Délégation aux outre-mer

Réunion du mercredi 23 janvier 2019 à 17h30

Résumé de la réunion

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  • biodiversité
  • guyane
  • outre-mer

La réunion

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La séance débute à 17 heures 35.

Présidence de M. Olivier Serva, président.

La Délégation procède à l'audition de M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

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Monsieur le ministre, vous nous avez fait l'amitié de répondre à notre invitation, malgré un agenda très contraint.

Chers collègues, je ne résiste pas à l'envie de vous livrer une petite biographie de François de Rugy. Né le 6 décembre 1973, il suit des études secondaires au lycée Gabriel Guist'hau de Nantes, puis intègre l'Institut d'études politiques de Paris, dont il sort diplômé dans la section communication et ressources humaines en 1994. Sa carrière politique est marquée par un engagement fort pour l'écologie. En 1991, il rejoint Génération écologie, puis fonde en 1995 l'association Écologie 44. Il adhère aux Verts en 1997 et est élu conseiller municipal de Nantes au sein du groupe Les Verts, en 2001. En juin 2007, il est élu député de la première circonscription de la Loire-Atlantique et secrétaire de l'Assemblée nationale. Il est alors membre de la commission des finances et de la délégation chargée de l'application du statut du député. Réélu en 2012, il co-préside avec Barbara Pompili le groupe parlementaire Europe Écologie Les Verts de l'Assemblée nationale, où il est membre de la commission de la défense nationale et des forces armées. Le 17 mai 2016, il devient l'un des vice-présidents de l'Assemblée.

En juin 2017, François de Rugy est élu député pour la troisième fois, puis président de l'Assemblée nationale. Le 4 septembre 2018, il est nommé ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, dans le deuxième gouvernement d'Édouard Philippe, en remplacement de Nicolas Hulot, démissionnaire. Même s'il n'est pas totalement opposé à la production d'électricité d'origine nucléaire, il s'est engagé à diminuer sa part et vise 100 % d'énergies renouvelables d'ici à 2050. Il s'est prononcé en faveur d'une fermeture progressive des centrales nucléaires de plus de quarante ans.

Monsieur le ministre d'État, c'est un plaisir de vous accueillir au sein de notre délégation. D'abord en tant que président, puis comme ministre, vous avez toujours eu une oreille attentive et bienveillante pour les territoires ultramarins. Vous aviez d'ailleurs fait la preuve de votre intérêt, au plus haut niveau de l'Assemblée nationale, en vous rendant sur les territoires victimes des intempéries cycloniques, Irma et Maria – une attention dont je vous ai su gré.

Dotées d'une surface terrestre quatre fois et demie moins étendue que la France hexagonale, les collectivités d'outre-mer abritent comparativement soixante fois plus d'oiseaux et vingt-six fois plus de plantes. Avec 3 450 plantes et 380 animaux vertébrés uniques au monde, l'outre-mer accueille autant d'espèces endémiques que toute l'Europe continentale.

Les outre-mer représentent aussi une surface maritime qui vaut à la France de posséder la seconde zone économique exclusive du monde derrière les États-Unis, avec plus de 11 millions de kilomètres carrés. La faune et la flore sous-marines, qui constituent 10 % des récifs coralliens et des lagons de la planète, viennent compléter ce formidable palmarès. Dans de nombreuses collectivités d'outre-mer, les milieux côtiers offrent par ailleurs des zones d'alimentation et de reproduction importantes pour une grande partie des tortues marines et des cétacés de la planète.

Or ce patrimoine naturel est l'objet d'un grand nombre de menaces : urbanisation et construction d'infrastructures ; exploitation minière et forestière ; invasion d'espèces exotiques ; pollutions ; changement climatique. Les extinctions d'espèces sont beaucoup plus nombreuses dans les collectivités d'outre-mer que dans l'Hexagone. La France se classe au cinquième rang mondial pour le nombre d'espèces animales menacées et au neuvième rang pour les plantes, principalement du fait des espèces présentes en outre-mer. Certains milieux naturels ont été particulièrement touchés et continuent de subir de fortes menaces. Les forêts qui s'étendaient autrefois le long des côtes ont quasiment disparu.

Vous l'aurez compris, la protection de la biodiversité française et la lutte contre le changement climatique outre-mer sont de grands défis auxquels nous devons faire face et sur lesquels nous voudrions connaître la politique du Gouvernement. Le projet de loi portant création de l'AFB-ONCFS, modifiant les missions des fédérations de chasseurs et renforçant la police de l'environnement, discuté dans l'hémicycle à l'heure où nous parlons, illustre l'importance de ces enjeux pour notre pays. Les membres de la Délégation aux outre-mer exprimeront certainement quelques inquiétudes quant à la place réservée aux représentants ultramarins dans cet organisme, compte tenu de la part importante de la biodiversité située sous les latitudes non hexagonales de la France. Je m'associe naturellement à leurs inquiétudes.

Comme en témoigne cette problématique, l'actualité ultramarine est très riche en sujets environnementaux. Je ne doute pas que vous serez largement interrogé par les membres de la Délégation à leur propos. Pour ce qui me concerne, je suis particulièrement préoccupé par quelques sujets sur lesquels je souhaiterais connaître votre sentiment.

La prolifération des algues sargasses dans les Antilles représente une calamité dont la récurrence s'accroît. Elle est une vraie source d'anxiété pour les populations ultramarines, sur le plan sanitaire et environnemental, au-delà des problèmes économiques qu'elle ne manque pas de poser également.

Il y a aussi les suites données à la scandaleuse affaire du chlordécone. Notre collègue députée de la Guadeloupe, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, défend en ce moment même une proposition de loi que je connais bien, pour en avoir déposé une similaire au mois de juillet 2018. C'est un sujet de première importance pour nous. Je connais la volonté du Gouvernement de faire et surtout de bien faire, dans le droit fil des déclarations du Président de la République, le 27 septembre 2018, à la Martinique.

Le projet d'exploitation aurifère, dit « montagne d'or », en Guyane sera aussi très certainement évoqué par nos collègues, étant donné l'ampleur du débat qu'il suscite – débat qui se tiendra également dans notre hémicycle le 7 février prochain.

Dans le Pacifique, je pense également à l'enjeu qu'il y a à lutter contre le changement climatique et la montée des océans qui menace les populations habitant sur des atolls vulnérables.

Enfin, monsieur le ministre d'État, je m'étais engagé à vous transmettre un message qui vient de l'île de Marie-Galante, dans ma circonscription, à propos des difficultés rencontrées par la collectivité dans la mise en oeuvre de la taxe sur les passagers maritimes embarqués à destination des espaces naturels protégés.

Monsieur le ministre d'État, je suis sûr que vous ne manquerez pas d'aborder ces sujets au cours de votre intervention et vous cède la parole.

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie pour votre invitation que j'ai acceptée avec plaisir. Je suis tout à fait conscient des enjeux écologiques particuliers dans les territoires d'outre-mer, qui représentent une très grande richesse pour la France – les chiffres que vous avez cités parlent d'eux-mêmes –, mais aussi un concentré de défis, depuis les risques naturels jusqu'aux questions d'adaptation au changement climatique, en passant par les enjeux relatifs à l'énergie ou à la biodiversité.

Comme vous l'avez rappelé, j'avais tenu, en tant que président de l'Assemblée nationale, à ce que la Délégation que vous présidez puisse avoir les moyens de travailler. Nous avions eu l'occasion d'aller ensemble, monsieur le président, avec Mme Marie Lebec et Mme Claire Guion Firmin, en Guadeloupe, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, deux mois à peine après le passage du cyclone Irma et de la tempête Maria, pour voir de nos yeux l'importance des dégâts, mais aussi les conditions de vie des habitants et la mobilisation des services de l'État et des services locaux, et constater les enjeux auxquels ces territoires sont confrontés. L'un de mes premiers déplacements en tant que ministre m'a conduit à retourner sur une partie de ces territoires, avec le Président de la République, après l'Assemblée générale des Nations unies.

Le Président de la République s'était exprimé sur plusieurs des sujets que vous venez de citer, notamment le problème ancien, mais toujours vivace, de la pollution au chlordécone. C'était la première fois qu'un Président de la République reconnaissait avec autant de force l'ampleur du problème. Il a demandé au Gouvernement d'ouvrir un droit à la reconnaissance de préjudice pour les travailleurs et les travailleuses des exploitations agricoles ayant utilisé ce produit chimique, qui a contaminé gravement les terres, mais aussi le littoral et, partant, les produits de la pêche, rendus impropres à la consommation.

Je suis personnellement sensible aux enjeux littoraux et insulaires, pour bien les connaître en Bretagne. Il y a également les enjeux particuliers liés aux catastrophes naturelles, dont on sait que le caractère naturel n'est pas toujours avéré, dans la mesure où elles sont parfois la conséquence des activités humaines. C'est aussi la question du dérèglement climatique dont nous voyons très concrètement les effets parfois dévastateurs. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit lors de la présentation du Livre bleu outre-mer, lequel a fixé des priorités claires qui doivent être mises en oeuvre.

Nous devons également améliorer notre connaissance des phénomènes, afin de pouvoir mieux anticiper et mieux alerter et protéger les populations, par exemple dans le cas des cyclones. Nous avons progressé, comme nous l'avions entendu dire en Guadeloupe, lors de notre déplacement. Nous devons progresser sur tous les territoires touchés par ce risque. Nous avions également échangé avec Maina Sage autour de la protection du littoral, le problème se posant de façon particulièrement aiguë en Polynésie. La protection des populations grâce à la prévention est l'une des priorités de mon ministère. Les moyens du fonds Barnier pourront d'ailleurs être activés à cette fin.

Le problème des algues sargasses, particulièrement lourd, se pose régulièrement. S'il y a toujours eu des sargasses, leur prolifération dans nos îles des Caraïbes représente un nouveau défi. Lors de notre visite avec le Président de la République, nous avons constaté qu'un certain nombre de moyens sont déjà mis en oeuvre, notamment pour les détecter grâce à des capteurs et agir avant leur arrivée, en mer. Il faut continuer à agir dans ce sens, en informant la population et en faisant des collectivités locales de véritables acteurs pour traiter ce problème.

Nous appliquons un peu la même démarche s'agissant du chlordécone, en fournissant l'information la plus précise et transparente possible, ce qui ne va pas sans poser de problèmes dans la mesure où certains agriculteurs se sentent montrés du doigt, alors qu'ils n'y sont pour rien, et voient leurs produits stigmatisés. De fait, certains produits agricoles fixent le chlordécone et sont, de ce fait, impropres à la consommation, quand d'autres ne le fixent pas et peuvent être consommés en toute sécurité. Nous devrons continuer à soutenir les agriculteurs dans leur démarche de reconversion.

Concernant les mesures d'accompagnement du ministère outre-mer, nous avons développé, au-delà des compétences de l'État, des actions relatives à la question de l'eau, de l'accès à l'eau potable et de l'assainissement, afin de résoudre plusieurs situations dramatiques. Nous avons considéré, dans le « plan eau DOM », que l'État pouvait venir en soutien des collectivités locales.

L'État doit également accompagner et soutenir les collectivités outre-mer pour protéger leur biodiversité. Dans le cadre du plan biodiversité, nous avons renforcé, avec la ministre des outre-mer, Annick Girardin, les objectifs de protection des récifs coralliens, puisque cette protection passera de 75 % en 2021 à 100 % en 2025. Le budget bénéficiera de 400 000 euros supplémentaires, en plus des 800 000 euros déjà déployés annuellement par mon ministère et celui des outre-mer. Dans le cadre des projets de partenariat avec l'Agence française pour la biodiversité, un appel à projets doté de 4 millions d'euros a été lancé en 2018, pour soutenir les initiatives locales concourant à protéger ou à restaurer la biodiversité. Des débats importants se sont tenus sur ce sujet, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019. Mon ministère est très mobilisé sur ce sujet sensible, aux côtés du ministère des outre-mer, des collectivités locales et des opérateurs de l'État, comme l'Agence française pour la biodiversité.

Par ailleurs, dix ans après l'inscription des lagons calédoniens au patrimoine mondial de l'Unesco, nous faisons tout pour voir les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) rejoindre la famille des trésors du patrimoine naturel mondialement reconnus. Nous considérons que cette visibilité serait un levier très important pour nos actions futures. Nous soutenons également le projet de candidature de la Martinique.

Comme vous l'avez dit, le projet de loi portant création de l'AFB-ONCFS est examiné en ce moment en séance. S'agissant de la question de la représentation ultramarine au conseil d'administration, le texte adopté en commission présente déjà des mesures permettant de garantir une représentation des territoires outre-mer. Vous pourrez certainement préciser encore ces points au cours du débat. Nous sommes tout à fait conscients de l'importance que revêt le sujet de la biodiversité outre-mer. L'Office français de la biodiversité reprendra les missions des deux établissements : l'Agence française pour la biodiversité et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage.

Nous souhaitons que les outre-mer puissent tirer le meilleur parti de leurs spécificités. Même si cela n'apparaît pas dans mon titre, je suis aussi le ministre de la mer. J'accorde une attention particulière aux questions maritimes, notamment pour ce qui concerne les activités portuaires ou le transport maritime, lesquels sont à développer outre-mer. Nous devons aussi nous pencher sur le sujet des croisières et de leur interaction avec l'économie de chacun des territoires.

Par ailleurs, nous voulons aussi accompagner économiquement les territoires d'outre-mer et leurs habitants, afin de les libérer d'une forme de dépendance énergétique, dont souffre aussi l'Hexagone qui importe beaucoup de produits fossiles – pétrole, gaz ou charbon. Grâce à notre politique de transition énergétique, nous souhaitons réduire cette dépendance et développer les ressources propres à chaque territoire. En Guadeloupe, nous allons ainsi valider la prime bagasse, afin d'encourager les pratiques durables des planteurs. En Guyane, nous souhaitons développer la filière biomasse, en en faisant la priorité d'un prochain contrat de transition. D'une manière générale, nous visons un objectif ambitieux d'autonomie énergétique à l'horizon 2030 pour tous les territoires, en développant fortement les énergies renouvelables. La première étape sera celle des appels d'offres territoire par territoire, soit du sur mesure, afin de nous adapter à la réalité des coûts et des gisements de chaque espace.

Monsieur le président, vous avez évoqué d'autres sujets sur lesquels je pourrai revenir dans nos échanges, notamment le projet « montagne d'or ». Je me tiens à votre disposition jusqu'à dix-neuf heures quarante-cinq, heure à laquelle je serai contraint de partir.

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Mes chers collègues, je vous prie d'être extrêmement disciplinés et de ne pas dépasser une minute pour vos interventions.

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Monsieur le ministre d'État, je vous remercie de consacrer ce temps à la Délégation aux outre-mer. Puisque vous avez déjà partiellement répondu à ma question qui portait sur la juste représentation des territoires ultramarins et des différents bassins océaniques au sein du nouvel organisme de protection de la biodiversité, je vous en poserai une autre.

Les territoires ultramarins peuvent être, au niveau de leur bassin océanique, les leaders ou les initiateurs de programmes de défense de la biodiversité sur le plan local. Du fait du caractère insulaire de la plupart des territoires ultramarins, il est difficile de traiter seuls des questions de protection de l'environnement et de la biodiversité. Au contraire, nous devons agir en synergie avec les pays et les territoires voisins. Avez-vous déjà envisagé cette dimension de collaboration internationale au niveau de chaque bassin océanique autour des différentes thématiques que vous avez abordées ?

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Monsieur le ministre d'État, vous avez dit que les territoires d'outre-mer disposent d'atouts considérables en matière d'énergie renouvelable, que ce soit le solaire, le photovoltaïque, le thermique ou la biomasse, et que vous visez une autonomie énergétique en 2030. La première étape sera d'atteindre 50 % de l'énergie consommée à partir de sources renouvelables en 2020. Pensez-vous qu'elle sera franchie l'année prochaine ?

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Monsieur le ministre d'État, l'exploitation aurifère est un véritable enjeu qu'il faut relever en Guyane. Il y va de l'emploi des jeunes qui doivent, pour beaucoup d'entre eux, choisir entre le chômage ou faire la mule. Sans alternative, telle est leur unique perspective d'avenir.

La forêt amazonienne et sa biodiversité sont une richesse pour la Guyane et l'humanité tout entière. Tout doit être fait pour la préserver. D'ailleurs, 55 % du territoire guyanais sont déjà protégés : parc amazonien, parc régional, réserve biologique. Mais peut-on mettre sous cloche le reste du territoire guyanais ? Depuis quelque temps, on voit naître de toutes parts un intérêt soudain pour la Guyane. De terre surtout connue pour son bagne, elle est devenue une terre sacrée. Contre-vérités et omissions sur l'activité aurifère prévalent, orchestrées par des activistes environnementaux, des organisations politiques hexagonales et des populistes au niveau local. Que n'a-t-on pas dit sur le projet « Montagne d'or » qui sera, somme toute, traité comme n'importe quel projet industriel, ni plus ni plus moins ? Chers collègues de l'outre-mer et de l'hexagone, sachez que mon territoire obéit aux mêmes règles que les autres. Les mêmes codes s'y appliquent, avec même plus de sévérité en matière environnementale.

Au-delà du projet « Montagne d'or », qui focalise toutes les attentions et les oppositions, c'est l'émergence d'une véritable filière industrielle que vous remettez en cause, avec notamment la proposition de résolution visant à interdire le cyanure. Avez-vous vérifié la véracité de certains éléments de cette résolution ? Avez-vous pris connaissance des travaux du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) sur l'utilisation du cyanure dans le traitement des minerais aurifères en Guyane ? Selon les conclusions du rapport de ces deux organismes d'État, effectué à la demande du ministère de la transition écologique et solidaire, qui viennent d'être publiées sur le site mineralinfo : « Des techniques de substitution au cyanure permettant la mise en solution de l'or existent, certaines sont applicables à l'échelle industrielle ou sont en phase de développement mais aucune n'a atteint le niveau de maturité ni la robustesse des procédés au cyanure et toutes présentent des coûts d'exploitation supérieurs. Par ailleurs, elles présentent des enjeux similaires en termes de transports et de stockage de matières dangereuses, de maîtrise des risques associés aux procédés de traitement. »

Je regrette, monsieur le ministre d'État, de n'avoir pas vu plus d'empressement de votre part, quand il a fallu revoir les crédits de la Guyane dans le cadre du PLF pour 2019. Dans le journal France-Guyane du 19 septembre 2018, vous disiez que l'écologie et l'économie peuvent et doivent marcher main dans la main. La Guyane doit devenir une terre de référence dans le domaine de l'exploitation minière, ce qui semble plus porteur d'activités et d'emplois que la mise sous cloche de son espace.

Je suis né à Saint-Laurent-du-Maroni, commune d'implantation du projet « montagne d'or », dont j'ai visité le site. J'ai visité au Surinam une mine à ciel ouvert utilisant le cyanure. Par conséquent, je sais de quoi je parle, contrairement à beaucoup qui parlent depuis Paris de choses qu'ils ne maîtrisent pas.

Monsieur le ministre, la France prendra-t-elle ses responsabilités ? Se comportera-t-elle comme la puissance qu'elle est, pour ne pas céder face aux pressions mensongères et contrôler les activités aurifères comme sur tout autre site Seveso qui s'installe en France hexagonale ou ailleurs ?

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Je vais commencer par répondre à la dernière question. Je remercie tout d'abord Lénaïck Adam d'avoir élargi le point de vue à l'exploitation aurifère, qui existe déjà en Guyane, sous une forme plutôt artisanale, avec seulement quelques PME. L'exploitation de l'or n'est nulle part sans impact sur l'environnement. Parmi les différentes techniques, aucune n'est neutre. Nous ne faisons pas partie de ceux qui voudraient opposer telle technique à telle autre voire s'opposer à toute exploitation aurifère. Il faut regarder les réalités en face. Le projet « Montagne d'or » fait l'objet de contestations. Il y a eu beaucoup de tensions, lorsque le débat public a eu lieu, après que la Commission nationale du débat public a été mandatée.

Le Président de la République s'est exprimé sur ce sujet à deux reprises, depuis son élection. Il a posé des conditions à la réalisation du projet : l'exemplarité environnementale ; l'approbation démocratique ; un bénéfice économique et social pour la population guyanaise. C'est bien à l'aune de ces trois critères que le Gouvernement et moi-même pourrons prendre une position.

Je sais, depuis ma première interview en tant que ministre, que nous sommes sommés de prendre position pour ou contre le projet – comme dans beaucoup de débats, me direz-vous, si ce n'est que celui-ci a pris une dimension symbolique extrêmement forte. Une proposition de résolution visant à l'interdiction générale de l'utilisation des technologies à base de cyanure dans l'industrie minière, initiative parlementaire à laquelle vous répondiez, me semble-t-il, dans votre intervention, monsieur le député, doit être examinée à l'Assemblée nationale le 7 février. Le Gouvernement sera conduit à se prononcer.

À ce stade, je peux d'ores et déjà vous dire que considérer que le seul danger ou le seul risque – la direction générale de la prévention des risques (DGPR) est rattachée à mon ministère – concernerait le cyanure relève d'une vision très partielle. Le mercure, utilisé depuis très longtemps dans l'exploitation aurifère, présente autant de dangers. Cela étant, le débat parlementaire aura lieu et nous prendrons une position selon les trois critères précédemment évoqués.

Avant que je ne sois nommé ministre, mon prédécesseur avait demandé au ministère de l'économie et des finances qu'une mission réalise un rapport sur ce sujet. Les conclusions pointent les possibles bénéfices économiques pour le territoire, mais aussi les risques environnementaux réels, qu'il ne faut pas nier, mais regarder de près. Comme vous le savez sans doute, il existe des risques de ruptures des digues retenant les déchets cyanurés. La pluviométrie élevée de la région risque de provoquer des coulées de boue. La terre risque d'être lessivée et acidifiée. Il faut avoir en tête ces risques environnementaux majeurs.

Concernant les objectifs d'utilisation des énergies renouvelables, madame Trastour-Isnart, vous savez que la loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit une programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) sur une période de dix ans, après une première PPE transitoire afin que cette stratégie soit désormais calée sur le rythme des mandats politiques – ce qui est une bonne chose sur le plan démocratique. Il a également été prévu une PPE propre à chaque territoire d'outre-mer. De fait, ces PPE spécifiques sont légèrement décalées dans le temps. La première vague vient tout juste d'être adoptée et les territoires d'outre-mer enclenchent actuellement le processus de révision, alors que le Gouvernement a achevé ce travail en ce qui concerne l'Hexagone. La Réunion, la Guadeloupe, la Guyane et Mayotte ont débuté la révision de leurs PPE pour les périodes 2019-2023 puis 2024-2028. Des objectifs chiffrés seront bel et bien prévus : La Réunion devra passer à 67 % d'énergies renouvelables électriques contre 37 % aujourd'hui, la Guyane à 85 % au lieu de 64 %, Mayotte à 40 % au lieu de 5 %, la Guadeloupe à 66 % au lieu de 18 % et la Martinique à 56 % au lieu de 6 %. Ces objectifs seront naturellement déclinés mode par mode.

J'en viens à la demande de représentation des outre-mer des trois bassins océaniques au conseil d'administration de l'Office français de la biodiversité. Dans l'état actuel du texte, il est réservé au minimum un siège dans le premier collège aux outre-mer et un autre dans le deuxième ou le troisième collège. Il me semble possible d'affiner cette rédaction pour aller jusqu'à trois représentants, monsieur Girard, ce qui permettrait d'offrir une garantie de représentation des outre-mer dans les trois collèges. Nous avons déjà entamé le débat sur cette question avant même la discussion générale sur le texte, dès la motion de procédure défendue en séance publique par M. Saddier.

D'autre part, nous sommes tout à fait favorables aux synergies avec les territoires et pays voisins, même si l'expérience montre que ce n'est pas toujours simple – ne serait-ce que parce que ce qui semble voisin est parfois lointain. On peut en effet explorer les capacités de travail commun dans les Caraïbes, par exemple, ou encore en Guyane, le seul territoire ultramarin non insulaire. Cela étant, je le répète : ce n'est pas simple – de même qu'au sein de l'Union européenne, où les pays sont pourtant reliés entre eux par leurs réseaux, chaque pays est attaché à développer sa propre stratégie et la coordination voire la convergence sont difficiles. Je m'y emploie avec l'Allemagne, la Belgique, l'Italie, l'Espagne, le Royaume-Uni ou encore l'Irlande, mais la réalité est très complexe. Chacun considère du fait de son histoire qu'il s'agit d'une question de souveraineté, et développe ses propres voies. C'est pourquoi il faut avant tout utiliser et valoriser nos ressources et trouver des solutions adaptées à chaque territoire. La même solution ne pourra pas valoir partout. La transition énergétique, c'est la diversification de nos sources d'approvisionnement. Cela vaut dans l'Hexagone comme outre-mer.

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Je salue, monsieur le ministre, votre disposition à porter de deux à trois le nombre de représentants ultramarins au conseil d'administration de l'Office français de biodiversité, ce qui assurerait la présence d'un représentant par bassin – océans Indien, Atlantique, Pacifique – qui me semble tout à fait raisonnable.

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En réponse au scandale environnemental du chlordécone, l'État a déployé plusieurs plans d'action successifs. Le dernier d'entre eux est en cours de mise en oeuvre depuis 2014 et s'achèvera en 2020. Les services de l'État effectuent ainsi des contrôles pour vérifier la conformité des denrées alimentaires avec les limites maximales de résidus, et l'Agence de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a été saisie pour mener une expertise et réévaluer les valeurs toxicologiques de référence en tenant compte des dernières études épidémiologiques.

Qu'en est-il, monsieur le ministre, de l'éventuelle abrogation ou modification de l'arrêté du 30 juin 2018 relatif aux limites maximales applicables aux résidus de chlordécone que ne doivent pas dépasser certaines denrées alimentaires d'origine végétale ou animale pour être reconnues propres à la consommation humaine ?

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J'ai bien entendu vos propos sur la « Montagne d'or », monsieur le ministre. Il est vrai que je m'exprime depuis Paris, cher collègue Adam, mais je ne donne aucune leçon ; je ne fais que poser des questions – même si je me suis rendu à deux reprises en Guyane et au Surinam.

La forêt guyanaise est certes grande mais ce projet se traduira par l'abattage de 575 hectares de forêt primaire affectant 127 espèces protégées, et par l'utilisation de 50 000 tonnes de cyanure. La question de la compatibilité avec nos objectifs de biodiversité est donc posée et comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, il faut toujours la mettre en regard des intérêts économiques d'un territoire. Or, chacun connaît les études que le cabinet Deloitte Développement Durable a réalisées pour le WWF : elles montrent que l'impact économique de ce projet sur le territoire guyanais sera faible, parce que le personnel très qualifié qu'il faudra recruter ne sera vraisemblablement pas guyanais. En outre, les taxes locales ne représenteraient que 2 % des 3 milliards d'euros de bénéfices attendus de l'exploitation de cette mine. Je pose donc la question du rapport entre les dégâts sur l'environnement et la biodiversité au regard de nos objectifs très ambitieux et le faible impact économique. Le rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) a pourtant montré que l'avenir économique de la Guyane repose sur le développement des filières locales, qui permet une croissance durable et bénéficie à l'emploi local.

J'ajoute un point : lors de ma visite sur place, il m'a été présenté l'argument selon lequel le développement de ce projet contribuerait à la lutte contre l'orpaillage illégal et ses méfaits sur la biodiversité guyanaise, mais on n'a pas su m'expliquer comment.

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Le 12 janvier 2018, le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) s'est auto-saisi des incidences environnementales du grand projet qu'est la nouvelle route du littoral à La Réunion. Il a rendu son avis le 21 décembre et relève plusieurs insuffisances, y compris de fortes incertitudes en termes de perméabilité aux écoulements en pied de falaise, qui pourraient fragiliser cette falaise maritime remarquable. Il note également le flottement administratif qui entoure l'ouverture de futures carrières. Troisième point : un risque pèse sur la protection de la biodiversité contre les espèces invasives.

Lors de sa visite à La Réunion, en juin 2018, M. Lecornu a reconnu la nécessité d'une mise à jour de l'évaluation environnementale. Un an plus tard, donc, le CNPN rappelle son scepticisme à l'égard des mesures de protection environnementale. Samedi dernier, une trentaine d'associations de protection de l'environnement se sont réunies pour réclamer une nouvelle expertise de ce grand chantier.

En écho à leur demande et pour garantir la bonne gouvernance de ce projet, nous souhaiterions savoir comment l'État s'assure que la collectivité respecte les engagements environnementaux pris lors de la validation initiale du projet, notamment dans le contexte d'exigences renforcées en termes de protection de la biodiversité, en cohérence avec nos engagements communautaires et internationaux. En réponse à la demande actuelle de transparence et d'ouverture des débats aux citoyens, nous souhaitons que l'ensemble des documents techniques produits dans le cadre de ce suivi environnemental soient mis à disposition du public afin qu'il se rende compte du travail accompli.

Nous vous remercions, monsieur le ministre, de bien vouloir nous informer du calendrier à venir des mesures d'évaluation environnementale qui seront prises au regard de l'urgence de la situation.

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Lors de la visite du Président de la République en Guadeloupe et en Martinique, madame Vanceunebrock-Mialon, nous avons annoncé la reconnaissance de l'exposition au chlordécone comme maladie professionnelle, notamment pour les ouvriers agricoles qui ont travaillé dans les bananeraies. Le Gouvernement met actuellement au point les modalités de cette reconnaissance, le ministère de la santé étant en première ligne. En outre, une proposition de loi est en cours d'élaboration.

Sur le plan environnemental, un arrêté sera en effet signé dès la semaine prochaine pour abaisser les valeurs limites acceptables dans les aliments à base de viande et de poisson ; il garantira un haut niveau de protection sanitaire des consommateurs et des populations. Il existe par ailleurs une catégorisation très claire des fruits et légumes qui fixent le chlordécone ; il est évidemment nécessaire de changer les cultures selon que les terrains sont contaminés ou non, sachant que la cartographie est très précise et que la transparence est totale.

En complément de ma première réponse sur le projet « Montagne d'or », monsieur Hubert-Laferrière, je précise que j'ai rencontré personnellement tous les élus locaux et nationaux : le président et plusieurs élus de la collectivité, les parlementaires – que j'ai reçus séparément afin que chacun puisse exprimer son point de vue et développer ses arguments – ainsi que le préfet de Guyane, pour faire le point avec lui sur ce projet et sur l'exploitation aurifère en général, et les associations opposées au projet – tout à la fois des associations nationales, qu'elles aient ou non des relais en Guyane, et un collectif guyanais. J'ai naturellement pris connaissance de l'étude que le WWF a commandée au cabinet Deloitte et j'ai rencontré le WWF sur ce sujet. Nous disposons donc des éléments concernant les dégâts environnementaux et le développement économique.

Ne mélangeons pas tous les sujets : de même qu'il ne serait pas intellectuellement honnête de ne parler que du cyanure et pas du mercure, il ne le serait pas davantage de faire le lien entre le développement d'un projet industriel et la lutte contre l'orpaillage illégal. À la demande du Gouvernement, le préfet diligente d'ailleurs avec nos services des actions aussi offensives que possible contre l'orpaillage illégal. Soyons bien conscients, cependant, que nous touchons aux limites de notre droit. Certains s'étonnent parfois des différences qui existent entre le Brésil et la France mais, au Brésil, les droits ne sont pas les mêmes : les personnes qui y sont mises en cause pour orpaillage illégal ont beaucoup moins de droits qu'en France. On peut vouloir réduire ces droits, ce qui ne manquerait pas de soulever des débats juridiques et autres, mais quoi qu'il en soit, il faut mener la lutte contre l'orpaillage illégal, étant entendu qu'il s'agit d'un mouvement perpétuel : il ne faut pas croire que nous allons définitivement éradiquer ce phénomène. C'est une action de longue haleine.

Concernant le projet de route du littoral à La Réunion, madame Bareigts, j'ai bien pris acte de l'avis du Conseil national de protection de la nature, qui a d'ailleurs été rendu public et communiqué au maître d'ouvrage du projet afin qu'il en applique les préconisations. Ce projet d'infrastructure est important – il se trouve que la direction chargée des transports et des infrastructures relève également de mon ministère – mais je ne reviendrai pas sur les débats qui ont eu lieu à La Réunion, au fil des alternances politiques au sein de la région. Plusieurs projets se sont succédé – j'ai même le souvenir d'un projet de tramway. Il est nécessaire de disposer d'infrastructures de transport et de déplacement, convenons-en, y compris avec un soutien financier de l'État et moyennant une intégration environnementale aussi forte et précise que possible. Tel est le but de la demande qui est faite au maître d'ouvrage.

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Je remercie le Gouvernement d'avoir compris notre demande d'une juste représentation des outre-mer au sein du conseil d'administration de l'Office français de la biodiversité. Ces deux dernières années ont apporté la preuve qu'une représentation plus forte était nécessaire pour expliquer nos spécificités – en matière de biodiversité comme sur tous les autres sujets.

La France possède le deuxième domaine maritime mondial et 97 % de cette richesse se trouve en outre-mer. Or nous avons l'impression de passer à côté de ce potentiel et que nos territoires sont spectateurs et n'ont pas leur mot à dire lors de la prise de décision. J'ai bien noté que vous étiez chargé de la mer, monsieur le ministre de la transition énergétique – ce qui est une excellente nouvelle pour nous, sachez-le, parce que la situation était plutôt floue. Nous souhaitons que cet enjeu de développement économique et de protection de l'environnement soit davantage promu au niveau national. Vous avez évoqué les récifs coralliens : nous souhaitons être associés aux décisions qui concerneront les stratégies découlant du plan récifs. Vous avez amorcé la protection de 100 % des récifs et c'est bien, mais dans un territoire comme la Polynésie qui se compose de 84 atolls, il est parfois nécessaire de créer de petites passes et des espaces de circulation. Il faut que la mise en oeuvre de cette mesure de protection de 100 % des récifs puisse se traduire de manière efficace au quotidien, en lien avec les territoires. Il en va de même pour les décisions prises sur le plan international. Nous avons demandé à plusieurs reprises à être associés aux négociations relatives au futur instrument juridique sur la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale. Où en sont-elles ?

Deuxième point : l'accès aux financements. La semaine dernière, la ministre des outre-mer nous a alertés sur le fait que les crédits du Fonds européen d'investissement vont augmenter mais qu'en face, aucun projet ne leur répond. Au contraire, lui ai-je répondu : les projets sont nombreux mais les territoires rencontrent malheureusement un problème d'ingénierie. Les moyens accordés doivent absolument servir aussi à financer l'accompagnement technique. Ces dépenses doivent être éligibles dans le cadre des appels d'offres qui relèvent de votre ministère. Les lignes relatives à l'ingénierie ont tendance à être écartées alors qu'elles sont vitales. C'est aussi le cas dans les programmes européens. De quoi pourrons-nous bénéficier après le programme BEST ?

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Monsieur le ministre, deux demandes de création de commission d'enquête peuvent concerner votre ministère puisqu'elles ont été adressées à la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale. Il y a quelques jours, j'ai déposé avec plusieurs autres membres de cette délégation une proposition visant à créer une commission d'enquête sur l'accès à l'eau potable, sa qualité et ses effets sur la santé en outre-mer. Vous n'ignorez pas le grave enjeu sanitaire de l'eau en outre-mer. La deuxième commission d'enquête proposée concerne la protection du littoral des territoires insulaires et ultramarins français. Seriez-vous prêt à apporter votre soutien à ces deux demandes ?

Autre question : il y a quelques années, le conseil régional de La Réunion envisageait la création d'un moyen de transport ferré, mais la majorité a abandonné ce projet de tram-train. Les habitants ont pourtant besoin de solutions concrètes pour éviter le recours au tout-voiture et aux énergies carbonées, ultra-majoritaires dans nos déplacements. Votre ministère serait-il prêt à agir en faveur du développement d'un transport ferré efficace et écologique à La Réunion ?

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L'archipel de Mayotte a une superficie de 374 kilomètres carrés et comprend deux îles principales, une grande et une petite, entourées par le plus grand lagon du monde dont le récif corallien est encore bien conservé. J'ai bien compris la décision de protéger les récifs coralliens mais, à Mayotte, il se pose la question de l'allongement de la piste de l'aéroport afin d'améliorer la desserte du territoire et de favoriser son développement et son désenclavement. En outre, les escales techniques qu'effectuent à Madagascar ou à Nairobi les vols « directs » n'améliorent pas non plus l'environnement. Il existe des techniques, par exemple la construction d'une piste sur pilotis. Soutiendrez-vous la réalisation de cette piste longue tant demandée par les Mahorais, monsieur le ministre ? Ce sujet sera sans doute le seul à sortir du grand débat à Mayotte, tant les Mahorais attendent cette piste longue !

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Je suis tout à fait d'accord avec vous, madame Sage : nous devons promouvoir davantage notre atout maritime. Il faut d'abord que nous en ayons pleinement conscience puis que nous le valorisions – sans pour autant le surexploiter, ce qui arrive parfois dans le domaine de la pêche. Il va de soi que ce sujet concerne aussi l'outre-mer. J'ai été surpris de constater que dans certains territoires, le secteur touristique n'est guère tourné vers la mer alors qu'elle constitue un atout évident. Son utilisation doit être déclinée d'une manière propre à chaque territoire, car appliquer la même approche partout n'aurait pas de sens. Cela vaut aussi à l'échelle hexagonale : après le Brexit, la France possèdera le plus long littoral de l'Union européenne et pourtant, elle n'est pas toujours en pointe en matière de politique maritime. Le Premier ministre est personnellement mobilisé sur cette question et la dimension ultramarine est très présente dans les réunions du conseil interministériel de la mer.

Quant à l'orientation des financements en direction de l'ingénierie, j'y suis tout à fait favorable : il faut avoir ce point à l'esprit en tenant compte des spécificités de chaque territoire. Nous travaillons avec l'Agence française de développement (AFD), qui intervient traditionnellement dans les outre-mer, pour améliorer le soutien à l'ingénierie.

S'agissant des récifs coralliens, j'entends vos remarques et je souhaite que les élus soient associés à la mise en oeuvre des mesures de protection. Enfin, en ce qui concerne la protection internationale de la biodiversité en haute mer, un groupe de coordination sera bientôt créé et piloté par le secrétariat général de la mer, placé auprès du Premier ministre. Je veillerai à ce que les outre-mer soient associés à ses travaux, car les négociations internationales se poursuivent en effet et nous souhaitons qu'elles avancent.

Au sujet des commissions d'enquête, monsieur Ratenon, je vous ferai la même réponse que lorsque j'étais président de l'Assemblée nationale : le Gouvernement ne se mêle pas de décider s'il faut ou non en créer. C'est une prérogative du Parlement et je ne peux que souhaiter que les parlementaires se saisissent des sujets en utilisant les droits qui sont conférés aux groupes – y compris aux groupes d'opposition et minoritaires. En ce qui concerne l'eau potable, nous sommes pleinement conscients des problèmes spécifiques qui se posent dans certains territoires d'outre-mer, au point que l'État leur a apporté son soutien – alors que cette compétence ne relève pas de lui mais des collectivités locales. La situation qui prévaut actuellement en Guadeloupe, par exemple, est inacceptable – avec des tours d'eau et des périodes sans accès à l'eau. Ces restrictions très sévères ne sont pas liées à la sécheresse, comme ce pourrait être le cas dans l'Hexagone, mais à une mauvaise gestion – nommons les choses par leur nom – des réseaux d'eau potable et d'assainissement et à un sous-investissement. L'État intervient en guise de relais pour financer les équipements mais il faut rétablir un mécanisme vertueux de financement. Le même problème existe à Saint-Martin : l'ouragan l'a aggravé mais il préexistait et était lié à un cercle vicieux de sous-investissement et de recouvrement incomplet des factures d'eau – d'où le fait que ceux qui paient finissent par payer davantage. Cela ne saurait durer ; il faut retrouver une gestion saine de l'eau.

Sur les questions liées aux transports en commun, je ne saurais m'immiscer dans les débats politiques réunionnais. En revanche, je dirai que l'État accompagne financièrement la réalisation de projets de transport en commun en site propre. Depuis 2008, treize projets de ce type ont été retenus dans le cadre des différents appels à projets de l'État outre-mer, pour un montant total de 115 millions d'euros de subventions accordées à la Guadeloupe, à la Martinique, à la Guyane, à La Réunion, à Mayotte ou encore à la Nouvelle-Calédonie, sachant qu'il s'agit le plus souvent de lignes de bus à haut niveau de service et en site propre. J'ai notamment constaté la réalisation – malgré des retards – d'un projet de ce type à la Martinique. Un quatrième appel à projets devrait être lancé dans le cadre de l'application de la loi d'orientation des mobilités, qu'examinera bientôt le Parlement.

La question du transport aérien concerne naturellement les îles en général et l'outre-mer en particulier, compte tenu de l'éloignement. Il existe en effet une forme de dépendance à l'égard de ce type de transport et aucune solution alternative ne pourra être trouvée à court terme. Des mécanismes de solidarité financière sont prévus pour aider les utilisateurs à couvrir le coût des billets. Quant à la question de l'aménagement de la piste, je vous propose d'en discuter plus en détail avec Mme Borne, ministre des transports auprès de moi, pour trouver une solution qui corresponde aux besoins des habitants de Mayotte, étant entendu – je suis bien placé pour le savoir – que les projets d'aéroports suscitent des problèmes d'intégration environnementale. Il nous faut envisager la question sous tous les angles avant de faire des promesses qui risqueraient de ne pas être tenues. Ce sera l'une des vertus du grande débat que de faire remonter des propositions voire de revendications – ce n'est pas un gros mot. Il ne sera pas possible de toutes les satisfaire, comme le savent bien les élus et les responsables politiques, mais il est bon que le grand débat permette d'exprimer des préoccupations concernant des projets locaux qui favorisent le lien entre Mayotte, les autres outre-mer et la métropole.

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Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir répondu avec clarté à nos questions en montrant votre évidente imprégnation des problématiques environnementales outre-mer. Je vous remercie également de votre bienveillance à l'égard de la proposition consistant à faire passer de deux à trois le nombre de représentants ultramarins au conseil d'administration de l'Office français de la biodiversité.

La séance est levée à 19 heures 40.