Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Réunion du mercredi 1er décembre 2021 à 16h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Commission d'enquête Chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Mercredi 1er décembre 2021

La séance est ouverte à seize heures cinquante-cinq

(Présidence de M. Meyer Habib, président)

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Nous auditionnons aujourd'hui M. Christophe Dansette. Vous êtes journaliste à France 24. Je vous ai longuement parlé pour la première fois il y a quelques jours. Vous avez enquêté sur la terrible et triste affaire du meurtre de Sarah Halimi. Vous habitiez dans le quartier, comme vous nous l'expliquerez aujourd'hui. Votre enquête est importante et déterminante. Je l'ai écoutée en présence de ma collaboratrice et de la rapporteure Mme Florence Morlighem. Je vous donne immédiatement la parole pour un propos liminaire qui durera aussi longtemps que vous le souhaiterez, avant que nous vous posions nos questions. Nous souhaitons vous entendre sur la longue enquête que vous avez menée, documentée et nourrie de plusieurs enregistrements.

Auparavant, je rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(M. Christophe Dansette prête serment)

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Le témoignage que j'ai apporté a été transmis au procureur général de la République dans le cadre de la procédure en révision intentée par Me Melki et Me Bloch, avocats du frère de la victime. Mon enquête est en cours et j'aurais préféré intervenir plus tard dans votre commission. Je suis cependant conscient que votre agenda est contraint et j'ai par conséquent accepté d'être auditionné aujourd'hui.

Mon témoignage a été transmis par oral puis par écrit il y a une dizaine de jours. Je suis journaliste à France 24 et je me suis intéressé très tôt à l'affaire Halimi, car j'habitais rue Morand dans le 11e arrondissement de Paris. Une alerte du Parisien évoquant une personne asiatique défenestrée m'a interpellé le 4 avril 2017. J'ai compris la raison pour laquelle j'avais vu des policiers à l'angle de la rue de Vaucouleurs et de la rue de la Fontaine-au-Roi ce matin-là en allant déposer ma fille à la crèche rue du Moulin Joly. Le 5 avril, j'ai été stupéfait de découvrir un communiqué du bureau national de vigilance contre l'antisémitisme (BNVCA), auquel je suis abonné, annonçant « apprendre avec effroi qu'une dame de 66 ans de confession juive a été défenestrée dans la nuit du 3 au 4 avril ». Aujourd'hui encore, je m'interroge sur ce qui a pu rendre possible une telle confusion sur l'identité de la victime dans l'article du Parisien.

La vocation de France 24 n'étant pas de traiter de faits divers, j'ai attendu quelque temps avant de proposer à ma rédaction d'enquêter sur le sujet. J'ai réalisé un reportage pour notre case Focus, proposant des émissions d'environ cinq minutes, au mois de juillet 2017. La prise de parole du Président de la République Emmanuel Macron, lors de la cérémonie du Vél'd'Hiv, a justifié que France 24, chaîne internationale, traite d'un tel sujet. Le journaliste Jean Barrère et moi nous sommes rendus sur place et avons filmé la cour de l'immeuble et le balcon de l'appartement de Mme Sarah Halimi. Nous avons également mené une enquête de voisinage. Nous avons tous deux été étonnés de rencontrer des témoins, des voisins, qui n'avaient jamais été interrogés par la police, alors qu'ils avaient assisté à toute la scène. Ils avaient tout vu ou du moins entendu, car ils s'étaient pour la plupart cachés par crainte de tirs, marqués par les souvenirs de ce qui s'est passé pas très loin de là. Certains d'entre eux avaient aussi enregistré par audio ou vidéo une partie de la scène. Aucun n'a accepté de nous montrer ou de nous confier ces enregistrements. Nous avons rencontré une certaine Mme V., que vous avez auditionnée par la suite. Elle n'avait pas témoigné devant la police et avait refusé de parler devant notre caméra lorsque nous l'avions rencontrée. Nous l'avions convaincue que son témoignage était essentiel et qu'elle devait se rendre au commissariat. Sans nous, elle n'aurait pas été entendue par la police. Le fait que des témoins aussi importants n'aient pas été interrogés par la police nous a fortement interpellés.

Dans le cadre du reportage, nous avons rencontré la famille de la victime, et notamment son frère, M. William Attal, avec qui je suis toujours en contact. J'ai continué à suivre de loin cette affaire et ses rebondissements par intérêt. L'affaire est revenue à moi par hasard cet été. J'ai rencontré un des membres du personnel soignant de l'hôpital Esquirol de Saint-Maurice où M. Kobili Traoré est actuellement hospitalisé. Je souhaite protéger l'identité de cette personne et ne préciserai pas s'il s'agit d'un homme ou d'une femme ni la fonction qu'il ou elle exerce. J'ai souhaité retarder l'audition pour revoir cette personne, à qui j'ai pu parler hier. Voici les propos qu'elle m'a rapportés.

Premièrement, selon cette source, M. Kobili Traoré ne prend pas de traitement. Il n'est pas malade. Selon ma source, c'est un grand simulateur. « Je l'ai déjà vu à l'œuvre », m'a-t-elle dit. Il fume toujours du shit. Il n'en consomme plus vraiment, ou en tout cas moins, au sein de l'unité, mais plutôt lorsqu'il se rend à la cafétéria. Il y a trois jours, ma source a été témoin de manière certaine qu'il avait fumé du shit. En revanche, alors qu'il était soupçonné pendant un temps de dealer au sein de l'hôpital, ma source affirme qu'actuellement il ne deale plus : « le dealer, ce n'est pas lui ».

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Votre source vous a expliqué que, par le passé, il avait dealé.

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Il avait dealé et qu'actuellement ce n'est plus le cas. Il a récemment obtenu des permissions de sortie et a pu passer un week-end dans sa famille.

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Il s'est rendu, accompagné, chez sa mère pendant un week-end à deux reprises.

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Accompagné.

Au quotidien, M. Kobili Traoré passe beaucoup de temps dans sa chambre, il regarde beaucoup la télévision, ne participe pas beaucoup aux activités et reste en retrait sauf quand il fait du sport. Il pratique en effet beaucoup de sport, notamment du football. Il est très religieux et ne manque jamais une des cinq prières de la journée. Il peut s'énerver rapidement, il est impulsif, mais n'est pas malade, selon ma source. Il aurait peur de beaucoup de choses : « c'est une flipette », selon les mots de ma source. Il a refusé d'être soigné par une infirmière de confession juive pendant un temps, car il avait peur, disait-il, « d'être repris par ses démons et de recommencer ».

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Il y avait une infirmière de confession juive parmi le personnel soignant. Il refusait, pendant un temps, d'être soigné par elle, parce qu'il avait peur d'être repris par ses démons et de recommencer. Mais il semblerait que ce refus ait été plus ou moins orchestré par un autre membre du personnel soignant qui lui aurait monté cette idée à la tête. Cet autre membre du personnel soignant ne travaille plus dans l'unité et le différend avec l'infirmière de confession juive serait aujourd'hui résolu. Cette infirmière s'occupe de nouveau de lui. Ma source affirme que M. Kobili Traoré s'en veut beaucoup de ce qu'il lui a fait.

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. Merci pour ce témoignage que je souhaitais que la commission entende. Vous m'avez précisé lorsque nous nous sommes parlé au téléphone que cette source a été enregistrée. Je sais que vous désirez préserver son anonymat. Avez-vous des enregistrements audio de ses témoignages ?

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

. Oui. Je souhaite préserver l'anonymat de ma source, donc je ne souhaite pas les diffuser. Ils me serviront en cas de contradiction prononcée.

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Beaucoup de proches de Sarah Halimi me demandent de vous auditionner. Nous avions initialement décidé de ne pas le faire. Finalement, j'ai décidé de vous appeler. Je précise que la première fois où je vous ai parlé, ma collaboratrice et la rapporteure étaient présentes.

Votre fille allait à la crèche de la rue du Moulin Joly. Beaucoup de jeunes étudiants habitaient dans un troisième immeuble. Tous ont entendu la scène, mais aucun n'a été convoqué par la police. Selon vos sources, combien de temps a duré le massacre de Mme Halimi ? Nous avons auditionné certains de ces témoins, parfois à huis clos et nous préservons donc leur anonymat. Pourriez-vous nous en dire davantage sur les témoins que nous n'avons pas auditionnés ?

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Il faut d'abord savoir que le balcon d'où a été défenestrée Sarah Halimi donne sur une cour.

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Nous sommes six ici présents à nous être rendus sur les lieux.

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Trois, voire quatre, immeubles donnent sur cette cour. Les deux immeubles de la rue de Vaucouleurs où se trouvent les appartements de Sarah Halimi et de la famille Diarra. Deux autres immeubles donnent sur la cour. L'un se trouve rue du Moulin Joly. L'autre, un immeuble rouge, plus moderne, est une résidence étudiante. Nous nous sommes peu attardés rue de Vaucouleurs, car il était plus difficile de filmer les lieux. Lorsque nous avons filmé la cour, la gardienne puis des habitants nous ont demandé de partir. Nous avons passé davantage de temps dans l'immeuble de la rue du Moulin Joly et dans la résidence étudiante. Les appartements de cet immeuble donnent sur un couloir extérieur qui ressemble à un balcon. Les étudiants ont entendu ce qui se passait et sont sortis sur cette coursive. Certains d'entre eux ont assisté à la scène.

Concernant la durée de la scène, je n'ai pas de souvenir précis, mais les témoins ont souligné qu'elle a été longue et interminable pour eux.

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C'était long et interminable. L'un des témoins a indiqué que la scène avait duré une heure. Il est évident que la scène n'a pas duré une heure, mais entre douze et quatorze minutes. Toutefois, le temps passe très lentement quand il s'agit du massacre d'une femme à poings nus.

Vous habitiez dans le quartier à cette époque. Nous pouvons imaginer la part d'inquiétude que représentait cette affaire notamment pour vos enfants qui fréquentaient la crèche voisine. Au début, vous dîtes que le Parisien s'est trompé, en indiquant qu'il s'agissait d'une femme asiatique. Quand avez-vous appris qu'elle était juive ? Vous expliquez qu'une enquête de voisinage a eu lieu avec la gardienne. Pourriez-vous nous en dire davantage ? Juste après le crime, indirectement, vous avez interrogé des témoins qui n'ont pas été entendus par la police. L'une de ces témoins, que nous avons auditionnée, a décidé de se rendre au commissariat sur votre suggestion.

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Nous avons beaucoup insisté pour qu'elle se rende au commissariat.

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Selon elle, la police ne lui avait jamais demandé de témoigner à l'époque ?

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Non, elle n'avait jamais été convoquée par la police, qui ne connaissait même pas son existence. Son témoignage nous paraissait pourtant très important pour l'enquête.

Concernant l'article du Parisien, j'ai travaillé dans un journal d'information locale, et j'en connais le fonctionnement. Chaque matin, un membre de l'équipe de rédaction procède à une tournée par téléphone des commissariats et des pompiers pour recenser les nouvelles de la nuit. C'est sûrement ce qui s'est passé dans le cas du Parisien. Un policier a probablement parlé à un journaliste du Parisien de cette affaire de défenestration. Je peine en revanche à comprendre la confusion sur l'identité de la victime, alors que les policiers ont tout de suite su qui elle était, même si le corps était très abîmé.

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Le corps, hélas, était très abîmé. Je ne le décrirai pas davantage, car nous sommes en audition publique. Avez-vous d'autres éléments à apporter sur la gardienne ou sur la personnalité de M. Traoré ?

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Nous avons mené notre enquête au mois de juillet. Seuls deux reportages avaient été diffusés sur le sujet depuis le mois d'avril, l'un sur France 3 et l'autre sur i24news. Nous proposions le reportage le plus long et le plus complet sur le sujet à ce moment.

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En êtes-vous étonné ? M. William Attal m'a appelé le vendredi suivant le crime. J'étais avec deux collaborateurs qui ont entendu la conversation, j'avais activé le haut-parleur, car je sentais que le moment était historique. J'ai eu beaucoup de mal à comprendre pourquoi personne ne parlait de cette affaire. Il a fallu attendre, après l'élection législative, la première séance des questions au gouvernement pour que je demande et obtienne de mon groupe le droit de poser une question sur le sujet. À ce moment, j'employais le terme de déni pour aborder cette affaire. Comment expliquez-vous que personne ne parlait de cette affaire, à l'exception de ces deux reportages ?

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Je n'ai pas d'explication à vous offrir. Nous nous trouvions dans la période de l'entre-deux-tours. En 2012, la campagne présidentielle avait déjà été interrompue par l'affaire Merah. Peut-être subsistait-il une crainte que l'affaire ne prenne des proportions trop importantes. Une autre possibilité est qu'un doute pesait déjà sur l'auteur, étant donné qu'il avait été envoyé en infirmerie psychiatrique. Personne ne voulait monter l'affaire alors que la responsabilité du tueur n'était pas tout à fait certaine.

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Les enregistrements dont vous disposez sont très importants. Votre source vous paraît-elle tout à fait crédible ?

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Je lui ai demandé hier : « est-ce que tu me racontes des bobards ? ». Je lui ai expliqué qu'en tant que journaliste, je ne peux pas raconter des faits qui ne seraient pas vrais. Je ne peux être entièrement sûr de ses propos, ils relèvent du témoignage.

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Vous dîtes que la source indique que M. Traoré n'est pas sous traitement. Nous avons auditionné des psychiatres, qui ne s'occupent pas actuellement de lui, comme le Dr Paul Bensussan. Ce dernier soutient qu'il est sûr, sans le savoir précisément en raison du secret médical, que M. Traoré est sous traitement. Votre source est en contact quotidien avec lui. Quand l'avez-vous rencontrée pour la première fois ?

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Je l'ai rencontrée par hasard au mois d'août 2021. Depuis, je l'ai rencontrée quatre fois. Je voudrais une deuxième source ou d'autres éléments pour confirmer ses dires. J'ai bon espoir d'obtenir ces autres éléments. Il nous est appris en école de journalisme qu'au moins deux sources sont nécessaires pour réaliser un bon article.

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C'est en effet indispensable. Même si la source vous paraît crédible, une deuxième est nécessaire, en sachant que le secret médical complique l'obtention d'informations. Vous m'avez dit devant témoins lorsque nous nous sommes parlé au téléphone la semaine dernière et avez répété aujourd'hui que M. Traoré est un grand simulateur. Les diagnostics psychiatriques réalisés par des médecins évoquaient ses simulations. Pourriez-vous nous en dire davantage ?

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Ma source ne m'a pas donné de détails. Elle m'a dit : « crois-moi, c'est un grand simulateur, je l'ai vu à l'œuvre ». Il serait capable de jouer la folie face à un médecin.

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Vous m'avez indiqué que votre source dit qu'il n'est pas fou.

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Elle m'a dit : « Traoré n'est pas malade, il fait semblant d'être malade, mais tant que la justice considère qu'il est malade, nous on ne peut rien faire, on n'a pas le pouvoir. Même si un psychiatre aimerait bien le faire sortir, si la police, la justice et la préfecture ne veulent pas, il reste avec nous. »

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La semaine dernière, vous nous avez dit au téléphone que M. Traoré était sorti et qu'il se promenait au jardin du Luxembourg. Est-il courant d'être autorisé à sortir au jardin du Luxembourg ou de partir en week-end pour les malades de cette unité ? Combien de fois est-il sorti ?

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

. La source indique qu'il est sorti au moins à deux reprises le week-end.

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Nous avons entendu ces informations, à plusieurs reprises. Nous avons par ailleurs cru comprendre des propos du Dr Paul Bensussan que le quotidien dans cette unité était plus compliqué qu'en prison, qu'il était absolument impossible d'en sortir et que l'hospitalisation pouvait durer de très longues années. Votre source a-t-elle évoqué des informations sur sa date de sortie ? M. Traoré espère-t-il sortir bientôt ?

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Je ne connais pas la procédure, mais je sais que M. Traoré a eu un rendez-vous à la préfecture il y a un mois et demi environ. Je ne pense pas que ce soit la préfecture qui statue sur une éventuelle libération. Il attend en tout cas une réponse de la préfecture d'ici trois à six mois.

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J'essaie de recueillir le maximum d'informations. Vous répondez avec le maximum de réserve et toute votre honnêteté. J'ai décidé qu'il fallait vous auditionner après vous avoir parlé une première fois au téléphone. La rapporteure a réfléchi pendant deux jours avant de donner son accord. Je lui cède maintenant la parole.

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Merci M. le Président. M. Dansette, nous vous auditionnons aujourd'hui dans le cadre d'une commission d'enquête qui vise à identifier d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire Sarah Halimi. L'existence de votre témoignage nous avait été rapportée par M. William Attal lorsque nous nous étions rendus sur les lieux, car il nous avait donné accès à l'appartement de Mme Sarah Halimi. Au cours de cette conversation, vous avez révélé des faits que vous abordez aujourd'hui, et qui peuvent se révéler choquants. J'estime donc qu'il est utile de les entendre. Cela étant, vous travaillez sur source non identifiée, et vos propos ne valent pas une information vérifiée. Vous évoquez l'erreur du Parisien sur l'identité de la victime. J'ai vu des photos de la victime défigurée à la suite de l'acharnement. Elle est tellement défigurée qu'on pourrait penser qu'elle est asiatique. Elle est parfaitement méconnaissable. Son visage est détruit.

Je voudrais attirer l'attention sur le fait que des médecins, notamment à l'Unité pour malades difficiles (UMD) Henri Colin, peuvent suspendre les traitements médicaux, soit de manière transparente, soit à l'insu du patient avec des placebos, précisément pour démasquer les faits de simulation. Cette information m'a été rapportée par des avocats défendant des hospitalisés d'office.

Par ailleurs, je souhaite vous questionner sur la manière dont vous avez rencontré votre source. Vous dîtes que vous l'avez rencontrée par hasard. Cette réponse ne peut me satisfaire. Je comprends que vous couvriez l'identité de votre source, mais cette information est importante.

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

J'ai rencontré cette source dans un restaurant par l'intermédiaire d'autres personnes. Nous ne parlions pas de l'affaire Halimi. À table, au cours de la conversation, j'ai appris que cette personne travaillait avec le meurtrier de Sarah Halimi. Je n'étais pas en train d'enquêter sur l'affaire. Cette personne a évoqué son travail et l'affaire par hasard.

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Lorsque nous avions parlé au téléphone, vous aviez mentionné l'existence d'un SMS dans lequel, selon une source, Traoré aurait dit « je l'ai fait ». Pourriez-vous revenir là-dessus ?

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Je préfère ne pas m'étendre sur ce sujet. Nous sommes en audition publique et je ne souhaite pas rendre publics tous les éléments dont je dispose. Je voudrais creuser encore certains aspects pour continuer mon travail. Dans ce SMS figureraient des phrases disant en substance : « j'ai fait une connerie », « j'ai tué quelqu'un » ou « je l'ai fait ».

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Nous avons évoqué ce SMS à plusieurs reprises avec ma source et la phrase qu'elle rapporte n'est pas toujours la même. Ce SMS a été envoyé juste après la défenestration, trente ou quarante minutes avant l'intervention de la police.

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Plus que cela, presque cinquante minutes, hélas.

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Si l'on se rapporte à la chronologie des événements, M. Traoré a effectivement eu le temps de l'envoyer. Mais je ne veux pas l'évoquer publiquement.

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. Je vous remercie pour ce témoignage très précis, mais aussi très inquiétant, si les faits sont avérés. Dans vos discussions avec votre source et d'autres personnes, l'hypothèse d'une sortie à court terme de Traoré a-t-elle été évoquée ?

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Il est certain que le personnel hospitalier voudrait qu'il sorte, car selon lui, il n'a rien à faire dans leur service et il occupe la place de quelqu'un d'autre. Selon ma source, trois personnes ont récemment été refusées par manque de place. Le personnel aurait besoin de libérer des places. C'est l'une des motivations de ma source. Le personnel hospitalier aurait évoqué l'idée de le faire interner dans un autre pays, notamment au Mali, mais j'ignore si une telle mesure est possible.

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Êtes-vous allé devant l'établissement où il est actuellement interné ? Je souhaiterais savoir à quel point cet établissement est fermé, et si les sorties quotidiennes sont interdites.

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Non, je ne suis pas entré à l'intérieur.

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Je peux comprendre qu'il puisse sortir le week-end sur autorisation médicale.

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Qu'il puisse passer des week-ends chez sa mère, cela est plus complexe.

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Je parle sur autorisation médicale. Je ne dis pas que cela est bien. Peut-il quitter l'établissement dans la journée en toute liberté ?

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

C'est un très grand établissement proche de Paris, un peu plus petit que la Salpêtrière. Il existe plusieurs unités de psychiatrie au sein de cet hôpital. L'aile où se trouve M. Traoré est divisée en trois unités différentes. L'une est extrêmement fermée. La porte est fermée à clé et il faut un badge pour circuler. Les patients portent tous les « tenues Esquirol », avec des chaussures anti-suicide sans lacets. M. Traoré n'est pas dans cette unité, mais dans une autre, qui reste une unité fermée, mais qui lui laisse cependant la liberté de se déplacer à d'autres endroits de l'hôpital comme à la cafétéria. En revanche, il n'est pas autorisé à sortir de l'hôpital et il est constamment accompagné par un membre de l'hôpital quand il sort.

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Peut-être ne sort-il pas tout le week-end, mais seulement le dimanche. Passe-t-il la nuit chez sa mère ?

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Je ne sais pas exactement.

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. Plusieurs personnes que nous avons auditionnées, des médecins, un avocat, ne confirment pas du tout les propos qui vous sont rapportés. Des fenêtres thérapeutiques peuvent être ouvertes dans le cadre du soin. En l'occurrence, il nous a été rapporté que M. Traoré a connu des rechutes. Il serait encore sous traitement selon son avocat et le Dr Paul Bensussan. Vous dîtes qu'il n'est pas interné en hôpital psychiatrique. Il est actuellement en UMD. Il existe une dizaine d'UMD en France, sur des secteurs géographiques particuliers et rattachés à des secteurs de psychiatrie très lourds. Des personnes à la demande des représentants de l'État y sont placées, dans le cadre de ce qui était appelé, avant la loi de juillet 2011, les hospitalisations d'office. M. Traoré est sous ce régime d'hospitalisation. Une éventuelle sortie s'effectuerait dans le cadre d'un programme de soins strictement encadré par les médecins prescripteurs, le directeur hôpital et le préfet en tant que représentant de l'État. Trois niveaux de contrôle s'imposent à ce type de patient. Je suis surpris par ce que vous évoquez. Vos propos ne correspondent pas à un fonctionnement habituel en matière d'organisation territoriale des soins psychiatriques dans les mesures de soin sous contrainte de type de soins psychiatriques à la demande du représentant de l'État (SPDRE).

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. Je précise que M. Hammouche est psychiatre de formation.

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

. Je suis aussi surpris que vous. C'est la raison pour laquelle j'aurais aimé prendre contact avec une deuxième source. Je ne suis pas totalement certain que M. Traoré soit en UMD. Il se trouve dans une unité fermée. Il s'agirait de l'unité Simone Veil à l'hôpital de Saint-Maurice. Beaucoup de choses me paraissent justes dans ce que dit la source.

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Vous nous avez bien expliqué que vos informations venaient de votre source.

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Je sais que la commission a un agenda chargé. Je voulais repousser mon audition afin de vous apporter un témoignage plus sécurisé. En effet, il remet en question un certain nombre d'informations et de faits, à condition qu'il soit juste.

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Depuis le début de cette audition, nous nous appuyons sur un témoignage audio que M. Dansette nous retransmet. Personne ne peut à ce stade vérifier si ces informations sont partiellement ou totalement vraies ou fausses.

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. Merci de venir devant nous. Nous sommes soucieux de ne pas compliquer votre tâche et nous comprenons le moment délicat dans lequel se situe cette audition.

Je souhaitais revenir sur ce que vous avez indiqué au début de votre propos. Votre confrère et vous avez rencontré un certain nombre de témoins qui dans la fatale et tragique nuit du 3 au 4 avril 2017, ont assisté, depuis leurs fenêtres, à la scène qui se déroulait sur le balcon de l'appartement de Mme Halimi. Plusieurs de ces témoins s'étonnaient de ne pas avoir été entendus par la police. Vous avez réussi à convaincre Mme V. de se rendre au commissariat, la police, mais les autres témoins n'ont pas entrepris cette démarche, alors qu'ils auraient pu préciser certains faits. Des procès-verbaux d'enquête de flagrance dont nous disposons font état de nombreux déplacements effectués par les policiers à tous les étages, frappant aux portes de tous les paliers, dans plusieurs immeubles. Il semblerait que cette enquête n'ait pas été menée au sein de la résidence étudiante et nous le notons bien aujourd'hui. Je souhaitais reformuler ces informations afin qu'elles soient clairement énoncées.

Votre source évoque une consommation régulière de cannabis par M. Kobili Traoré. Dans vos différentes conversations avec votre source, cette dernière a-t-elle fait état d'un signalement auprès de la hiérarchie de la consommation d'une substance illégale, qui rentrerait dans les protocoles en usage dans ce cadre d'unité très spécialisée ? Avez-vous abordé la question d'un signalement, ou une forme d'indifférence administrative règne-t-elle sur ce sujet ?

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

. Nous n'avons pas évoqué le sujet d'un signalement avec cette source. Je ne suis allé qu'une seule fois dans un hôpital psychiatrique, et j'ai constaté que dans la cour ou le jardin, un grand nombre de personnes fumait du shit. Chacun doit le savoir au sein de l'hôpital. Je pense que cette pratique est répandue.

Je confirme vos propos sur la résidence étudiante. Nous avons parlé à plusieurs étudiants témoins qui se rappelaient très bien la scène. L'une de ces étudiantes intervient dans le reportage et répète une phrase qu'elle a entendue, outre « Allah Akbar » : « j'ai tué la sheitan du quartier ». Cette personne n'a pas été entendue par la police.

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Avez-vous les enregistrements audio ou vidéo de ces témoignages étudiants ?

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Le reportage de juillet 2017 est encore disponible sur YouTube. Je n'ai pas d'autres enregistrements.

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Les sorties pour les hospitalisés d'office sont décidées par le juge des libertés et de la détention, sur avis médical. Des certificats médicaux doivent exister. Dans le rapport d'expertise de 2018 dont nous disposons, il est spécifié que M. Kobili Traoré est interné à l'UMD Henri Colin. Vous mentionnez l'unité Simone Veil. Savez-vous si l'UMD Henri Colin est dans l'hôpital de Saint-Maurice ?

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Je l'ignore.

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J'ai validé cette audition avec M. le président. Je prends note que vous faites le choix de ne pas répondre à certaines questions du président, sous prétexte que vous n'avez pas suffisamment creusé votre enquête. Je pense qu'il s'agit d'une limite de votre apport aujourd'hui.

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Christophe Dansette, journaliste à France 24

Mon travail est en cours. Je n'ai encore rien publié pour le moment. J'ai besoin de cette deuxième source pour que mon témoignage soit valable. Vous avez souhaité m'entendre, et je suis venu. J'ai prêté serment. Je répète ce que m'a dit ma source. Des éléments paraissent plausibles, d'autres sont très étonnants et parfois choquants. Pour que mon travail journalistique soit parfait, je dois entendre une deuxième source ou disposer d'autres éléments qui prouveraient mes propos.

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. Merci beaucoup. Si j'ai demandé que vous soyez auditionné, alors que je ne l'ai pas fait dans les premiers mois, c'est que la commission arrive bientôt à son terme. Mme la rapporteure doit rendre le rapport avant le 7 janvier 2022, nous allons rentrer dans une période de trêve pendant les fêtes de fin d'année. Je trouvais extrêmement important d'entendre votre témoignage, avec toute votre sincérité et les limites que vous avez précisées. Je ne ferai aucun commentaire. Vous nous aviez fait entendre un premier témoignage, peut-être plus libre et plus long, car il n'était pas public, au téléphone, la semaine dernière. J'ai décidé de vous auditionner en mon âme et ma conscience de président de cette commission qui cherche à faire la lumière sur d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police. Je rappelle que Sarah Halimi a été massacrée et tuée. La personne dont nous parlons l'a massacrée et tuée, puis défenestrée. Cette personne a été reconnue pénalement irresponsable, en raison d'une altération partielle puis totale de discernement reconnue par la justice. Elle ne peut donc aller en cour d'assises. La famille souhaite une révision du procès. Ce n'est pas l'objet de cette commission. Vous nous indiquez que des étudiants n'ont pas été auditionnés. Cette information me semble importante pour notre commission. Vous avez également poussé l'un des témoins auditionnés à témoigner. M. Dansette, je vous remercie.

La réunion se termine à dix-sept heures cinquante. Membres présents ou excusés

Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite Sarah Halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Présents. – Mme Camille Galliard-Minier, M. Meyer Habib, M. Brahim Hammouche, Mme Constance Le Grip, Mme Florence Morlighem, M. François Pupponi

Excusés. – Mme Aude Bono-Vandorme, M. François Jolivet, M. Aurélien Taché