Lundi 6 mai 2019
L'audition débute à quatorze heures trente-cinq.
Présidence de Mme Jacqueline Dubois, présidente de la commission d'enquête
————
La commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005, procède à l'audition conjointe de Mme Palmira Fras, directrice de l'école élémentaire d'Arques-la-Bataille, Mme Émilie Fourrier, enseignante de l'Unité d'enseignement élémentaire autisme (UEEA) de l'école Louis de Broglie de Dieppe, Mmes Sarah Leguillon et Valérie Carton, enseignantes de l'Unité d'enseignement externalisée (UEE) de la Traverse d'Omonville au lycée professionnel L'Émulation Dieppoise, et M. Kelim Boivin, responsable de service à l'IMPro de l'UEE de la Traverse d'Omonville.
Nous recevons maintenant Mme Palmira Fras, directrice de l'école élémentaire d'Arques-la-Bataille, Mme Émilie Fourrier, enseignante de l'unité d'enseignement externalisée autisme (UEEA) Louis-de-Broglie de Dieppe, Mmes Sarah Leguillon et Valérie Carton, enseignantes de l'unité d'enseignement externalisée (UEE) de la Traverse d'Omonville au lycée professionnel L'Émulation Dieppoise, M. Kelim Boivin, responsable de service à l'IMPro de l'UEE de la Traverse d'Omonville.
Mesdames, monsieur, je vous souhaite la bienvenue.
L'Assemblée nationale a constitué le 12 mars dernier une commission d'enquête sur l'inclusion des élèves en situation de handicap dans l'école et l'université de la République. Il s'agit de faire un bilan des progrès réalisés depuis la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, et de mesurer le chemin restant à parcourir pour favoriser leur inclusion à tous les stades de leur scolarité.
Il est essentiel pour nous de recueillir votre parole afin de nous faire une idée plus précise des enjeux que rencontrent sur le terrain les parents des élèves en situation de handicap et ceux qui oeuvrent à leurs côtés en faveur de l'inclusion de ces enfants.
Comme c'est la règle pour les personnes entendues par une commission d'enquête parlementaire, et conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais maintenant vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
Mme Palmira Fras, Mme Émilie Fourrier, Mme Sarah Leguillon, Mme Valérie Carton et M. Kelim Boivin prêtent successivement serment.
Mesdames, monsieur, nous avons procédé à un grand nombre d'auditions au plan national avec des acteurs nationaux, des représentants d'associations, de syndicats, d'associations de parents, mais j'ai insisté pour avoir un zoom local, et je remercie les membres de la commission d'enquête de l'avoir accepté, afin d'approcher un peu plus près la réalité du terrain. Il nous semble intéressant d'avoir un focus sur les unités externalisées que vous représentez. Quel bilan en tirez-vous ? Comment ont été bâtis les projets ? Qu'attendez-vous des évolutions éventuelles ? Quelles sont vos relations avec les ULIS et les établissements médico-sociaux ? Quelles sont vos relations avec les autres personnels et quels sont vos temps de travail en commun ? Autant de sujets qui intéressent la commission d'enquête.
J'ai travaillé moi-même en établissement médico-social en tant que coordonnatrice d'unités d'enseignement et je voudrais savoir comment a été élaboré le projet d'unité d'enseignement externalisée. L'enseignant agit-il seul au sein de cette unité ou bien tous les services associés de l'établissement médico-social oeuvrent-ils à vos côtés ?
Je suis enseignante spécialisée au sein de l'unité d'enseignement externalisée pour les enfants autistes à l'école Louis-de-Broglie, ouverte depuis novembre 2018. Nous avons été très bien accueillis. Nous avons deux salles de classe, de beaux locaux spécialement refaits pour les enfants porteurs d'autisme, avec un plafond insonorisé et des lumières tamisées.
Ce dispositif procède de l'instruction interministérielle du 1er août 2018 relative à la création des unités d'enseignement élémentaire autisme (UUEA) et à la mise en oeuvre de la stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neuro-développement. Il dépend de l'Éducation nationale et de la fédération pour adultes et jeunes handicapés (APAJH) et il est rattaché au service d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) Henri-Wallon, à Dieppe.
L'UUEA vise la poursuite de la scolarisation des enfants atteints d'un trouble du spectre de l'autisme (TSA), grâce à une structure adaptée. Nous les accompagnons dans leur parcours scolaire. Ce dispositif inclusif a pour objectif une scolarisation dans le milieu ordinaire. Les enfants sont présents sur le même temps scolaire que les élèves de l'école de Broglie. Nous avons aménagé le temps au mois de janvier, parce que ces enfants ont de grosses réticences alimentaires. J'interviens sur le temps du midi pour aider les éducatrices et travailler avec les enfants. Comme ils sont encore très fatigables, nous terminons à 15 h 30, au lieu de 16 h 30, mais ils ont vingt-quatre heures de temps scolaire avec moi.
Nous avons actuellement sept enfants, nous en aurons dix à la rentrée 2019. Il y a une enseignante spécialisée, une AESH présente sur vingt heures et trente minutes, une éducatrice spécialisée et une accompagnante éducatrice et sociale, toutes deux rattachées au SESSAD Henri-Wallon à Dieppe.
Vous dites en souriant qu'elle est présente sur vingt heures et trente minutes. Sur combien de temps devrait-elle l'être ?
Il faudrait qu'elle soit présente pendant les vingt-quatre heures du temps scolaire et qu'elle soit formée.
L'éducatrice spécialisée et l'accompagnante éducatrice et sociale sont à quarante et une heures par semaine. Elles sont présentes pendant tous les temps scolaires, donc y compris le temps de midi, ainsi que le mercredi après-midi pour des temps de guidance parentale au domicile des parents, au SESSAD ou à l'école, selon la disponibilité des parents.
Oui.
Elles sont présentes aussi le soir jusqu'à 17 heures pour préparer du matériel. Nous avons énormément de préparation en aval.
Oui.
Une extension devra nécessairement être réalisée, puisque dix enfants sont prévus pour la rentrée. Si dans les unités d'enseignement en maternelle il y a un adulte pour un enfant, nous sommes quatre adultes pour sept enfants, dont certains sont atteints de troubles du comportement importants. L'éducatrice spécialisée doit être détachée spécialement pour un enfant. Elle est toute la journée avec lui, ce qui empêche le travail avec les autres. En partant pour venir ici, je les ai laissées toutes les deux sachant que deux enfants ont d'importants troubles du comportement. Nous manquons de personnes encadrantes.
Ma collègue Valérie Carton et moi-même sommes enseignantes à l'unité d'enseignement externalisée du lycée professionnel L'Émulation dieppoise. Nous accueillons des jeunes de 14 à 20 ans. Nous ne nous voyions pas les mettre dans un collège ou à l'IMPro. Il y a beaucoup d'ateliers et on retrouve des ateliers au lycée professionnel. Nous avons pensé que l'inclusion serait ainsi simplifiée.
Nous avons deux salles de classe, nous sommes deux instits, une éducatrice à temps plein, vingt-quatre heures par semaine. Nous accueillons vingt-huit jeunes.
Nous avons chacune des groupes de sept ou huit en alternance une semaine sur deux. Nous avons deux groupes chacune, soit vingt-huit élèves au total pour les deux groupes, autrement dit quatre fois sept élèves.
Nous les préparons au certificat de formation générale (CFG) en deux ans, diplôme qu'ils passent au mois de juin. Après l'avoir obtenu, s'ils veulent continuer leurs études, ils sont en attente d'une intégration en CAP ou d'une formation qualifiante. Après qu'ils ont arrêté la classe, le maintien des acquis est généralement difficile pour ces jeunes.
Nous avons été extrêmement bien accueillies. Des classes ont été mises à notre disposition. Une fois par semaine, un psychothérapeute ou un psychomotricien intervient au lycée, dans une salle mise à leur disposition. Au mois de septembre est organisée une semaine d'intégration pour les élèves de seconde, à laquelle nous sommes associées. Nos élèves vont visiter des lieux avec les secondes. Les chargés d'insertion professionnelle de l'IMPro participent à des modules avec nos jeunes. Il y a une grande interaction.
Nous commençons à le faire. Cela fait trois ans que nous y sommes. Au début, nous étions « en observation » des deux côtés, puisque les professionnels ne connaissaient pas toujours le handicap. Depuis septembre, les jeunes vont dans les ateliers, deux heures une fois par semaine, sur la base du volontariat, aussi bien pour les jeunes que pour les professionnels qui les accueillent. Cela fonctionne bien pour certains, qui veulent y retourner ; d'autres ne vont pas au-delà de la première séance.
Ils sont en atelier toute la semaine.
Avec des rééducations de psychothérapie ou de psychomotricité !
Oui !
Concernant l'insertion professionnelle, la poursuite d'études, les stages à trouver, comment cela se passe-t-il ?
Nous avons deux conseillères en insertion professionnelle (CIP) qui, sur les temps de l'IMPro, prennent le relais des instits, cherchent les stages et éventuellement des employeurs pour les contrats de qualification. Ces deux CIP sont arrivées quasiment en même temps, il y a deux ou trois ans. Comme elles apportent un regard différent de celui des éducateurs, le nombre de stages et de sorties ordinaires explose. C'est une vraie plus-value.
Après les deux ans passés dans votre classe, qu'advient-il si les élèves ne se dirigent pas vers la formation bac ou CAP ?
Certains sont orientés en milieu protégé, d'autres retournent dans leur famille faute de solution.
C'est assez rare. Le plus souvent, la sortie s'effectue soit en milieu ordinaire classique avec un emploi ou une formation qualifiante en intégration, soit en milieu protégé : foyer de vie ou établissement et service d'aide par le travail (ESAT).
Je n'ai pas les chiffres ici, mais cela a vraiment explosé. Le nombre de stages en milieu ordinaire a considérablement augmenté en une année, de même que le nombre de sorties en milieu ordinaire.
Nous vous remettrons les coordonnées de la commission, afin que vous nous transmettiez ces éléments.
C'est un autre établissement.
Non, une semaine sur deux !
La majorité d'entre eux viennent de SEGPA, d'autres d'instituts médico-éducatifs (IME). Nous fonctionnons beaucoup avec un IME qui n'est pas très loin. À partir d'un certain âge, ils intègrent l'IMPro de Longueville. Il y a aussi – et de plus en plus – des jeunes déscolarisés depuis un an ou un an et demi.
Comme en IME, nous avons des listes d'attente assez longues, et certains restent chez eux en attendant.
Nous avons actuellement une trentaine de situations en attente.
C'est difficile à apprécier, parce qu'une entrée est toujours liée à une sortie. On peut difficilement matérialiser le temps de la sortie. Pour certains jeunes, ça va très vite, ils font un passage éclair d'une année à l'établissement, mais d'autres peuvent rester chez nous quatre ou cinq ans.
Avant d'aborder l'inclusion, j'évoquerai l'enfant en difficulté, l'enfant que nous avons dans nos classes, celui qui nous questionne. Quand il nous questionne, nous faisons appel au réseau d'aide spécialisée aux élèves en difficulté (RASED), qui est surchargé car il intervient sur différentes écoles. Il y a un premier délai avant que l'enseignante spécialisée ou la psychologue scolaire vienne nous aider à poser un regard précis sur la difficulté d'un enfant. Après quoi, nous engageons une démarche auprès des parents pour leur signifier le besoin de soins. Leur obtention prend également du temps, car le centre médico-psycho-pédagogique (CMPP), les orthophonistes ou les psychomotriciennes sont surchargés, en sorte qu'il s'écoule encore un délai de six mois à un an avant qu'un enfant soit pris en charge. Après six mois de prise en charge par ces centres de soins, nous montons un dossier afin que la situation de l'enfant soit examinée par la MDPH, ce qui nécessite encore un délai important.
Lorsqu'une difficulté est repérée chez un enfant – ce qui peut avoir lieu en maternelle –, la mise en route est long, parce que les différentes structures manquent de place. L'année ou les deux années qui passent sont un énorme laps de temps perdu pour un enfant. La difficulté pourrait être traitée plus rapidement pour éviter de perdre ce temps précieux.
Pour qu'un enfant soit reconnu par la MDPH, il faut qu'il soit en situation de handicap reconnue. Quand il est reconnu par la MDPH, il y a de nouveau un délai car si une AVS est nécessaire, il faut encore du temps pour l'obtenir. Dans mon école, la dernière AVS est arrivée en janvier alors que la décision de la MDPH remontait au mois de mars précédent. Certaines ont des compétences acquises, d'autres n'en ont pas et doivent être formées. Nous, enseignants, tâtonnons pour aider nos AVS à adapter le travail à fournir avec les enfants pour les faire progresser. Dans mon école, deux AVS en contrat « parcours emploi compétences » (PEC) m'ont demandé de leur rédiger une lettre de recommandation pour devenir AESH, car elles en ont acquis les compétences. Là encore, on tâtonne, on ne sait pas à qui s'adresser pour qu'à la rentrée prochaine, elles restent dans l'école et continuent à accompagner l'enfant.
Les enseignantes aussi ont besoin de formation et de temps pour mieux connaître tous les « dys ». Elles participent à des réunions en dehors du temps scolaire. Nous ne connaissons pas suffisamment le handicap et toutes les formes de dys, comme l'hyperactivité et l'autisme. Quand le handicap est léger, les enfants sont scolarisés dans nos classes ordinaires ; quand le handicap est plus lourd et a nécessité l'entrée dans un IME, nous avons affaire à un autre type d'enfants. Dans nos classes à vingt, vingt-quatre ou vingt-six, selon les écoles, nous devons gérer les enfants et tout le travail que je viens d'évoquer, y compris les enfants qui tournent et à qui il faut donner à manger, et il est difficile d'être partout à la fois.
Cette année, dans notre école située en REP, nous avons la chance d'avoir des classes d'environ 20 élèves. La maternelle de notre commune n'a pas la même chance.
Dans l'école maternelle d'Arques-la-Bataille, il est de 24 à 25 par classe.
À cela s'ajoute le temps nécessaire pour préparer chaque parent à agir, le sensibiliser et lui faire comprendre que son enfant n'est pas facile. Or chaque parent est différent : l'un est émotif, l'autre à tendance à nous « rentrer dedans ». C'est compliqué. Il faut être diplomate et psychologue. Le travail de directeur n'est pas toujours facile, car des parents peuvent nous envoyer balader et d'autres restent en attente. Il faut trouver la clef pour qu'un parent réagisse. Tant qu'il n'y a pas de soins, on ne peut envisager un GEVA-Sco et la saisine de la MDPH.
L'inclusion d'UEE est arrivée cette année. J'ai interrogé les membres de mon équipe, qui sont au plus près des enfants. Ils m'ont autorisé à vous remettre des témoignages.
Le premier est celui de ma collègue chargée de huit enfants venant de l'IME, distant de cinq minutes à pied. La proximité est intéressante. Notre école est très grande, mais la qualité des locaux devrait être améliorée car elle est classée monument historique et elle est très sonore. La commune a consenti un effort important en insonorisant sept classes, mais pour ces enfants avec syndrome autistique, il reste du travail.
Ma collègue Élodie, donc, écrit : « Avec l'école d'Arques-la-Bataille, divers projets inclusifs ont été menés depuis plusieurs années avec l'IME ». Je suis directrice de cette école depuis 11 ans, mais avant mon arrivée les directeurs précédents ont beaucoup travaillé et les enfants de l'IME venaient déjà à l'école partager des projets avec d'autres classes.
Il y a une histoire depuis pas mal de temps.
Elle poursuit : « L'année dernière, il y a eu un projet inclusif pour deux enfants et cette année, huit enfants sont dans cette unité. Ils sont inclus dans l'école uniquement le matin. Nos élèves ordinaires entrent en classe à 8 h 30, mais ces enfants arrivent vers 9 heures, pour éviter qu'ils se lèvent trop tôt et compte tenu du temps de transport en taxi, car ils sont très fatigables. De 9 heures à midi, ils sont dans notre école les quatre matinées. Pour deux de ces huit élèves, les quatre matinées ont été réduites de moitié car ils sont trop fatigables. En revanche, pour un élève, il y a eu une augmentation du nombre de matinées, mais on constate d'ores et déjà, après un mois, que l'investissement n'est pas le même et qu'une fatigue s'installe. Il faut veiller à respecter le rythme des élèves et à faire évoluer les projets au fil de l'année, selon les besoins des élèves. C'est à l'école de s'adapter et non aux élèves de s'adapter à l'école. » Je souligne cette phrase.
« L'inclusion ne doit pas gommer leur différence ou leurs besoins éducatifs particuliers. Les élèves sont très fatigables, même si des temps de pause sont prévus dans l'emploi du temps. Les inclusions quotidiennes, c'est à la récréation qu'elles se font de prime abord, dans ce temps-là où les enfants sont ensemble. C'est un temps qui a nécessité beaucoup de préparation en amont et en aval pour décoder certains comportements des élèves que nos élèves ne comprenaient pas. Les élèves de l'IME ne saisissaient parfois pas l'ironie ou des comportements des élèves normaux, par exemple, apprendre à jouer, apprendre à s'adresser à l'autre, à demander de jouer avec. Les élèves de l'école ont très bien accueilli les élèves de l'IME. Ils jouent ensemble à la récréation. Certaines élèves de l'école viennent nous voir quand ils sont en difficulté de communication avec un élève. Aujourd'hui, quand un élève est absent, les élèves de l'école viennent nous voir pour demander où il est. Il y a donc un réel intérêt partagé entre les enfants de l'UEE et les enfants de l'école. Les élèves de l'UEE sont des élèves de l'école à part entière. Ils sont acceptés avec leur différence. Nos élèves nouent également des liens avec les élèves de l'école. Par exemple, un élève est amoureux d'une autre élève, un autre a été invité à une fête d'anniversaire par un élève d'une classe ordinaire. Ils se retrouvent également au centre de loisirs de la commune. Cela crée un mélange d'enfants différents.
« Après les inclusions hebdomadaires, qui sont dans des temps scolaires, il y a une inclusion par l'éducation musicale. Il y a aussi des inclusions par la piscine et bientôt, s'ils répondent favorablement aux tests, par la voile. Les inclusions se font toujours avec une éducatrice. Du point de vue des familles, et j'assiste à certaines ESS lorsque je le peux, certaines nous demandent des dérogations pour que leur enfant reste à l'UEE l'année prochaine, malgré la limite d'âge.
« L'année prochaine, il sera possible pour certains élèves de prendre les repas à l'école, pour suivre dans la mesure du possible les inclusions piscine, tenter des inclusions pour des activités plus scolaires du type lectures ou maths, peut-être avec dix élèves l'année prochaine. La réflexion est en cours au sein de l'IME. »
Elle évoque les points d'amélioration. Elle trouve limitante l'inclusion d'un enfant dans sa classe d'âge. Un enfant de 11 ans qui rencontre des difficultés peut aller dans une classe avec âge « + 1 » ou « – 1 », mais âge « – 2 » ou âge « – 3 », pour un enfant de 11 ans qui rencontre des difficultés pour apprendre, pour l'instant ce n'est pas permis.
« Pourquoi un enfant de 10 ans ne pourrait-il pas apprendre avec des CP ? Lors de l'ESS, l'enfant de 11 ans, il faut une dérogation pour qu'elle reste dans l'UEE. Âge « + 1 », oui, mais âge « + 2 », il faut une dérogation. Après tout, quand on décide d'apprendre le yoga ou le dessein, ne se retrouve-t-on pas avec des personnes d'un âge différent du nôtre ?
« Quant aux limites, si l'éducatrice part avec un ou deux élèves, l'enseignant spécialisé est seul avec les quatre ou cinq autres, ce qui est difficilement gérable en termes de différenciation pédagogique. Il nous faut donc rentabiliser l'inclusion car nous ne sommes pas assez d'adultes. Pour pallier ce problème, nous allons faire la demande de services civiques [elles sont deux pour huit]. Oui, cela fera une personne en plus dans la classe mais il ne s'agira pas d'une personne formée, à qui on demandera un travail d'éducateur. Ce sera quelqu'un en plus pour donner un coup de main. Ce n'est pas satisfaisant. » Elle trouve qu'il n'y a pas assez de moyens au niveau de l'Éducation nationale pour aider, accompagner. Elle note également que, pour l'ULIS de l'établissement Paul-Bert, ils sont quatre adultes pour sept enfants : « A l'UUEA, vous êtes quatre pour sept et chez nous, ils sont deux pour huit. »
Ensuite, elle dit qu'il est difficile de trouver des temps de concertation dans l'équipe pédagogique. Elle termine par des remarques des enfants. Certains disent qu'ils aiment bien, d'autres qu'ils préfèrent l'IME. Elle a interrogé cinq enfants, trois d'entre eux aiment l'UEE et souhaitent poursuivre, les deux autres trouvent que c'est fatigant.
Pourquoi une telle différence entre l'UEE où l'IME met à disposition des éducateurs spécialisés ou des accompagnants et l'IME qui ne met personne à disposition ?
D'un côté, l'APAJH expérimente un dispositif en UEE élémentaire avec l'Éducation nationale qui, sur notre pression amicale, a tout de même mis le paquet. D'un autre côté, on a un dispositif un peu plus de droit commun, en maternelle, où les ratios ne sont pas les mêmes. C'est aussi l'intérêt de comparer. Nous notons l'insuffisance de moyens humains.
Dans les lycées, l'acceptation par les élèves et par l'établissement se passe-t-elle aussi très bien ?
Les deux populations se côtoient mais ne se mélangent pas. Ils mangent ensemble à la cantine. Nous n'avons jamais eu de souci. On n'a pas dit que des IMPro allaient venir à L'Émulation : ils voient des jeunes. Comme ils ont l'habitude de voir des ULIS dans leur collège, cela ne les gêne pas. Pour eux, ce sont des ULIS. Ils ne font pas la distinction.
À notre arrivée, l'éducatrice spécialisée est allée dans toutes les classes pour expliquer l'autisme. Elle a répondu aux questions des enfants. Sur les temps d'inclusion, nous avons inclus les enfants à chaque récréation et à la cantine. Nous sommes toutes les quatre dans la cour de récréation et nous répondons à chaque fois aux interrogations des enfants. Tout à l'heure, un petit de l'unité pleurait. Un autre enfant de CP est venu me voir et je lui ai dit : « Prends-lui la main, invite-le à venir vers toi ». Il y a tout un langage gestuel. Les enfants de CP veulent interagir avec les enfants de l'unité.
Il y a certainement des différences d'affectation entre une unité d'enseignement externalisée et une ULIS ? Quel est le dispositif le plus efficace ?
Les enfants en UEE ont besoin d'un accompagnement éducatif et médico-social qui n'existe pas en ULIS, où il y a l'enseignement et une AESH.
Il y a une classe ULIS et, de temps en temps, sur certaines plages horaires, ces élèves intègrent une classe ordinaire de lycée, alors que nous sommes un établissement et que nos deux classes ont été externalisées.
Les jeunes dépendent encore d'un établissement. Les soins sont prodigués par cet établissement. Les professionnels de l'établissement, dont les éducateurs, s'en occupent.
Dans les textes et probablement dans les faits, puisqu'ils sont d'abord dans un IME avant d'être intégrés dans une UUE, ce qui n'est possible en sens inverse ! On dit que des jeunes en ULIS auraient aussi beaucoup besoin de soins. A-t-on une visibilité sur ce qui manque ? Est-il pertinent de garder ces dispositifs séparés ou pourraient-ils être réunis ?
Ce sont deux systèmes parallèles.
Il est noté dans le projet que le dispositif s'adresse aux « enfants de 6 à 11 ans dont l'accompagnement par une ULIS ou une aide humaine est insuffisant ».
Si vous étiez ministre, préconiseriez-vous la multiplication du nombre des unités d'enseignement externalisées ?
La différence avec une ULIS, c'est que le transport des enfants est payé par le médico-social. Une grosse partie du budget de 100 000 euros attribué aux UUEA est utilisée pour le transport. Cela nous enlève énormément de moyens, alors que pour les ULIS, le transport est pris en charge par le département. C'est ce qu'il faudrait améliorer. Nous avons aussi besoin de davantage de personnel. Un pour un serait formidable.
Cela a fait beaucoup de bien aux jeunes qui sont venus au lycée. Leur comportement n'est pas du tout le même que lorsqu'ils sont sur le site de Neuville, même en termes de look. Quand ils viennent au lycée, ils font un effort, troquent le jogging pour le jean afin de se fondre dans la masse des autres lycéens. De fait, on ne les repère pas du tout.
Madame la directrice, en faisant toute réserve quant aux demandes de moyens supplémentaires que vous avez exprimées, est-ce un dispositif à préconiser et à promouvoir ?
Après à peine une année, nous constatons que le mélange des enfants ordinaires et des enfants en situation de handicap apprend à ces derniers à vivre avec une différence et à tous de s'accepter avec leurs différences, quelles qu'elles soient – en l'occurrence, la différence liée au handicap. C'est énorme. Le vivre ensemble est essentiel.
J'ai cru comprendre ce matin qu'il y avait un projet de partenariat avec des établissements médico-sociaux pour aller au-delà de l'UEE et de l'ULIS pour des accompagnements au sein de collèges ou d'établissements scolaires. Pouvez-vous le confirmer ?
Je peux le confirmer, mais c'est toujours à l'état de projet. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. C'est avant tout une rencontre humaine avec, des deux côtés – le médico-social, l'Éducation nationale et le directeur d'établissement –…
… une même volonté de créer cette unité d'enseignement.
Merci pour vos témoignages. Si vous en avez d'autres, n'hésitez pas à nous les envoyer ultérieurement.
L'audition s'achève à quinze heures quinze.
————
Membres présents ou excusés
Réunion du lundi 6 mai 2019 à 14 heures 30
Présents. – Mme Jacqueline Dubois, Mme Nathalie Elimas, M. Sébastien Jumel, Mme Sabine Rubin
Excusés. – Mme Monique Iborra, Mme Catherine Osson, Mme Sylvie Tolmon