Publié le 19 juin 2019 par : M. Acquaviva, M. Molac, M. Castellani, M. Clément, M. Colombani, Mme Dubié, Mme Frédérique Dumas, M. El Guerrab, M. Favennec Becot, M. François-Michel Lambert, M. Pancher, M. Pupponi, M. Philippe Vigier.
Rédiger ainsi cet article :
« L’autorité administrative visée par le décret n° 2015‑125 du 5 février 2015 adresse aux éditeurs visés au III de l’article 6 de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique contrevenant aux cinquième et sixième alinéas de l’article 24, ainsi qu’aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, une mise en demeure rappelant les sanctions encourues en la matière et les dispositions du présent article, enjoignant à ces éditeurs de retirer les contenus précédemment visés et les invitant à présenter leurs observations dans un délai de huit jours ;
« Elle adresse également aux personnes mentionnées au 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, par tout moyen propre à en établir la date de réception, une copie de la mise en demeure prévue au premier alinéa du présent article.
« À l’issue du délai mentionné au premier alinéa, en cas d’inexécution de l’injonction prévue au premier alinéa du présent article ou si le contenu illicite contrevenant aux articles visés au premier alinéa reste accessible, l’autorité administrative peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins d’ordonner, en la forme des référés, aux personnes mentionnées au 2 du I, ou, à défaut, aux personnes mentionnées au 1 du I de l’article 6 de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 précitée, ainsi qu’à tout fournisseur de noms de domaine, toutes mesures propres à faire cesser le dommage occasionné par le contenu du service de communication au public en ligne contrevenant aux cinquième et sixième alinéas de l’article 24, ainsi qu’aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
« L’autorité administrative peut saisir par requête le président du tribunal de grande instance de Paris aux mêmes fins lorsque ce service de communication au public en ligne est accessible à partir d’autres adresses.
« L’autorité administrative peut également saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir prescrire, en la forme des référés, toute mesure destinée à faire cesser le référencement du site d’un opérateur mentionné au deuxième alinéa du présent article par un moteur de recherche ou un annuaire.
« Dans le cas prévu au premier alinéa, l’autorité administrative peut également être saisie par le ministère public et toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir.
« Les modalités techniques du présent article sont précisées par décret, notamment la compensation des surcoûts résultant des obligations mises à la charge des personnes mentionnées au 1 du I de l’article 6 de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 précitée au titre du présent article. »
En l’état actuel de la rédaction de l’article 6 de la proposition de loi, de grands principes du droit de l’Internet ont vocation à être supprimés sans pour autant assurer une efficacité au dispositif.
Ainsi, l’alinéa 2 de l’article 6 prévoit la suppression du principe de subsidiarité, principe fondamental du droit de l’Internet assurant, notamment dans un souci d’efficacité, l’équilibre des responsabilités des acteurs de l’Internet. Ce principe dispose que, dans le cas où un juge constate la nécessité de faire disparaitre un contenu illicite, le juge se tourne de manière préalable vers celui qui aura été le plus actif : l’auteur ou l’éditeur, puis celui qui est apte à retirer le contenu ou en rendre l’accès impossible, à savoir l’hébergeur du site, et enfin le FAI, qui ne fait que transporter passivement des contenus sans pouvoir supprimer ces contenus à la source. Ce n’est bien qu’en cas d’inaction de la part de l’hébergeur, qui est mieux à même d’agir de façon efficace en cas d’inaction de l’auteur ou de l’éditeur, que le juge judiciaire peut ordonner au FAI de bloquer l’accès au site internet.
Ce principe trouve son fondement dans la nécessité d’agir de la manière la plus proportionnée et efficace possible en matière de retrait de contenus, afin de préserver la liberté d’expression et éviter les risques de surblocage. Il donne la possibilité à l’hébergeur de retirer le contenu illicite, sans impacter les autres contenus hébergés. Il est aussi, en l’espèce, une condition de l’efficacité du dispositif : les faits incriminés par la présente proposition de loi interviennent dans la plupart des cas sur des plateformes hébergeant de très grandes quantités de contenus, auxquels le blocage par le FAI conduirait à empêcher tout accès, de façon évidemment disproportionnée.
Le présent amendement propose donc son maintien, en prévoyant la mise en demeure préalable de l’éditeur du contenu haineux illicite par l’autorité administrative (l’OCLCTIC, déjà en charge du blocage des contenus pédopornographiques et terroristes via l’article 6-1 de la LCEN, pourrait être compétente en la matière), et, en cas d’inaction de celui-ci, une saisine de l’autorité judiciaire par l’autorité administrative. Le juge pourra alors demander le retrait du contenu haineux illicite à l’hébergeur, ou, à défaut, se tourner vers le FAI en dernier recours.
L’article 6 de la proposition de loi donne également pouvoir à l’autorité administrative de décider du blocage d’un site miroir par un FAI, à partir du moment où une décision de justice a déjà été rendue pour des contenus similaires. Or, selon l’avis rendu par le Conseil d’Etat le 16 mai 2019 sur la proposition de loi, les exigences constitutionnelles ne permettent pas de procéder à l’interdiction des « contenus miroirs », quels que soient le degré et la gravité de leur illicéité, sans l’intervention d’un juge.
Cet amendement propose donc que l’autorité administrative puisse également saisir l’autorité judiciaire par requête, qui est une voie beaucoup plus rapide que le référé car non contradictoire, pour que le juge ordonne le retrait du contenu illicite miroir, ou, à défaut, le blocage de sites miroirs.
Ce modèle de blocage judiciaire sur demande de l’autorité administrative en cas d’inaction des éditeurs et hébergeurs était d’ailleurs expressément mentionné dans le rapport « renforcer la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet » remis au Premier Ministre le 20 septembre 2018 en amont de la présente proposition de loi.
Le présent amendement l’intègre tout en laissant le juge judiciaire au cœur du dispositif.
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