Mardi 4 juin 2019
L'audition débute à seize heures trente.
Présidence de Mme Jacqueline Dubois, présidente de la commission d'enquête
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La commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005, procède à l'audition de Mme Geneviève Mannarino, représentant l'Assemblée des départements de France (ADF), vice-présidente du conseil départemental du Nord, chargée de l'autonomie, M. Romain Boulant, collaborateur de cabinet, M. Jean-Michel Rapinat, directeur délégué de l'ADF chargé des politiques sociales, et Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseillère pour les relations avec le Parlement.
Mes chers collègues, notre commission reprend ses travaux en auditionnant les représentants de l'Assemblée des départements de France (ADF), que nous avions initialement sollicitée pour une audition commune avec l'Association des Maires de France.
Nous accueillons ainsi Mme Geneviève Mannarino, vice-présidente du conseil départemental du Nord, chargée de l'autonomie, qui est accompagnée de M. Romain Boulant, collaborateur de cabinet, M. Jean-Michel Rapinat, directeur délégué de l'ADF chargé des politiques sociales, et Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseillère pour les relations avec le Parlement. Je vous souhaite la bienvenue.
Il était indispensable de recueillir votre point de vue sur l'inclusion scolaire des élèves en situation de handicap compte tenu du rôle décisif que jouent les départements : non seulement, ceux-ci sont responsables des collèges, mais leurs élus président les commissions administrant les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) qui sont notamment appelées à se prononcer sur les aides humaines à la scolarisation de ces élèves.
Avant de vous donner la parole, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, il me revient de vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
Mme Geneviève Mannarino, M. Jean-Michel Rapinat, M. Romain Boulant et Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard prêtent successivement serment.
Je vous souhaite à mon tour la bienvenue. Il aurait été dommage de se priver de l'expertise de l'Assemblée des départements de France sur un sujet entrant pleinement dans leur domaine de compétence – nous pourrons d'ailleurs à cette occasion approfondir la question des conditions financières dans lesquelles a été transférée cette responsabilité. Nous souhaitons également vous faire réagir sur la volonté politique qui porterait – ou pas – la mise en oeuvre de la loi de 2005, sur les inégalités territoriales et les moyens de les contrecarrer, sur le fonctionnement des MDPH et la façon de l'améliorer, sur les moyens mobilisés par les collectivités départementales, notamment pour l'adaptation du bâti des collèges, sur la manière dont les départements accompagnent les communes dans la mise en oeuvre des Ad'AP fléchés sur les enfants.
Merci de votre accueil. Je vous rappelle que la réflexion sur le concept d'inclusion est arrivée du monde anglo-saxon depuis bientôt quelques siècles. Ce concept met en lumière le fait que toutes les personnes ont de plein droit leur place dans la société, quelles que soient leurs caractéristiques. Or les débats d'aujourd'hui visent justement à ce que chacun y trouve sa place en tant que citoyen.
Nous pouvons considérer que l'inclusion scolaire est en progrès. Des réflexions ont émergé ; des lois ont été prises et évaluées. Néanmoins, l'institution Éducation nationale a encore des efforts à fournir pour accueillir ces enfants, quelle que soit la formation des enseignants, des personnels et des ressources spécialisées présentes dans les collèges. Les outils d'évaluation ont été revisités, mais ne sont pas forcément aboutis. Des dispositifs existent, comme les classes pour l'inclusion scolaire (CLIS) ou les unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) en collège et en lycée. Cependant, les demandes s'accroissent et nous nous interrogeons sur les moyens qui nous sont donnés. Nous diffusons aussi des recommandations de bonnes pratiques sur nos territoires.
Notre société doit offrir une scolarisation de qualité à tous les élèves et satisfaire aux principes du droit à la scolarisation et de l'égalité des chances posés par la loi du 11 février 2005. L'Éducation nationale doit donc disposer de moyens complémentaires, mais les départements ont besoin d'être plus associés, plus impliqués, ne serait-ce que pour la réhabilitation des collèges.
L'inclusion scolaire doit permettre à ces jeunes d'entrer dans un parcours qui les amènera à un projet de vie, d'emploi et de citoyen. La scolarisation de ces élèves en milieu ordinaire est de droit ; elle est hautement recommandée dès la maternelle. Les collectivités territoriales doivent s'attacher à renforcer les liens avec toutes les parties prenantes : les départements sont certes responsables du patrimoine bâti des collèges, mais il leur appartient également de rendre plus efficaces les relations entre la MDPH, les enseignants, la collectivité éducative, voire le médico-social, lorsqu'est mis en place un plan personnalisé pour l'élève, afin que le parcours de l'élève avance le mieux possible. Mon expérience d'élue locale m'amène à dire qu'il s'agit d'un vrai défi, qui conduit à changer de regard – voire de culture – afin d'aller vers cette citoyenneté de plein droit qui est inscrite dans notre Constitution. Parallèlement, nous avons besoin de rassurer les familles qui font le choix de l'inclusion scolaire et qui s'aperçoivent que c'est parfois un peu compliqué.
La diversité des handicaps fait que la réponse apportée ne peut pas être uniforme. En lien avec les départements et la MDPH, une autre dynamique doit animer les établissements : répondre à des besoins. Cela conduira à se demander si la présence de l'AESH est nécessaire ou s'il ne faudrait pas plutôt partir des compétences de l'élève pour adapter sa scolarité en intégrant les enseignants dans un processus de formation et d'accompagnement – l'Éducation nationale ayant toute sa place dans le cadre de ces objectifs.
Une inclusion scolaire réussie nécessite une bonne articulation des parties prenantes, agissant en co-construction, et une meilleure visibilité pour les familles – on voit encore des familles très éloignées de ce concept inclusif qui demandent une prestation ou un transport sans s'interroger sur l'établissement qui correspondrait le mieux à leur enfant ; la non-lisibilité des dispositifs – due à leur nombre –est extrêmement préjudiciable et conduit à ne pas répondre tout le temps aux besoins exprimés.
Par exemple, les départements sont compétents en matière de transport des élèves en situation de handicap. Pour répondre à l'objectif d'une autonomie accrue – qui suppose d'entrer dans le droit commun –, il a été décidé de permettre à ces élèves de prendre un transport en commun plutôt que de recourir à des transports spécifiques. Cette démarche s'inscrit dans la perspective d'une inclusion sociétale et environnementale.
Même si ce domaine est extérieur aux compétences de départements, je souhaite évoquer l'université, un lieu « en devenir » en matière d'inclusion, grâce à la charte de 2007, adaptée en 2012, qui appelle à faire du handicap un thème transversal. L'idée de transversalité est essentielle : toutes les parties prenantes sont réunies pour aboutir à un schéma inclusif dans les établissements d'enseignement supérieur.
L'ADF en tant que telle travaille sur l'inclusion scolaire, non seulement en préparant la future conférence nationale du handicap – qui a lieu tous les trois ans – mais aussi en portant la voix des départements dans plusieurs instances : Mme Corinne Secrétin, conseillère départementale de la Mayenne, pilote un groupe de travail national sur les MDPH ; Mme Marie-Paule Martin, première vice-présidente du conseil départemental du Maine-et-Loire, pilote le groupe de travail dédié à la prestation de compensation du handicap (PCH).
L'ADF est favorable au renforcement de la participation des collectivités territoriales aux instances qui organisent la scolarisation des élèves vivant avec un handicap. Les départements assument une grande partie de la politique du handicap, notamment dans le cadre des MDPH, qui gèrent plus de 4 millions de demandes chaque année – la file active dans le département du Nord est d'environ 228 000 personnes. Cette activité relève d'une sorte de « production » : il s'agit de délivrer des notifications et nous n'avons pas forcément le temps d'examiner tous les dossiers – nous nous interrogeons d'ailleurs sur les MDPH afin qu'elles ne deviennent pas des machines infernales. C'est un sujet majeur, sur lequel le département est très présent et moteur.
La compétence des départements en matière de collèges leur permet de proposer leur expertise aux communes qui ont des projets scolaires, par exemple pour le regroupement d'établissements ; c'est un peu la traduction au plan territorial de la compétence générale des départements en matière de solidarité. En zone rurale, le maillage département communes fonctionne bien.
Nous sommes extrêmement sensibles aux objectifs fixés pour l'accessibilité : des projets ambitieux doivent aboutir en 2024. Cela concerne l'accessibilité au bâti, mais aussi aux activités – tout ce qui va faire que l'élève pourra vivre comme un citoyen lambda là où il l'a décidé.
Une proposition consisterait à intensifier les liens entre les MDPH et les services académiques pour que chaque rentrée scolaire soit la plus fluide possible et que nul ne se retrouve au bord du chemin en septembre, s'interrogeant sur l'absence d'AESH. Une autre consisterait à envisager de faire intervenir des professionnels des MDPH et du secteur médico-social dans le cursus des enseignants.
Je souhaite enfin partager les annonces faites ce matin par Mme Cluzel et M. Blanquer sur la nécessité de mieux former les AESH et les enseignants, de mettre l'élève et la famille au coeur du projet et de s'interroger sur la fluidité de parcours pour que l'élève se sente au mieux là où il a choisi de suivre un cursus scolaire qui l'amènera vers une vie de citoyen pleine et entière.
Vous n'avez pas répondu à ma question sur le diagnostic que vous pouvez porter sur le montant des charges transférées et la différence avec les compensations reçues – certaines inadéquations ont été soulignées par quelques chambres régionales des comptes lors de l'examen des comptes des collectivités départementales.
Je n'ai pas de chiffres à vous communiquer sur le sujet des collèges ou des compétences transférées. Dans votre question, j'entends aussi le débat sur la compensation perçue par les départements au titre de la politique d'action sociale. Nous avons quelques interrogations qui, me semble-t-il, sortent un peu du cadre de cette commission sur l'inclusion scolaire.
Je précise ma pensée : lorsque l'État a transféré aux départements la responsabilité de créer les MDPH, il a transféré le personnel afférent. L'augmentation de l'activité des MDPH a modifié les termes de l'équilibre. Je vous interroge pour savoir si vous disposez de remontées d'information à ce sujet.
Les MDPH ont été créées voici un peu plus de dix ans sous la forme de groupements d'intérêt public (GIP). À l'époque, les financements transférés par l'État correspondaient aux besoins des territoires. Tous les départements constatent que les prestations (PCH, allocation d'éducation de l'enfant handicapé – AEEH, etc.) sont en forte augmentation : pour le département du Nord, la PCH représente une dépense de 110 millions d'euros. Chacun à l'ADF en est bien d'accord : les transferts n'ont pas suivi. Une partie du personnel État affecté dans les MDPH à la création des GIP n'a pas été renouvelée ; les départements compensent. Nous sommes responsables donc nous apportons des réponses, mais je partage avec vous cette interrogation. La compensation de l'État pour ce qui concerne la gestion de la MDPH est un vrai sujet de débat au sein des assemblées départementales. Au vu des évolutions constatées, le GIP, tel qu'il est, ne correspond pas forcément aux besoins constatés sur les territoires.
Vous évoquiez les familles éloignées du parcours inclusif au niveau de l'école, du collège, du lycée ou de l'université, faute de dispositifs lisibles. Quels seraient les dispositifs à mettre en place pour favoriser la lisibilité ?
La compétence sociale étant départementale, comment analysez-vous les différences de prise en charge entre départements pour ce qui est des compensations liées au handicap. En particulier, certains décident d'aller au-delà du cadre légal et réglementaire. Comment cela peut-il se justifier à vos yeux ?
Ma première question concerne les systèmes d'information. Sur ce sujet, nous avons eu la version de la CNSA et celle des MDPH ; je souhaiterais avoir la version de l'ADF.
Ma deuxième question concerne les relations avec l'Éducation nationale. Un GIP MDPH comprend trois partenaires : le département, l'État et l'Éducation nationale. Pouvez-vous faire le point sur les relations avec celle-ci dans les départements ?
Comment peut-on rendre plus étroite la liaison entre la MDPH et l'Éducation nationale ? Quelle est votre position sur la formation des AESH ?
Je souhaitais poser la même question que Mme Descamps : en quoi souhaitez-vous intensifier ces relations ? Qu'attendez-vous de l'Éducation nationale et des liens que vous souhaitez tisser avec elle ?
Les associations de parents affirment qu'un dépistage précoce serait un élément déterminant pour enclencher une prise en charge adaptée. Cela concerne la médecine scolaire, les intervenants et les praticiens libéraux et les centres médico-sociaux, mais également le réseau des PMI. Quelles sont les réflexions conduites à ce sujet ? Quels sont les moyens mobilisés par les départements en matière de dépistage précoce des enfants en situation de handicap ? Comment la question de la démographie médicale dans les PMI est-elle appréhendée par l'ADF ? Quelles propositions concrètes formulez-vous dans ce domaine ?
Nous devons maintenant suspendre l'audition pour que les membres de la commission puissent participer à un scrutin public.
La séance est suspendue à 16 heures 58.
La séance est reprise à 17 heures 08.
Sur la question relative aux familles et à la lisibilité des dispositifs de prise en charge, les départements sont proactifs en étant présents sur tous les territoires, avec leurs directions territoriales et les unités territoriales d'action sociale. Mais je conviens qu'en raison de ces points d'entrée multiples, il peut être compliqué pour les familles de frapper tout de suite à la bonne porte.
De nombreux départements développent des lieux de proximité MDPH parfois délocalisés, autour de la notion de guichet unique d'accompagnement pour les familles. Dès l'annonce du handicap, il faut que la famille soit entourée et qu'entrent en action tous les partenaires susceptibles d'être concernés : si le handicap est décelé à la naissance, il s'agit du médical ; s'il est décelé à la crèche, un accompagnement de la famille et de l'enfant doit se mettre en place ; il en est de même pour l'école. C'est peut-être là que les départements peuvent être force de proposition puisque ce processus a vocation à être déclenché par le circuit MDPH.
La lisibilité est donc insuffisante en raison du nombre important de dispositifs et de portes d'entrée. La famille – en difficulté car l'annonce d'un handicap est toujours un moment difficile – mériterait davantage de lisibilité et de visibilité. Des départements comme le Nord et les Deux-Sèvres ont développé des portes d'entrée uniques en mettant en place des relais autonomie, des relais handicap, et un accompagnement des aidants. Pour que la famille soit accompagnée au plus près et immédiatement aiguillée vers les bonnes réponses, il faut que le partage de données soit efficace – c'est un sujet de back office. Les professionnels de la santé, du médico-social ou relevant de l'Éducation nationale doivent avoir accès à ces données pour accompagner les familles au plus près et au plus juste.
S'agissant de l'équité territoriale, nul ne peut nier que chaque département, rural ou urbain, est dans un espace contraint. L'ADF les accompagne et facilite l'entraide : ses commissions sont un lieu d'échanges où chacun peut exprimer ses difficultés. Cependant, pour différentes raisons – en particulier le pacte de Cahors, par lequel certains départements se sont engagés à limiter les dépenses de fonctionnement –, cet espace financier et économique contraint conduit à apporter des réponses différentes d'un département à l'autre. L'ADF veut aussi entendre ces départements et accompagner ceux qui sont en difficulté.
Au niveau de la MDPH, j'ai vécu les difficultés liées à la mise en place des systèmes d'information partagés, qui étaient portés avec la CNSA. Le département du Nord a été initiateur.
Je crois que nous en sommes à six mois. La mise en place est effectivement complexe alors que nous étions un département très impliqué. Ceci étant, les équipes de la MDPH, avec le soutien de la CNSA et de l'ADF, régularisent peu à peu la situation. De toute façon, il est indispensable d'en passer par là, pour pouvoir donner des réponses plus rapides : si nous ne renouvelons pas notre système d'information, nous mettrons à mal les personnes elles-mêmes. L'utilisation du nouveau dossier MDPH de 20 pages, qui considère la globalité de la personne, serait impossible s'il n'était pas numérisé. La numérisation est en cours et les MDPH sont proactives ; certaines, pourtant, n'ont pas encore changé leur système d'information et il va falloir être vigilant. Un soutien de l'État sera peut-être nécessaire pour qu'elles puissent y accéder ; il faudra peut-être aussi revoir l'organisation des liens avec la CAF. Perdre quelques mois n'est pas satisfaisant, mais en informatisant les MDPH, nous pourrons donner des réponses plus rapides aux usagers.
La relation avec l'Éducation nationale doit être encore consolidée. Celle-ci est insuffisamment présente au sein de la MDPH : nous avons besoin d'enseignants qui font le lien sur des dossiers importants. On sait que l'Éducation nationale est organisée de façon très administrative ; les départements sont davantage dans l'humain dans leur réponse au handicap. Il faut que les enseignants soient formés dès le début de leur cursus et que s'organise la formation des AESH – j'ai l'exemple d'une personne qui est AVS puis AESH depuis neuf ans et qui n'a bénéficié que de 36 heures de formation. Les ministres ont annoncé la substitution de contrats d'État, plus longs, aux emplois aidés. Plus important encore : l'AESH doit faire partie intégrante de l'équipe éducative, ce qui n'est pas toujours le cas sur le terrain ; l'affectation des AESH aux établissements doit être anticipée.
S'agissant du dépistage précoce, les PMI sont effectivement concernées, mais rencontrent des difficultés pour recruter des médecins car les conditions ne sont pas très attractives. L'ARS développe des dispositifs qui peuvent sembler s'empiler avec ceux des départements : il y a un vrai sujet de coordination sur des plateformes territoriales d'appui. Dans certains territoires, nous avons vu se développer des équipes mobiles de PMI, ce qui est extrêmement intéressant. Il faut d'ailleurs s'interroger plus largement sur la mobilité et la proximité de nos dispositifs d'action sociale afin de pouvoir aller au plus près des territoires les plus éloignés, notamment ruraux.
Vous faites part d'un besoin d'enseignants pour faire le lien sur les dossiers importants. Évoquez-vous par là les enseignants référents ou des enseignants qui seraient détachés à la MDPH – certains sont d'ailleurs parfois à la tête du pôle enfance ? J'ai besoin de savoir ce que vous voulez dire.
Ce que vous dites est intéressant et témoigne d'un réel engagement sur cette question. Toutefois, la commission d'enquête n'est pas un café-philo. Nous avons besoin d'éléments objectifs et de données statistiques. Par exemple, l'État et la CNSA ont été incapables de nous fournir des informations sur les moyens financiers mobilisés dans les MDPH, par département. L'ADF dispose-t-elle de ces éléments ?
Dans nos auditions, a été évoquée plusieurs fois une inadéquation, voire une non-correspondance, entre les notifications prononcées par la MDPH et les moyens mobilisés pour y répondre. Lorsque je l'ai connue, l'ADF avait des moyens d'expertise et d'analyse statistique allant au-delà du discours.
Enfin, pour ce qui concerne l'attractivité des PMI, avez-vous des précisions sur le manque de médecins dans les territoires les plus en difficulté ?
Je force le trait, non par manque de respect mais pour obtenir des réponses concrètes. Je conçois que vous ne disposiez pas forcément aujourd'hui de ces informations, mais nous apprécierions que la commission d'enquête puisse se nourrir de tels éléments, que l'État et la CNSA ne lui ont pas fournis et qui l'intéressent.
Quelle réponse peuvent apporter les départements qui rencontrent des problèmes de sous-densité médicale ?
S'agissant de la formation des enseignants au handicap, pour avoir enseigné durant plus de quinze ans dans un collège, je ne peux que militer en faveur d'une formation sur le terrain. La formation en amont est loin du terrain. Nous avons besoin de réponses concrètes correspondant à chaque enfant.
Je laisserai M. Rapinat répondre sur la PMI avec des chiffres. Nous pourrons aussi vous en transmettre.
Il me semble que les cafés philo, ça peut être aussi sympa car ils offrent des ouvertures !
J'ai été enseignante pendant vingt ans et je me suis toujours posé la question de la formation des enseignants, comme je m'interroge sur celle des éducateurs et des assistants sociaux que je trouve parfois insuffisamment en prise avec le terrain. Nous savons transmettre le savoir-faire et la connaissance, mais le savoir être avec des élèves en situation de handicap est beaucoup plus complexe. Il existe une vraie lacune.
Dans cette salle, quelqu'un se souviendra d'un entretien avec un directeur académique dont je tairai le nom, avec lequel nous avions échangé sur la nécessité d'augmenter le nombre d'enseignants référents à la MDPH. Il nous avait été répondu : « Si je vous mets des enseignants référents en plus, je ferme des classes ». Je ne porte pas de jugement, mais on ne pas peut apporter cette réponse lorsque l'on évoque l'inclusion scolaire. J'ai plutôt confiance dans le fait que cette situation évoluera, mais sur le terrain, à l'Éducation nationale, la communauté éducative manque de moyens, mais également d'un accompagnement pour un changement vers une culture inclusive – vous allez encore dire que je suis philosophe… Actuellement, les directeurs d'école considèrent que l'inclusion est trop compliquée.
L'Éducation nationale a un rôle à jouer, tout comme l'ADF, mais il faut aller la « chercher ». Le ministre Jean-Michel Blanquer tient les mêmes propos. Il va falloir former les enseignants, mais quid de cette formation ? Il faut qu'elle soit en immersion sur le terrain et je pense qu'elle le sera. Il en est de même pour les AESH et toute la communauté éducative. Cela pourrait passer par un stage de six mois dans une école.
Pour ce qui concerne la sous-densité médicale, certains départements, comme le Nord, n'apparaissent pas du tout attractifs. La rémunération des médecins en PMI est un frein. Comment une communauté sanitaire et médico-sociale doit-elle s'organiser – il le faut, pourtant – et qui en prendra la gouvernance ? L'ARS a un rôle à jouer aux côtés des départements.
L'Assemblée des départements de France a fait de la sous-densité médicale une priorité : elle a monté un groupe de travail sur l'offre de soins locale qui est présidé par M. André Accary, président du conseil départemental de Saône-et-Loire, lequel a développé un réseau départemental de centres de santé qui est une réponse tout à fait efficace sur ce territoire. Nous partageons avec d'autres départements cette initiative qui consiste à recruter des médecins traitants, les salarier, voire leur confier des missions départementales.
L'ADF se soucie de la Protection Maternelle et Infantile depuis plus de deux ans puisqu'elle a monté un groupe avec la direction générale de la santé qui vise à recenser les pratiques départementales de PMI et à travailler sur les formations, ainsi que sur les problématiques de recrutement de médecins et de professionnels de santé. Nous avons transmis une demande à Mme Peyron dans le cadre de la mission qui lui a été confiée.
La PMI est confrontée à deux difficultés : une problématique financière délicate et un métier qui pâtit de son statut et d'une faible attractivité. L'ADF attend les propositions du rapport de Mme Peyron. Toutefois, si des moyens suffisants étaient donnés en complément de ceux que nous apportons, nous n'aimerions pas qu'ils soient confiés aux agences régionales de santé. L'ADF demande un appui de l'État pour dépister plus tôt et réaliser l'ensemble des bilans de santé des enfants en école maternelle. C'est déjà le cas, avec un effort extrêmement important des collectivités, mais avec l'obligation scolaire abaissée à trois ans, il nous faudra pouvoir financer l'intégralité des bilans de santé qui devront être menés en milieu scolaire. Étant donné leur situation budgétaire, les départements ne pourront pas répondre à tous ces besoins si l'État n'est pas au rendez-vous pour les accompagner.
Il y a une volonté de dépister beaucoup plus tôt et d'accompagner les professionnels de santé avec le milieu scolaire. Les bilans de santé en école maternelle permettent une information précise des enseignants et un lien précoce avec les familles.
Au demeurant, comment imaginer qu'avec une dépense sociale qui augmente de 4% à 5 % chaque année, les départements doivent limiter à 1,2 % l'évolution de leurs dépenses de fonctionnement ?
S'agissant des MDPH, le groupement d'intérêt public présentait un avantage si l'État était au rendez-vous. Il l'était au début du fonctionnement des MDPH. Nous avons vu progressivement des fonctionnaires d'État partir en retraite ou opter pour un retour dans leurs fonctions d'origine. Quelle compensation l'État apporte-t-il pour permettre aux MDPH de fonctionner correctement. Dans la plupart des cas, les départements se sont trouvés obligés de compenser, d'apporter des moyens nouveaux en recrutant des personnels pour venir alimenter un GIP qui n'a plus de sens en tant que tel. Le GIP est une structure juridique intéressante si chacune des parties prenantes s'engage et tient son engagement. Dans le cadre des débats qui sont ouverts sur un possible acte III de la décentralisation, nous avons des propositions concrètes à formuler en matière de financement de ces GIP MDPH.
Sur la politique du handicap, quand bien même nous avons un partenariat de très grande qualité avec la CNSA, lorsque nous constatons que les concours financiers qui arrivent dans les départements par le truchement de la CNSA ne financent qu'environ un tiers de la dépense et que les départements financent le reste, on est loin de l'équilibre que nous avons souhaité dès le début de ce transfert partiel de compétences.
Malgré ces sujets budgétaires et de formation importants, un travail majeur est conduit avec la CNSA, avec un Comité d'animation nationale des actions de PMI (CANA-PMI) en lien avec la direction générale de la santé. Nous pourrons vous communiquer le résultat des travaux conduits sur ces sujets, dans le cadre d'une vision partagée entre l'ADF et l'État. En tout état de cause, nous avons une forte demande dans un contexte budgétaire très contraint où les départements ne suffiront pas pour remplir les objectifs liés à une meilleure inclusion des élèves en situation de handicap, quelle qu'en soit la forme. La très grande variété des handicaps nécessite une formation accentuée de nos personnels et une culture commune améliorée.
L'audition s'achève à dix-sept heures trente-cinq.
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Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 4 juin 2019 à 16 heures 30
Présents. – Mme Géraldine Bannier, Mme Blandine Brocard, Mme Danièle Cazarian, Mme Béatrice Descamps, Mme Jacqueline Dubois, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Olivier Gaillard, M. Sébastien Jumel, Mme Catherine Osson, Mme Béatrice Piron, Mme Cécile Rilhac, Mme Sabine Rubin
Excusés. - M. Christophe Bouillon, M. Bertrand Bouyx