La réunion

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La séance est ouverte à dix-neuf heures.

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Mes chers collègues, l'Assemblée nationale a décidé de constituer une commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire Lactalis et d'étudier à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et de l'effectivité des décisions publiques.

Il ne s'agit pas pour nous de faire le procès de qui que ce soit, de juger ni de punir, mais de comprendre et d'essayer de faire en sorte que de tels événements ne se reproduisent pas.

Le rapporteur et moi-même avons pensé qu'il était légitime d'auditionner d'abord les victimes, et c'est ce que nous avons fait la semaine dernière. Après cette première audition, nous avons entendu hier l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), la direction générale de l'alimentation (DGAL) et la direction générale de la santé (DGS).

Nous recevons aujourd'hui la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et plus particulièrement Mme Virginie Beaumeunier, directrice générale, Mme Roselyne Hureau-Roy, chef de l'unité d'alerte, M. Emmanuel Koen, adjoint à la sous-directrice Produits alimentaires et marchés agricoles et alimentaires, et M. Loïc Tanguy, directeur de cabinet.

Rattachée au ministère de l'économie et des finances, la DGCCRF a pour mission la régulation concurrentielle des marchés – lutte contre les ententes et les abus de position dominante, lutte contre les pratiques commerciales déloyales –, la protection économique des consommateurs – contrôle de l'application des règles d'étiquetage, de composition et de dénomination des marchandises – et la sécurité des consommateurs. C'est cette dernière mission qui nous intéresse aujourd'hui.

Mesdames, messieurs, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative aux commissions d'enquête, je vais vous demander de prêter le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité.

Mme Virginie Beaumeunier, Mme Roselyne Hureau-Roy, M. Emmanuel Koen et M. Loïc Tanguy prêtent successivement serment.

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Pouvez-vous nous expliquer la chronologie de cette affaire et nous dire à quel moment vous avez été avertis des risques de contamination ? Quel a été votre rôle à ce moment-là ?

Quel avis avez-vous été amené à donner et quelles mesures avez-vous prises ?

Avec quels organismes d'État travaillez-vous en amont et en aval ? J'imagine que ce sont ceux que nous avons reçus hier.

Comment ont été appliquées les procédures de retrait des lots contaminés ?

Nous avons appris qu'il y avait eu une contamination à la salmonelle sur le site de Craon en 2005. Cela a-t-il donné lieu à des contrôles renforcés entre 2005 et 2017 ?

La salmonelle était-elle encore présente en 2017 ou pensez-vous qu'il s'agit d'une nouvelle contamination ?

Nous savons que d'autres types de salmonelles que Salmonella Agona ont été repérés chez Lactalis. Vous y êtes-vous intéressés ?

Pouvez-vous nous expliquer comment s'exerce le contrôle de l'État sur la qualité sanitaire des produits alimentaires, en particulier ceux issus d'une transformation ? Quel est le rôle exact de votre direction dans ce contrôle, en particulier par rapport à la DGAL, à la DGS et à l'ANSES ?

Comment les autres pays européens fonctionnent par rapport à votre direction ? Y a-t-il des directions équivalentes ?

Pensez-vous que les crédits qui vous sont alloués sont suffisants ? Nous avons compris, hier, lors des auditions, que la France n'était pas forcément le pays européen qui investissait le plus dans la sécurité sanitaire. On parle de 0,30 euro pour la France, alors que le Danemark y consacre 2,40 euros.

On a beaucoup parlé des autocontrôles qui ont été mis en place. Les résultats de ces autocontrôles sont-ils systématiquement transmis aux services de l'État ? S'ils le sont, font-ils l'objet d'un suivi ? Quelles en sont les conséquences ?

Selon vous, Lactalis a-t-il volontairement dissimulé des résultats d'autocontrôles positifs depuis 2005 ?

Quelles actions ont été mises en oeuvre depuis la détection de ces autocontrôles positifs, si tant est que vous en ayez été informés ?

Combien de contrôles sur échantillon ont-ils été réalisés par les services de l'État sur le site de Craon depuis 2005 ?

L'ensemble des documents dont disposent aujourd'hui les services de l'État sont-ils rendus publics ?

Pourquoi l'inspection vétérinaire effectuée au mois de septembre ne s'est-elle pas intéressée à l'éventuelle présence de salmonelle sur le site ? Le rapport de cette inspection a-t-il donné lieu à une publication ? Où est-il ? Pouvons-nous en disposer ?

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Mesdames, messieurs, pouvez-vous nous expliquer quelles sont les procédures applicables en cas d'alerte sanitaire concernant des produits alimentaires ? En quoi ces procédures ont-elles été mal appliquées ou se sont-elles révélées insuffisantes dans le cas de l'affaire du lait contaminé ?

Pourquoi l'alerte donnée par Santé publique France le 1er décembre 2017 à propos d'un nombre anormalement élevé de cas de salmonellose chez les enfants ayant consommé du lait Lactalis n'a-t-elle pas conduit la DGCCRF à demander immédiatement le retrait des références concernées ? Sur cette question précise, je souhaiterais avoir une réponse assez précise.

Une liste des lots et des produits retirés a-t-elle été publiée ? Si oui, à quelle date ? Cette liste a-t-elle fait l'objet d'une actualisation régulière au fur et à mesure du retrait de nouveaux produits ?

Pouvez-vous faire le point sur le nombre exact de pays ayant reçu des produits issus du site de Craon ? Les produits ayant fait l'objet d'un reconditionnement ont-ils pu être identifiés ?

Dans le cas du déclenchement et du déroulement d'une procédure de retrait-rappel, la bonne exécution de cette procédure par les commerçants est-elle systématiquement contrôlée ? Comment expliquez-vous les fortes promotions – on parle de remises de 40 % – dont ont fait l'objet certains produits concernés par la procédure de retrait-rappel dans la grande distribution ? Pouvez-vous nous indiquer les sanctions dont font l'objet les commerçants manquant à une procédure de retrait-rappel ? Des sanctions aggravées sont-elles prévues en cas de risque important pour la santé humaine ?

Comment expliquez-vous que des non-conformités aient été relevées dans 5 % des établissements contrôlés à la suite du lancement de la procédure de retrait-rappel ? Là aussi, je souhaiterais avoir une réponse assez précise de votre part.

Le 13 décembre 2007, cinq lots ont été retirés de la vente dans des pharmacies, alors qu'ils auraient déjà dû faire l'objet d'un retrait. Pouvez-vous expliquer les raisons de cette négligence ?

Selon vous, des produits fabriqués dans l'usine de Craon et contaminés par la salmonelle sont-ils encore susceptibles d'être proposés à la vente ? Quels ont été les résultats de la seconde vague de contrôle de la procédure de retrait-rappel réalisée au cours du mois de janvier 2018 ?

Pouvez-vous rappeler les principales opérations de retrait-rappel réalisées au cours des dix dernières années ? Quels ont été les produits et le nombre de points de vente concernés ?

Quelles mesures préconisez-vous pour que ce type de contamination ne se reproduise plus ?

Enfin, lors de son audition au Sénat, la présidente de l'Ordre national des pharmaciens a indiqué vouloir sanctionner les pharmaciens ayant continué à vendre des produits ayant fait l'objet d'une procédure de rappel, mais ne pas être en mesure de les identifier. Vos services ont-ils transmis les informations nécessaires à leur identification ?

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Vous le voyez, ce sont des questions simples et peu nombreuses. (Sourires.) Vous pouvez y répondre dans l'ordre que vous souhaitez.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Mesdames, messieurs les députés, je vais m'efforcer, bien évidemment, de répondre à vos questions, à l'exception de celles qui ne relèvent pas de ma compétence.

J'avais prévu de vous expliquer quelles étaient les missions de la DGCCRF, mais comme vous les avez rappelées, Monsieur le président, il n'est pas utile d'y revenir. Vous avez bien précisé que nous avions une triple compétence : en matière de sécurité du consommateur, de protection économique du consommateur et de concurrence. Nous intervenons à la fois pour le consommateur et pour les entreprises vertueuses car il est important que celles qui respectent les réglementations ne soient pas défavorisées à cause de celles qui ne les respectent pas, ce qui a évidemment des conséquences sur les consommateurs.

La compétence en matière de sécurité sanitaire de l'alimentation est partagée principalement avec les ministères de la santé et de l'agriculture et les missions de contrôle sont exercées en articulation entre les services de la DGCCRF et ceux du ministère de l'agriculture. Le partage des compétences est organisé par le plan national de contrôles officiels pluriannuel (PNCOPA) qui précise clairement la répartition des compétences entre les différents types de produits ou les établissements à contrôler. Au niveau national, la coordination est assurée par des échanges entre la DGCCRF, la DGAL et la DGS, et au niveau local pour les missions de contrôle entre les services de la DGAL, les services vétérinaires et ceux de la DGCCRF au sein des directions départementales de protection des populations (DDPP) ou des directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) – cela dépend principalement de la taille des départements, même si ce n'est pas exactement la règle. Pour l'outre-mer, l'organisation est un peu différente puisqu'il y a d'une part des directions de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DAAF), et d'autre part des directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). La coordination se fait dans des missions interministérielles, puisque les services vétérinaires ne sont pas dans les mêmes services que la DGCCRF.

Pour ce qui concerne le cas particulier des aliments de nutrition infantile, la DGCCRF n'est pas chargée du suivi de l'hygiène dans les établissements de fabrication. Il s'agit là d'une compétence de la DGAL. S'agissant des denrées d'origine animale, les usines de fabrication disposent d'agréments sanitaires instruits par les services vétérinaires, donc ceux du ministère de l'agriculture. Ce sont eux qui assurent les contrôles en matière d'hygiène qui correspondent à ces agréments.

Il arrive que la DGCCRF fasse des contrôles dans ces usines, mais ces contrôles sont de nature différente que l'on appelle les contrôles de la première mise sur le marché, dits CPMM, qui pour ces établissements agréés, visent à vérifier le respect d'autres réglementations dont nous avons la charge, notamment les règles d'étiquetage, les règles de composition des denrées alimentaires, le respect des règles de facturation, la traçabilité ou la maîtrise des risques. Ce sont donc plutôt des contrôles autour de ce que l'on appelle la loyauté.

Dans le cas de l'usine de Craon, les CP2M sont réalisés tous les trois ans. Pour ce type de contrôle, nous avons en effet une cotation des établissements en fonction des risques. Comme cet établissement est déjà contrôlé au titre de l'agrément sanitaire par la DGCCRF, il est contrôlé moins souvent sur ce qui concerne la sécurité sanitaire. Nous intervenons uniquement pour les contrôles que je viens d'évoquer. Nous devions intervenir dans l'usine de Craon le 5 décembre 2017. Bien évidemment, ce contrôle n'a pas eu lieu en raison de la gestion de la crise. Mais, je le répète, il ne s'agissait pas d'un contrôle sanitaire.

J'en viens au rappel de la chronologie de la gestion de crise.

Le vendredi 1er décembre 2017, les services centraux de la DGCCRF sont alertés par Santé publique France, établissement public chargé des missions de veille sanitaire, d'un nombre anormalement élevé de cas de salmonellose, dont le sérotype est Salmonella Agona, chez des enfants en bas âge. Des questionnaires, adressés par Santé publique France aux parents des vingt nourrissons malades signalés à cette date, ont permis d'identifier que ces enfants avaient en commun la consommation exclusive de laits infantiles des marques Picot et Milumel. Les premiers cas ayant été isolés dès la mi-août, on pouvait craindre que des lots contaminés aient été mis sur le marché dès la mi-juillet 2017 et qu'ils soient encore sur le marché. Les services de la DGCCRF ont immédiatement contacté la DDCSPP de Mayenne, département où est situé le siège de Lactalis Nutrition Santé, entreprise qui fabrique ces produits. Les premiers contacts avec l'entreprise permettent d'identifier que l'ensemble des trois références impliquées, à savoir le lait Picot sans lactose premier âge, le lait Pepti-Junior sans lactose premier âge, et le lait Milumel bio premier âge, sont fabriquées sur le même site de Craon.

Le 2 décembre 2017, des investigations complémentaires sont réalisées sur ce site. Il est demandé à l'entreprise de mettre en place des mesures conservatoires, comme le blocage à la commercialisation de tous ses stocks. Lactalis annonce enfin retirer de la commercialisation et rappeler douze lots de produits de nutrition infantile. Il s'agit des lots des trois références précitées mis sur le marché à partir de la mi-juillet par Lactalis. Cette information est relayée par un communiqué de presse des ministères de l'économie et de la santé. Vingt-quatre heures se sont donc écoulées entre l'information de la DGCCRF par Santé publique France et la première mesure de gestion de crise décidée par Lactalis avec l'intervention des services de l'État.

À partir du lundi 4 décembre 2017, des investigations complémentaires sont menées sur site par la DDCSPP de Mayenne, puis par le service national des enquêtes (SNE) de la DGCCRF. Nous faisons intervenir ce service national parce qu'il a l'habitude des enquêtes complexes et faites en urgence, notamment sur les questions de traçabilité. Dans ces affaires de gestion de crise, la traçabilité est très importante et doit donc être vérifiée. Ces contrôles visent à vérifier que Lactalis a mis en oeuvre les mesures appropriées de gestion du risque afin de garantir que les produits encore sur le marché sont sûrs. Le fabricant a décidé des mesures ; il revient aux services de l'État de s'assurer que ces mesures sont appropriées par rapport aux risques, c'est-à-dire que le périmètre du retrait-rappel décidé par l'entreprise est suffisant. À ce moment-là, pour nous assurer du bon périmètre, nous faisons des contrôles qui consistent en une soixantaine de prélèvements pour analyse, en des contrôles documentaires et nous procédons à l'audition des responsables de l'entreprise.

Le vendredi 8 décembre 2017, la DGCCRF a été informée de cinq nouveaux cas de salmonellose, dont celui d'un enfant ayant consommé un produit du groupe Lactalis autre que les trois premiers ayant déjà été identifiés et que j'ai cités tout à l'heure. Par ailleurs, les résultats des prélèvements réalisés par Lactalis et par les autorités de contrôle à proximité de la chaîne de production - concrètement dans l'environnement de la tour de séchage n° 1 qui avait servi à fabriquer ces produits - ont montré la présence dans l'usine de Craon de salmonelles du même sérotype que celles ayant conduit à la contamination des nourrissons. À ce stade, les premières conclusions de l'enquête menée par les agents du SNE sur site conduisent la DGCCRF à considérer que les mesures prises par l'entreprise ne sont pas de nature à maîtriser le risque de contamination de produits destinés à l'alimentation d'enfants en bas âge. Nous informons Lactalis de ces conclusions. Nous considérons à ce moment-là que le périmètre proposé par Lactalis n'est pas suffisant.

Le samedi 9 décembre 2017, après un contact direct entre les dirigeants de l'entreprise et le cabinet du ministre de l'économie et des finances, faute d'une démarche volontaire de l'entreprise permettant une gestion satisfaisante du risque de contamination des produits, Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, compétent en matière de gestion d'alerte des produits infantiles, a décidé d'ordonner la suspension de la commercialisation et de l'exportation, ainsi que le retrait et le rappel des fabrications de produits de nutrition infantile ayant transité par la tour de séchage n° 1 du site de Craon depuis le 15 février 2017. Cela correspond à plus de 600 lots de produits de nutrition infantile, soit plus de 11 000 tonnes de produits, dont environ 7 000 tonnes destinées au marché national. Vous le voyez, c'est un retrait de très grande ampleur. On assiste rarement à une opération aussi considérable.

La date retenue du 15 février correspond, moyennant une période de sécurité d'un mois liée à un possible stockage des boîtes de lait par les parents, à la date de fabrication du lot de lait le plus ancien suspecté d'avoir conduit à la contamination d'un nourrisson parmi les cas connus à cette date.

Le dimanche 10 décembre 2017, les ministères de la santé et de l'économie publient chacun un communiqué de presse pour informer les consommateurs sur la liste des lots rappelés. Il présente également des conseils aux familles concernant les laits de substitution, la conduite à tenir en cas d'impossibilité à trouver dans l'immédiat un lait de substitution ; le ministère de la santé met en place un numéro vert, en complément de celui de Lactalis.

Le mercredi 13 décembre, cinq nouveaux lots issus de la tour de séchage n° 1, qui auraient dû être couverts par l'arrêté du ministre, mais qui n'apparaissaient pas dans les documents de traçabilité transmis par Lactalis au moment de la rédaction de celui-ci, sont rappelés par le fabricant.

Le mercredi 20 décembre sont organisées deux réunions pour informer les parties prenantes des mesures prises par l'administration : l'une avec les organisations de consommateurs agréées, l'autre avec les professionnels de la filière. C'est une obligation.

Le 21 décembre, le groupe Lactalis annonce généraliser le retrait-rappel à l'ensemble des produits infantiles et nutritionnels fabriqués et conditionnés dans l'usine de Craon. Le ministère de l'économie publie un communiqué de presse pour prendre acte de cette décision.

Le 22 décembre, le SNE est saisi par le pôle santé publique du parquet de Paris, qui a ouvert une enquête préliminaire, notamment sur la base des premières constatations du SNE, et à la suite de plaintes de parents.

Enfin, le 12 janvier 2018, dans un objectif de simplification des mesures de retrait-rappel et par précaution, à la suite de la rencontre entre le président de Lactalis et le ministre Bruno Le Maire, Lactalis annonce rappeler l'intégralité des laits infantiles en poudre, des céréales infantiles et des produits nutritionnels fabriqués sur son site de Craon. Il s'agit de faciliter le retrait pour les distributeurs puisque la mesure va au-delà de ce qui était nécessaire en termes de sécurité.

La procédure de retrait-rappel a donc concerné un nombre très important de produits, des dizaines de millions de boîtes commercialisées dans des dizaines de milliers de points de vente et dans 80 pays environ.

Comme je le disais en introduction, lors d'une opération de retrait-rappel de produits menée de manière volontaire ou en application d'une décision du ministre, c'est le fabricant qui est responsable de sa mise en oeuvre. C'est d'abord à l'entreprise qui fabrique des produits de s'assurer que les produits qu'elle met sur le marché sont sûrs. En principe, elle doit donc prendre l'initiative d'une mesure de retrait-rappel. Or, dans cette affaire, il a fallu que le ministre la contraigne au-delà du périmètre qu'elle avait envisagé.

En ce qui concerne la mise en oeuvre du retrait-rappel, là aussi le fabricant doit déterminer les moyens nécessaires pour assurer l'efficacité des opérations, donc l'information directe de ses clients, des communiqués de presse en direction des consommateurs. Tout au long de la chaîne de distribution, chaque maillon est responsable, d'une part de cesser la commercialisation des produits concernés, d'autre part d'informer ses clients de la procédure de retrait-rappel. Le fabricant informe les distributeurs, et les distributeurs informent les consommateurs. Tous les opérateurs – fabricants, distributeurs – ont une obligation de résultat. Bien évidemment, les services de l'État ont aussi un rôle à jouer, et en particulier la DGCCRF qui doit contrôler l'effectivité des mesures de retrait-rappel. Par ailleurs, les services de l'État contribuent à relayer l'information en direction des consommateurs, ce que nous avons fait avec le ministère de la santé à travers les communiqués de presse et les publications sur les sites.

Pour contrôler l'effectivité des mesures de retrait-rappel, la DGCCRF a demandé à l'ensemble de ses services départementaux d'intervenir à tous les maillons de la chaîne de distribution pour vérifier que les produits concernés n'étaient plus commercialisés.

Nous faisons des contrôles par sondages dans les différents types de points de vente – grandes et moyennes surfaces, pharmacies, maternités, crèches, sièges des centrales d'achat des grandes enseignes, grossistes mais aussi sites internet.

Entre le 26 décembre et le 5 janvier, nous avons effectué une première vague de 2 500 contrôles au cours desquels les agents de la DGCCRF ont demandé le retrait immédiat des rayons de produits rappelés continuant pourtant d'être commercialisés. Au-delà de ces mesures d'urgence, les agents ont fait des constatations afin, le cas échéant, de donner des suites appropriées aux manquements constatés. Ces contrôles, dont les résultats ont été annoncés le 11 janvier 2018, ont mis en évidence des non-conformités dans environ 3 % des établissements contrôlés. Ce chiffre est évidemment trop élevé compte tenu des risques associés à ces produits – ils présentaient un danger. Quelque 1 300 pharmacies ont été contrôlées, 600 grandes et moyennes surfaces et 300 hôpitaux et crèches. Dans 91 établissements, des produits couverts par l'opération de retrait-rappel étaient encore commercialisés. Nous avons ainsi constaté la présence de plus de 500 boîtes de produits de nutrition infantile commercialisées dans 30 grandes ou moyennes surfaces. Par ailleurs, des produits rappelés étaient encore à la vente dans 44 pharmacies. En outre, dans de nombreuses pharmacies, les clients n'étaient pas informés de l'opération de rappel par un affichage adapté.

Compte tenu de ces constats, le ministre a demandé à la DGCCRF d'engager une seconde vague de contrôles de même ampleur que la première. Nous sommes en réalité allés au-delà : entre le 12 et le 25 janvier, nous avons fait 3 600 nouveaux contrôles. Nous n'avons identifié des manquements que dans 22 établissements. Nous avons contrôlé 1 300 grandes et moyennes surfaces dont deux proposaient encore à la vente 16 produits qui auraient dû être retirés du marché – même si une solution de blocage en caisse avait été mise en place, ces produits ne pouvant donc pas être vendus. Sur les 1 600 pharmacies contrôlées au cours de cette seconde vague, 13 proposaient encore à la vente, entre une et 28 boîtes. Là encore nous en avons demandé le retrait immédiat. Sur les 94 cliniques et hôpitaux contrôlés, un seul établissement mettait encore à la disposition des patients une unique boîte entamée qui était un produit de nutrition spécialisé – et qui n'était pas destiné aux enfants. Enfin, sur les 330 crèches contrôlées, aucun problème n'a été décelé.

Nous avons également réalisé des contrôles sur la vente en ligne. Nous avons identifié 61 sites qui commercialisaient des produits identifiés mais, après vérification, aucun ne pouvait être vendu.

Au-delà des mesures de retrait, en fonction de la gravité des manquements et notamment du nombre de boîtes encore disponibles dans les rayons ou en fonction des informations dont avaient bénéficié les responsables, différentes suites ont été données. Nous avons au total adressé 214 avertissements aux professionnels, pour les cas les moins graves, notamment lorsque l'information à destination des consommateurs était insuffisante, ou lorsqu'il y avait un très faible nombre de produits mis à la vente. Nous avons en revanche dressé 50 procès-verbaux, transmis à la justice pour les cas les plus graves.

J'en viens à la manière de fiabiliser les procédures de retrait-rappel. Compte tenu des résultats obtenus, la question de l'efficacité et de l'effectivité des mesures de retrait-rappel a été gravement mise en doute puisque des produits ont continué d'être commercialisés dans des grandes surfaces et des pharmacies. Ce constat n'est en rien satisfaisant même si, comme je l'indiquais tout à l'heure, on peut faire le lien entre l'ampleur de cette opération et les dysfonctionnements constatés, puisque des millions de boîtes étaient tout de même concernées – les mesures de retrait-rappel ont été progressivement étendues.

Pour répondre à ces dysfonctionnements, Bruno Le Maire a annoncé, le 16 janvier dernier, qu'il demandait au Conseil national de la consommation (CNC), par le biais de la DGCCRF, d'installer un groupe de travail destiné à faire des propositions d'action sur deux aspects : l'optimisation des procédures de retrait-rappel afin d'écarter rapidement de la vente les produits concernés et d'éviter qu'ils ne puissent être remis sur le marché ou achetés par erreur. Il est vrai que certains distributeurs ont déclaré que des clients avaient parfois rapporté des boîtes qui étaient remises en rayon, une erreur humaine malheureuse mais qui peut se produire. Second axe de travail pour le CNC : les moyens à mettre en oeuvre pour améliorer l'information des consommateurs, notamment sur la liste des produits. Le groupe a commencé ses travaux et rassemble des représentants des consommateurs et des représentants des fédérations professionnelles, chacune de ces deux catégories comptant un rapporteur. Leurs conclusions devraient être remises cet été.

Dans le même temps, la DGCCRF, dans le cadre de la modernisation de son action, a récemment obtenu un financement pour confier à une start up d'État la réalisation d'une application pour téléphone mobile qui informera le consommateur des retraits-rappels et, le cas échéant, lui signalera les manquements – un consommateur constatant la présence en rayon d'une boîte rappelée pourrait dès lors la photographier et nous l'envoyer par le truchement de cette application, nous permettant d'intervenir de façon très ciblée et rapide.

Par ailleurs, la question des sanctions a été évoquée. À la demande du ministre, nous travaillons avec la chancellerie sur des propositions d'harmonisation des sanctions encourues en cas de commercialisation de produits retirés ou rappelés, afin de rendre ces dernières plus efficaces, plus dissuasives.

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Pour vous, concernant les retraits-rappels, il n'y a eu aucun problème de la part de l'administration française ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Je ne m'exprime qu'au nom de la DGCCRF, et j'estime que, de notre point de vue, la crise a été gérée. Ensuite, on peut toujours améliorer les procédures et c'est pourquoi nous travaillons sur les thèmes que je viens d'évoquer. Les dysfonctionnements liés à l'application des retraits-rappels ont pu être corrigés par la seconde vague de contrôles. Il faut rappeler que la première responsabilité est celle du fabricant et des distributeurs ; notre rôle, à nous, est de nous assurer que les mesures prises sont les bonnes. De leur côté, les services vétérinaires de la DDCSPP ont fermé l'usine – qui n'a toujours pas rouvert – ; ils ont donc fait leur travail. Nous vérifierons à froid qu'il n'y a pas eu manquements de notre part mais, j'y insiste, il me semble que la crise a été gérée le mieux possible.

Pour ce qui est des aspects sanitaires depuis 2005, je ne peux pas vraiment répondre en ce qui concerne l'usine : cela relève de la DGAL.

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Les représentants de la DGAL y ont répondu hier au cours de leur audition.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Je dirai juste un mot à propos de l'ANSES : le système français, qui nous paraît le bon, consiste à bien séparer l'évaluation du risque et sa gestion. L'ANSES, de manière indépendante, évalue ainsi le risque.

Les autres systèmes européens sont assez différents même si la plupart d'entre eux font intervenir plusieurs services. La complexité des actions de l'État, en particulier, en matière de sécurité est telle qu'il faut se méfier des schémas simplistes d'organisation : les « jardins à la française » n'existent plus. Il faut utiliser les compétences : la gestion sanitaire des aliments fait ainsi appel à de multiples compétences, techniques, méthodologiques, et qui ne sont pas toutes regroupées au sein des mêmes administrations. Certaines compétences sont mutualisées : la DGCCRF ne s'occupe pas seulement de la sécurité sanitaire des aliments, mais aussi de la sécurité des produits non alimentaires. À ce titre nous avons une expertise en matière de méthodologie de contrôle, de gestion des alertes, qui s'applique aussi bien à ces produits non alimentaires. Vous constaterez en outre que le groupe de travail du CNC sur la gestion des retraits et des rappels ne s'occupe pas des seuls produits alimentaires. Nous mutualisons par ailleurs nos compétences entre la fraude économique et la fraude sanitaire, l'une suivant souvent l'autre. Prenez l'affaire de la viande de cheval : il s'agissait d'abord d'une fraude économique. Nous avons ainsi de nombreux exemples où des opérateurs, pour prendre un avantage concurrentiel, ne respectent pas les réglementations : dans certains cas il s'agit simplement de la réglementation de loyauté – étiquetage, composition des produits qui ne présentent pas d'enjeu sanitaire – mais, dans d'autres cas, certains produits non sûrs sont utilisés et, dans ce dernier cas, on commet à la fois une fraude économique, puisqu'on récupère du chiffre d'affaires en augmentant sa marge, et une fraude sanitaire en mettant en danger la santé du consommateur.

Pour ce qui est des moyens, en tant que fonctionnaire, il ne m'appartient pas de commenter les choix du Gouvernement et du Parlement…

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Je fais avec ce qu'on me donne. Tout directeur vous dira, moi comprise, qu'il aimerait disposer de davantage de moyens ; mais leur attribution aux différentes administrations répond à des arbitrages obéissant aux priorités entre politiques publiques et répond à l'impératif de maîtrise des dépenses publiques. Un haut fonctionnaire n'a pas à demander en permanence à son ministre des moyens supplémentaires. Certes, il doit l'alerter en cas de difficulté et, dans cette hypothèse, je le ferais, mais je propose plutôt à mon ministre une éventuelle amélioration de notre organisation, l'utilisation de nouveaux outils permettant d'être plus efficaces et donc plus efficients – nous y réfléchissons dans le cadre du programme « Action publique 2022 », en particulier dans la perspective de mieux hiérarchiser les missions, de déterminer celles qui sont prioritaires, de définir les méthodes de contrôle, de nous concentrer éventuellement sur les contrôles les plus techniques et les plus complexes et de déléguer les plus récurrents, les plus simples – peut-être sous forme de délégation de service public –, autant de sujets qui dépassent largement la question des moyens.

Vous avez cité le chiffre de 0,30 euro consacré à la sécurité sanitaire des aliments. Il me semble que ce chiffre ne couvre pas l'ensemble de celle-ci, mais plutôt ce qui n'en est qu'une petite partie et qu'on appelle les contrôles d'hygiène à la remise directe, à savoir dans les restaurants et les commerces de bouche.

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À votre connaissance, quel est le chiffre pour l'ensemble des contrôles ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Il est difficile à déterminer car, je l'ai dit, nous mutualisons certaines compétences : quand un de nos agents va contrôler un établissement, en particulier à la distribution, il contrôlera la sécurité sanitaire des aliments mais aussi la loyauté de l'opérateur. Or cette mutualisation rend difficile l'évaluation du coût de la sécurité sanitaire des aliments. Je précise au passage que la DGCCRF compte 3 000 agents.

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Les produits retirés ont-ils été détruits et, sinon, existe-t-il des documents nous assurant qu'ils n'ont pas été vendus sur d'autres types de marchés, notamment des marchés étrangers ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Nous avons alerté l'ensemble des pays où les produits étaient susceptibles d'être vendus. Nous avons par ailleurs également travaillé avec les douanes, qui vérifient que les produits concernés ne sont pas exportés. Quant à la vérification de leur destruction, elle est de la compétence du ministère de l'agriculture.

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Il faudra par conséquent que nous vérifiions auprès du ministère de l'agriculture si l'ensemble des tonnages récupérés ont été détruits.

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La contamination à la salmonelle frappe le site de Craon depuis un certain nombre d'années. Avez-vous noté, de la part du groupe Lactalis, l'intention manifeste de dissimuler les difficultés liées à la présence de salmonelle sur ce site ?

Ensuite, Lactalis est un grand groupe français, européen et mondial qui a le culte de la discrétion. S'est-il prêté régulièrement aux contrôles de vos services ? Ou bien la DGCCRF a-t-elle constaté des négligences, des défaillances, voire des fautes graves qui auraient pu conduire à des décisions de notifications, de sanctions ?

Enfin, pour ce qui est de l'épisode récent, la DGCCRF a-t-elle décelé des anomalies, des défaillances, des erreurs dans la chaîne de commandement, en particulier dans les décisions prises par le pouvoir politique ou par l'administration ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Je ne peux pas vous répondre sur les éventuels manquements délibérés du groupe Lactalis : une enquête pénale est en cours qui le démontrera.

Ensuite, à ma connaissance, le groupe ne s'est pas opposé à nos contrôles.

Quant aux défaillances de la chaîne de commandement, je ne suis pas sûre d'avoir tout à fait compris votre question mais, en tout cas, la détermination de Bruno Le Maire a été claire. Il n'est pas habituel, j'y insiste, que le ministre soit obligé de prendre un arrêté, mais, en l'occurrence, il n'y a pas eu de débat. Quand l'entreprise a montré qu'elle ne voulait pas prendre les mesures qui nous apparaissaient nécessaires, le ministre n'a en effet pas tergiversé : il a pris sa décision immédiatement, le 9 décembre. Puis les agents de la DGCCRF ont procédé aux contrôles et sont même allés au-delà de ce qu'on leur avait demandé. Je crois pouvoir dire et même, j'affirme – et d'autant plus volontiers que je n'étais pas à ce poste au moment des faits – que les agents de la DGCCRF ont toujours fait preuve d'une réactivité sans faille et d'un sens du service public qui me paraît irréprochable, travaillant le jour, la nuit, les week-ends… sans discontinuer.

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Je complète la question de M. Benoit : en matière de communication, déjà à l'époque, apparemment, le ministre Le Foll avait eu des difficultés et donc mis beaucoup de temps à joindre le président-directeur général (PDG) de Lactalis. Je souhaite savoir si Bruno Le Maire s'est heurté à la même difficulté, s'il a mis plusieurs heures, plusieurs jours, plusieurs semaines pour avoir le PDG de Lactalis au téléphone.

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Je vais à mon tour compléter l'intervention du rapporteur. Quand cette crise est apparue, j'ai discuté un peu avec M. Le Foll – j'appartiens à l'« ancien monde »… (Sourires) – qui m'a avoué n'avoir jamais eu, pendant les cinq années où il est resté ministre de l'agriculture, le numéro de téléphone du PDG de Lactalis et n'être jamais parvenu à le rencontrer. Et il me semble que, lorsque ce dernier a été reçu par Bruno Le Maire, il n'est pas entré par la grande porte du ministère mais par la petite, ce qui est tout de même très particulier. Et comme le soulignait fort à propos Thierry Benoit tout à l'heure : il y a une forme de culte du secret qui…

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J'ai parlé de « culte de la discrétion ». Comme nous sommes en commission d'enquête, chaque mot est important. Trait un peu propre – je l'affirme car j'en viens – aux gens de l'Ouest…

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Les gens du Nord, dont je suis, et même du nord du Nord…

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Pose tout de même problème le fait que Bruno Le Maire ait dû recevoir le patron de Lactalis et prendre une décision sérieuse – vous l'avez mentionné, et nous sommes là dans le bombardement massif, il ne s'agit pas de plaisanter – et aussi le fait qu'il ait dû pratiquement l'obliger à un retrait supplémentaire, qui n'était pas envisagé par l'entreprise.

Je vous demanderai de confirmer que c'est bien grâce à l'action du ministre qu'on est allé plus loin et à juste raison. Nous lui poserons la question également.

J'en reviens aux moyens, étant bien entendu que je ne cherche pas à vous mettre en difficulté. Combien de personnes sont-elles chargées des contrôles ? Contrôles dont j'ai bien conscience de l'immense diversité. Vous avez, dans le cadre de l'affaire qui nous occupe ici, procédé à des contrôles importants et efficaces – vérification de 6 000 points de ventes, de la pharmacie de chaque village… – qui ont dû mobiliser de très nombreuses troupes. Considérez-vous que ces personnels soient assez nombreux ?

Enfin, vous avez évoqué le fait que dans certaines grandes surfaces les clients pouvaient mettre les boîtes dans leurs caddies et qu'une fois arrivés en caisse ils ne pouvaient les emporter. Un étiquetage différent, sur les codes-barres, permettrait-il de mieux identifier, d'emblée, des informations relatives à la santé publique ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

La communication du groupe Lactalis lui appartient. Ce qui est certain, c'est que le 9 au matin, le directeur de cabinet du ministre a eu M. Besnier au téléphone et c'est à la suite de cet entretien que, en l'absence d'accord sur le périmètre de retrait, le ministre a décidé de prendre l'arrêté. Ensuite, M. Besnier est peut-être entré par la petite porte, mais il est tout de même entré dans le ministère pour y rencontrer Bruno Le Maire, le 12 janvier. À la suite de cette entrevue, M. Besnier a lui-même annoncé un retrait complet de l'ensemble des produits fabriqués sur le site de Craon.

Pour répondre à votre question sur les moyens, nous disposons de 1 800 agents au sein des directions départementales, 600 dans les directions régionales – qui ne s'occupent pas de sécurité sanitaire mais qui peuvent venir ponctuellement en appui –, le reste étant réparti entre l'administration centrale, pour un peu plus de 300 agents, le service national d'enquête, le service informatique et notre école. Nous étions 3 500 il y a une dizaine d'années et nous sommes 3 000 depuis la réforme de l'administration territoriale de l'État (REATE). Encore une fois, il ne m'appartient pas de commenter. Nous avons montré que nous étions capables de nous mobiliser en urgence pour la gestion de la crise et pour mener notre activité de contrôle. Si vous me dites que demain le Parlement va voter la création d'emplois supplémentaires pour la DGCCRF, je ne dirai pas non, mais il ne me revient pas de décider si c'est nécessaire. Certes, encore une fois, si nous ne parvenions plus à remplir nos missions, je le dirais au ministre. Celui-ci m'a demandé, lors de ma nomination, de bien hiérarchiser les missions et c'est ce que nous faisons dans le cadre du programme « Action publique 2022 » et, j'y insiste, nous devons également réfléchir à notre organisation : elle est territoriale, compliquée, et elle ne nous facilite pas toujours la tâche…

Votre question sur les codes-barres est excellente : le groupe de travail du CNC est d'ailleurs en train de l'examiner. Fabricants et distributeurs doivent trouver un système. Le blocage en caisse, pour l'instant, ne permet pas de distinguer les lots, ce qui peut se révéler coûteux pour une entreprise ou pour un distributeur. Il faudrait donc cibler les produits. Les pharmacies sont équipées d'un système qui aurait dû permettre d'éviter le problème : quand un produit est retiré ou rappelé, le logiciel de caisse émet une alerte. Il faut dès lors certifier qu'on a lu l'alerte pour pouvoir encaisser le produit. C'est pourquoi la présidente de l'ordre national des pharmaciens était particulièrement fâchée des défaillances. Comme nous avons transmis en partie des procès-verbaux, nous ne pouvons pas vous communiquer les noms des pharmaciens, mais nous avons indiqué à la présidente de l'ordre national des pharmaciens qu'elle pouvait s'adresser au procureur qui est chargé de ces PV pour obtenir ces noms si elle le souhaite.

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Vous nous avez dit qu'un audit était prévu le 5 décembre. Quelle était la fréquence habituelle ? Était-elle annuelle, semestrielle ou trimestrielle ? Lactalis était-il placé sous un régime de surveillance normale ? Avait-on déjà détecté des écarts susceptibles de donner l'alerte ? Il me semble important de connaître l'historique.

Vous avez indiqué que vous avez reçu des éléments de traçabilité dans le cadre de la procédure de rappel. Comment avez-vous contrôlé ce qui vous a été fourni ? Recevez-vous des rapports d'essai ou des rapports de contrôle de la part de Lactalis ?

Pouvez-vous aussi revenir sur les canaux de communication utilisés pour les rappels ? Vous avez déclaré que l'information n'a peut-être pas bien circulé partout. Or l'entreprise doit normalement avoir une procédure interne de gestion de crise. A priori, elle n'a pas fonctionné complètement. Avez-vous connaissance de cette procédure interne ? A-t-elle été validée et auditée par vos services ?

Vous avez évoqué la notification d'avertissements, dont 50 concernant des cas graves. Pour les 214 cas considérés comme non graves, avez-vous appliqué des actions correctives pour améliorer le suivi et les écarts ?

Ce qui fait un peu peur est que, pour les mêmes tests, vous pouvez considérer les résultats comme mauvais tandis que Lactalis les juge bons. C'est peut-être ce qui explique certaines incompréhensions. Il y a plusieurs aspects à prendre en compte : le facteur humain, la machine et la méthode suivie. Les machines étaient-elles en bon état ? Les procédures ont-elles été respectées ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Dans l'usine, la DGCCRF exerce un contrôle de première mise sur le marché (CPMM). En ce qui concerne les établissements agréés par les services vétérinaires, notre contrôle ne porte pas sur la sécurité sanitaire des produits. C'est une illustration de la complémentarité entre les administrations : on ne va pas refaire des contrôles déjà réalisés. Nous nous concentrons donc sur l'étiquetage ou encore les mesures de traçabilité.

Dans cette entreprise, les contrôles avaient lieu tous les trois ans. Il existe en effet une cotation des entreprises selon le risque qu'elles présentent. Dès lors qu'il s'agit d'une entreprise déjà contrôlée par un autre service, la cotation est moins forte. La fréquence est comprise entre un et cinq ans. En l'occurrence, le précédent contrôle avait eu lieu en 2014 : cela faisait bien trois ans.

Avec votre accord, je vais laisser Loïc Tanguy vous répondre sur la traçabilité.

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Loïc Tanguy, directeur de cabinet

Avant de rédiger l'arrêté de retrait-rappel, nous avons demandé à Lactalis d'assurer la traçabilité de toute sa production : il fallait identifier tous les lots concernés afin de s'assurer de l'exhaustivité de la mesure prise. Le retrait-rappel a été étendu le 13 décembre, car on s'était aperçu, en comparant les différentes listes fournies par Lactalis, que cinq lots n'apparaissaient pas dans la dernière liste qui nous avait été transmise et qui avait servi à établir le retrait-rappel. Les listes n'étaient pas à 100 % exhaustives : on a identifié une divergence entre elles. Lactalis a alors dû retirer cinq lots complémentaires, qui auraient dû être couverts par l'arrêté initial. L'usine produisant énormément de lait, il a fallu recouper des dizaines de milliers de lignes de tableaux Excel, ce qui explique le délai de quatre jours entre le moment où l'arrêté a été pris et celui où les lots non couverts ont été identifiés.

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Pourquoi Lactalis n'a-t-il pas fourni les bonnes listes ? Quelle a été la réponse de l'entreprise quand vous avez souligné les erreurs ?

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Loïc Tanguy, directeur de cabinet

La conclusion à laquelle nous sommes arrivés le vendredi 8 décembre était qu'il fallait rappeler tous les produits de nutrition infantile passés par la tour numéro 1 depuis le 15 février précédent. Nous avons donc demandé à Lactalis les données de production permettant d'établir la liste des lots concernés. Nous n'avons pas identifié des lots en particulier, mais une plage temporelle à risque : aucun élément ne permettait d'exclure certains lots produits et conditionnés sur le site au cours de cette période. Lactalis nous a envoyé plusieurs listes et nous avons élaboré l'arrêté en conséquence. C'est a posteriori que nous avons constaté des divergences entre les listes. Nous avons demandé les informations le vendredi 8 décembre et l'arrêté était prêt le lendemain.

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Vous avez réalisé deux vagues de contrôle auprès des différents distributeurs – les pharmaciens, la grande distribution et les hôpitaux. Je suppose que vous avez pu identifier les principales raisons pour lesquelles certains lots n'avaient pas été retirés. Quelles sont ces raisons ? Y a-t-il des différences selon les types d'acteurs ? Compte tenu de leur taille variable, avez-vous notamment constaté des erreurs humaines plus importantes dans la grande distribution que dans les pharmacies ? Est-ce un problème de réception de l'information, puis de transmission aux différents collaborateurs ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Je ne peux pas nécessairement vous donner les raisons pour chaque cas. Parmi les explications avancées par les distributeurs, en particulier les grandes et moyennes surfaces, il y a fréquemment des erreurs humaines : un client rapporte une boîte à l'accueil puis elle est remise en rayon, car des produits sont souvent rapportés sans qu'il y ait de problème de sécurité sanitaire. Il aurait fallu faire une vérification, et les acteurs concernés ont reconnu qu'il n'aurait pas fallu laisser remettre en rayon du lait infantile. S'agissant des pharmaciens, je ne crois pas que l'on ait une explication très claire, à partir du moment où il y a un logiciel de caisse. Néanmoins, les erreurs humaines existent.

Il nous a semblé qu'il y avait quand même beaucoup d'information sur l'affaire Lactalis dans les médias, à cette époque. Mais il y a peut-être des gens qui ne regardent pas la télévision et n'ouvrent pas les journaux… Nos enquêteurs ont sûrement obtenu des informations précises : il y a eu des avertissements et, dans certains cas, des procès-verbaux. Quand il s'agit d'une ou deux boîtes, cela peut correspondre à une négligence, peut-être mineure. Quand des procès-verbaux ont été dressés, en revanche, je pense que les enquêteurs ont considéré qu'il n'y avait pas d'excuse possible.

Les erreurs, je l'ai dit, sont des remises en rayon, des vérifications non faites ou une information qui n'est pas arrivée à destination. Les centrales d'achats avaient en général l'information, mais elle n'est pas toujours redescendue jusqu'aux magasins. Certains modèles de distribution s'appuient sur des indépendants, et l'information peut aussi ne pas redescendre jusqu'au chef de rayon dans une chaîne intégrée. Les distributeurs ont reconnu qu'il y avait peut-être des défaillances dans l'information tout au long de la chaîne hiérarchique – c'est souvent l'explication.

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Nous allons recevoir les plus grands distributeurs – Auchan, Leclerc, Carrefour et la Fédération du commerce et de la distribution (FCD). Nous demanderons que ce soit les patrons qui viennent. Sans nier la douleur des parents et l'angoisse de nourrir son bébé avec un produit sur lequel on éprouve des doutes, tout s'est finalement bien passé, car l'ensemble des bébés est en bonne santé. Mais nous tenons à ce que les distributeurs s'expliquent très clairement, afin que cela ne se reproduise pas dans des cas qui pourraient être beaucoup plus dangereux. Il y a une leçon à tirer et il faudra qu'elle soit retenue.

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Au vu des affaires précédentes – il y en a régulièrement –, ce qui s'est passé vous paraît-il singulier ? Si c'est le cas, pourquoi ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Cette affaire a un côté singulier par l'ampleur du retrait-rappel. Nous n'en demandons pas un tous les jours par arrêté ministériel. En revanche, des dizaines de retraits-rappels ont lieu chaque année, pour différents types de produits. Le site de la DGCCRF fait ainsi état d'une trentaine de retraits-rappels depuis le début de l'année. Leur ampleur est variable : ils sont souvent limités, heureusement.

Par ailleurs, je n'ai pas de commentaires à faire sur la communication, mais je suis frappée de constater que des entreprises font très volontairement des retraits-rappels dans certains secteurs et que c'est plutôt vécu comme un signe de qualité : cela vise aussi à rassurer le consommateur, en lui montrant que l'entreprise dispose d'un bon système de qualité, qu'elle est fiable et qu'elle n'hésite pas à rappeler ses produits. Il n'y a peut-être pas eu ce genre de démarches dans l'affaire Lactalis, mais on entre là dans des choix stratégiques qui relèvent des entreprises.

L'affaire est donc un peu singulière, en effet.

Pour répondre aux autres questions qui m'ont été posées, les entreprises sont davantage contrôlées lorsque l'on a déjà fait retirer des produits et donné un avertissement. Il reste une trace dans le dossier.

Nous vérifions les documents de gestion de crise lorsque nous faisons le CPMM : on regarde s'il y a bien une procédure de gestion de crise. Au-delà de l'entreprise, il faut aussi s'assurer qu'il y a une transmission entre les différentes chaînes – entre Lactalis et les distributeurs, puis entre eux et les consommateurs. C'est un point que nous vérifions. J'imagine que ces acteurs vont quand même revoir leurs dispositifs.

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Cette commission d'enquête fera en sorte qu'il y ait une amélioration dans ce domaine – nous avons déjà quelques idées. Considérez-vous, madame Gipson, que vous avez eu une réponse à toutes vos questions ?

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J'avais aussi demandé s'il y avait un écart entre les contrôles qui vous ont été transmis et ceux que vous avez réalisés. Y a-t-il un problème humain, de machine ou de méthode ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Comme il s'agissait d'une gestion d'alerte, nous n'avons pas fait de contrôle sur les contrôles réalisés par l'entreprise en amont. Nous avons certes fait des prélèvements, mais pour vérifier le périmètre du retrait-rappel.

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Cela ne relève pas de la DGCCRF, mais des organismes que nous avons auditionnés hier.

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Il est quand même important de voir s'il y a des écarts et s'ils ont eu lieu en connaissance de cause ou non. Lactalis peut avoir fait ses contrôles en toute bonne foi, sans déceler le problème que vous avez identifié. Il serait bon de regarder l'écart entre ce que Lactalis a mesuré, avec ses tests, et ce que vous avez trouvé, afin de comprendre l'origine de la défaillance.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Cela relève davantage de la cause de la crise, aspect que nous n'avons pas à gérer : nous nous sommes occupés de l'alerte, mais j'imagine que cette recherche aura également lieu par la suite. Comme vous l'avez suggéré, monsieur le président, c'est plutôt la compétence de la DGAL.

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Nous vous adresserons, madame Gipson, le compte rendu de la réunion d'hier : le rapporteur a posé cette question et nous avons obtenu un certain nombre de réponses.

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Les sanctions sont-elles suffisamment dissuasives pour contraindre tous les maillons de la chaîne à se conformer aux règles en vigueur ? Quel est l'ordre de grandeur de la sanction qui pourrait être prononcée contre une pharmacie, un acteur de la grande distribution ou Lactalis ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Nous allons travailler sur une harmonisation, je l'ai dit. Trois types de sanctions pénales sont aujourd'hui possibles. En cas de non-respect d'une mesure de retrait-rappel, le juge peut tout d'abord prononcer une contravention de cinquième classe, de 1 500 euros par produit listé dans l'arrêté, soit un maximum de 1,5 million d'euros si 1 000 boîtes n'ont pas été dûment retirées, par exemple. Il existe aussi un délit de défaut de retrait-rappel, dont est passible un fabricant ou un importateur qui ne respecterait pas ses obligations en la matière. Lorsqu'il s'agit d'un produit d'origine animale, le code rural prévoit 4 ans de prison et 600 000 euros d'amende ; si c'est un produit non animal qui est concerné, le code de la consommation prévoit une peine de cinq ans de prison et 600 000 euros d'amende. Enfin, il existe une infraction générale dans le code de la consommation : le délit de tromperie, laquelle est aggravée s'il y a un danger pour le consommateur. Les sanctions sont alors de sept ans de prison et de 750 000 euros d'amende. Vous voyez que le niveau de sanction est variable selon l'infraction que le parquet décide de poursuivre ou que le juge décide de retenir.

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Si je résume, les pharmaciens et la grande distribution peuvent se voir infliger 1 500 euros d'amende par boîte.

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Oui, mais il faut aussi préciser que cette contravention s'applique en cas d'arrêté ministériel. Dans l'hypothèse d'un retrait-rappel volontaire, décidé par une entreprise, il n'y a pas de sanction spécifique. On peut néanmoins sanctionner un distributeur qui n'aurait pas retiré des produits faisant l'objet d'un retrait-rappel à l'initiative du fabricant : le délit de tromperie aggravée peut s'appliquer. Nous travaillons à une clarification de ce dispositif, qui n'est pas très lisible.

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Dans le cas qui nous intéresse, Lactalis ne risque donc rien ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Si. Le délit de tromperie aggravée peut s'appliquer si le juge considère que Lactalis aurait dû procéder à un retrait-rappel d'une certaine ampleur, ce qui n'a pas été le cas puisque nous avons pris un arrêté. Ce sera déterminé dans le cadre de l'enquête pénale, qui est en cours.

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Notre rapport pourrait évoquer la question des sanctions et de leur niveau…

Nous avons appris hier qu'il existe non seulement un conseil de défense et un conseil de sécurité, mais aussi un conseil de santé publique, qui se réunit chaque mercredi. J'ai demandé au professeur Salomon, que nous avons auditionné, s'il y a un général dans ce conseil, s'il n'existe pas de temps en temps une « guerre des polices » – je suis volontairement provocateur – voire si l'on n'a pas affaire à une armée mexicaine. Nous sommes frappés par le nombre d'agences qui existent, même si elles font probablement très bien leur travail : leur multiplication ne nuit-elle pas à l'efficacité du système ? Tout se passe-t-il bien au conseil de santé publique, autour du « général » qu'est le professeur Salomon ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Cette réunion de sécurité sanitaire permet surtout de diffuser l'information sur les problématiques de santé publique, en particulier sur les crises en cours, au-delà des aspects alimentaires – il peut être question de Lactalis, mais aussi l'épidémie de rougeole. Cela me paraît très important pour la circulation de l'information, même si tout n'est pas utile à toutes les administrations. La DGCCRF ne peut pas faire grand-chose en cas d'épidémie de rougeole…

Je ne sais pas si l'on peut parler d'armée mexicaine. Vous m'avez posé tout à l'heure la question des moyens, en me demandant si j'en ai assez – peut-être dans l'idée qu'il en faudrait davantage. En tout cas, on doit faire attention aux organisations du type « jardin à la française », où une seule administration s'occupe d'un sujet donné : objectivement, la sécurité sanitaire – des aliments ou de manière plus générale – est un sujet extrêmement complexe pour lequel il est utile d'avoir différents points de vue et différents types de compétences. L'essentiel est que chacun sache exactement ce qu'il doit faire. Il ne doit pas y avoir d'angle mort et chaque administration doit avoir une vision bien claire de son champ de compétence. Je crois que c'est le cas, et cela figure d'ailleurs dans le plan national de contrôles officiels pluriannuel (PNCOPA) que j'ai eu l'occasion d'évoquer. S'il y a un réexamen à faire, la DGCCRF y est tout à fait prête : de toute manière, les PNCOPA sont revus régulièrement. Il y a, par exemple, des questions concernant les aliments mais aussi liées à l'environnement : le ministère de l'écologie intervient sur un certain nombre de sujets entrant dans le domaine de l'alimentation ou ayant des liens avec l'agriculture. Je le répète, l'essentiel est que chacun sache bien ce qu'il doit faire et que ce soit fait correctement.

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On sait qu'il y a un problème de contamination depuis 2005, voire 2003. Au fil de nos auditions, j'ai l'impression que la DGAL, la direction générale de la santé (DGS) et la DGCCRF se refilent un peu la « patate chaude » et que ce n'est donc la faute de personne, en fin de compte. Cela fait pourtant plus de dix ans que la question est connue. J'aimerais avoir votre avis : d'où vient la faute ?

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Virginie Beaumeunier, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Pour moi, elle vient d'abord de l'entreprise. Si les produits fabriqués ne sont pas sûrs, c'est en premier lieu sa faute. Après, si les services de l'État sont au courant que quelque chose ne va pas, ils doivent évidemment s'assurer que les mesures nécessaires sont prises et il faut vérifier leur effectivité. De fait, il y a eu une crise concernant ce site en 2005. À ma connaissance, des mesures ont été prises à l'époque. Je n'ai pas eu à gérer cette crise, mais je crois comprendre qu'elle s'est arrêtée, à un moment donné, et qu'il n'y avait plus de problème. Il y en a ensuite eu un, de nouveau, et il a fallu prendre les mesures nécessaires. Je n'essaie pas de renvoyer la balle, mais je ne peux répondre que de ce dont je suis responsable. Il y avait des contrôles dans cette entreprise. La responsabilité est complexe : l'enquête pénale permettra de la déterminer. Pour l'instant, c'est difficile à dire, il faut aller au bout de l'enquête.

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Merci pour la franchise de vos propos. C'est toujours agréable d'auditionner des services de l'État compétents.

La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.

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Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 11 avril 2018 à 19 h 05

Présents. - M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Séverine Gipson, M. Christian Hutin, Mme Frédérique Lardet, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Graziella Melchior, M. Richard Ramos