Publié le 6 novembre 2018 par : Mme Bonnivard, M. Bazin, M. Door, M. Masson, M. Sermier, M. Emmanuel Maquet, M. Hetzel, M. Brun, M. Leclerc, M. Bony, M. Abad, Mme Kuster, Mme Duby-Muller, M. Ramadier, M. Straumann, M. Cordier, M. Cinieri, M. Descoeur, M. Saddier, M. Perrut, Mme Bassire, Mme Dalloz, M. Vialay, M. Aubert.
Supprimer cet article.
L'article 73 B du Code général des impôts prévoit que les jeunes agriculteurs bénéficient d'un abattement de 50 % sur le bénéfice imposable réalisé au cours des 5 premières années d'activité. L'abattement est porté à 100 % au titre de l'exercice en cours à la date d'inscription en comptabilité de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs.
L'article 53 PLF pour 2019 propose une remise en cause de cet avantage en proposant un abattement dégressif qui tient compte du bénéfice effectivement réalisé. L'idée soutenue est qu'il n'est pas normal que l'avantage octroyé le soit automatiquement quel que soit le bénéfice réalisé. Le choix du gouvernement s'appuie sur la position de la Cour des comptes qui relève que le but de cet avantage fiscal est d'aider les plus modestes, et non de généraliser l'aide à l'ensemble des agriculteurs. En 2017, la Cour des comptes européenne a également appelé les États à mieux cibler les aides en soutien aux jeunes agriculteurs.
Le PLF pour 2019 prévoit donc un abattement dégressif en fonction du bénéfice agricole réalisé :
. Pour la 1ère année :
. abattement de 100 % pour la fraction du bénéfice qui n'excède pas 29 276 €.
. abattement de 30 % pour la fraction entre 29 276 € et 58 552 €.
. pas d'abattement pour la fraction excédant 58 552 €.
. Pour les 4 années qui suivent :
. abattement de 50 % pour la fraction du bénéfice qui n'excède pas 29 276 €.
. abattement de 30 % pour la fraction entre 29 276 € et 58 552 €.
. pas d'abattement pour la fraction excédant 58 552 €.
Pour rappel, dans le régime actuel, aucun seuil n'est fixé. Schématiquement, cela donne donc ce qui suit :
. Pour la 1ère année : abattement de 100 %.
. Pour les 4 années qui suivent : abattement de 50 %.
Le PLF pour 2019 introduit ainsi un nouveau régime moins favorable aux agriculteurs. Les éléments qui suivent permettent de s'en convaincre :
Exemple 1 :
M. X. est agriculteur. Bénéfice annuel pour les 5 années (bénéfice stable) : 29 000 €.
Régime actuel :
. 1ère année : abattement de 100 % = pas d'imposition
. 4 années suivantes : abattement de 50 % = bénéfice imposable de 14 500 €.
PLF pour 2019 :
. 1ère année : abattement de 100 % = pas d'imposition
. 4 années suivantes : abattement de 50 % = bénéfice imposable de 14 500 €.
Donc pas de différence de traitement dans cette hypothèse.
Exemple 2 :
M. X. est agriculteur. Bénéfice annuel pour les 5 années (bénéfice stable) : 34 000 €.
Régime actuel :
. 1ère année : abattement de 100 % = pas d'imposition
. 4 années suivantes : abattement de 50 % = bénéfice imposable de 14 500 €.
PLF pour 2019 :
. 1ère année : abattement de 100 % sur la fraction inférieure à 29 276 €.
Abattement de 60 % sur la fraction excédant 34 000 – 29276 = 4724 € * 60 % = 2834.
Donc bénéfice imposable = 4724 – 2834 = 1890.
. 4 années suivantes : abattement de 50 % pour la fraction inférieure à 29 276 € + abattement de 30 % pour la fraction entre 29 276 et 58 552. Donc bénéfice imposable = (29276 * 50 %) + ((34000‑29276) *30 %) = 14638 + 3307 = 17 945 €
Dans ce second exemple, le PLF pour 2019 est donc à l'origine d'une augmentation du bénéfice imposable de l'agriculteur.
Surtout, les exemples venant d'être développés reposent sur un bénéfice stable de l'agriculteur, ce qui correspond rarement à la situation réelle. Dès lors, en présence d'une situation qui se dégraderait au fur et à mesure des années, son traitement fiscal serait moins bon qu'en application des dispositions actuellement en vigueur. En d'autres termes, la réduction de l'avantage fiscal existant se trouve nécessairement amplifiée si le bénéfice de l'agriculteur baisse d'une année sur l'autre.
De plus, le régime actuel a le mérite de la simplicité. Le PLF pour 2019 introduit un régime beaucoup plus complexe, difficilement intelligible pour les agriculteurs. En pratique, l'introduction d'un système de tranches pourrait conduire l'agriculteur à ne pas révéler l'ensemble de ses bénéfices afin de rester en dessous de la tranche supérieure.
En outre, comme tout régime juridique introduisant un traitement fiscal par tranche, un effet de seuil existera, et aucun dispositif n'est prévu pour atténuer ces potentiels effets de seuil.
Enfin, l'ensemble des représentants de la nation ont nécessairement connaissance de l'instabilité pouvant toucher, sur le long terme, la profession d'agriculteur. En effet, il est tout à fait possible que les 5 premières années soient réussies et que la situation devienne critique à partir de la 6e année. Le régime actuel vise donc à accorder un avantage fiscal à des professionnels passionnés par leur métier, décidant de l'exercer malgré les risques qu'il comporte. Il n'apparaît donc pas judicieux de réduire l'avantage fiscal leur étant octroyé. Une telle mesure aurait d'ailleurs certainement pour effet de décourager les jeunes souhaitant devenir agriculteur dans un futur plus ou moins proche.
Ainsi, au regard de l'ensemble des éléments évoqués précédemment, il ne semble pas opportun de réduire l'avantage fiscal accordé à cette catégorie professionnelle. Les économies ne sont assurément pas à réaliser dans ce secteur d'activité.
Il y a donc lieu de procéder à la suppression de l'article 53 du PLF pour 2019.
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