GROUPE DE TRAVAIL N° 1 – LE STATUT DES DÉPUTÉS ET LEURS MOYENS DE TRAVAIL
Jeudi 17 mai 2018
Présidence de Mme Virginie Duby-Muller, présidente du groupe de travail
– Audition de M. Émile Blessig, président du Groupe des anciens députés, et de Mme Catherine Coutelle, présidente de l'Association des anciennes députées
La réunion commence à onze heures cinq.
Monsieur le rapporteur, mes chers collègues, mesdames et messieurs, je souhaiterais tout d'abord remercier M. le président Blessig et Mme la présidente Coutelle d'avoir accepté cette demande d'audition, et de venir ce matin nous faire part de leur point de vue, au nom des associations qu'ils représentent. Le thème de notre groupe de travail est le retour à l'emploi à l'issue d'un mandat parlementaire. Les 125 réponses, dont 60 complètes, déjà reçues aux questionnaires que nous avions adressés aux députés de la XIVe législature dressent un bilan assez sombre : difficultés de réintégration, même pour les anciens fonctionnaires ; absence d'information préalable et d'accompagnement ; de manière générale, impossibilité de valoriser l'acquis de l'expérience tirée du mandat parlementaire.
Vos points de vue nous intéressent tout particulièrement. Ils émanent d'une base très large. Ils nous permettront de confirmer, infirmer ou nuancer la vision résultant de ce questionnaire. Je tiens donc à vous remercier de votre présence ce matin.
Monsieur le rapporteur, je vous cède la parole.
Madame la présidente, monsieur le président, je vous remercie à mon tour d'avoir répondu à notre sollicitation. L'étude de ce sujet a révélé un vrai problème. Lorsque nous posons la question de la reconversion professionnelle des parlementaires, des exemples de reconversion réussie nous sont présentés. À y regarder de plus près, nous constatons que les parlementaires qui se sont facilement reconvertis avaient, par exemple, été ministres : cet engagement plus visible leur avait acquis un portefeuille de relations important. Pour les parlementaires sans autre mandat ni fonction, la situation est autrement plus compliquée.
Nous avons auditionné une entreprise spécialisée dans le coaching d'anciens élus. En effet, la démarche de réintégration et de réinsertion professionnelle ne peut être qu'individualisée. Un parlementaire aime son indépendance ; réintégrer une hiérarchie est complexe. Nous souhaiterions approfondir ces sujets, pour que nous-mêmes ou nos successeurs soyons mieux armés pour réintégrer la vie professionnelle, d'autant que, si nous envisageons de limiter dans le temps le mandat de parlementaires, cette situation risque fort d'être fréquente.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, madame et messieurs les députés, votre groupe de travail a bien voulu solliciter l'avis des anciens députés sur cette question, qui porte aussi bien sur l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE) que sur la réinsertion professionnelle des anciens députés. Nous avons communiqué votre proposition à l'ensemble des membres de notre association ; nous avons obtenu un certain nombre de réponses ; en voici la synthèse.
Les retours furent très variés, ce qui montre que le sujet, comme le disait M. le rapporteur, est un vrai problème pour le fonctionnement de notre démocratie.
En premier lieu, rappelons que les conditions d'exercice du mandat ont profondément évolué. Pour le grand nombre, la professionnalisation consiste à être payé pour le mandat. Mise en place au début du XXe siècle, elle est acceptée et n'est pas remise en cause. Il s'agit d'une condition nécessaire à la démocratisation de l'accès aux fonctions électives. L'ouvrage Métier : député, publié en mars 2017 par MM. Julien Boelaert, Sébastien Michon et Etienne Ollion, apporte une distinction intéressante : la professionnalisation de la vie politique se caractérise par deux éléments : la longueur des carrières et le fait qu'une part non négligeable des élus a été salariée uniquement dans la sphère politique ou parapolitique. La composition socioprofessionnelle de la XIVe législature – je n'ai pas encore trouvé sur le site de l'Assemblée celle de la XVe législature – montre que 55 % des députés, soit 319 d'entre eux, étaient issus du secteur privé, dont 190 étaient salariés, soit un tiers de l'ensemble des députés, et 129 issus des professions libérales et indépendantes, soit 22 %, tandis que 45 % appartenaient à la fonction publique ou assimilée, soit 258 députés. Théoriquement, donc, seulement un tiers des députés sont directement concernés par un retour à la vie professionnelle après le mandat.
L'autre facteur jouant sur la problématique du retour à l'emploi est la question du cumul des mandats, comme vous l'avez évoqué, monsieur le rapporteur. En 2008, 49 % des députés étaient également maires, 29 % conseillers généraux et 12 % conseillers régionaux. Seuls 10 % n'avaient pas d'autre fonction élective. Au lendemain du renouvellement de 2007, seuls 30 députés ont été concernés par l'ARE, contre 44 en 2012 et 97 en 2017 – sur 415 députés non réélus.
Cependant, nous ne pouvons plus nous appuyer sur ces chiffres pour raisonner à l'heure actuelle, car une évolution profonde a modifié l'hémicycle. Le nombre de nouveaux députés a considérablement augmenté. Beaucoup sont même nouveaux à un double titre : nouveaux à l'Assemblée et nouveaux en politique. Nous assistons à une rupture du phénomène de carrière longue, favorisée par la fin du cumul des mandats. À cette évolution vient s'ajouter l'incidence des réformes constitutionnelles à venir. Une future chambre de 400 députés représente une baisse du nombre de parlementaires de 177 députés, et 60 députés, qui plus est, seront élus à la proportionnelle. Lors du prochain renouvellement, le nombre d'anciens députés concernés par l'ARE et les mesures de reconversion nécessaires seront certainement sans commune mesure avec le passé.
Les anciens députés estiment que l'ARE est juste et utile, dans la mesure où un député qui perd son mandat ne doit pas se retrouver du jour au lendemain sans revenu. L'engagement dans un mandat national remet toujours en cause le déroulement d'une carrière professionnelle et la constitution d'une retraite. Par ailleurs, le retour dans l'entreprise, après cinq, voire dix ans de mandat parlementaire, est plus qu'aléatoire. L'existence de l'ARE favorise la diversité professionnelle des candidats et des élus. De ce point de vue, elle vient contrebalancer, dans une certaine mesure, la domination de la fonction publique dans le monde politique, et vient réduire un déficit de représentativité des députés par rapport à la population.
À l'heure actuelle, le calcul de l'ARE repose sur l'indemnité de base, soit 5 514,18 euros. Elle n'inclut ni l'indemnité de résidence ni l'indemnité de fonction. Le revenu fiscal des députés est de 7 100,15 euros – j'espère que mes chiffres sont à jour, puisqu'en ce domaine ils varient. Je souhaitais insister sur ce point. En effet, je pense qu'il y a là une injustice. J'ai été particulièrement touché par le témoignage d'un député, battu avant la mise en place de l'ARE, et qui était dans une situation de grande détresse. À 37 ans, il se retrouvait du jour au lendemain sans emploi, sans salaire, avec une famille de quatre enfants. Depuis, la situation s'est améliorée. L'ARE est utile et nécessaire au bon fonctionnement de la démocratie et de notre Assemblée. Elle doit être juste et claire dans ses modalités d'application.
Cependant, si la tendance actuelle est de chercher à rapprocher du droit commun le régime des députés, il n'est pas nécessaire de niveler systématiquement par le bas, en réponse à des campagnes de communication malveillantes. Concernant l'ARE, nous avons assisté à un véritable déchaînement, au mois de juin 2017, dans les médias et sur les réseaux sociaux. Le caractère différentiel et dégressif de l'ARE en fin de mandat a été complètement passé sous silence.
Je souhaite compléter mon propos par deux remarques. Premièrement, pour notre groupe, et pour l'immense majorité des députés, siéger à l'Assemblée nationale est un honneur, qui demande un engagement total en termes de temps. Or, le temps politique est celui de l'urgence. Les chaînes d'information et les réseaux sociaux ont accentué ce phénomène. Quand le temps personnel disponible pour un député est la portion congrue, dégager des plages horaires pour préparer son retour à une activité professionnelle après le mandat est difficile. Deuxièmement – mon expérience remonte à cinq ans, peut-être en est-il autrement aujourd'hui –, un député pense davantage à la poursuite de sa mission dans le temps, donc à sa réélection, qu'à l'abandon cette mission et à la préparation du retour à la vie professionnelle. Il est possible que ces remarques aient perdu de leur pertinence du fait de la composition de la nouvelle Assemblée. Il est donc envisageable de prévoir, sur un plan général, des mesures d'aide au retour à la vie professionnelle, en laissant le choix à chaque député de les mettre en œuvre à la fin du mandat ou après le mandat, une fois non réélu.
La première proposition, émise au nom des anciens députés, serait de continuer à autoriser le cumul entre un emploi et le mandat de député pour les professions indépendantes, libérales et d'enseignement. Cette poursuite doit bien évidemment être encadrée, pour éviter les conflits d'intérêts, contre lesquels les déclarations de patrimoine, les déclarations d'intérêts et l'institution du déontologue de l'Assemblée sont par ailleurs des mesures adéquates. Il faut toutefois veiller à éviter les mesures trop coercitives en la matière, qui risquent de décourager les intéressés, dont la présence dans l'hémicycle participe de la diversité socioprofessionnelle de l'Assemblée.
Quant aux mesures d'aide facilitant le retour à la vie professionnelle, pour le moment elles n'existent pas – cela a été dit. Je souhaiterais envisager deux séries de mesures, la première concernant les députés en cours de mandat, la seconde incluant les anciens députés. Concernant les députés en cours de mandat, est-il possible de formaliser et d'envisager des mesures de validation de l'acquis de l'expérience (VAE) à l'expiration du mandat ? L'ouverture de la profession d'avocat aux anciens députés jouait ce rôle. Elle venait d'une interprétation par les ordres d'avocats du décret de 1991 sur les conditions d'accès à la profession. Dans les années 2007-2010, elle a bénéficié à de nombreux collègues. Cependant, en 2012, un décret a voulu ouvrir encore l'accès de la profession d'avocat, ce qui a suscité une réaction de cette dernière : le décret a été retiré le 15 avril 2013. Toutefois, cette passerelle continue à s'appliquer pour les assistants parlementaires. Serait-il possible, en concertation avec la profession, de réactiver cette passerelle pour les députés, comme l'avait envisagé, lors du retrait du décret, la garde des Sceaux de l'époque, Mme Taubira ? D'autres validations devraient être envisagées, vers le secteur public, mais pas uniquement. Peut-être pourrions-nous imaginer des « priorités » d'embauche – le mot est peut-être trop fort – en qualité de contractuel dans les collectivités locales, sur la base des acquis de l'expérience ?
Les reconversions dans les métiers des médias, de la communication, du conseil, voire à l'étranger, existent, mais ne concernent qu'un nombre extrêmement restreint d'élus, dont la carrière ou les qualités personnelles sont très particulières. En aucun cas, il ne faut considérer que ces possibilités de reconversion seraient une solution pour la majorité des élus. J'ai lu un certain nombre d'articles publiés lors du dernier renouvellement. Les élus qui retournaient à la vie professionnelle étaient principalement dans ce cas-là, mais étaient très peu nombreux.
L'extension aux élus des mesures appliquées dans les entreprises est nécessaire. Tous les anciens députés qui ont eu à se reconvertir insistent sur la nécessité d'introduire des mesures, pour les députés, qui ont cours dans le monde économique : bilan de compétences, cellule de reclassement, accompagnement personnalisé du projet professionnel, mise à disposition de coach-emploi.
Sur un plan plus pratique, ces aides peuvent s'envisager de différentes façons. La première solution serait individuelle, avec la création d'un crédit d'aide à la recherche d'emploi ou à la reconversion, versé au député concerné ; il reviendrait au député de contacter les professionnels de son choix. Cependant, n'oublions pas que les députés sont répartis sur tout le territoire ! La seconde solution serait la passation par l'Assemblée nationale d'un contrat de groupe avec un cabinet de conseil en aide au retour à l'emploi, dont les prestations seraient mises à disposition du député, soit à Paris, soit localement.
Fondamentalement – et c'est le message que je souhaite faire passer au nom du Groupe des anciens députés –, il apparaît équitable que ceux qui ont consacré plusieurs années de leur vie à la fonction de député, et ont donc quitté leur profession, puissent, lorsqu'ils ne sont pas réélus, bénéficier d'un soutien comparable à celui d'un salarié dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Voilà le point fondamental.
Pour conclure, je mettrai en avant quelques observations d'anciens députés. Une fois non réélu, le député est isolé dans sa circonscription, loin de Paris, où s'appliquent de préférence un certain nombre de mesures d'aide au retour à l'emploi. Un problème de frais de déplacement va donc se poser, sachant que l'ARE réduit déjà considérablement les revenus des députés non réélus. Je pense qu'il faudra intégrer ce point dans la réflexion.
Par ailleurs, la référence d'ancien député – comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, et tout comme l'ont fait un grand nombre de membres de notre groupe – n'est pas nécessairement un atout sur un curriculum vitae (CV). Certaines entreprises craignent d'être politiquement marquées en embauchant un ancien député ; des interrogations peuvent exister sur la disponibilité de ce salarié entre ces activités professionnelles et ses engagements politiques ; l'inquiétude des autres salariés vis-à-vis d'un certain favoritisme existe aussi, tout comme le refus d'embaucher un battu, c'est-à-dire le représentant d'une sensibilité politique qui n'est plus au pouvoir.
Le reclassement peut être long. De ce point de vue, l'élu qui s'est arrêté volontairement est dans de meilleures dispositions psychologiques que le battu. Des possibilités de stage de formation ou de découverte en entreprise pourraient être utiles. Le maintien au domicile, sans contact extérieur, est moralement difficile. À l'image de ce qui se passe pour des associations de cadres, certains anciens députés ont évoqué la possibilité de contact entre collègues dans la même situation, en marge des procédures de reclassement.
Pour finir – définitivement, cette fois – nous comptons aujourd'hui 1 650 anciens députés, dont 800 sont adhérents de notre Groupe. 1 350 anciens députés sont pensionnés. Dans les années à venir, et dès le prochain renouvellement, le nombre de jeunes députés en recherche d'emploi va significativement augmenter. La réponse qu'apportera l'Assemblée nationale à la question du retour à l'emploi ne peut se réduire aux cas individuels concernés. La réflexion de votre groupe de travail touche au fonctionnement même de notre démocratie, qui doit permettre à tout citoyen d'accéder aux fonctions électives, sans avoir nécessairement à renoncer à son avenir professionnel.
Le Groupe des anciens députés est auditionné en tant que tel pour la première fois. Nous sommes honorés d'avoir pu apporter notre contribution à la réflexion en cours. Nous sommes prêts, demain, à nous engager, aux côtés de l'institution, pour soutenir les députés non réélus dans leur démarche de retour à la vie professionnelle.
Notre association n'a pas l'ancienneté du Groupe des anciens députés. Il s'agit d'une association féminine, créée en février 2017 par quatre collègues députées qui n'avaient pas l'intention de se représenter. Nous savions qu'en juin nous ne serions plus parlementaires. Il s'agit de Marie-Françoise Clergeau, ancienne questeure, Martine Lignières-Cassou, Martine Carrillon-Couvreur et moi-même.
Nous sommes adhérentes du Groupe des anciens députés, mais notre objet est un peu différent. Il s'agit de nous retrouver entre anciennes collègues femmes, puisqu'un réel besoin se fait sentir de nous retrouver, que nous ayons choisi de ne pas nous représenter ou que nous ayons été battues. Nous faisons le lien entre nouvelles et actuelles députées, et discutons avec ces dernières des sujets qui nous intéressent particulièrement. J'ai été présidente de la délégation aux droits des femmes, il y a un certain nombre de sujets que je souhaite ne pas voir dépérir – et ils ne dépérissent pas ! Nous aidons également les nouvelles députées à s'insérer et à trouver la place qui est la leur au sein de l'Assemblée. Quand j'étais députée, nous étions seulement 25 % de femmes, dans un monde essentiellement masculin, au sein d'un Parlement parmi les moins féminisés. Cela a changé, fait tout à fait nouveau.
Je vous remercie à mon tour d'auditionner mon groupe, plus récent et restreint que le groupe des anciens, et dont il est complémentaire. Je ne reviendrai pas sur les éléments évoqués par M. Blessig : je partage en grande partie son point de vue, à quelques nuances près. Monsieur le rapporteur, le bilan sombre que vous dressez ne m'étonne pas. Il y a peu, je n'étais moi-même pas au fait de la question, puisque j'avais décidé de ne pas me représenter. Les collègues qui se sont adressées à nous rencontraient des difficultés et avaient besoin d'aide pour les surmonter.
Votre groupe de travail a une tâche très importante devant lui : faire coexister deux discours apparemment contradictoires. Les élus de la législature actuelle disent que le député doit être régi par le droit commun et ne doit pas être un privilégié. C'est l'évidence. Cependant la fonction de député – ce n'est pas un métier, je le redis – est un mandat qui nécessite un certain nombre de moyens. Il faut assumer ces deux discours. Nous n'avons aucun privilège, mais notre mandat est très particulier : cette fonction de représentation nationale nécessite des moyens adéquats.
J'en profite pour ajouter que si, à l'avenir, les députés sont moins nombreux, il faut qu'ils aient un nombre plus important de collaborateurs. En tant que présidente de la délégation aux droits de femmes, j'avais à disposition deux fois plus de collaborateurs que les autres députés, grâce, il me semble, à l'action du président Bartolone. Je n'avais pas d'autres avantages tels qu'une voiture de fonction – je n'en avais d'ailleurs pas besoin. Disposer de deux fois plus de collaborateurs a été extraordinaire ! L'équipe travaillait beaucoup, efficacement, avec les moyens adéquats. Aujourd'hui, les députés français n'ont pas assez de moyens de travail.
D'après le témoignage de nos collègues, il faudrait, premièrement, proposer des formations aux députés au cours de la dernière année du mandat, aussi bien pour ceux qui ont décidé de ne pas se représenter que pour ceux qui se représentent, puisque tout député qui brigue un second mandat pense nécessairement à sa possible non-réélection. Faisons connaître aux députés les possibilités de formation qui s'offrent à eux : chers collègues, sachez-le, vous pouvez apprendre l'anglais à l'Assemblée ! Marie-Christine Clergeau, questeure, ne l'a appris que six mois avant la fin de son mandat.
. Il n'en est rien. Voilà une possibilité intéressante, mais efficace seulement si elle est connue. L'Assemblée doit proposer des formations, et faire en sorte que ces formations soient connues de tous. Que l'on soit député de la majorité ou de l'opposition, il est possible de consacrer une part de son temps personnel à une formation. Il s'agit simplement d'une question de priorités.
Le second point porte sur la valorisation des acquis de l'expérience (VAE), qui semble difficile à mettre en œuvre. Les députés doivent pouvoir faire un bilan de compétences. Un député devient extrêmement polyvalent, il s'ouvre à des sujets inconnus, aborde un grand nombre de sujets, mène des missions et écoute beaucoup. Cependant, quelle compétence réelle acquérons-nous ? Il est bon qu'un député puisse devenir avocat à la suite de son mandat, mais sommes-nous sûrs que tous les députés ont les compétences requises pour une telle profession ? Je pense qu'un député, en devenant avocat, offre avant tout son carnet d'adresses.
. Nous en avons connu dans ce cas ! Le bilan de compétence me paraît tout à fait indispensable. Réapprendre à faire un CV est aussi très important pour un député. Je vous livrerai l'anecdote suivante : une ancienne députée de 53 ans fait son CV et l'envoie à sa fille, qui lui dit qu'il ne vaut rien. Une fois le CV refait par sa fille, cette ancienne députée a eu trois propositions en huit jours, dont une qui a abouti à une embauche. Y a-t-il une aide pour cela ? Non.
Je rejoins ce que disait M. Blessig : que ce soit grâce à un cabinet de conseil lié à l'Assemblée, ou grâce à une aide permettant de choisir son cabinet, un accompagnement pour constituer son CV sera bienvenu. Pôle emploi est démuni devant des profils d'anciens députés ; il leur répond que leur carnet d'adresses devrait suffire et qu'il ne peut rien pour eux. L'Association pour l'emploi des cadres (APEC) a été contactée, mais, l'Assemblée n'adhérant pas à l'APEC, elle ne peut conseiller les députés.
L'ARE ne prend pas en charge les frais de déplacement. L'une de mes collègues, qui habite dans le Sud, souhaiterait travailler dans le secteur public, alors qu'elle vient du privé. Elle doit se rendre régulièrement à Paris, et elle paie elle-même ses déplacements ; or, les déplacements pour certains entretiens sont pris en charge par Pôle Emploi. Des dispositions spécifiques sont nécessaires.
Les difficultés de réintégration, que ce soit dans le secteur privé, public ou parapublic, sont réelles. Dans une chambre de commerce et d'industrie, une ancienne députée est mise au placard ; son poste, en cinq ans, a été réattribué, ce qui est tout à fait normal. Cela finit par une rupture conventionnelle. Une autre députée, dans une agence d'État, retrouve son précédent poste, en milieu de hiérarchie, alors qu'elle a assumé de nombreuses responsabilités au cours de son mandat. La situation met tout le monde mal à l'aise, car elle en sait désormais beaucoup plus que son supérieur. Ainsi, même dans le secteur public, la réintégration ne va pas de soi. Pour beaucoup de professeurs, par exemple, il peut être difficile de reprendre une classe.
Votre groupe de travail a une grande responsabilité. L'Assemblée nationale est aujourd'hui beaucoup plus jeune, beaucoup plus féminisée, et vient plus du secteur privé : les difficultés seront sûrement plus grandes à l'avenir. René Dosière m'a indiqué que seuls sept ou huit députés ont touché l'ARE pendant trois ans, jusqu'à la fin de leurs droits – nous sommes loin des fantasmes diffusés dans l'espace public. La plupart des anciens députés concernés avaient retrouvé un travail un an après la fin de leur mandat – cela va d'ailleurs à l'encontre de mes propos précédents – et très peu ont touché l'indemnité jusqu'au bout, qui était d'ailleurs dégressive.
Dégressive, effectivement, de 20 % ou 30 % à chaque palier. La nouvelle indemnité est non dégressive, mais calculée sur le salaire brut de base, soit 5 600 euros, et non sur le salaire brut fiscalisé – 7 400 euros. L'indemnité est donc différente.
Je me permets d'ajouter qu'il faut dire au public que ces indemnités s'autofinancent ! Ce sont les députés en activité qui les financent. La caisse de retraite des députés n'est pas déficitaire, et le taux de retour à l'emploi est suffisant. Marie-France Clergeau, ancienne questeure, aura bientôt, je l'espère, les informations sur ce point, puisque c'est la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui gère le fonds. Cependant, avec le non-cumul des mandats dans le temps et la diminution du nombre de députés, il est possible que ce fonds ne suffise plus.
Une sensibilisation des députés est en cours. Pour les femmes députées qui ne se représentent pas, la situation est différente. Cependant, pour celles qui ne sont pas réélues alors qu'elles pensaient l'être jusqu'à la veille de l'élection, la chute peut être brutale. Une aide est nécessaire pour se rétablir, retrouver une situation professionnelle, et se réinsérer dans la société en assumant son statut de battue.
J'ai toujours été contre le cumul des mandats, et je me suis appliqué cette mesure, puisqu'en devenant députée j'ai démissionné de mon mandat local. Le non-cumul des mandats supprime le parachute de l'emploi local, longtemps utilisé. Un élu national non réélu restait souvent président de conseil général, ou maire, etc. Ce n'est plus le cas.
Il faut aider les députés à envisager l'avenir, dans le public comme dans le privé. Quoi que l'on dise ou fasse, ce régime sera spécial à l'Assemblée – et je ne dis pas « privilégié ». Ce régime propre doit permettre aux députés d'atteindre l'âge de la retraite.
L'une de nos collègues, non réélue en 2017, s'est vue mise d'office à la retraite à 60 ans par l'Assemblée. Ancienne photographe, elle souhaitait bénéficier du fonds de reconversion pour racheter un studio de photographie, ce qui représente une somme de 20 000 euros. Elle n'a eu droit à rien. Certes, ce cas est très particulier, mais ses difficultés à reprendre son activité professionnelle ont été réelles, d'autant plus qu'après un seul mandat sa retraite et ses ressources étaient limitées.
Concernant les retraites des députés, je conçois que celles calculées selon l'ancien système puissent paraître élevées. Cependant, et contrairement à ce qui a été dit dans la presse, la situation est aujourd'hui différente, puisque, pour ne prendre que le cas de cette ancienne députée, sa retraite s'élève à 1 300 ou 1 500 euros, ce qui reste toutefois supérieur à la retraite moyenne des femmes, de 40 % inférieure à celle des hommes ! Certaines de mes collègues touchent aujourd'hui 800 euros.
Notre association nous remercie de l'avoir auditionnée, et nous restons à votre disposition pour répondre à vos questions. Nos adhérentes sont très heureuses de pouvoir être entendues et de pouvoir partager leur expérience. Je rappelle qu'elles sont principalement issues de la dernière législature, et que des députées de législatures précédentes commencent à se joindre à nous.
Je vous remercie, madame la présidente. Vos constats semblent partagés par M. Blessig, et vos inquiétudes réitèrent celles entendues au cours des précédentes auditions. Mes chers collègues, avez-vous des questions ?
Je me dis que j'ai de la chance d'avoir l'âge que j'ai ! Le tableau décrit est inquiétant. Le fossé est immense entre ce que le public dit, ce que la presse écrit, ce que répandent les médias et la réalité. Il serait bon que des millions de Français vous entendent ! Certes il ne faut pas de privilèges, mais la mission de parlementaire est particulière, et il est légitime que nous ayons un statut particulier. L'erreur a été de ne pas l'affirmer clairement. Il revenait à nos présidents respectifs de le faire, et non à nous, députés de base. Lors des campagnes de presse contre les prétendus privilèges des parlementaires, il aurait fallu taper sur la table et dire une fois pour toutes ce que sont la réalité et la vérité. Cela n'a pas été fait, et l'opinion en vient à penser que les députés s'en mettent plein les poches et jouissent de nombreux privilèges.
Il est nécessaire de revenir au droit commun. De plus, les anciens députés, comme vous l'avez dit, ont besoin de se retrouver avec les nouveaux. Voilà qui est enrichissant pour les uns et les autres. Cependant, les nouveaux députés pensent tout savoir, ils incarnent le Nouveau Monde, ils n'ont pas besoin de l'expérience des anciens !
Monsieur Blessig, les anciens députés avaient droit à des billets de train gratuits, n'est-ce pas ?
Même cela vous a été supprimé, sous prétexte d'économiser 800 000 euros. Comment ce chiffre a-t-il été établi ? Tout est tiré vers le bas, comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur. La réalité est difficile pour les parlementaires qui ne sont pas réélus. J'ai travaillé dans le secteur privé avant de devenir député. Je me rappelle qu'un député du Doubs, ayant perdu son mandat, s'est retrouvé sans travail ni indemnité, sans pouvoir rembourser le prêt de la maison qu'il avait fait construire. Le citoyen ne se rend pas compte de tout cela.
Cette réalité est totalement méconnue : par le peuple, par la population, comme par les nouveaux collègues ! Je leur dis cela quand je suis en mission avec eux : « Vous verrez dans quatre ans ! » Ils sont beaucoup plus jeunes, beaucoup plus de femmes sont présentes. Tous s'imaginent que l'avenir sera facile parce qu'ils auront été députés. Mais, en réalité, la situation est difficile. Un entrepreneur ne veut pas être marqué politiquement, et l'on ne peut être et avoir été : ceux qui vous faisaient des courbettes détournent le regard. La réalité peut être extrêmement difficile. Votre témoignage est très important, et j'espère que votre message sera transmis comme il se doit, pour que les collègues non présents puissent le comprendre et en tirer les conclusions nécessaires.
Plus que poser une question, j'ai laissé parler mon cœur. Monsieur Blessig, comment la question des déplacements a-t-elle été vécue ? Nous rencontrions souvent nos anciens collègues à l'Assemblée nationale ; ce n'est plus le cas. Quel dommage !
. Cette question concerne tout particulièrement notre Groupe, et nous pose un vrai problème. Il s'agit tout d'abord d'une question de communication. Chaque fois que nous avons parlé du statut des anciens députés, la présentation la plus caricaturale a été choisie, en laissant entendre que tous les anciens députés voyageaient gratuitement, ce qui est faux. Seuls les membres honoraires du Parlement, élus trois fois, c'est-à-dire ayant dix-huit ans d'ancienneté, jouissaient de cette gratuité. Cela n'a jamais été dit.
Prenons l'exemple de l'allocation pour frais funéraires. L'Assemblée doit apprendre à communiquer, puisque cette information venait bien de l'intérieur, et non de Médiapart. Le buzz a été terrible. Je ne suis jamais allé, en trois législatures, au journal télévisé de 20 heures ; mais, cette fois-là, une équipe de journalistes est venue à Saverne pour m'interviewer. Ils m'ont dit que lorsque qu'un ancien député perdait son conjoint, il touchait 18 000 euros, soit trois fois 6 000 euros. Or, 6 000 euros correspondent en fait à la mensualité maximale d'un ancien député. Dans beaucoup de conventions collectives existe une allocation de frais funéraires qui représente trois mensualités. Certes, pour les députés touchant 6 000 euros de retraite, cette allocation s'élève à 18 000 euros, mais la retraite moyenne d'un député est de l'ordre de 2 300 euros, d'après René Dosière. Nous sommes loin des 18 000 euros ! Nous avons donc modifié cette allocation funéraire, qui est désormais de 2 350 euros ; aucun ancien député n'était au courant de cette mesure, qui relève du régime de sécurité sociale. Entre nous, entre l'allocation décès d'un député en cours de mandat et celle d'un ancien député, la comparaison n'est pas possible ! À force de vouloir égaliser et présenter les faits de manière caricaturale, nous n'allons pas dans le bon sens.
Je vais plaider la cause de notre Groupe des anciens députés. Pourquoi existons-nous ? Du point de vue de la santé et de la retraite, nous dépendons exclusivement du Bureau de l'Assemblée. Nous n'avons aucun recours, au motif de la séparation des pouvoirs. Nous essayons de promouvoir des modalités de concertation. Et même si l'on ne peut être et avoir été, avoir été est aussi une manière d'être. Un minimum de concertation sur le sujet que je viens d'évoquer aurait permis de trouver une solution qui tienne mieux compte de la situation des anciens députés et de celle des députés en fonction. Ce que l'on peut lire sur internet est phénoménal ! Sur les réseaux sociaux, il semble que l'ARE est prise dans la poche du contribuable, alors que c'est l'indemnité parlementaire qui la finance. C'est contre cet amalgame que nous devons lutter.
. Pour ma part, je trouve qu'il est excellent de revenir à un statut normal une fois le mandat révolu. Je trouve même cela très confortable : nous sommes libres et avons du temps pour nous, même si certains revers existent. Je souhaite que notre audition ne fasse pas pleurer sur le sort des députés. Là n'est pas le sujet.
Des millions de Français sont au chômage, des millions de Français apprennent très brutalement qu'ils ont perdu leur emploi, parfois dans des conditions abominables. Certains l'apprennent par un courriel, le matin, en arrivant au travail, comme cela s'est passé dans un centre d'appels, à Poitiers, où je vis. La situation est autrement dramatique et violente. Je pense néanmoins qu'il faut réfléchir à la fonction du député et à l'après-mandat, et que ce n'est pas honteux.
Les fake news nous poursuivent depuis longtemps. En 2007, lorsque j'étais candidate, on nous posait d'innombrables questions sur des dispositions scandaleuses que nous ne connaissions même pas ! Nous ne pourrons rien contre les fake news, mais nous pourrons garder la dignité de cette fonction de représentation nationale, qui a un poids. Évitons de donner en pâture les dispositions prises ici. Par ailleurs, je trouvais qu'il était légitime de voter la retraite à 62 ans.
Nous avons sollicité l'APEC pour savoir si elle pourrait faire des propositions afin d'accompagner le retour à l'emploi des députés. Vos associations seraient-elles prêtes à collaborer avec elle ?
. Les retours concernant l'APEC sont excellents, aussi bien pour l'accompagnement que pour le suivi et les rendez-vous personnalisés. Cependant, l'Assemblée ne cotise pas à l'APEC, celle-ci ne nous reconnaît donc pas.
Je souhaite remercier nos deux anciens collègues pour leurs très intéressantes interventions. Nous sommes heureux de les retrouver dans cette maison. Je remercie Mme la présidente et M. le rapporteur d'avoir organisé ces deux auditions, qui sont précieuses.
J'aimais beaucoup ce que disait un grand Président de l'Assemblée nationale, Philippe Séguin, à savoir que la démocratie a un coût. Voilà des propos qui ne sont pas populaires. Cependant, l'honneur des démocrates est aussi de lutter contre les populismes. Oui, la démocratie a un coût. Madame Coutelle, nous ne devons pas nous excuser lorsque nous sommes en fonction. Nous restons normaux. Redevenir normal après le mandat, le sujet n'est pas là. Même au cours de mon cinquième mandat, je n'ai pas l'impression d'être anormal ! Soyons vigilants envers nous-mêmes, car nous sommes constamment sous la pression des populismes. Je dis souvent en plaisantant : « Rétablissons le suffrage censitaire ! » Il serait judicieux de relire les très beaux discours de Saint-Just à la Convention. L'indemnité n'existe pas pour engraisser les élus, mais pour les mettre à l'abri des tentations, et pour permettre à des filles et des fils du peuple – pas des filles, hélas, disons plutôt des enfants du peuple, d'accéder à ces fonctions. Ce préalable historique étant fait, je souhaiterais revenir sur la retraite moyenne des 1 350 députés pensionnés. À combien s'élève-t-elle exactement ?
. D'après René Dosière,…
. … la retraite moyenne des députés était de 2 400 euros sous la précédente législature, entre 3 000 et 3 500 euros actuellement. Les départs ont été nombreux, et les députés étaient plus âgés.
J'aime beaucoup René Dosière, mais posons la question à nos questeurs ! Il serait utile que notre groupe de travail connaisse et fasse connaître ce montant. Cette moyenne représente la retraite d'un député ayant fait deux mandats, non ?
. Tout à fait, mais deux mandats dans l'ancien système. Voyez mon cas. J'ai été députée de 2007 à 2017. De 2007 à 2012, nous avons eu le droit de cotiser double, soit dix ans, ce qui représente quinze ans en tout avec les cinq ans du second mandat. Je touche aujourd'hui une retraite de 3 700 euros. Cependant, pour deux collègues qui n'ont cotisé que de 2012 à 2017, l'une touche 800 euros de retraite, la seconde 1 100 euros. La différence entre les deux est liée au nombre d'enfants.
Je vous rappellerai la réforme Accoyer – j'étais alors vice-président de l'Assemblée. Nous avions calé nos dispositions concernant les retraites sur celles de tous les Français. D'autres modifications ont eu lieu sous la présidence de M. Bartolone. Si nous considérons l'ancien système, cela correspond à deux mandats effectifs. Lisez ce que Le Figaro a écrit sur le non-cumul dans le temps : environ 40 députés seraient concernés par cette mesure. Cher Jean-Luc, avec ton septième mandat, tu fais figure de tyrannosaure de cette maison !
(Sourires.)
Madame Coutelle, monsieur Blessig, votre contribution est très importante. Lors de la prochaine législature, le non-cumul des mandats dans le temps s'ajoutera au redécoupage des circonscriptions, dont le nombre sera divisé par deux. Nous passerons donc de 577 députés à 320 ou 340.
Vos propositions sont les bienvenues. Je me permets cependant de suggérer une amélioration : les mesures de formation doivent être proposées deux ans avant la fin du mandat. Tout va très vite, il nous faut anticiper. Tous les témoignages que j'ai reçus de mes collègues, qu'ils soient ou non fonctionnaires, vont en ce sens.
Je souhaiterais que nous expertisions le modèle allemand. J'ai le sentiment que nos collègues d'outre-Rhin disposent de mesures de reconversion professionnelle que nous n'avons pas. Lorsque nous réunissons le Bundestag et l'Assemblée, la différence sociologique est patente, et pas seulement celle de la représentation des sexes. Nous insistons toujours sur la représentation féminine – j'espère, madame Coutelle, ne vous choquer que très passagèrement –, mais qu'en est-il des ouvriers ?
Vous acquiescez, mais n'est-il pas choquant que des catégories socioprofessionnelles entières soient exclues de notre Assemblée ? Les femmes sont d'ailleurs d'autant plus pénalisées lorsqu'elles y appartiennent. Et personne n'en parle, jamais !
. Il faudra, suffisamment à l'avance, chiffrer le coût des mesures. Votre groupe de travail pourra solliciter la Questure en ce sens. Si les mesures ne sont pas chiffrées, et si la constitution d'un fonds de reconversion n'est pas anticipée, la prochaine législature risque de donner lieu à une situation périlleuse. Il vaut mieux anticiper que compter sur la solidarité nationale des médias et des réseaux sociaux pour faciliter l'émergence de solutions.
En Allemagne, les députés ont des facilités pour réintégrer la fonction publique. Il serait intéressant de savoir quel est leur statut. Qu'en est-il de leurs indemnités ? Ils sont mieux indemnisés que nous, il me semble. Ils peuvent aussi intégrer la fonction publique locale ou nationale. Connaître le modèle allemand serait intéressant.
Le problème ne porte pas sur le cumul des mandats, mais sur celui du statut des députés et de la représentation du pays ! J'ai été élu en 1988. Le lendemain de mon élection, je recevais les félicitations de mon patron, accompagnées d'un solde de tout compte… Voilà la réalité ! J'avais alors trente-quatre ans, et jamais je n'aurais retrouvé mon travail. Il faut élaborer un dispositif qui permettra aux nouveaux députés de faire face aux difficultés qu'ils rencontreront dans quatre ans.
Je souhaite dire quelques mots pour éclairer l'avenir. L'un des objectifs de la réduction du nombre de parlementaires est aussi qu'ils aient plus de moyens. À budget constant, les équipes pourront s'étoffer et gagner en compétence ; de meilleurs salaires sont nécessaires pour embaucher des collaborateurs de bon niveau. Des enveloppes sont spécifiquement allouées aux moyens. Celle consacrée à la rémunération, si nous considérions qu'elle devrait être réallouée, permettrait de financer tous les outils nécessaires à une bonne reconversion et une bonne réintégration dans la vie active.
Une question, par ailleurs, n'est jamais posée. Pourtant, certains collègues s'y trouvent confrontés : le « si j'avais su ! » La situation des députés n'est pas forcément connue. Certains, s'il l'avait connue, ne se seraient pas présentés !
(Sourires.)
Une notice, au moment du dépôt de la candidature en préfecture, ne serait peut-être pas inutile.
Cette notice serait d'autant plus utile que le régime des incompatibilités fait que la conservation d'une entreprise devient mission impossible.
Concernant la représentation sociologique de l'Assemblée, je vous rappelle que la France compte deux millions d'entrepreneurs. Être député et entrepreneur, malgré les moyens qui existent pour conserver son entreprise, c'est-à-dire passer à travers le régime des incompatibilités, je ne vois pas comment c'est aujourd'hui possible.
Ce régime des incompatibilités va à l'encontre du souhait de diversité professionnelle qui était censé être la nouveauté de ce mandat, grâce à l'élection de personnes venant de la société civile. Monsieur le rapporteur, vous me racontiez l'exemple d'une collègue catastrophée car la déontologue lui a demandé de vendre son entreprise pour éviter tout conflit d'intérêts. Ce régime génère des situations complètement cocasses, et certains se demandent s'ils ont eu raison de se présenter, compte tenu des conséquences sur leur entreprise et sur leur personnel.
La réunion s'achève à midi quinze.