L'audition débute à quatorze heures.
Nous accueillons M. Stéphane Mulliez, directeur général, et Mme Anne Serre, directrice adjointe santé-environnement, de l'agence régionale de santé (ARS) de Bretagne.
Les ARS définissent et mettent en œuvre la politique de santé dans l'espace régional. Au titre de leurs compétences de sécurité et de promotion de la santé, les ARS interviennent en ce qui concerne la prévention et la gestion des risques pour la santé humaine, qu'ils soient liés à l'eau, à l'environnement extérieur ou à la vie dans des espaces clos.
En ce qui concerne la santé environnementale, quelles sont les actions de l'ARS de Bretagne ? Comment participe-t-elle à l'élaboration et à la mise en œuvre du plan régional de santé-environnement (PRSE) ?
(M. Stéphane Mulliez et Mme Anne Serre prêtent serment.)
Anne Serre et moi-même allons rappeler la situation bretonne en matière de santé. L'espérance de vie en Bretagne est un peu inférieure à la moyenne nationale, notamment parce que nous avons une surmortalité importante. Nous nous situons au douzième rang sur treize pour la mortalité toutes causes confondues, respectivement au douzième rang pour les hommes et au dixième rang pour les femmes. Une prévalence du cancer et une surmortalité afférente sont observées en Bretagne, en particulier pour les cancers de la prostate et du poumon chez l'homme. Par ailleurs, nous constatons des taux plus élevés dans le nord et dans l'ouest de la région.
En matière d'indicateurs de santé publique, nous avons généralement un gradient est-ouest au détriment de l'ouest, et plus particulièrement du nord-ouest, de notre région. Par rapport à certains cancers et notamment les cancers du poumon, l'incidence régionale apparaît plus importante. Autre indicateur de santé, le mélanome provoque environ 120 décès par an dans notre région, soit une surmortalité régionale de 20 %, avec un fort gradient est-ouest, au détriment de l'ouest de la région.
Nous sommes également exposés aux maladies cardio-vasculaires, avec une particularité : elles sont la première cause de mortalité féminine en Bretagne. C'est un point que je souhaite souligner.
Le dernier indicateur de santé péjoratif pour notre région concerne les suicides. La Bretagne reste malheureusement la région française la plus touchée. Même si le taux en a diminué depuis 2000, il reste néanmoins bien supérieur à la moyenne nationale.
Si nous avons des indicateurs de santé plus positifs, notamment ceux relatifs au diabète et l'obésité, de nombreux indicateurs de santé sont péjoratifs, généralement ou fréquemment liés à l'ensemble des déterminants de la santé, que ceux-ci soient sociaux, comportementaux ou environnementaux. C'est ce qui anime l'action de l'agence régionale de santé et ses équipes, avec d'autres partenaires. Ce n'est pas une originalité absolue de notre région, mais il s'agit d'un principe très structurant de notre projet régional de santé qui a été adopté en 2018 : nous nous sommes donné l'ambition de travailler en premier lieu sur les déterminants de santé. Parmi ceux-ci figurent l'ensemble des déterminants en matière de santé-environnement.
En ce domaine, la Bretagne est entourée de mers et le littoral breton s'étend sur plus de 1 700 kilomètres. 76 % du territoire de la région est granitique. Enfin, elle n'est pas très industrielle, mais le secteur agricole et le secteur agroalimentaire représentent un poids fort. Cette description très succincte de la géographie et des activités de la région Bretagne représente des enjeux très importants en matière de santé-environnement. La question du littoral et des eaux entraîne de forts enjeux, avec les eaux de baignade. Les sols granitiques engendrent de forts enjeux en ce qui concerne la qualité de l'air, notamment l'air des habitats, en raison du radon, induisant des facteurs de risque importants pour la santé des populations. S'agissant de la qualité des eaux, je précise qu'une bonne partie d'entre elles vient des rivières. Pour l'eau de consommation humaine, le défi est important pour la gestion des politiques de santé-environnement de notre région. Enfin, relativement aux enjeux agricoles, nous avons une série de pressions sur lesquelles l'agence travaille, avec l'ensemble de ses partenaires.
Ces enjeux forts en matière de santé-environnement, mais aussi peut-être le travail que nous accomplissons, depuis la création de l'agence régionale de santé, vis-à-vis des populations, font que nous pouvons considérer la population bretonne comme sensibilisée. Nous le mesurons à échéances régulières – tous les sept ans environ – dans un baromètre santé-environnement. Lors de la dernière mesure, en 2015, sept Bretons sur dix se sentaient concernés par les enjeux environnementaux. Nous produisons aussi tous les ans un tableau de bord santé-environnement – qui concerne notamment le cadre de vie et la santé, le logement, les enjeux climatiques, les enjeux de l'air, les enjeux de santé au travail – et cela participe peut-être de la sensibilisation des populations bretonnes aux enjeux de santé-environnement. Ce tableau de bord présente tous les ans des indicateurs chiffrés sur les évolutions de ces différents enjeux de santé publique et de santé environnementale.
Pour nous concentrer plus spécifiquement sur l'agence régionale de santé et son action par rapport à l'ensemble de ces enjeux de santé-environnement, notre travail en la matière s'inscrit dans un axe classique :
– de veille et de sécurité sanitaires, ainsi que de gestion de l'ensemble des alertes et des signaux qui parviennent à l'agence régionale de santé ;
– de surveillance des milieux, et notamment de contrôle sanitaire des eaux – tant les eaux de loisirs et de baignade que les eaux de consommation humaine ;
– de délivrance d'avis en matière d'urbanisme, pour mesurer les impacts sanitaires potentiels de projets ;
– de différentes actions d'inspection et de contrôle ;
– de gestion des signaux sanitaires.
Nous menons également en partenariat un ensemble d'actions de prévention et de promotion de la santé. Il s'agit d'une richesse des agences régionales de santé : nous ne sommes pas seuls. Cependant, la planification et l'animation interministérielles des différents volets en matière de santé-environnement – à commencer par le projet régional de santé-environnement qui est adossé à notre projet régional de santé et qui est partagé avec d'autres partenaires, et en premier lieu le conseil régional de Bretagne – sont des enjeux que nous inscrivons dans une démarche de communication, de pédagogie. De plus, nous mobilisons différents leviers financiers pour promouvoir ces actions de prévention dans différentes instances.
La direction adjointe santé-environnement de l'ARS est positionnée au sein de la direction de la santé publique. Celle-ci comprend également la direction adjointe prévention et promotion de la santé. Nous pouvons par ailleurs avoir une forte congruence dans les actions susceptibles d'être menées. Aux côtés de la direction adjointe, se trouvent la veille et la sécurité sanitaires. La direction de la santé publique s'inscrit, pour sa part, au cœur des différentes directions « métiers » de l'agence régionale de santé. À l'ARS Bretagne, qui compte à ce jour 381 collaborateurs, 60 personnes travaillent sur les questions de santé-environnement. Telles sont les forces en présence qui sont plus spécifiquement consacrées aux enjeux de santé-environnement. Elles travaillent sous l'autorité d'Anne Serre.
Les agences régionales de santé ont à la fois un siège à l'échelle régionale et des délégations dans chacun des départements. Sur les 60 personnes travaillant à la santé-environnement, environ 55 agents le font en délégation départementale et six au siège à la direction adjointe santé-environnement. Ces chiffres montrent que nous sommes héritiers d'un passé administratif. Cependant, il existe un enjeu que je souhaite souligner devant la commission d'enquête : celui du renforcement des travaux à l'échelle du siège et à l'échelle régionale, pour asseoir et appuyer le pilotage stratégique de ces différentes politiques. Il faudrait, si possible, insister sur certaines thématiques de santé-environnement peut-être plus émergentes ou faire des ponts entre différents sujets.
Par exemple, quand nous menons des contrôles sur le radon dans les habitats bretons, ne faut-il pas, du point de vue stratégique, en « profiter » pour élargir les contrôles ? Au-delà des contrôles, c'est aussi l'occasion de multiplier les actions sur la prévention et la promotion de la santé par rapport à la qualité de l'air intérieur. Ce sont des enjeux qui méritent d'être portés par une structure régionale dont le siège mériterait d'être plus étayé.
J'ai été étonnée des éléments épidémiologiques que vous nous avez communiqués, notamment cette surmortalité. Il me semble toutefois que vous en avez bien identifié les causes, que toute votre équipe est mobilisée et que vous avez relancé une dynamique. Ma première question est d'ordre organisationnel. Vous avez évoqué le fait que cette agence est héritière d'un passé administratif, laissant entendre que certaines habitudes ou organisations n'étaient peut-être pas compatibles avec une politique de santé environnementale efficace. Vous avez évoqué la nécessité de disposer d'une structure régionale plus étayée qui vous permettrait de mettre en place une stratégie coordonnée de multiples contrôles. Quelles difficultés avez-vous rencontrées à votre prise de fonctions et quelles sont les pistes d'amélioration ? Le constat que vous avez fait pour votre région peut-il être étendu à d'autres ? Ces difficultés organisationnelles sont-elles représentatives de la politique de santé environnementale ou vous sont-elles spécifiques ? Ou pensez-vous qu'elles relèvent d'un problème de fond qu'il conviendrait d'améliorer ?
Vous nous avez dressé une présentation essentiellement épidémiologique : quid du rapprochement avec les données environnementales ? D'éventuelles difficultés méthodologiques ou d'accès à des données ont-elles impacté votre management régional ?
À l'agence régionale de santé, les agents étaient prêts en 2010. Sur les sujets de santé-environnement, notre organisation a un fort historique quant aux missions régaliennes. Les contrôles, les inspections, les demandes d'avis, notamment, étaient portés par les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS). Nous avons récupéré ces fonctions et elles sont exercées en application des protocoles ARS-préfet. C'est le fruit de l'histoire, je n'y vois pas d'inconvénients ou de difficultés insurmontables. J'ai découvert la région Bretagne à mon arrivée en 2016. Son organisation constitue une école de la coopération. De façon générale, nous entretenons d'excellentes relations avec les services préfectoraux. Nous arrivons à travailler en très bonne intelligence et, dans le cadre du protocole ARS-préfet et des « compétences préfet », sur tout un ensemble de thématiques de santé-environnement. Pour moi, cela ne constitue pas une difficulté.
De mon point de vue, la difficulté n'est donc pas tant institutionnelle que relative à l'organisation quotidienne des activités. Nous avons un ensemble de ressources humaines consacrées aux politiques santé-environnement qui sont concentrées sur les missions régaliennes. Nous estimons que 70 % du temps leur est consacré, au détriment de l'animation de politiques régionales qui doivent nous permettre – c'est tout l'enjeu de notre projet de service pour la direction santé-environnement et plus globalement la direction de la santé publique – d'être en veille en ce qui concerne les politiques ou les questions émergentes en matière de santé-environnement.
Nous devons être en capacité d'animer davantage les politiques de santé environnementale à l'échelle de la région, dans la mesure où elles requièrent un fort partenariat avec un ensemble d'institutions, à commencer par le conseil régional. Je tiens d'ailleurs à saluer une forte synergie entre nos institutions. Un vice-président se consacre vraiment à ces sujets. La coordination institutionnelle est également forte avec les autres services de l'État, qui relèvent des services préfectoraux, comme la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) ou encore la direction régionale de l'alimentation de l'agriculture et de la forêt (DRAAF). Nous avons donc des politiques institutionnelles à coordonner en région et peut-être à l'échelle du siège, qui nécessiteraient – si les moyens le permettent – d'étayer cette équipe du siège de l'agence régionale de santé.
S'agissant des indicateurs ou de l'accès aux données, je ne me suis pas heurté, depuis que j'ai pris mes fonctions, à des difficultés d'accès à certaines données.
Au niveau de l'équipe régionale comme au niveau des équipes départementales, un nécessaire équilibre doit être trouvé entre les missions régaliennes et les missions de promotion de la santé. Je suis arrivée en Bretagne voilà quatre ans, et en Bretagne, le siège a développé les missions de prévention, peut-être parce que les équipes départementales bénéficiaient d'un peu plus d'autonomie sur le plan régalien. Toutefois, vient un moment où l'animation du réseau régional, qui est capitale, doit se décliner dans les territoires. Il est alors indispensable de pouvoir s'appuyer sur les équipes départementales et il est plus difficile pour elles d'en trouver le temps, car elles sont très investies dans le quotidien régalien. Nous touchons aux limites du déploiement des initiatives régionales : à l'échelle d'une région, même petite, des missions socles sont incontournables.
Je voudrais également attirer l'attention sur un autre versant – le versant départemental –, que ce soit du côté des équipes santé-environnement ou du côté de l'animation territoriale, puisque nos délégations sont organisées selon une partie santé-environnement et une partie animation territoriale. L'environnement fait en quelque sorte partie de l'animation territoriale. Nous souhaiterions que l'ensemble des équipes départementales se saisissent de l'environnement comme d'un déterminant de la santé, au même titre par exemple que la santé mentale. Il est important de trouver cet équilibre qui varie selon les régions et la taille des régions.
En matière de croisement de données sanitaires et environnementales, nous sommes souvent confrontés à des difficultés. Le premier objectif du plan régional est d'ailleurs l'amélioration des connaissances et l'appropriation des données. Le croisement des données de santé et des données d'environnement doit permettre de caractériser les territoires ainsi que les inégalités de santé, puisque les territoires n'ont pas tous les mêmes indicateurs de santé. Le gradient est-ouest a été mentionné : la population se répartit de manière inégale sur le territoire, entraînant des pressions différentes et des inégalités sociales.
Il faut donc appréhender le territoire en infrarégional et s'intéresser aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), qui sont souvent la maille la plus intéressante. Ce n'est cependant pas facile parce que les différentes institutions ont leur propre manière d'aborder les indicateurs, leurs propres logiciels, leurs propres outils – que l'on n'arrive pas toujours à croiser. En conséquence, nous passons beaucoup de temps à essayer de recenser les données qui existent, à savoir s'il s'agit de données brutes, de données analysées, etc. Nous sommes donc quand même confrontés au cloisonnement des politiques publiques, que ce soit vis-à-vis de la santé ou vis-à-vis de l'environnement.
Nous essayons de travailler avec des partenaires régionaux, notamment l'observatoire régional de santé (ORS) pour les données de santé, mais aussi avec des partenaires du monde environnemental, et nous essayons de faire rencontrer nos acteurs, par exemple l'ARS et l'Observatoire de l'environnement en Bretagne (OEB). Nous croyons beaucoup en cette nécessité, pour mieux comprendre ces indicateurs de santé et savoir si l'environnement est un facteur explicatif de cette surmortalité cardio-vasculaire par exemple. Toutefois, nous ne disposons pas de toutes les réponses.
À l'initiative de cette commission d'enquête, je suis députée de Loire-Atlantique, dans les Pays de la Loire, voisins de votre région : avez-vous des échanges avec les régions limitrophes ?
Comment évaluez-vous l'information de la population sur l'enjeu de la santé environnementale. Comment renforcez-vous l'information des professionnels de santé ? Comment se passent les remontées d'informations vers l'administration centrale et le partage d'informations ? Avez-vous mis en place des sites internet, des applications ou d'autres moyens ?
Il existe parfois des spécificités régionales. À Guidel notamment, des situations se sont présentées, telles que des enfants nés sans mains. Comment les avez-vous envisagées ? Existe-t-il des problématiques particulières de cancers pédiatriques dans votre région ? Quelles actions spécifiques pourraient être conduites à destination des enfants et des jeunes ?
Nous travaillons très étroitement avec la Loire-Atlantique, qui n'est pas un département breton, même s'il y a un historique fort entre ces régions et avec ce département. Nous avons un « compagnonnage » particulier avec l'ARS Pays de la Loire, parce que ce sont nos voisins et parce que nous développons un ensemble de coopérations sur différents sujets. Au titre d'une convention de coopération, nous partageons certains membres du personnel pour leur expertise. C'est un lien fort et même d'amitié avec l'ARS Pays de la Loire, avec laquelle nous travaillons notamment dans un partenariat commun avec l'École des hautes études en santé publique, qui se trouve à Rennes (EHESP). Nous organisons ainsi des échanges féconds avec l'ARS Pays de la Loire et avec l'EHESP.
Nous travaillons également de façon étroite avec les cellules régionales des services de Santé publique France. Dans le cadre des coopérations, Santé publique France avait à un moment commencé à rapprocher les deux cellules régionales. Chaque ARS a vocation à garder une cellule régionale de Santé publique France, mais pendant quelque temps la même personne a dirigé ces deux cellules régionales. Ce n'est plus le cas depuis environ un an, non que le concept ou le principe ait été dénoncé par mon collègue, par moi-même ou par Santé publique France, mais pour des raisons de charge de travail incombant à la responsable de la cellule régionale des Pays de la Loire, l'ancienne responsable de la cellule régionale Bretagne. Des travaux ont pu ainsi être menés en commun.
Nous avons travaillé très étroitement sur Guidel avec Santé publique France, qui porte les investigations sur cette question. Contrairement à Sainte-Pazanne, en Loire-Atlantique, confrontée à des cas de cancers pédiatriques, il s'agit, à Guidel, de malformations congénitales, détectées à la suite de signalements entre 2010 et 2015. Quatre enfants étaient porteurs d'agénésie, à Guidel mais aussi dans une commune limitrophe, Calan. Des investigations ont été menées par Santé publique France et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) par rapport à ces signalements d'une même aire géographique.
Santé publique France et l'Anses ont constitué un comité d'experts scientifiques, qui a produit un premier rapport en juillet 2019, permettant de dresser un premier bilan de la situation. En ce qui concerne la Bretagne, il a recommandé la réalisation d'investigations complémentaires sur ce cluster de Guidel, afin de mieux caractériser les expositions que les parturientes ont pu connaître pendant leur grossesse, et auprès des enfants qui sont concernés par ces agénésies. Ce rapport est en cours de finalisation. Par ses investigations, il a permis de se rapprocher des mères et des enfants concernés. Il a aussi permis de mener des investigations environnementales complémentaires sur le territoire concerné. Enfin, il a permis de compléter les éléments relatifs aux revues de la littérature envisagée. Santé publique France nous a indiqué hier que le comité d'expertise scientifique allait produire un rapport relatif à ces investigations, le 5 novembre prochain. Une restitution aux familles est prévue le 4 novembre. À ce stade, je n'ai donc pas été destinataire de ce rapport, mais les services de Santé publique France m'ont indiqué qu'il pourra être transmis à votre commission d'enquête si vous en exprimez le souhait.
Pour ce qui est de l'information de la population, nous relançons le baromètre santé-environnement tous les six-sept ans environ. Généralement, nous essayons de le « caler » avant les plans régionaux santé-environnement. Nous avons ainsi une idée de l'évaluation des actions du PRSE. En reprenant les mêmes questions de connaissance, de sentiment et de l'appréhension de la problématique des enjeux de santé-environnement dans le quotidien, nous pouvons apprécier l'impact des actions menées dans nos PRSE. Cela peut aussi nous permettre de voir émerger des préoccupations que nous n'avions pas identifiées, des problématiques particulières au sein de la population bretonne. C'est un important travail que nous confions pour partie à l'ORS – pour la partie questionnaire. Il a été retardé du fait de la pandémie, mais il est analysé et les premiers résultats devraient être disponibles l'année prochaine. Certains indicateurs de ce baromètre sont mis à jour tous les ans – c'est l'objet du tableau de bord qui portait jusqu'à présent sur dix indicateurs et que nous avons réorienté vers une vingtaine d'indicateurs. Ils nous permettent un suivi de l'information et de la prise en compte des enjeux de santé-environnement par les Bretons.
Pour ce qui est des sites Internet, nous disposons déjà du site de l'ARS, sur lequel l'ensemble des domaines d'intervention sont détaillés, ainsi que du site consacré au PRSE 3 breton. Il s'efforce de publier régulièrement des articles relatifs aux actions portées par les associations ou par les structures porteuses. Nous avons aussi voulu faire de ce site un outil de mise en valeur des actions du PRSE. Cette valorisation est un des enjeux que nous souhaitons porter dans ce nouveau PRSE, qui en est à mi-parcours. Mais c'est un métier de faire vivre un site Internet. Nous avons passé, cette année, un marché avec un prestataire qui nous aidera dans nos actions de valorisation. Il est nécessaire d'en passer par là. J'espère que cela portera ses fruits à partir de l'année prochaine.
Pour ce qui est de la petite enfance, nous sommes très conscients du fait que la périnatalité et la petite enfance correspondent à la période de la vie la plus vulnérable. Nous avons ainsi plus particulièrement mené des actions vis-à-vis de cette population, notamment auprès des lieux d'accueil de la petite enfance – afin qu'ils soient sains et plus favorables à la santé des enfants –, par le biais :
– d'actions avec l'association La Belle Vie. Celle-ci, avec les caisses d'allocations familiales (CAF) et les protections maternelles et infantiles (PMI), va inciter les crèches à faire évoluer leurs pratiques, notamment par rapport aux produits d'entretien, aux jouets ou à l'alimentation proposée aux enfants ;
– de travaux avec le réseau de périnatalité de l'Ille-et-Vilaine. Il s'agit de travaux que nous allons régionaliser très prochainement avec la mise en œuvre d'un carnet de santé « maternité », doté d'un volet santé-environnement, et des actions de formation des sages-femmes, afin qu'elles puissent donner les bons conseils et répondre aux questions. À ce moment de la vie, les futurs parents ont envie de prendre le maximum de précautions et d'être plus attentifs à l'environnement proposé à leurs enfants.
En ce qui concerne la formation des professionnels de santé, plusieurs actions sont en cours. Nous avons notamment construit des modules de formation, avec les instituts de formation d'infirmiers, de kinésithérapeutes, d'aides-soignants. Ils seront proposés dans la formation initiale et seront accompagnés de travaux pédagogiques. Le premier module portera sur ce qu'est la santé-environnement. Il sera développé ensuite par rapport à certains milieux, comme l'eau. Cet outil est très utilisé, un peu à l'instar d'un cours en ligne, d'un webinaire. Pour le concevoir, nous nous sommes rapprochés de professionnels de la communication, et je pense qu'il atteindra notamment les élèves infirmiers.
Nous sommes curieux de ces cahiers pédagogiques. Nous partagerons ainsi les informations et les bonnes pratiques. Lorsqu'une région porte une initiative intéressante et efficace, il faut la valoriser et essayer de la développer dans les autres régions. Vous êtes bien mobilisés autour de la thématique de la petite enfance et de la formation des professionnels, donc en amont des problèmes. Votre organisation est tout à fait cohérente.
Je suis député d'Indre-et-Loire, médecin de profession, de sorte que ces sujets m'intéressent. Le fil rouge de notre commission d'enquête consiste à évaluer la prise en charge du risque environnemental en matière sanitaire et de voir comment, dans les politiques publiques, ce risque peut être suivi, décliné, travaillé, tracé, pour éviter, dans la mesure du possible, de connaître des catastrophes sanitaires d'origine environnementale. Je suis interpellé par la surmortalité pour les cancers et les maladies cardio-vasculaires. Identifiez-vous des facteurs environnementaux par rapport à ces cancers notamment ? Pour ce qui est des maladies cardio-vasculaires, première cause de mortalité pour les femmes, quelle est votre analyse ?
Au sujet de la santé mentale – addictions et suicides –, la situation s'améliore, se stabilise ou s'aggrave-t-elle ? Quels sont les principaux facteurs ? Qu'est-ce qui est mis en place ? Disposez-vous d'associations de prévention du suicide ? Quels âges et quelles catégories socio-professionnelles sont concernés ? S'agit-il de jeunes et de personnes âgées ou d'autres aussi ? Pourrions-nous avoir une influence sur certains facteurs ? Avez-vous des outils de prospective à ce sujet ?
Enfin, la Bretagne est une région où l'agriculture est très présente. Avez-vous identifié des sujets relatifs à la méthanisation, aux « fermes des 1 000 vaches », à ce genre de pratiques qui peuvent avoir un impact sur la santé ? Faites-vous une analyse particulière des conséquences, des bienfaits, des méfaits éventuels, ou un suivi prospectif en ce qui concerne les digestats, la méthanisation ? Ces sujets émergent en matière environnementale. Comme nous sommes en pleine transition écologique, votre regard nous intéresse.
Tant du point de vue de l'épidémiologie que du point de vue des actions, nous suivons ces différents indicateurs de santé publique. Nous les suivons EPCI par EPCI. Nous publions d'ailleurs tous les ans un indicateur de l'ensemble de ces facteurs de santé, pour les différents EPCI et les différents territoires. Toute une série de politiques publiques sont déclinées à l'échelle régionale sur les thématiques du cancer, les enjeux cardio-vasculaires. Nous travaillons différents axes de plans d'action dans la déclinaison du PRS, y compris en matière de communication – au sens noble du terme – et de prévention.
En ce qui concerne les enjeux cardio-vasculaires, nous avons fait le choix, en lien avec les professionnels de santé, il y a deux ans, d'une grande campagne de communication sur la prévention des risques cardio-vasculaires, notamment pour inviter les populations à observer des comportements de prévention. Quand elles rencontrent une difficulté, une douleur thoracique – cela concerne aussi les femmes, puisque j'ai appris qu'elles méconnaissaient ces premiers symptômes –, elles peuvent s'adresser directement aux structures de prise en charge de l'urgence.
Pour revenir à la question du suicide, il s'agit d'un indicateur qui nous préoccupe beaucoup en Bretagne et qui me préoccupe personnellement au titre de mes fonctions. Les indicateurs ont un peu, voire sensiblement, progressé ces dernières années, mais le sujet reste très important. Il y a environ un mois, j'ai institué un comité régional visant à fédérer l'ensemble des ressources – et elles sont nombreuses, dans la région comme dans d'autres régions – autour du suicide :
– les professionnels de santé, notamment en santé mentale ;
– l'ensemble des associations susceptibles d'œuvrer dans ce champ ;
– les différentes institutions, y compris de sécurité sociale. Je pense notamment à la Mutualité sociale agricole (MSA) pour la région Bretagne. Elle nous aide beaucoup, même si les psychiatres soulignent qu'il est toujours très difficile d'expliquer un suicide, multifactoriel. Parmi ces multiples facteurs, il faut noter ceux liés à la profession. C'est la raison pour laquelle les mutualités, et notamment la MSA, nous aident à construire les plans de prévention du suicide, que nous déclinons ;
– une action phare, qui n'est pas une exclusivité bretonne, mais nous avons beaucoup investi dans le dispositif VigilanS de rappel des suicidants. En mobilisant des crédits régionaux, il permet, lorsqu'une tentative de suicide n'a heureusement pas abouti, de travailler avec des appels téléphoniques de professionnels de santé pour suivre les suicidants et leurs familles. Les facteurs familiaux sont à prendre en compte dans les suicides et doivent nous amener à travailler à cet égard.
Les enjeux de territorialisation sont réels dans les questions de suicide, ils sont réels aussi pour l'ensemble des questions de santé, ils sont réels également en matière de santé-environnement. Nous avons une politique de contrats locaux de santé assez volontariste. Elle permet de territorialiser, à l'échelle des EPCI, un ensemble d'actions – mon souhait étant que ces actions soient assises sur des diagnostics, que ce soit en matière de santé-environnement ou en matière de santé publique, à l'échelle des EPCI.
Il s'agit aussi, chaque fois que nous signons un contrat local de santé, d'avoir des actions très précises, très concrètes, qui permettent de faire « avancer les choses » dans tel et tel territoire. Pour avoir signé neuf contrats locaux de santé en 2019, j'ai chaque fois le plaisir de voir autour de la table différents partenaires institutionnels. Et parfois, comme cela a été le cas à Lannion en ce qui concerne le suicide, il s'agit de gendarmes ou d'autres professionnels qui peuvent avoir la fiche réflexe qui convient quand un gendarme est confronté à une question de suicide dans une famille. Il ne s'agit pas de prendre en charge cette famille, mais de pouvoir tout de suite la mettre en relation avec l'établissement de santé ou le professionnel de santé idoine.
Environ 30 % de la population bretonne bénéficie aujourd'hui d'un contrat local de santé (CLS). Notre objectif est de pouvoir recouvrir l'ensemble du territoire d'ici à 2023. Ce ne seront peut-être pas 100 % des personnes qui bénéficieront d'un CLS, mais notre objectif est précisément de 90 %. Dans la deuxième génération des contrats locaux de santé, nous avons mis l'accent sur la question de la santé environnementale, avec des diagnostics assez poussés sur différents sujets, à l'échelle de l'EPCI. Je dispose par exemple du diagnostic santé-environnement du CLS de Lorient, qui permet de recenser un ensemble d'indicateurs relatifs à une série d'items et, au-delà du diagnostic, de contractualiser dans le CLS un ensemble d'actions. Je souhaite toujours que celles-ci soient les plus concrètes possible. À titre d'exemples d'actions santé-environnement dans des contrats locaux de santé, je peux citer :
– des actions sur la qualité de l'air intérieur ou extérieur ;
– des actions sur l'alimentation des jeunes ;
– des actions sur le risque auditif des jeunes ;
– des actions sur les ressources en eau potable, notamment dans le CLS que nous avons avec les îles du Ponant. Il s'agit d'une spécificité bretonne.
Sur différents sujets, nous essayons de concrétiser et d'opérationnaliser le plus possible nos actions de santé à l'échelle des territoires et en ce qui concerne la santé-environnement dans cette deuxième génération des contrats locaux de santé.
Les contrats locaux de santé constituent aujourd'hui des démarches facultatives. Dans une politique environnementale plus volontariste, ne serait-il pas nécessaire qu'elles soient obligatoires, à une échelle d'EPCI ou de fédération d'EPCI par exemple ?
Elles sont juridiquement facultatives. Elles sont contractualisées entre l'agence régionale de santé et le ministère, c'est donc une contractualisation assez « verticale », en lien avec l'administration centrale et le ministre. Le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CEPOM) que j'ai signé à l'époque avec la ministre Mme Agnès Buzyn prévoit un objectif de contrats locaux de santé. L'indicateur en est la part de la population qui sera couverte par un tel contrat. Nous avons donc une volonté régionale mais elle est aussi encadrée sur le plan national, dans le CEPOM, pour pouvoir aller vers cette contractualisation. Mes collègues des autres régions ont également cet objectif.
Les contrats locaux de santé sont avant tout un moyen d'expression de la population, laquelle s'exprime de plus en plus sur les enjeux de santé-environnement. Dans le PRSE, notre rôle est aussi d'agir pour une meilleure prise en compte de la santé environnementale dans les politiques territoriales, ce que nous faisons notamment via les outils et les contrats locaux de santé. Nous avons fourni aux collectivités territoriales un certain nombre de guides et de documents, les différents domaines techniques et scientifiques étant nombreux, à l'égard desquels ces collectivités ne sont pas toujours à l'aise. Nous sommes néanmoins dans un contexte où, face aux attentes de la population, les bons outils – même s'ils ne sont pas obligatoires – permettront aux intérêts de se rencontrer. Les enjeux pourraient alors être discutés, puis pris en compte et mis en œuvre dans des politiques publiques.
L'agriculture constitue notre environnement principal en Bretagne. C'est de plus un environnement économique très fort. Dès lors que l'on va aujourd'hui un peu à l'encontre du modèle agricole breton, on va à l'encontre de l'économie, des emplois, et cela est compliqué. Il faut agir en étant précis et forts dans nos convictions tout en étant conscients de cette difficulté. Nous avons plutôt travaillé sur les enjeux de risques, notamment le risque relatif aux nitrates dans les eaux. Ce sujet historique et régional est complexe, même si les traitements font que pour l'eau potable, la problématique ne se situe plus dans nos verres, mais toujours dans les rivières.
Ensuite vient la question des pesticides, dans tous les milieux, les eaux comme l'air. Nous travaillons à mieux connaître la présence des pesticides dans l'air pour mieux comprendre certains indicateurs de mortalité et de morbidité de la région.
Nous travaillons également sur les rejets d'ammoniac, qui sont des précurseurs des particules fines. Nous connaissons leurs effets quant à la mortalité cardio-vasculaire. Nous évaluons à 2 000 le nombre de décès bretons dus aux particules fines, à la pollution atmosphérique. Nous savons que le changement climatique représente aussi un enjeu, avec les gaz à effet de serre qui y sont liés. Pour ce qui est de l'agriculture dans son modèle actuel, avec l'impact sur l'alimentation – nous essayons de défendre l'alimentation saine et durable, avec des circuits courts, des produits bio, ou du moins le moins d'intrants possible –, nous voyons bien qu'il faut faire évoluer ces systèmes. L'ARS toute seule ne le peut pas, mais nous portons en tout cas notre voix pour tenter d'y parvenir, en connaissant toutes les difficultés qui y sont liées.
Nous comprenons la difficulté de concilier économie et écologie. Nous rencontrons souvent cette difficulté dans les problèmes de transition.
Puisque c'est d'actualité, je vous souhaite une bonne application du « plan blanc », qui est lancé.
L'audition s'achève à quinze heures cinq.