusation, qui seront appréciés au cas par cas – les plaintes étant, je le rappelle, individuelles –, sont les suivants : homicide involontaire, mise en danger de la vie d'autrui, non‑assistance à personne en danger.
Nous ne sommes pas ici dans un tribunal et ce sera à la justice d'apprécier si les allégations portées à sa connaissance sont fondées. Je souhaite néanmoins vous expliquer pourquoi et comment j'ai décidé de lancer des procédures contre les groupes Orpea et Korian.
Lorsque, en mars 2020, plusieurs familles que j'accompagnais en tant qu'avocate m'ont saisie pour dénoncer les mauvais traitements dont leurs parents étaient victimes au sein des EHPAD du groupe Orpea, leur souhait n'était pas de porter plainte, mais de gérer l'urgence et de trouver une alternative. Certaines ont déposé des mains courantes, rédigé des courriers, mais aucune action pénale n'a été enclenchée. Cela tient à deux raisons : les familles pouvaient penser être des cas isolés ; elles n'avaient pas les ressources émotionnelles suffisantes, étant pour la plupart en deuil.
Deux ans plus tard, la publication du livre Les Fossoyeurs leur a fait l'effet d'une bombe. Elles sont alors revenues vers moi, avec une même attente : mettre fin à l'omerta et à l'impunité. Ces familles ont besoin d'une action à la hauteur de leur colère. Ma préoccupation première est d'éviter que les plaintes ne s'éparpillent, que les affaires ne soient l'une après l'autre étouffées et que le groupe Orpea ne s'en sorte.
L'union faisant la force, je leur ai proposé de lancer une « action collective » en déposant toutes les plaintes, le même jour – chacune d'entre elles demeurant individuelle. Dès que j'ai annoncé le lancement de cette action, les courriels et les appels ont afflué par centaines à mon cabinet. Je ne cesse de recevoir de nouveaux témoignages et des demandes de représentation.
L'ampleur du phénomène est telle que je me trouve confrontée à des familles déterminées à aller jusqu'au bout. Beaucoup d'entre elles me disent agir par devoir filial, que c'est « le combat de leur vie ».
Bien que l'action collective concerne nominativement le groupe Orpea, des dizaines d'appels dénoncent des maltraitances survenues dans les EHPAD du groupe Korian. Comme il est impossible juridiquement de mêler les plaintes contre les deux groupes, j'ai proposé aux familles de lancer une seconde action collective, selon un calendrier différent.
Je vous le dis en toute transparence : jamais je n'aurais imaginé recevoir autant de courriers et d'appels de familles, souvent en pleurs. J'avais décidé initialement de lancer la première action collective au mois de mars, la seconde au mois d'avril. Compte tenu du très grand nombre de demandes et du fait que chaque dossier doit être étudié avec la plus grande minutie, et les témoignages, aussi poignants soient‑ils, étayés par des preuves, ces délais seront reportés de quelques semaines.
Je ne peux pas vous donner le nombre exact de plaintes qui seront déposées. Mais je peux vous dire que j'ai reçu environ six cents signalements contre le groupe Orpea, cinq cents contre le groupe Korian et trente‑neuf contre le groupe DomusVi. Ces chiffres tiennent compte des témoignages de personnes souhaitant porter plainte ainsi que des témoignages anonymes.
Le deuxième temps de l'affaire s'ouvre : celui de l'ouvrage judiciaire, notamment de la défense. Soyez assurés que je m'y attelle avec la plus grande méthode et la plus grande détermination.
C'est un tableau bien sombre que je viens de dresser, mais il n'est que le reflet de la réalité. Une réalité terrible que nous n'avons eu de cesse, ces dernières années, d'ignorer, de balayer, d'oublier. Il nous revient désormais, collectivement, de regarder dans les yeux nos aînés et de prendre enfin nos responsabilités.
La création d'une commission d'enquête est un signal fort envoyé aux victimes, aux familles de victimes et aux groupes Orpea et Korian.
Je vous remercie pour votre invitation ; je pense cependant que les familles que je représente auraient préféré recevoir l'« invitation » des enquêteurs et des magistrats instructeurs – ce sera ma première observation, tirée de l'expérience des procédures que nous avons engagées. Pour rebondir sur votre question initiale, madame la présidente, c'est au procureur de la République qu'il faut demander pourquoi les plaintes sont classées sans suite. Mais je vous expliquerai comment la défense, après un classement sans suite, peut déposer une plainte avec constitution de partie civile.
J'ai noté que vos auditions portent sur la situation dans les établissements du groupe Orpea, mais mon propos sera beaucoup plus large. Depuis le premier confinement, j'ai été saisi d'un certain nombre de dossiers. Si le covid a été une porte d'entrée, on s'aperçoit que la pandémie a fait l'effet d'un révélateur sur des dysfonctionnements déjà existants. Et parler de dysfonctionnements peut être un euphémisme puisque je considère que certains faits constituent des infractions pénales.
À ce jour, mon cabinet dénombre une cinquantaine de dépôts de plainte – je pourrais en traiter beaucoup plus, mais ce ne serait pas sérieux, un travail de filtre est nécessaire –, une vingtaine d'ouvertures d'enquête préliminaire et une dizaine d'ouvertures d'information judiciaire, dans toute la France. Certains procureurs ont décidé d'ouvrir des enquêtes préliminaires, d'autres des informations judiciaires. À l'heure où je vous parle, il n'y a pas le début d'une mise en examen. Le pénaliste que je suis est particulièrement surpris – et c'est encore un euphémisme – par le traitement procédural de ces dossiers. La lenteur de la justice, que nous connaissons tous, est ici exacerbée : les enquêtes piétinent, c'est peu de le dire. Il a fallu que cet ouvrage paraisse pour que, d'un coup, les esprits se réveillent et qu'on se rende compte qu'il se jouait peut‑être, en effet, un petit scandale de santé publique au sein de ces EHPAD !
Pour illustrer le parcours judiciaire des familles et de l'avocat qui les accompagne, je vous donnerai des exemples de procédures diligentées au sein du cabinet. La plupart sont des procédures pénales, mais il arrive qu'on diligente des procédures civiles. Dans ce cas, la première question est de savoir qui assigner. Or nous nous rendons compte, en examinant ces groupes particulièrement bien organisés, combien la réponse est difficile. Ainsi, nous avons voulu diligenter une action civile pour engager la responsabilité délictuelle d'un EHPAD, à la suite d'un défaut de surveillance plus que caractérisé. Je me suis rendu compte, à la lecture de l'extrait Kbis que j'avais demandé, que la dénomination sociale n'était pas Korian – l'enseigne de l'établissement –, mais la société Medotels, qui gère vingt‑sept établissements du groupe. Bien sûr, ils en ont le droit, mais un avocat à l'esprit mal placé pourra en déduire que des sociétés servent d'écran pour que Korian n'apparaisse pas... Juridiquement parlant, c'est une première difficulté.
En matière pénale, nous faisons face à une autre difficulté, plus problématique encore, qui concerne l'accès aux juges. À nouveau, je vous donnerai un exemple très concret. Les premières plaintes que mon cabinet a déposées concernent l'établissement Korian de Mougins. Je précise que les plaintes que je dépose au pénal sont toujours contre X car j'estime qu'au‑delà de la responsabilité des groupes et des établissements, celle des agences régionales de santé (ARS) peut se poser, dans la mesure où, bien qu'alertées sur des situations catastrophiques, elles se sont souvent montrées passives – pour ne pas dire plus.
L'EHPAD de Mougins a marqué l'actualité puisque, lors de la première vague, plus du tiers de ses résidents sont décédés en quelques semaines. La mairie s'est constituée partie civile – le maire est gériatre de profession – et la sous‑préfète de Grasse a dénoncé certains comportements. Nous avons, pour notre part, déposé une plainte classique devant le procureur de la République, lequel a ouvert une enquête préliminaire. Mais au bout d'un an, mes clients n'avaient pas encore été entendus – simplement entendus – par les services enquêteurs. J'ai donc décidé de « siffler la fin de la récréation » en déposant une plainte avec constitution de partie civile.
La plainte avec constitution de partie civile permet d'avoir affaire à un juge d'instruction, impartial et indépendant. La loi prévoit, pour éviter les plaintes abusives ou dilatoires, que le plaignant verse une consignation, dont le montant est fixé par le doyen des juges d'instruction. Je pensais que ce montant était fonction des revenus des plaignants. Or les familles se sont vu demander de verser 5 500 euros, 7 200 euros et jusqu'à 9 800 euros. De sorte qu'aujourd'hui, alors même que le juge n'a pas encore examiné le dossier, nous sommes en train de faire appel des ordonnances qui fixent le montant des consignations – le parquet général d'Aix‑en‑Provence est bien évidemment d'accord avec la défense et demande que le montant soit ramené à de plus justes proportions.
Si je vous parle de cela, c'est que ce sont des phénomènes que je n'avais jamais vus jusqu'alors. Je ne défends pas des familles particulièrement aisées : demander 9 800 euros de consignation à un plaignant, c'est lui dire, de manière indirecte, qu'il ne pourra pas saisir le juge... D'ailleurs, sur les cinq familles que je défendais, deux ont abandonné. De fait, elles se trouvent privées de l'accès à un juge indépendant et impartial. Je suis avocat depuis plus de vingt ans et ce que je vois dans ces dossiers me trouble, m'interroge et m'interpelle.
Les plaintes concernent quasi‑exclusivement des groupes privés – Orpea, Korian et DomusVi –, ce qui doit interroger. Je resterai très terre à terre pour en décrire le contenu. Certains détails sont abjects : une personne que je défends a appris le décès de son père par un SMS de l'entreprise de pompes funèbres lui demandant la carte nationale d'identité du défunt. Sans avoir rien de pénal, c'est assez symptomatique des récits que nous entendons depuis deux ans.
On a beaucoup parlé de l'établissement Orpea de Neuilly‑sur‑Seine, dont les tarifs peuvent aller jusqu'à 12 000 euros par mois. Nous défendons une femme dont la mère y résidait. Alors que nous avions déposé une plainte le 12 novembre 2020, le parquet de Nanterre a décidé d'ouvrir une enquête préliminaire le 28 janvier 2022, soit deux jours après la parution des Fossoyeurs – comme c'est curieux ! Sans porter atteinte au secret de l'enquête, je vous dirai que la fiche d'observation médicale de la brigade des sapeurs‑pompiers indique que la personne a été retrouvée inconsciente vers 9 heures 45 après une atteinte cardiovasculaire, qu'elle n'avait pas été vue la veille, aucun personnel soignant ne s'étant rendu dans sa chambre entre 10 heures 30 et 18 heures 30. Pour parler concrètement, cette personne est décédée, dans ses excréments et ses urines. Désolé de le dire ainsi, mais voilà les sujets dont on parle, et qui sont le quotidien de mon cabinet. Cela recouvre des infractions pénales, homicide involontaire, non‑assistance à personne en danger et mise en danger de la vie d'autrui.
Passons à Korian – il y en aura pour tout le monde – et à son établissement de Clamart, l'EHPAD Bel Air. Dans ce dossier, de multiples courriers ont été adressés à l'ARS : nous attendons encore les réponses ; une information judiciaire est en cours, nous attendons toujours les premières mises en examen – si le juge d'instruction m'entend, ce sera avec plaisir ! Les petits‑enfants que je défends se sont trouvés dans l'obligation de faire venir le médecin de famille pour qu'il constate l'état particulièrement désastreux dans lequel se trouvait leur grand‑mère. Celui‑ci attestera, dans le cadre de la procédure, qu'il n'a pas vu trace de visites médicales récentes ni d'informations actualisées sur l'état de santé de cette personne.
Allons à Belfort, maintenant, à l'EHPAD Résidence La Rosemontoise, un établissement qui a aussi fait beaucoup parler de lui. Ce qui est extraordinaire, c'est qu'il a été placé sous administration provisoire... Cela signifie que l'État a considéré qu'il n'était plus possible que cet établissement continue de fonctionner ! Je défends la famille d'une aide‑soignante, décédée à l'âge de 53 ans, en raison de règles d'hygiène et de sécurité défaillantes – le mot est faible. Ce dossier contient une multitude de rapports évoquant un « management des ressources humaines particulièrement inadapté, voire dangereux, pour la prise en charge des résidents », une « sécurité aléatoire de l'EHPAD, avec parfois des mises en danger des résidents » – une infraction pénale –, « des conditions d'accueil non conformes aux règles sanitaires et d'encadrement ». Des aides‑soignants ont quant à eux indiqué que « la prise en charge des résidents tels que nous devons la faire, avec respect, n'est plus possible ».
Cette plainte a été déposée il y a plus d'un an et demi, une information judiciaire a été ouverte. Peut‑être n'y a‑t‑il plus d'électricité à Belfort ? Mes clients n'ont toujours pas été auditionnés en qualité de partie civile et il n'y a pas le début d'une mise en examen ! Cela me soulage de vous le dire : je ne comprends tout simplement pas.
Si vous voulez l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire, il faut aller aux Lilas, voir l'EHPAD d'Orpea. Le dossier commence en 2019 – le covid, qui offre aux groupes une façon commode de se défendre, a bon dos –, avec des constats de délaissement, de maltraitance, d'abandon, de carence de soins. L'ARS a été alertée. Réponse d'Orpea : « Une nouvelle sensibilisation de nos collaborateurs est effectivement nécessaire. » J'y vois quasiment un aveu judiciaire.
Dernier exemple, tout aussi révélateur parce qu'il permet de parler du rôle de l'ARS. Il s'agit de l'EHPAD Résidence Amaraggi, un établissement médico‑social qui accueille des personnes dépendantes, notamment atteintes de la maladie d'Alzheimer. La structure est associative. Nous avons réussi à obtenir l'ouverture d'une enquête préliminaire – je vais commencer à les encadrer. Là encore, les constats sont affligeants. En décembre 2018, un rapport de l'ARS fait état de « l'instabilité des équipes soignantes », de « l'insuffisance de personnel soignant », du « recours trop important à un nombre de vacataires », de « la dispersion des informations médicales relatives aux résidents entre différents supports ne permettant pas une prise en charge optimale des résidents », de « l'absence de traçabilité de la formation des personnels soignants », de « l'absence de plan d'action sur la prise en charge médicamenteuse et de système documentaire complet actualisé relatif au circuit du médicament » – ce qui signifie, en clair, que des personnes n'ont pas eu les bons médicaments –, de « l'absence de quantité suffisante de flacons de solution hydro‑alcoolique mis à disposition, malgré l'existence d'un protocole friction hydro‑alcoolique des mains ». Tout cela figurait dans le rapport de l'ARS, dès 2018 ; l'administration était au courant : chronique d'un désastre annoncé ! Là encore, dans ce dossier, il n'y a pas le début d'une mise en examen ni d'une audition.
Je pourrais vous parler des heures de ces dossiers, tant ce que nous constatons chaque jour est hallucinant. C'est vous qui faites la loi. En ce qui me concerne, je peux seulement vous demander de réfléchir à certaines choses.
Il faudrait, de mon point de vue, que ces dossiers soient confiés à des services d'enquête spécialisés, et non, comme c'est souvent le cas, au commissariat du coin qui, soit dit en passant, n'a souvent même pas de papier dans son imprimante... Je ne reviens pas sur l'état de la justice et sur le manque de moyens des magistrats et des greffiers, mais c'est du même ordre... Confions ces dossiers à des services d'enquête spécialisés et centralisons les plaintes dans des pôles de santé publique, avec des magistrats instructeurs qui ont l'habitude de ce type de dossier, pourquoi pas des cosaisines, et des greffiers en nombre. La loi pourrait par ailleurs renforcer sensiblement les contrôles de ces établissements qui, pardonnez‑moi de le rappeler, vivent de l'argent public qui leur est gracieusement distribué – c'est quand même le problème.
Peut‑être que je m'éloigne un peu de mon rôle d'avocat, mais ce que je note chaque jour, quand je reçois des plaintes, c'est que ces dysfonctionnements, qui sont en réalité des infractions pénales, sont constatés principalement dans des établissements privés. La santé doit‑elle être confiée à des groupes du CAC40 – et je ne parle pas seulement de la santé de nos aînés ? Je ne fais pas de politique, je suis auxiliaire de justice, mais je pense qu'il faut se poser la question.
Vos exposés étaient tellement clairs que je n'ai pas beaucoup de questions à vous poser.
Je partage votre avis, monsieur, au sujet du service d'enquête spécialisé et je pense que c'est l'une des préconisations que nous pourrions faire. Les commissariats pourraient continuer de recevoir les plaintes mais il faudrait qu'elles soient ensuite traitées par des personnes spécialisées dans ce type de dossier : c'est ce qui se fait pour les violences envers les élus. Centraliser les plaintes nous permettrait par ailleurs d'avoir une vision d'ensemble de la situation, d'évaluer le nombre de cas de maltraitance en France et de connaître l'étendue des dégâts.
J'aimerais revenir, madame Saldmann, sur l'attitude des soignants. Les témoignages des familles, que nous avons entendues ce matin, m'ont vraiment interpellée. Nous ne remettons pas en cause le rôle des soignants, mais il est difficile de comprendre, par exemple, qu'une infirmière ne réagisse pas lorsqu'on lui fait signe. Quelle pression les soignants peuvent‑ils subir pour agir de la sorte, sachant que certains d'entre eux sont soumis à un code de déontologie ? Le livre dit bien que certains soignants, lorsqu'ils rentrent chez eux le soir, sont malades, parce qu'ils ont l'impression de commettre des actes de maltraitance dans l'exercice de leur métier. Les familles que vous recevez mettent‑elles en cause le personnel soignant ?
En votre qualité d'avocat, vous représentez un très grand espoir pour les familles en détresse, et vous êtes un peu le catalyseur de toutes ces détresses.
L'ouvrage de Victor Castanet a libéré la parole. Quand je vois le nombre de messages que nous recevons depuis sa publication, je me dis que vous devez, quant à vous, recevoir énormément de plaintes. Vous nous avez expliqué que vous alliez lancer des actions collectives en justice, mais je n'ai pas compris pourquoi vous aviez fait le choix de disjoindre les affaires Orpea et Korian. Pourquoi avoir lancé une procédure pour chaque groupe ?
Vous avez dit que les familles n'avaient souvent rien fait parce qu'elles étaient en deuil, mais je m'étonne qu'elles n'aient pas exprimé leur colère. Comment expliquer que ces familles n'aient pas porté plainte aussitôt ? Que craignaient‑elles ?
Je me dis, enfin, que les soignants ont dû subir une pression terrible pour ne pas oser témoigner. Il faut qu'ils comprennent que, plus vite ils parleront, plus vite nos EHPAD seront restructurés et réaménagés. Il est essentiel que les familles des résidents parlent, mais nous avons besoin aussi d'entendre les soignants. Ils sont eux aussi les victimes d'un système et il est essentiel qu'ils s'expriment. Puissent nos échanges le leur faire comprendre.
Comment expliquer que certains signalements ou certaines plaintes aient été classés sans suite ? Est‑il possible de les relancer ou de les intégrer aux plaintes qui sont déposées ces jours‑ci ?
Le livre de Victor Castanet a été un détonateur. Il a mis fin à l'omerta et entraîné une recrudescence des plaintes, des signalements et des témoignages sur la maltraitance en EHPAD, de la part des familles, comme des professionnels. Les personnes qui prennent la parole témoignent pour elles, pour leurs proches, mais aussi pour les résidents à venir. Les témoignages que nous avons entendus ce matin étaient particulièrement poignants.
Vous nous avez déjà dit beaucoup de choses mais, en tant qu'avocats des familles, pouvez‑vous nous éclairer encore davantage sur ce système ? Envisagez‑vous un procès ? Vous semblerait‑il utile ?
La question qui nous réunit est du ressort de la justice, mais c'est aussi un problème sociétal et il ne serait pas honnête de notre part de dire que nous n'avions jamais entendu parler de ces dysfonctionnements. Notre responsabilité est très largement engagée.
Nous aurions pu créer une commission d'enquête, certains d'entre nous continuent d'espérer qu'il y en aura une, mais ce n'est pas le choix qui a été fait. Nous avons auditionné les dirigeants des groupes Orpea et Korian, mais il faudrait pouvoir aller au‑delà de leur témoignage et mener des investigations plus poussées, si nous voulons savoir ce qui se passe vraiment. Nous savions qu'il y avait des dysfonctionnements, mais nous ne pouvions pas imaginer qu'ils étaient de cette ampleur. Certains d'entre eux feront probablement l'objet, malgré tous les obstacles que vous avez décrits, d'une décision de justice, mais d'autres relèvent de la politique publique.
On parle beaucoup du manque de contrôle, mais ce ne sont pas les contrôles qui garantissent le bon fonctionnement d'une société. Ils sont certes nécessaires, mais ceux qui ont été menés jusqu'à présent se sont révélés peu efficaces. Ce qui nous paraît essentiel, ce qui est de notre ressort et du ressort du Gouvernement, c'est de mener des politiques susceptibles de prévenir ces dysfonctionnements. Nous avons déjà pris des mesures, mais elles sont peu connues de nos concitoyens, et elles sont nettement insuffisantes. Ce livre nous oblige à aller plus loin.
Pensez‑vous que l'ouverture d'une commission d'enquête faciliterait vos propres investigations ?
Même si nous avions connaissance de dysfonctionnements dans un certain nombre d'établissements, nous n'imaginions pas qu'autant de plaintes seraient déposées. L'affaire Orpea englobe beaucoup de choses : des plaintes pour maltraitance, qu'il faudra prouver et qualifier, mais aussi l'existence d'un système qui pourrait les expliquer. Une commission d'enquête permettrait‑elle, selon vous, d'aller plus loin que ce cycle d'auditions organisé par la commission des affaires sociales ?
J'aimerais vous poser des questions un peu plus précises sur les plaintes que vous avez reçues. Selon vous, combien de temps faudra‑t‑il pour que ces procédures aboutissent à une condamnation judiciaire ? Quelles sont les peines envisageables ? Que risquent les personnes qui font l'objet de ces plaintes ?
Si j'ai lancé une action collective contre le groupe Orpea, avant de le faire contre le groupe Korian, c'est tout simplement parce que les premières familles qui se sont adressées à moi avaient un parent dans un établissement du groupe Orpea – surtout dans celui de Neuilly‑sur‑Seine, mais aussi à Boulogne‑Billancourt. Peu à peu, le bouche‑à‑oreille a fonctionné, mais il se concentrait sur Orpea. À cette époque, je n'avais aucune raison de me pencher sur le groupe Korian.
Je trouve qu'il est très culpabilisant de demander aux familles pourquoi elles n'ont rien fait. C'est comme lorsqu'on reproche aux femmes battues de n'avoir rien dit : ce n'est pas acceptable. Il faut savoir que des personnes m'écrivent en me disant que leur mère est chez Orpea, mais qu'elles ne vont pas porter plainte, parce qu'elles n'ont pas d'autre solution et qu'elles craignent des représailles. Tout le monde ne dispose pas d'un appartement et des moyens d'embaucher trois personnes vingt‑quatre heures sur vingt‑quatre pour s'occuper de son parent.
La position des familles vis‑à‑vis des soignants est très variable. Certaines personnes ne supportent pas qu'un soignant parle mal à leur parent ; d'autres se disent qu'il est seul pour gérer un étage, qu'il est dépassé et qu'il ne peut pas faire autrement.
On me demande pourquoi je ne défends pas les soignants. Il faut être un peu cohérent : je ne peux pas à la fois mettre en cause des soignants et les défendre. Les soignants sont souvent mal rémunérés. Je reçois beaucoup de courriers de femmes seules : elles me disent qu'on leur a bien fait sentir que si elles quittent leur emploi, elles ne retrouveront pas de travail. La pression qu'elles subissent est impressionnante.
J'ai moi‑même l'impression de subir des pressions de la part de ces groupes. Je reçois toutes sortes de messages : offres de garde du corps privé et demandes de stages farfelues ; courriers dans lesquels on me dit de faire attention à moi ; propositions de trier mes courriers relatifs aux affaires Orpea et Korian ; lettres anonymes écrites à la main, où l'on me conseille d'arrêter tout, parce que ce n'est pas prudent. On me dit que je suis trop jeune, que je vais me faire bouffer. Quand je vois tout cela, je comprends que les familles aient peur ! Et s'ils se permettent de se comporter comme ça avec moi, qui suis avocate, imaginez ce qu'ils font aux soignants !
On me demande pourquoi les soignants ne font rien, mais que voulez‑vous qu'ils fassent ? On leur dit qu'ils ont une armée d'avocats en face d'eux, que s'ils font quoi ce que soit, ils perdront leur travail, et que ça ne s'arrêtera pas là. Les soignants doivent nourrir leur famille, alors ils se taisent : je ne les en blâme pas. Et s'ils sont maltraitants malgré eux, je ne leur jette pas la pierre.
Je veux bien entendre que le livre de Victor Castanet ait fait l'effet d'une bombe pour le grand public, mais il y avait eu d'autres signaux auparavant. Pour n'en citer que deux, je pense à un reportage d'Élise Lucet pour l'émission « Envoyé spécial », diffusé en 2018, qui était tout à fait éclairant et bien mené, ou au livre d'Élise Richard, Cessons de maltraiter nos vieux, qui a paru aux éditions du Rocher. Nous avons eu beaucoup de signaux d'alerte, mais je note que rien n'a été fait depuis 2018.
Je vous prie de m'excuser : j'ai parlé de « commission d'enquête » et j'ai compris que je n'avais pas employé les bons termes. Ce n'est pas à moi de vous dire s'il faut en créer une : je suis avocate et mon rôle est de faire avancer la justice.
Il faudra beaucoup de temps pour obtenir des décisions de justice. Qu'attendent les familles qui s'adressent à moi ? On ne fera pas revenir leurs parents. La plupart d'entre elles ne demandent pas d'argent, parfois seulement un euro symbolique. Elles ne sont pas pressées, mais elles veulent que justice soit faite, pour leur proche, mais aussi et surtout pour les autres. Leur engagement est d'ordre moral. S'agissant des plaintes laissées sans suite, je laisserai mon confrère vous répondre.
Il faut davantage de contrôles, mais il faut surtout qu'ils soient inopinés : s'il y en a un tous les huit ans et que les établissements sont prévenus à l'avance, je n'appelle pas cela un contrôle, mais une visite de courtoisie.
Je suis avocate, mais nous ne sommes pas au tribunal et je n'ai pas à me prononcer sur les propos que Mme Sophie Boissard a tenus hier. Ce qui est certain, c'est qu'il ne faut en aucun cas culpabiliser les victimes.
Les services d'enquête spécialisés existent déjà : je pense par exemple à la brigade de répression de la délinquance contre la personne, à Paris. Le problème, et j'ai du mal à le comprendre, c'est que le procureur de la République a tendance à confier ces affaires au commissariat de police local. On veut faire des tas de réformes dans le domaine de la justice, alors qu'on a souvent tous les outils qu'il nous faut : c'est le cas des services d'enquête spécialisés.
J'ai cru comprendre que les échéances électorales ne vous permettront pas de créer une commission d'enquête parlementaire mais, pour ma part, je pense effectivement que vous devriez le faire. Vous pourriez mener des investigations plus poussées, et puis, il me semble qu'on n'a pas le droit de mentir devant une commission d'enquête... On gagnerait à comparer les propos tenus dans le cadre de cette commission avec ceux qui sont tenus ailleurs.
Pourquoi les familles ne déposent‑elles pas plainte plus rapidement ? Les propos de ma consœur sont assez éclairants : on parle quand même d'un auxiliaire de justice qui reçoit des menaces ! J'ai observé une autre chose, qui témoigne de méthodes pour le moins particulières. Lorsque des familles ont commencé à porter plainte ou à s'exprimer, elles ont reçu des courriers qui leur étaient directement adressés par les avocats de ces grands groupes. On leur disait que leurs propos pouvaient tomber sous le coup de la loi de 1881 sur la presse, qu'ils relevaient de la diffamation. Or la déontologie aurait voulu que ces courriers soient adressés à leurs avocats, puisqu'elles en avaient un. Quand un avocat reçoit ce genre de courrier, ça le fait plutôt rire, mais quand c'est un particulier, il appelle son avocat pour lui dire qu'il préfère tout arrêter.
Sur les délais et les peines encourues, je ne peux pas vous répondre. Il est effectivement possible, après un classement sans suite, de déposer une plainte avec constitution de partie civile. Encore faudrait‑il que la justice ait le temps de travailler sur ces questions, qu'on lui rappelle qu'il s'agit de dossiers prioritaires. Une condamnation pour homicide involontaire, non‑assistance à personne en danger ou mise en danger de la vie d'autrui peut entraîner des peines d'emprisonnement et des amendes importantes.
Un ancien directeur de l'ARS Île‑de‑France a déclaré qu'à l'époque où il était en fonction, il y avait déjà eu des suspicions de rétrocommissions au sein de ces groupes. Tout cela, on le sait depuis de nombreuses années ! Homicide involontaire, maltraitance, intimidation, rétrocommissions, peut‑être même délit d'initié : cela fait beaucoup ! Je vous remercie de nous recevoir, mais si la représentation nationale ne s'empare pas de ces questions, par exemple en créant une commission d'enquête parlementaire, qui va le faire ? Vous n'avez pas le pouvoir judiciaire mais il me semble que, dans l'État de droit qui est le nôtre, vous pouvez avancer de votre côté, et la justice, du sien.
Puisqu'il en a beaucoup été question, j'aimerais revenir sur le choix qu'a fait la commission des affaires sociales de ne pas se constituer en commission d'enquête. Il nous a semblé que le temps nécessaire à l'installation d'une commission d'enquête nous aurait fait perdre en réactivité. Nous travaillons sur cette question depuis le 1er février, de manière sérieuse et soutenue. La représentation nationale compte bien ne pas se laisser intimider et aller jusqu'au bout.
Je salue votre courage à tous deux.
Nous comptons faire toute la lumière sur cette affaire et, s'il faut aller plus loin, nous le ferons. Les auditions que nous avons déjà menées, comme les missions « flash » qui sont en cours, montrent que nous ne pourrons pas nous arrêter là. Les Français nous regardent et nous devrons nous emparer de la question du grand âge et de la dépendance. Mais, comme vous l'avez rappelé, nous devons aussi tenir compte des échéances à venir et nous ne sommes pas maîtres du calendrier.
Je tiens également à rappeler qu'une double enquête, menée par l'Inspection générale des affaires sociales et par l'Inspection générale des finances, a été diligentée par la ministre déléguée chargée de l'autonomie, Mme Brigitte Bourguignon. Elle devrait apporter un certain nombre de réponses.
Enfin, je tiens à dire que je me félicite de la manière dont se déroulent nos débats, car nous ne sommes pas tombés dans la politique politicienne. Quel que soit notre groupe politique, nous sommes touchés par ce que nous entendons, et par ce scandale. Nous avons, toutes et tous, l'envie de travailler ensemble pour faire en sorte que nos aînés, dans notre pays, soient mieux accompagnés.
La séance est levée à douze heures quarante‑cinq.
Présences en réunion
Réunion du jeudi 17 février 2022 à 11 heures 30
Présents. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Monique Iborra, Mme Fadila Khattabi, Mme Monique Limon, M. Thierry Michels, Mme Michèle Peyron, M. Alain Ramadier, Mme Valérie Six, M. Boris Vallaud, Mme Laurence Vanceunebrock, Mme Annie Vidal
Excusés. – M. Thibault Bazin, Mme Justine Benin, Mme Jeanine Dubié, Mme Claire Guion-Firmin, M. Thomas Mesnier, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Marie-Pierre Rixain, Mme Nicole Sanquer, Mme Hélène Vainqueur‑Christophe