Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 30 octobre 2018 à 17h25

Résumé de la réunion

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La réunion

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Mardi 30 octobre 2018

Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 17 h 24.

I. Réunion commune avec une délégation de la commission des affaires européennes de la Chambre des députés de Roumanie

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Je me réjouis que nous puissions entendre M. Angel Tîlvăr, président de la commission des affaires européennes de la Chambre des députés de Roumanie. M. Tîlvăr est accompagné de l'Ambassadeur de Roumanie, M. Luca Niculescu, et de M. Vasile Gudu, membre de la commission des affaires européennes et de la commission de l'agriculture.

Nous souhaitons vous entendre sur la préparation de la présidence roumaine de l'Union européenne. Celle-ci interviendra dans un moment très particulier, puisqu'elle sera marquée par la date butoir du Brexit, le 29 mars prochain, et par les élections européennes qui se tiendront dans les différents États membres entre le 23 et le 26 mai prochain. Nous sommes particulièrement intéressés de savoir comment vous entendez vous préparer à ces échéances.

Par ailleurs, après l'état des lieux effectué par la présidence autrichienne, le travail de négociation sur le prochain cadre financier pluriannuel va se poursuivre sous votre présidence. Il s'agit d'un dossier stratégique majeur qui engage l'avenir de l'Union. Il faut à la fois tirer les conséquences budgétaires du départ du Royaume-Uni, assurer le financement des politiques structurantes de l'Union, comme la politique agricole ou la politique de cohésion, et dégager des moyens pour financer de nouvelles priorités, comme la politique de sécurité et de défense, la surveillance des frontières et la politique migratoire ou encore la politique d'innovation. Comment envisagez-vous cette équation et quel calendrier de négociation la présidence roumaine envisage-t-elle pour le cadre financier pluriannuel ?

M. le Président Tîlvăr sur tous ces sujets, vous avez la parole.

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Angel Tîlvăr, président de la commission des affaires européennes de la Chambre des députés de Roumanie

Je tiens à remercier Mme la Présidente Thillaye d'avoir permis cette rencontre entre des parlementaires français et roumains, particulièrement intéressés par les thématiques européennes. Les contacts entre nos deux parlements sont très étroits grâce au travail remarquable mené par le groupe d'amitié France-Roumanie. Ce groupe est très actif et permet aux députés français de faire passer des messages informels à leurs homologues roumains et je peux vous assurer que nous en tenons le plus grand compte.

Je voudrais maintenant aborder le thème de la Présidence de l'Union européenne. Pour la Roumanie, assumer cette responsabilité est un véritable défi. C'est la première fois depuis notre adhésion que nous devons orienter les travaux de l'Union européenne et cette présidence interviendra dans un contexte très particulier. En mars 2019, l'Union européenne devra prendre une décision très importance sur le Brexit.

Je vais maintenant évoquer quelques dossiers clés sur lequel nous devrons travailler. Le 22 avril 2018 sera lancée la campagne électorale pour les élections européennes et j'aimerais connaître votre avis sur les thèmes qui seront abordés à cette occasion, car cela aura une incidence sur la composition de la prochaine Commission européenne.

Je suis assez optimiste sur le fait que la présidence roumaine permettra de discuter du cadre financier pluriannuel dans sa totalité. Je ne suis pas en mesure de présenter aujourd'hui les détails de la présidence roumaine mais je peux vous assurer que tous les thèmes que nous allons aborder ensemble seront à l'agenda de la présidence roumaine. J'ai pu constater lors de nos échanges ce matin que la France et la Roumaine partageaient de nombreuses préoccupations communes. Il existe une convergence entre nos deux pays.

La préparation de la présidence roumaine a fait l'objet d'échanges avec les membres de l'exécutif et de débats publics. Nos ambitions sont à la hauteur des fortes attentes des citoyens roumains.

La première priorité de la présidence roumaine sera consacrée à l'Europe des convergences et concernera les thèmes de la croissance, de la connectivité, de la compétitivité, du développement durable, du travail, de la concurrence et des marchés. La deuxième priorité sera consacrée à l'Europe de la sûreté et traitera de la gestion des frontières extérieures, de la gestion de l'espace Schengen, des problèmes migratoires, du droit d'asile, de la cyber-sécurité et de l'avenir de l'espace de liberté, de sécurité et de justice. La troisième priorité sera consacrée au thème de l'Europe en tant qu'acteur global et abordera la politique de sécurité et de défense commune, l'efficacité de la politique de défense européenne, la politique de voisinage et les engagements internationaux de l'Union européenne. La quatrième priorité sera consacrée au thème de l'Europe des valeurs communes et traitera de la solidarité, de la cohésion, de l'égalité des chances, de la démocratie, de la liberté, du respect de la dignité humaine et du combat contre le racisme, l'intolérance, le populisme, la xénophobie et l'antisémitisme, thème qui a été abordé lors de la séances de questions au Gouvernement de cet après-midi. Je tiens à vous remercier de nous y avoir conviés.

La présidence roumaine ainsi que les réunions de la COSAC qui auront lieu pendant cette présidence vont nous permettre de promouvoir les échanges et les bonnes pratiques entre les parlements nationaux et le Parlement européen et de renforcer la coopération avec États tiers.

Je vais maintenant évoquer le calendrier de la présidence roumaine.

La réunion de la COSAC du 20 et 21 janvier 2019 abordera les thèmes des priorités de présidence roumaine, de la cyber-sécurité et du renforcement du rôle des parlements nationaux. Les différentes sessions seront consacrées aux perspectives commerciales internationales, aux relations de la Grande-Bretagne avec l'Union européenne dans le contexte du Brexit, à la consolidation du rôle de l'éducation – j'aimerais bien que vous puissiez à cette occasion aborder le thème de l'apprentissage et des aides accordés aux étudiants – , aux affaires sociales et aux affaires européennes entre 2019 et 2024. J'aimerais insister sur le fait que la COSAC, fondée en 1989, est le seul forum interparlementaire prévu par les Traités et c'est pour cette raison que nous lui accordons une grande importance.

Une conférence interparlementaire pour la stabilité, la coordination et la gouvernance économiques sera organisée simultanément par la Chambre des députés et le Parlement européen les 18, 19 et 20 février 2019. Elle sera consacrée à la réforme économique et monétaire, au cadre financier pluriannuel 2021-2027, à l'avenir du système financier européen, à l'harmonisation fiscale, à l'approfondissement de la coopération parlementaire en matière de gouvernance économique et à l'impact de la gouvernance européenne sur l'emploi.

Une autre réunion aura pour thème les échanges avec Europol et permettra d'aborder la lutte antiterroriste, la collaboration européenne pour la transmission des casiers judiciaires, la possibilité de mettre en place des équipes mixtes pour combattre le trafic transfrontalier de personnes et de stupéfiants, la lutte contre le crime organisé et la constitution du groupe mixte de contrôle parlementaire.

Le 7 et 8 mars 2019, se tiendra une conférence interparlementaire consacrée à la politique extérieure et de sécurité commune. Y seront abordés les thèmes de la Mer Noire, des réponses aux menaces non conventionnelles, de l'impact des conflits régionaux, de l'optimisation des capacités de production de l'industrie de défense européenne, de la politique de proximité et de voisinage (surtout concernant la Moldavie), ainsi que des suites du Brexit.

Les 18 et 19 mars 2019, se tiendra une conférence consacrée à la politique de cohésion.

Les 1er et 2 avril 2019, une conférence sur l'avenir de l'Union européenne sera organisée par le Sénat roumain. Il ne s'agit pas du calendrier complet de la présidence roumaine. D'autres réunions seront organisées.

Le 23 juin 2019, la présidence roumaine organisera la deuxième COSAC. Au cours de la réunion finale, le bilan de la présidence roumaine sera dressé et les priorités du pays qui assurera la présidence suivante seront évoqués.

Pour terminer, j'aimerais vous inviter à participer à une démarche lancée par le Parlement roumain. Je sais que la France est préoccupée par le thème du trafic d'êtres humains. Il existe au sein du Parlement roumain un groupe dédié à la lutte contre la traite humaine qui produit un rapport annuel. J'ai le plaisir de remettre la dernière édition de ce rapport à Mme la Présidente Thillaye. La Commission des affaires européennes de la Chambre des députés roumaine organise des auditions de toutes les institutions concernées par ce problème afin d'offrir à nos concitoyens une image très cohérente d'un phénomène européen qui revêt de multiples facettes. Cela permet une amélioration de la législation et nous donne la possibilité de faire pression sur des aspects qui nous semblent insuffisamment pris en compte par les institutions roumaines. Si vous le souhaitez, nous pourrions collaborer sur ce thème. Cela pourrait être intéressant puisque la France connaît des situations qui nécessitent une intervention roumaine et que les flux migratoires favorisent la multiplication de ces situations.

Avant de m'arrêter, je souhaiterais m'excuser auprès de vous : notre délégation devait être plus importante mais un vote important au Parlement a mobilisé une partie de notre délégation.

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J'aurais une demande à vous faire pour la COSAC du 20 juin prochain, ce serait de disposer du projet de conclusions quelque peu en amont. Ces conclusions, qui arrivent souvent trop tard, ne nous permettent pas de statuer correctement. Il serait préférable de pouvoir en discuter avec nos collègues de la Commission des Affaires européennes en amont. Ce serait un pas en avant pour ouvrir la COSAC et avoir l'opinion véritable des différents parlements nationaux.

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Angel Tîlvăr, président de la commission des affaires européennes de la Chambre des députés de Roumanie

Je vous remercie de cette suggestion. Nous la considèrerons avec toute l'attention nécessaire, c'est une manifestation de l'état d'esprit sur la façon dont les choses se déroulent. Comptez sur nous pour vous donner de bonne nouvelles en ce sens.

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Vasile Gudu, membre de la commission des affaires européennes de la Chambre des députés de Roumanie

Je voudrais remercier l'ensemble des députés présents, pour les échanges que nous pouvons avoir. Comme je l'ai dit aujourd'hui, en ce qui concerne la présidence roumaine, nous sommes conscients des défis et réalistes. Nous reprenons une partie des dossiers existants, souvent difficiles, comme le Brexit ou les élections européennes. Nous sommes aussi ambitieux pour mener à terme ce mandat, afin que notre présidence bénéficie à l'ensemble des citoyens européens.

Je voudrais parler, en tant que membre de la Commission pour l'agriculture et ingénieur agronome de formation, de notre collaboration sur la politique agricole commune. Ce sont des sujets dont nous débattons dans ma commission, surtout lorsque nous abordons le sujet des fonds européens. Nous, députés roumains, défendons les mêmes idées que vous : une convergence externe des paiements directs, afin que les fermiers roumains soient au même niveau de paiement que les fermiers de l'Europe de l'Ouest. Par ailleurs, les agriculteurs roumains travaillant dans de grandes exploitations, un plafonnement des paiements directs pourrait nuire à des exploitations qui font travailler une large main d'oeuvre.

La présidence de l'Union sera une grande priorité de la Roumanie, je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

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Je voulais vous interroger sur la PAC, qui est un sujet sur lequel je travaille avec mon collègue André Chassaigne. Il y a beaucoup de discussions sur la prochaine PAC, pour la période 2021-2027. Je sais que vous avez adhéré au mémorandum de Madrid, en faveur du maintien d'un budget ambitieux de la PAC. Nous nous retrouvons à ce sujet. Il demeure une incertitude assez forte sur l'aboutissement des négociations, tant en termes de calendrier que du contexte du prochain cadre financier pluriannuel, qui doit prendre en compte le Brexit et les nouvelles politiques européennes qu'il faudra financer.

Au-delà des rapports étroits entre la France et la Roumanie, inscrits dans un partenariat stratégique renouvelé en 2013, comment les Roumains perçoivent-ils la PAC ? Les grandes structures sont contre le plafonnement, nous l'avons compris. Avez-vous le sentiment que la PAC permet de contrer le sentiment répandu d'une Union européenne trop technocratique, distante des intérêts des Européens ? De quelle manière vous entendez, dans le cadre de la présidence roumaine, assurer la mise en oeuvre d'une PAC ambitieuse et permettre de répondre à des critères précis de durabilité économique, de durabilité environnementale et de durabilité sociale ?

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Vasile Gudu, membre de la commission des affaires européennes de la Chambre des députés de Roumanie

Depuis que la Roumanie a rejoint l'Union européenne, en 2007, nous avons obtenu des résultats très positifs en matière agricole. Nous nous sommes servis des fonds européens pour développer nos exploitations, sans oublier les petits producteurs. Au sein de ces fermes, l'activité permet de faire vivre des familles de façon décente.

Pour ce qui est de la PAC, nous avons une préoccupation constante concernant le climat. Ce sont des sujets que nous transmettons à ceux qui s'occupent du développement agricole, afin que les normes européennes transposées dans le droit roumain, soient respectées.

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Je voulais d'abord répondre à deux questions que vous avez posées. Pour ce qui est du plafonnement des aides, nous sommes favorables à un plafonnement, qui serait très limité. Ce serait un plafonnement de 100 000 euros auquel il faudrait rajouter les coûts de main-d'oeuvre. En réalité, cela concernera très peu d'exploitations. À un certain niveau de surface, de productivité, on passe dans un marché concurrentiel qui ne nécessite pas de subvention européenne. Nous sommes allés, avec mon collègue Alexandre Freschi, au Danemark, où on nous a expliqué qu'à partir d'un certain seuil de rentabilité, il n'y avait aucun besoin d'aide. Nous avons une petite divergence sur ce point. Nous sommes plutôt favorables à une convergence interne, puisque les petits producteurs ont un rôle déterminant dans le maintien de la vie rurale. Ce sont des productions sous le signe de la qualité, souvent orientées vers le bio. Le soutien de ces productions, couplé au plafonnement, aboutit à un nouveau sens pour l'agriculture.

Pour ce qui est de la convergence externe, tous les États de l'Union européenne peuvent-ils avoir des aides comparables ? Peut-on garder une inégalité entre les États fondateurs de l'Union et les nouveaux États membres ? Le rattrapage ne peut se faire que progressivement, en raison des différences sociales. Certains agriculteurs en Pologne sont payés 230 euros par mois. Il est difficile de comparer les agricultures à partir de là. Nous avons toutefois une convergence très forte, que nous partageons avec 20 États de l'Union européenne : il ne faut pas baisser le budget de la PAC. Les annonces faites pour le prochain CFP aboutiraient à une baisse de 15 %, compte tenu de l'inflation. Cela ferait baisser la part de l'agriculture dans le budget européen de 36 % à 28,5 %.

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Je voudrais vous interroger sur la coopération européenne, notamment au niveau de la sécurité. Selon moi, certaines coopérations doivent être renforcées, notamment autour de la sécurité, car elles permettent de lutter contre le trafic d'armes ou de stupéfiants, le terrorisme, le grand banditisme, ou la corruption. Il faut renforcer les échanges et les moyens mis sur ces questions.

La Commission européenne a proposé des orientations en ce sens, notamment au travers du fonds pour la sécurité intérieure, un instrument financier essentiel pour soutenir les efforts des États membres, notamment dans le domaine de la sécurité, qui voit son enveloppe budgétaire plus que doubler, de 1 milliard à 2,5 milliards d'euros. Je sais qu'il y a des divergences entre les États européens, je voudrais donc connaître votre position sur ces questions, et savoir si vous êtes favorables à un renforcement de la PSDC, dans la mesure où l'Union européenne doit renforcer certes la sécurité et la défense, mais aussi les droits humains.

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Angel Tîlvăr, président de la commission des affaires européennes de la Chambre des députés de Roumanie

Il est évident que nous discutons de plus en plus cette approche européenne commune de la défense, avec toutes les composantes de cette politique (capacité, recherche, production). Si vous vouliez faire référence à l'initiative lancée en 2017 en vue de consolider les efforts financiers nationaux dans le domaine de la défense, je pense que nous aurons besoin de deux étapes. La première étape sera celle d'un test car nous sommes face à une situation nouvelle dans la mesure où 22 États membres de l'Union européenne sont également membres de l'OTAN. La Roumanie a beaucoup gagné à l'adhésion à l'Union européenne. Mon collègue a parlé de ces gains en matière agricole, je considère que nous gagné sur toute la ligne, et il faut remercier la France qui a été un partenaire constant. Il faut souligner que les citoyens roumains sont favorables dans leur majorité à l'Union européenne, même si ce sujet peut être un sujet de débats et de controverses. Dans le Parlement roumain, il n'y a pas de parti eurosceptique, ce qui nous met dans une position avantageuse pour ce qui est de notre contribution à la définition du budget européen.

La deuxième étape est d'atteindre et généraliser cette approche et de voir si les conclusions tirées de l'expérimentation se sont vérifiées. Il y a une composante de recherche et développement. L'Europe a une position forte dans le domaine aérospatial, ce qui nous donne la possibilité d'innover dans le domaine militaire, dans la recherche, la conception ou l'innovation. Je ne peux pas mettre en avant de données, car je ne les possède pas, mais nous nous sommes saisis de ce sujet dans le Parlement roumain.

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Dans ces réunions, il est intéressant d'aborder des sujets consensuels et parfois plus délicats. Je me permettrais d'aborder la question du respect de l'État de droit. La Roumanie fait l'objet d'un mécanisme de coopération et de vérification et des recommandations, émanant soit du Conseil soit de la Commission, ont abordé les craintes que nous avions sur la réforme de la justice, la réforme pénale, ou la mise au placard de la Procureure en chef de la Direction nationale anticorruption. La Commission de Venise a également montré sa préoccupation. Cela n'a rien à voir avec ce qui se passe en Hongrie et en Pologne, mais ce sujet nous inquiète en tant que parlementaires. Est-ce que vous pouvez nous montrer s'il y a une évolution dans ce dossier, afin que le dialogue entre la Commission européenne et votre pays se déroule dans les meilleures conditions ?

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Angel Tîlvăr, président de la commission des affaires européennes de la Chambre des députés de Roumanie

Je vous remercie d'avoir dissocié la Roumanie d'autres situations en Europe qui nous préoccupent également. Le mécanisme de coopération et de vérification a des clauses de prévision très explicites. La décision de sa mise en place renvoie au fonctionnement de la justice en Roumanie et n'accorde pas un droit d'avis. Il n'a jamais été question que la Roumanie ne respecte pas les valeurs des autres États membres. Ce mécanisme a une valeur de collaboration pour nous. La perception de mes interlocuteurs sur ce sujet montre que ce mécanisme n'est pas hostile, mais constitue une aide. Il faut reconnaître que nous sommes une démocratie jeune, d'à peine trente ans, et que celle-ci est née dans la douleur.

Il y a des sujets qui deviennent rapidement des sujets politiques et peuvent susciter des passions qui s'ajoutent à des démarches légitimes. Il faut faire la distinction entre les sujets à usage politique interne et ceux qui posent véritablement des questions. La décision de mutation de la Procureure que vous citez a été validée par le Président de la Roumanie, qui avait le pouvoir d'y opposer son veto et n'avait pas intérêt à ce que les choses se passent dans le sens que vous dites.

Des modifications ont pu être interprétées comme un passage en force concernant la justice. Beaucoup de collègues qui ont visité notre pays et qui ont pu discuter avec les commissions juridiques et les experts dans ce domaine ont constaté que ces modifications visaient à mettre en accord les décisions de la Cour constitutionnelle avec la législation en vigueur. Je ne peux pas vous cacher que ce domaine juridique est toujours une source de débats. C'est notre devoir, en tant que majorité actuelle, de communiquer de manière à convaincre nos partenaires, qui sont de bonne foi, que nous sommes transparents dans nos actions. Il nous reste à vous persuader que nous sommes des partenaires qui méritons votre confiance. De mon point de vue, je suis certain qu'il n'y a pas d'abattement, pas de problème sur le fond.

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Merci à la délégation roumaine de nous faire l'honneur de venir dans notre pays pour dialoguer sur les questions européennes. Nous nous étions rencontrés l'an dernier, monsieur Tîlvăr, sur les questions de mobilité et je tiens à vous féliciter pour votre élection en tant que président de la commission des affaires européennes de votre assemblée. La mobilité, et donc le transport, sont un des piliers de la construction européenne mais aussi son avenir, avec une mobilité plus propre, plus connectée, plus solidaire et plus sûre. Je sais que la question de la sécurité routière est primordiale dans votre pays, mais aussi que le transport routier de marchandises pèse très lourd dans votre économie. Quelles sont vos attentes sur les trois volets du paquet mobilité – volet social, volet environnemental, volet « connexion » ? Quelle est votre vision sur les négociations en cours ? Enfin, je souhaiterais évoquer la question des camionnettes, que l'on voit de plus en plus sur nos routes, en France comme ailleurs. On ne peut pas parler de dignité humaine lorsqu'on voit des chauffeurs qui roulent 80 à 90 heures par semaine, qui dorment dans des conditions indignes et se lavent et mangent à l'arrière de leur camion. J'ai fait quelques propositions, la France en a porté aussi au niveau européen, sur la question du respect du temps de travail de ces chauffeurs par l'instauration d'un tachygraphe dans l'ensemble des véhicules utilitaires légers. Quelle est votre position sur ce point ?

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Angel Tîlvăr, président de la commission des affaires européennes de la Chambre des députés de Roumanie

Je suis heureux de vous revoir aussi, et vous remercie pour cette discussion très positive lors de votre visite et pour vos paroles aimables à mon égard. Je ne suis pas sûr de pouvoir vous en dire plus que lors de nos échanges, qui avaient été difficiles car vos dossiers étaient très bien préparés ! À la suite de nos discussions, j'ai saisi les institutions concernées sur la question de la mise en place de tachygraphes dans tous les véhicules. Je crois que des discussions ont eu lieu, au niveau de l'Union des transporteurs, et que des mesures ont été prises au niveau des constructeurs sur les sujets que vous avez évoqués. Nous allons essayer de connaître les ventes des tachygraphes, ce qui est un indicateur intéressant.

Concernant l'élargissement – que nous soutenons – celui-ci ne peut évidemment pas se produire sans que soient résolus le problèmes d'interconnexion. Ce sont des choses liées. Comme me le rappelle M. l'ambassadeur ici présent, la France nous a soutenus lors de l'élargissement. La mobilité et l'interconnexion sont nos priorités, et découlent de notre désir d'être efficaces, que les choses fonctionnent mieux, plus vite, et de manière plus sûre. Concernant les camionnettes : pouvez-vous intervenir au niveau national ? Avez-vous les moyens juridiques de mettre fin à ce genre de comportement ? Le cas échéant, je pourrais m'inspirer à mon tour de vos procédures.

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Je salue à mon tour la délégation roumaine, et rappelle que nos deux pays ont des liens historiques importants ; nous avons d'ailleurs un cimetière roumain en Alsace à Soultzmatt issu de la Première guerre mondiale.

Nous avons évoqué la politique européenne de la défense, cheval de bataille politique de notre président, malheureusement sans beaucoup de succès pour l'instant puisque nos amis belges viennent de commander des F35 et que, l'an dernier, la Roumanie a de son côté commandé le système de défense Patriot, écartant la proposition commune de MDBA et Thalès. Je dois souligner que ces choix sont mal compris par nos concitoyens, qui ont l'impression d'être solidaires avec la Roumanie qui, de son côté, remplit le carnet de commande américain. Quelles explications peut-on leur apporter sur cette décision d'acheter de l'armement en dehors de l'Union européenne, ce qui affaiblit la politique européenne de la défense ?

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Angel Tîlvăr, président de la commission des affaires européennes de la Chambre des députés de Roumanie

Vous avez dit que nous affaiblissons la politique européenne de défense, mais, je vous pose cette question : existe-t-il vraiment une politique européenne de défense concrète que nous pourrions affaiblir ? Cette politique existe-t-elle réellement à l'heure actuelle ? De mon point de vue, ce n'est pas le cas, d'autant plus que la plupart des États de l'Union européenne sont aussi membres de l'OTAN. Concernant l'interopérabilité, ces questions sont hors du champ de compétence de la commission que je dirige et je n'ai pas les compétences professionnelles pour vous répondre concrètement. Évidemment, il est nécessaire d'encourager la politique européenne de défense, et je redis qu'il faut faire cela par étape, progressivement, avec beaucoup d'attention portée à la connaissance de la situation et aux objectifs. Je voudrais conclure sur une note optimiste. Comme aux Jeux olympiques, si nous perdons nous continuons, si nous gagnons, nous continuons. Pas de préjugés ni d'idées préconçues. Il faut convaincre, sans idée préconçue.

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Je voudrais apporter des éléments précis : il faut comprendre la genèse de cet achat. Les États-Unis ont été plus proactifs, que ce soit pour offrir des stages de formation aux Roumains ou pour les interventions sur les opérations extérieures. Par ailleurs, nous n'avons pas vraiment bien traité nos amis roumains sur les questions de détachement des travailleurs – bêtement mises en avant pour quelques milliers de cas – ou de stigmatisations liées aux Roms. Le choix du chef d'État-major roumain dans ces conditions n'est pas étonnant. Notons en outre que nous ne sommes pas hors course sur tous les contrats – nous sommes encore présents sur les contrats de missiles à très courte et courte portées. Nous devons relever le gant, et j'ai parlé de cette question de l'oxymore de la diplomatie militaire en commission de la défense, questionné la ministre, la directrice des affaires stratégiques et internationales et le chef d'État-major des armées. Si nous voulons reprendre des parts de marché, nous devons aussi remettre en cause certaines de nos vieilles pratiques et méthodes, offrir plus de stages dans le domaines militaires, et garder en tête que former des officiers européens ou étrangers revient à renforcer l'attractivité de nos systèmes de défense. C'est une question très importante. Notre ticket d'entrée à l'OTAN, très critiqué en ce moment, n'est pourtant pas énorme – 198 millions d'euros. L'an dernier, j'ai accompagné Mme Geneviève Darrieussecq aux festivités de libération de la Roumanie. C'était la première fois depuis vingt-cinq ans qu'une autorité française officielle se rendait en Roumanie pour fêter cette libération par la France.

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Vous nous avez interrogés sur les thèmes que nous souhaiterions voir évoqués lors de la prochaine campagne pour les élections européennes. Pour nous il est évident que la thématique sociale sera très importante. Vous avez parlé de l'Europe des convergences : est-ce que le social fait partie de votre schéma de réflexion dans ce cadre ? Le social sera-t-il dans vos priorités ? Quels sont parmi les vingt points du socle européen des droits sociaux ceux qui vous interpellent le plus et sur lesquels vous êtes susceptibles d'avancer ?

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Angel Tîlvăr, président de la commission des affaires européennes de la Chambre des députés de Roumanie

Je me réjouis que vous ayez bien saisi le fait que nous mettons l'accent sur ces valeurs. Ces thèmes nous préoccupent de près. La Roumanie compte un très grand nombre de citoyens qui travaillent à l'extérieur du pays et ont migré pour des raisons économiques – 1,2 million en Italie, 85 000 en France –, ce qui nous contraint à avoir une composante sociale dans nos approches des sujets. Il y a beaucoup de situations où les droits de nos compatriotes ne sont pas respectés, que ce soit du fait d'une méconnaissance de leur part ou de la mauvaise foi de la part de ceux qui les embauchent. Il est important pour nous de soutenir les Roumains à l'étranger. Le Parlement roumain est souvent saisi de ces questions, tout comme de l'attitude des États qui accueillent les citoyens roumains. Par exemple, l'Autriche a décidé que les allocations seraient alignées sur le niveau de vie du pays d'origine – même chose au Royaume-Uni pour les étudiants. Pour nous, il s'agit de discriminations. J'ai évoqué ce point avec Michel Barnier, rencontré à Bucarest, qui m'a indiqué qu'il faudrait que l'on ait une approche commune vis-à-vis des conditions offertes par le Royaume-Uni à ceux qui y travaillent et y étudient sans être ressortissants de ce pays. Nous avons eu aussi des discussions intéressantes sur la mobilité et l'apprentissage. La mobilité et l'éducation au niveau européen sont des thèmes qui pourront s'ajouter à ceux que nous avons abordés jusqu'à présent. Je pense que nous avons eu raison d'envoyer des délégués sur ces questions spécifiques auprès de chaque pays.

Beaucoup de nos travailleurs à l'étrangers sont mal informés ou insuffisamment éduqués pour connaître leurs droits et c'est pour cela qu'il y a des abus. Ce sont des situations qui nécessitent une attention accrue, d'autant plus que cela peut aussi avoir un impact sur la perception des citoyens roumains à l'étranger. La gestion de ce sujet par la France est très importante pour nous.

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Nous avons eu beaucoup de questions et des échanges nourris aujourd'hui. Nous serions heureux de nous prêter à notre tour à cet exercice en Roumanie. Je vous remercie beaucoup d'avoir répondu à toutes nos questions.

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Angel Tîlvăr, président de la commission des affaires européennes de la Chambre des députés de Roumanie

Je vous remercie également pour votre accueil chaleureux. J'avais beaucoup de questions aussi mais puisque vous me l'avez promis je vous attends à Bucarest, ou j'espère nous nous retrouverons comme ici entre amis. Même si certaines questions étaient délicates, je suis heureux de notre dialogue de ce jour, qui contribue à l'enrichissement du projet européen.

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Son Exc M Luca Niculescu, ambassadeur de Roumanie en France

Vous êtes sans doute au courant que nous allons démarrer une saison croisée France-Roumanie. C'est la première fois que la France organise une saison croisée avec un pays européen. Celle-ci démarrera le 1er décembre, date de célébration de la création de la Roumanie moderne avec l'aide de la France, et s'achèvera symboliquement le 14 juillet prochain. Plus de 450 événements sont organisés dans les deux pays – expositions, concerts, etc. – dans une trentaine de villes en France et dans une quarantaine de villes en Roumanie. Il s'agit de célébrer la très forte amitié entre nos deux pays et ce sera aussi l'occasion de faire oublier les clichés accumulés des deux côtés, comme vous le verrez sur l'affiche promotionnelle, mettant en scène Dracula essayant de mordre Édith Piaf avec en filigrane : « oubliez vos clichés ! »

La séance est levée à 18 h 40.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Vincent Bru, Mme Fannette Charvier, M. André Chassaigne, M. Bernard Deflesselles, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Alexandre Freschi, M. Jérôme Lambert, Mme Constance Le Grip, M. Damien Pichereau, M. Jean-Pierre Pont, M. Joaquim Pueyo, M. Éric Straumann, Mme Sabine Thillaye

Excusés. – Mme Sophie Auconie, Mme Yolaine de Courson, Mme Françoise Dumas, M. Michel Herbillon, Mme Nicole Le Peih

Assistaient également à la réunion. – M. Philippe Michel-Kleisbauer, M. Frédéric Petit