Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Réunion du mercredi 14 octobre 2020 à 10h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • discrimination
  • logement
  • mixité
  • stage

La réunion

Source

La mission d'information procède à l'audition de M. François-Antoine Mariani, directeur général délégué à la politique de la ville de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et de Mme Hélène Chapet, directrice du programme « Lien social et image des quartiers ».

La séance est ouverte à 10 heures.

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La mission d'information a été créée par la conférence des présidents de l'Assemblée nationale, le 3 décembre 2019. À l'issue de nos travaux, nous présenterons un rapport dressant un nouvel état des lieux des formes de racisme, dans le but de proposer des pistes de réflexion et des mesures pour rendre la lutte contre le racisme plus effective.

La semaine dernière, nous avons entendu Jean-Michel Blanquer sur la politique éducative. Avec vous, nous aimerions échanger sur les questions de mixité sociale, de ghettoïsation, d'accès au logement, qui sont au cœur de la problématique.

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Je vous remercie, madame la présidente, d'assumer ce rôle puisque Robin Reda, notre président, présente les résultats d'un rapport dans une autre commission. Nous excusons également plusieurs de nos collègues, retenus en commission.

La création de la mission n'est pas contemporaine aux événements de mai et juin 2020, mais nous ne pouvons bien sûr les ignorer dans nos travaux.

En juin et juillet, des échanges avec des universitaires nous ont permis de délimiter le sujet extrêmement large du racisme. Nous avons commencé à structurer nos travaux. Le premier axe est judiciaire. Les actes racistes déjà inscrits dans le Code pénal doivent être condamnés pénalement, mais nombre d'entre eux ne le sont pas, faute de signalement notamment. Un deuxième volet repose sur l'éducation et la mémoire, qui permettent de lutter contre les préjugés. Des historiens et des représentants de lieux de mémoire sont venus témoigner de leurs actions devant nous.

Le troisième volet, probablement le plus attendu, portera sur les nouvelles formes de racisme. Nous, républicains universalistes, sommes blessés par le terme de « racisme d'État », que nous réfutons. Nous devons toutefois prendre en compte le mal-être qu'il exprime, en faisant référence aux discriminations produites par nos institutions, sans intention ni volonté racistes, mais perçues comme telles par une certaine partie de notre population. Les associations que nous avons reçues nous l'ont expliqué ainsi.

Votre agence œuvre à réduire ces discriminations, qui persistent en raison du regroupement de populations cantonnées dans les banlieues. Je vous laisse la parole pour nous expliquer votre action et nous indiquer ce que nous, législateur, pourrions entreprendre pour la soutenir.

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François-Antoine Mariani, directeur général délégué à la politique de la ville de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

Depuis une quarantaine d'années, la politique de la ville s'attache à lutter contre les discriminations. Depuis le 1er janvier 2020, l'Agence a vocation à mettre en œuvre les politiques publiques dans les quartiers prioritaires. Nous nous sommes organisés pour répondre à cette volonté ministérielle de renforcer la lutte contre les discriminations, qui est quelque peu différente de la lutte contre le racisme.

La politique de la ville comporte plusieurs leviers, le premier étant la prévention. Nous dépensons environ 1 million d'euros chaque année en finançant des programmes d'éducation citoyenne, des actions de formation professionnelle, des associations.

L'accès aux droits communs est le deuxième levier. Il s'applique à tous les citoyens vivant en France. Le droit à la politique de la ville est censé le compléter. Nous menons donc une politique de soutien de sites et d'associations qui gèrent l'accès aux droits, notamment pour les primo-arrivants. Nous dépensons ici environ 700 000 euros. Nous soutenons par exemple près de 250 sites de permanence d'accès aux droits. Des espaces « France Services » doivent également se déployer dans les quartiers prioritaires, de manière classique, dans un immeuble, mais aussi par l'intermédiaire de bus qui font la tournée des quartiers. Ils permettront de simplifier l'accès aux droits pour des personnes qui ont des difficultés à se déplacer ou ne connaissent pas cette culture administrative.

En outre, dans le plan de mobilisation pour les habitants des quartiers du 22 mai 2018, le Président de la République a souhaité déployer une phase de testing des 120 sociétés de l'indice SBF 120 (Société des bourses françaises), à raison de 40 sociétés par an. Les résultats ont été officialisés en juillet 2019.

Ce testing avait fait l'objet de discussions méthodologiques, la problématique étant que de nombreuses entreprises disposent d'outils informatiques qui identifient les testings. Pour la contourner, la méthode a consisté à envoyer les candidatures directement aux hiérarchies qui décident du recrutement, et non aux services des ressources humaines. Nous avons relevé des discriminations à l'égard des candidats dans sept entreprises, non pas en raison du lieu de résidence, mais de leur patronyme. Le taux de réponse était trois à quatre fois inférieur en fonction du nom de famille.

En tant qu'ANCT, nous ne sommes plus dans l'administration centrale. Nous devons apprendre à être opérateur auprès des territoires pour les accompagner dans leurs politiques publiques. Nous allons mettre en œuvre un soutien à une vingtaine de plans territoriaux de lutte contre les discriminations, avec une ingénierie dédiée.

Une partie de notre travail consiste aussi à promouvoir l'égalité. En matière éducative, nous dépensons environ 40 millions d'euros par an. Nous avons ainsi lancé 80 cités éducatives expérimentales et nous devrions en lancer 40 autres.

De même, après que Jean-Louis Borloo a été chargé d'un rapport sur les quartiers prioritaires de la ville, nous avons organisé des ateliers. Les parents nous avaient alors signalé que le stage de troisième était le premier signe du plafond de verre, leurs enfants rencontrant des difficultés à trouver un stage de qualité, aussi par manque de réseau. Nous avons donc créé une plateforme regroupant 15 000 offres du secteur public et 15 000 offres du secteur privé. En 2019, seuls 8 000 stages ont été pourvus. Cette année, nous avons pu pourvoir près de 17 000 stages. Nous améliorons la plateforme et nous lançons une expérimentation pour les lycées professionnels. Si la technique fonctionne, la démarche deviendra nationale à partir de septembre.

Nous dépensons également près de 25 millions d'euros pour l'emploi, en finançant des associations aidant les jeunes à franchir des barrières comme celles qui discriminent en raison des codes du savoir-être, du savoir-faire.

D'autres associations que nous finançons mènent également des actions concrètes sur le terrain. SOS Racisme a ainsi fait condamner une agence immobilière.

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Hélène Chapet, directrice du programme « Lien social et image des quartiers »

L'Agence est partenaire d'associations qui interviennent autour de l'histoire et de la mémoire. L'idée est de partager une culture commune, de valoriser des parcours, d'avoir une vision commune avec les habitants des quartiers qui ont souvent contribué à l'Histoire.

Nous travaillons aussi à la valorisation des représentations des habitants, pour que le traitement soit équilibré et que l'image des quartiers soit plus positive. Nous intervenons sur ce point en partenariat avec le CNC autour du fonds « images de la diversité ».

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François-Antoine Mariani, directeur général délégué à la politique de la ville de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

L'image participe clairement à la discrimination. Ce constat n'est pas réellement apparu dans notre testing emploi, mais il est flagrant dans la vie quotidienne. Un habitant qui déclare vivre au Mirail est victime d' a priori. Le traitement opéré par certains médias n'aide pas à lutter contre les discriminations. Ils parlent rarement des quartiers pour de bonnes raisons. Nous travaillons donc à la fois avec les chaînes de télévision et les opérateurs, mais la route est longue. D'ailleurs, toutes les chaînes ne souhaitent pas mener ce travail sur la représentation des quartiers. Nous ne pouvons pas imposer de contenu puisque la presse est libre, mais nous essayons d'orienter le traitement. Nous travaillons actuellement avec BFM TV.

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Pensez-vous que les politiques de la ville peuvent avoir des effets pervers, comme on l'entend parfois ?

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François-Antoine Mariani, directeur général délégué à la politique de la ville de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

Je ne pense pas qu'une politique spécifique à l'égard des personnes en situation de handicap les discrimine. Je ne crois donc pas plus que les habitants des quartiers se pensent plus discriminés s'ils sont accompagnés par davantage de dispositifs et de politiques publiques. Aucun habitant ne m'a tenu ce discours, contrairement à certains élus, qui craignent l'image négative pour leur commune et les coûts supplémentaires engendrés. Je pense que les discriminations seraient pires sans ces politiques.

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Je partage votre point de vue.

Dans ces quartiers, les habitants ont des liens et viennent de communautés semblables. Comment développer la mixité sociale ? Pourquoi ne pas travailler à déplacer ces populations et à rénover des quartiers dans d'autres sphères géographiques ? Sur ces questions, d'autres pays européens travaillent-ils différemment de nous ?

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François-Antoine Mariani, directeur général délégué à la politique de la ville de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

De nombreux dispositifs tels que la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN, ont été mis en œuvre pour améliorer la mixité. Comme l'a déclaré le Président de la République, l'enjeu ne peut pas se résumer à des questions de politique de peuplement et de loi sur l'accession.

De mon point de vue, gagner en mixité nécessite de rendre un territoire attractif pour des habitants qui ne sont pas dans des situations fragiles. Il faut proposer une qualité de vie, avec des écoles, des outils de mobilité et une réputation. La mixité est un combat collectif qui doit s'appuyer sur de nombreux domaines. Si vos écoles et vos transports ne fonctionnent pas, que vous faites face à des problèmes de sécurité, que votre territoire ne propose pas d'emploi, vous n'y parviendrez pas.

Il existe cependant des endroits dans lesquels les populations qui ne sont pas en situation de fragilité ne souhaitent pas habiter. Par défaut, vous êtes donc contraint d'y placer celles qui n'ont pas d'autre choix.

Au-delà des attributions de logements, nous devons adopter une politique beaucoup plus globale et multisectorielle.

En ce qui concerne la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain, dite loi SRU, et les logements sociaux, il existe un sujet de péréquation entre territoires, certains en concentrant trop et d'autre trop peu. Une solution pourrait être d'imposer une forme de mixité dans des immeubles, plus au niveau d'un quartier, avec des logements privés et d'autres achetés par les bailleurs sociaux.

Quand un quartier prioritaire compte 10 000 habitants, il est complexe d'y attirer et d'y faire rester les classes moyennes. Il est humain de vouloir une maison avec un jardin, donc de partir quand on réussit. Pour ma part, quand j'étais jeune, je me suis empressé de quitter le quartier dans lequel j'avais grandi.

Les actions entreprises en Seine-Saint-Denis actuellement sont intéressantes. De nombreuses mesures sont prises pour renforcer l'attractivité du territoire et faire en sorte que ceux qui s'y installent y restent, grâce à des primes de fidélisation. Cette méthode est judicieuse, mais il sera nécessaire de réfléchir à d'autres leviers. Proposer des filières d'excellence éducative dans les quartiers, avec des langues rares, pourrait par exemple attirer certaines classes de population. À Toulouse, un collège a été reconstruit en lisière d'un quartier prioritaire et d'un non prioritaire pour assurer la mixité. Ces petits pas de côté peuvent aider à donner du sens.

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Vous avez évoqué une distance à la fois physique et psychologique avec l'administration et les services publics. Les espaces France Services seront-ils implantés aux meilleurs endroits ? Sur mon département, collectivités territoriales et élus nationaux n'ont pas toujours la même vision.

Par ailleurs, des associations ont témoigné de leur déception sur les suites données aux résultats du testing. Faudrait-il une sanction des entreprises concernées ou le « name and shame » est-il suffisant ? Je pense également nécessaire de s'interroger sur la suite du parcours professionnel des candidats embauchés.

En ce qui concerne l'histoire commune dans les quartiers, comment faire émerger des modèles de réussite, de parcours de vie ? Quelles sont les initiatives d'associations dans ce domaine qui pourraient nous inspirer ?

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François-Antoine Mariani, directeur général délégué à la politique de la ville de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

Les 1 500 quartiers prioritaires de la ville ne font pas face à la même réalité. Dans ceux qui se trouvent en lisière des métropoles, un maillage a été mis en place, avec les « points d'information médiation multiservices » (PIMMS) et d'autres dispositifs d'accompagnement à l'accès aux droits. Dans d'autres, la réalité est plus complexe. France Services a pour objectif de ne pas revenir sur l'existant et de renforcer les territoires qui en ont besoin. Nous envisageons de faire appel à un prestataire spécialisé sur les flux de population pour identifier les endroits les plus opportuns.

Certaines populations sont réellement en retrait des services publics. Nous devons aussi les accompagner, pour créer une adresse e-mail, un compte à la CAF, etc. Dans les PIMMS, une réelle relation de confiance se crée avec l'opérateur. Nous devons donc travailler sur l'accessibilité géographique, la compréhension et l'illectronisme.

Nous allons lancer deux autres phases de testing. Le « name and shame » est déjà mal vécu. S'agissant des sanctions, un candidat à l'emploi victime d'une discrimination peut déjà faire appel à la loi. Nous avons aussi évoqué la nécessité de mieux former les encadrants et les services des ressources humaines.

Votre question sur le contre-modèle est centrale. J'ai longtemps travaillé sur le terrain, dans une cité vraiment dure de Seine-Saint-Denis, qui a depuis été détruite. Le modèle était le dealer qui faisait travailler tout le quartier. Les quelques diplômés cherchaient à partir très rapidement, mais ils ne trouvaient pas d'emploi. Cette situation détruit l'ensemble du travail des éducateurs.

Pour ma part, je ne crois pas aux grandes figures nationales, modèles pour tous les quartiers de France. Il me semble plus opportun de chercher des exemples au sein des immeubles, la maman qui gère une association avec 500 adhérents, le gamin qui a intégré une bonne école et a trouvé un emploi. Ce travail est quotidien et local, même si nous pouvons insister sur la communication. En revanche, avec de la discrimination et un problème d'accès aux droits, le contre-modèle ne peut pas émerger. Il convient donc de résoudre ces problématiques en amont.

Des associations travaillent à produire du contenu pour les chaînes de télévision et les journaux, afin qu'ils n'évoquent pas uniquement des voitures qui brûlent. Un journal a publié une page entière sur le fait que le confinement se passait extrêmement mal dans un quartier. J'ai expliqué à la journaliste qu'elle aurait dû s'y rendre pour constater aussi les solutions qui avaient été trouvées grâce à la solidarité. Un arbre qui tombe fait beaucoup plus de bruit qu'une forêt qui pousse. Cette situation est énervante pour ceux qui œuvrent sur le terrain dans le cadre de la politique de la ville. Nous pensons que des actions peuvent être bénéfiques et ce contre-discours terrible est catastrophique. Les populations des banlieues ne vivent pas toutes des transferts sociaux et du RSA.

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Je pense également qu'il ne faut plus réfléchir à l'échelle d'un quartier, mais d'une résidence. Ma circonscription compte la plus grande ZAC de Paris. Nous avons tenté de promouvoir la mixité dans chaque immeuble dès la construction. Le résultat a été décevant. Nous avons par exemple eu des logements financés par le prêt locatif social (PLS) et le prêt locatif intermédiaire (PLI). Les moins chers ont trouvé acquéreur, les logements intermédiaires également, en plus de temps. Ceux d'un niveau supérieur sont restés vides et ont été réquisitionnés par la préfecture pour reloger des habitants avec des problèmes. Les immeubles sont totalement déséquilibrés, ce qui se répercute sur les écoles des alentours. Nous créons des ghettos en devenir, dans Paris, alors que ces immeubles ont été construits voilà dix ou vingt ans.

Je partage aussi votre point de vue sur le fait qu'agir sur le logement n'est pas suffisant. Certains habitants sont venus se plaindre à moi, car pour faire leurs courses, les prix des commerces des environs étaient trop élevés.

Quelles sont, d'après votre vécu, les expériences positives qui ont fonctionné et que nous pourrions dupliquer ?

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François-Antoine Mariani, directeur général délégué à la politique de la ville de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

Je pense à Antony, mais ce n'est certainement pas le seul.

Pourquoi selon vous les appartements les plus coûteux n'ont-ils pas été achetés ?

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Je précise qu'il s'agissait de logements sociaux en location, pas en acquisition. Je pense que le public qui peut se permettre un tel achat est moindre, même si 70 % des Parisiens ont droit à un logement social. Je crois surtout que les acquéreurs possibles attendent de trouver moins cher, pour bénéficier d'effets d'aubaine.

Des expériences ou des fonctionnements à l'étranger permettent-ils d'avoir une meilleure représentativité dans les médias ?

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François-Antoine Mariani, directeur général délégué à la politique de la ville de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

Mon directeur de thèse me parlait souvent de la tentation de prendre le meilleur du système politique de chaque pays pour créer le système idoine. Cette méthode ne peut fonctionner. Les autres pays n'ont pas le même modèle que le nôtre en termes de rapport à la communauté nationale et au collectif. Aux États-Unis ou en Hollande, il existe des chaînes communautaires. Ces sociétés sont très communautaristes et l'assument. En France, ce n'est pas notre culture. Notre modèle est relativement unique. Mettre par exemple en place des quotas de représentativité le heurterait fortement.

Je pense également qu'il ne faut pas se focaliser sur la télévision linéaire. Les messages passent aussi par les réseaux sociaux. Nous pouvons éventuellement faire pression sur les annonceurs, les chaînes de télévision, les opérateurs de réseaux sociaux. Parfois, le marché se régule, par exemple si les gens ne se reconnaissent pas dans le produit.

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Je ne crois pas non plus aux moyens coercitifs ni à l'imposition de quotas. En revanche, nous ne pouvons pas nous plaindre qu'une communauté n'est pas représentée dans un métier si elle-même ne s'intéresse pas à la filière. Je pense nécessaire d'expliquer aux jeunes qu'ils ont accès à une palette très large de métiers possibles, qui ne sont pas la reproduction de ceux occupés par leurs parents ou leurs grands-parents.

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François-Antoine Mariani, directeur général délégué à la politique de la ville de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

Je partage votre point de vue. Des associations promeuvent la formation de jeunes aux métiers de journaliste. Je vous propose de regarder combien d'étudiants boursiers sont admis dans ces écoles.

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Il serait intéressant que des lycées professionnels proposent des spécialisations sur des métiers valorisants.

Nous partageons tous l'intérêt pour les services publics, mais les dispositifs ne sont-ils pas trop illisibles pour les bénéficiaires ? Avons-nous suffisamment de médiateurs sur le terrain pour faire le lien ? On a souvent l'impression que les éducateurs sont moins nombreux qu'auparavant, notamment dans les petites villes, ce qui est un frein au vivre ensemble.

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François-Antoine Mariani, directeur général délégué à la politique de la ville de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

Le cahier des charges de France Services demande que des personnes soient présentes pour l'intermédiation. Sous l'impulsion de la ministre, nous travaillons à renforcer la place des médiateurs, entre les habitants et les institutions. Nous le pouvons localement grâce aux postes d'adultes relais ou du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep). Nous avons d'autres pistes, mais nous n'avons pas encore obtenu d'arbitrages fermes.

L'intention est vraiment de renforcer la présence humaine dans les quartiers prioritaires de la ville. Nous avons par exemple 1 000 adultes relais supplémentaires dans le cadre du plan prioritaire, ainsi que 1 500 adultes en plus pendant le confinement. Nous avons aussi financé des associations qui font du mentorat de scolarité, avec des jeunes en aidant d'autres à faire leurs devoirs. 10 000 jeunes ont accepté ce rôle de mentor, un volume que nous avons doublé. Nous tentons également de combler l'arrêt des emplois aidés. Cette présence humaine constitue un enjeu très fort. Nous devons la renforcer dans les endroits stratégiques tels que l'école, les pieds d'immeubles, les services publics.

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Vous avez cité à plusieurs reprises des associations qui menaient des actions particulières. Nous aimerions les recevoir pour qu'elles nous exposent leur dispositif et les obstacles qu'elles rencontrent. Par ailleurs, la plateforme pour les stages de troisième était-elle accessible à tous ? Comment avez-vous obtenu ces 30 000 offres de stage ?

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François-Antoine Mariani, directeur général délégué à la politique de la ville de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

La plateforme pour les stages de troisième n'est pas accessible à tous. Je précise que nous travaillons sur des dispositifs visant à prendre en charge le transport et le repas du stagiaire.

Je pense qu'il existe plusieurs explications à nos difficultés à pourvoir ces offres. D'abord, les jeunes n'aiment pas vraiment sortir de leur quartier, ils sont inquiets. Leurs parents sont protecteurs. En outre, je pense que nous avons mal communiqué auprès des chefs d'établissement. La dynamique ne s'est pas créée entre les acteurs. De plus, des collectivités locales avaient déjà lancé ce type de dispositif.

Nous apportons des correctifs, mais cette année sera complexe en raison de la situation sanitaire. La difficulté à trouver des stages dans les entreprises sera générale. Notre travail consiste désormais à renforcer le sourcing des entreprises et l'identification des enfants. Nous avons commencé à coordonner le biotope, à corriger les détails pour augmenter le nombre de stages pourvus.

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Dans son discours sur les séparatismes, le Président de la République a évoqué la ghettoïsation, le laisser-faire, les politiques qui ont conduit à rassembler dans les mêmes quartiers des personnes d'origine et de condition sociale similaires, terreau possible d'une forme de communautarisme, voire de séparatisme. Quel est votre point de vue sur ce sujet ?

Quel est votre retour d'expérience sur les politiques de mixité sociale, notamment la loi SRU, qui fêtera prochainement ses vingt ans ? Je ne suis pas certaine que l'objectif soit atteint.

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François-Antoine Mariani, directeur général délégué à la politique de la ville de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

Il ne m'appartient pas de commenter les discours du Président de la République. Pour l'avoir écouté attentivement, je pense qu'il a indiqué que la situation actuelle résultait d'un manque de travail collectif. Il me semble nécessaire d'apporter une réponse globale, en matière de services publics, de qualité de vie, de sécurité, d'image, sur l'école, la santé, les mobilités. Tous ces points doivent être travaillés simultanément pour rendre ces territoires attractifs. La politique de logement seule ne peut permettre d'atteindre les objectifs que nous souhaitons.

Dédoubler les classes pour les enfants n'est que le début du travail. Mettre des lycées en convention zone d'éducation prioritaire (ZEP) avec Science Po change leur attractivité et celle du quartier. Même si les élèves sont in fine peu nombreux à intégrer Science Po, la démarche permet de hisser le niveau général.

Je pense aussi que la loi SRU est inégalement appliquée, mais ce biais seul ne pourra pas régler le problème de la mixité et de l'enfermement de certains habitants dans certains quartiers. Trop se focaliser sur le logement risque de nous faire manquer la cible.

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Les parcours d'excellence existent depuis plusieurs années. En banlieue lyonnaise, des collèges fonctionnent en en proposant également. L'envie des élèves est libérée. Ils s'imaginent médecins, avocats, etc. Il est important d'insister sur le champ des possibles.

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François-Antoine Mariani, directeur général délégué à la politique de la ville de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

J'ai été surveillant dans un collège classé ZEP, dans le 13ème arrondissement de Paris, niché entre trois quartiers extrêmement difficiles comme Amiral-Mouchez et Brillat-Savarin. Le principal de l'établissement a créé une filière d'excellence en rugby. Wesley Fofana venait de ce collège. Des enfants de tout le bassin l'ont également intégré, ce qui a créé une réelle mixité et a métamorphosé l'établissement. Les familles s'y pressent désormais. La démarche a été accompagnée par un important travail de rénovation urbaine, de construction, de métros supplémentaires.

Le préfet Leclerc, en Seine-Saint-Denis, explique très bien que face à nous se dresse un système, que nous devons vaincre en faisant bloc. Nous devons activer au même moment tous les leviers possibles de la République.

La séance est levée à 11 heures.