Présidence
La commission examine, pour avis, en nouvelle lecture, des articles 4, 5 et 5 bis du projet de loi, modifié par le Sénat, pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet (n° 1980) (Mme Marie-Ange Magne, rapporteure).
Je vous rappelle que la commission des affaires culturelles, saisie de ce projet de loi, a délégué à notre commission un certain nombre d'articles pour examen au fond. Dans le cadre de cette délégation, comme en première lecture, nous travaillerons donc sur ces articles, comme si nous étions saisis au fond.
Les amendements de l'ensemble de nos collègues portant sur ces articles ont été déposés auprès de notre commission, et la commission des affaires culturelles, qui se réunira à son tour demain matin et demain après-midi, suivra les décisions prises aujourd'hui par notre commission.
Compte tenu du champ de notre saisine, à savoir les articles 4, 5 et 5 bis, il n'a pas été possible de retenir les amendements portant sur les autres articles, car de tels amendements ont vocation à être soumis à la commission des affaires culturelles. De même, comme la procédure en est parvenue à un stade postérieur à la réunion de la commission mixte paritaire, la « règle de l'entonnoir » empêche, comme vous le savez tous à présent, l'examen d'amendements qui viseraient à introduire des dispositions nouvelles, notamment au moyen d'articles additionnels.
Traduisant notamment les engagements pris par le Gouvernement le 16 avril 2019, au lendemain de l'incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le présent projet de loi, adopté en Conseil des ministres le 24 avril dernier et pour lequel le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, comportait dans sa version initiale neuf articles. Deux d'entre eux, les articles 4 et 5, ont fait l'objet d'un examen au fond par la commission des finances dans le cadre d'une délégation d'articles, décidée d'un commun accord entre le président de la commission des affaires culturelles, à laquelle le texte a été renvoyé, et le président de la commission des finances.
Sur les articles qui ont été délégués à notre commission, l'Assemblée nationale a, en première lecture, adopté plusieurs amendements rédactionnels, préservant ainsi l'équilibre général et les contours des articles contenus dans le projet de loi. Elle a également inséré un article additionnel visant à assurer le suivi et la transparence des dons effectués dans le cadre de la souscription nationale, tant par les particuliers que par les entreprises. Issu d'un travail et d'un accord transpartisan, cet article 5 bis, dont le principe et l'économie générale ont été validés par le Sénat, doit permettre au Parlement de disposer d'une information précise sur les montants des dons effectués ainsi que sur le coût des dispositifs fiscaux associés à la générosité publique. En première lecture, le Sénat a apporté à ces trois articles des modifications plus ou moins substantielles.
Une commission mixte paritaire (CMP) s'est réunie le 4 juin 2019 pour examiner les dispositions restant en discussion, soit, pour la commission des finances, l'ensemble des articles dont l'examen lui a été délégué. Constatant qu'elle ne pourrait parvenir à un accord sur l'ensemble des dispositions restant en discussion, la CMP a conclu à l'échec de ces travaux.
En nouvelle lecture, notre assemblée est saisie du texte adopté par le Sénat en première lecture ; je vous proposerai de rétablir le texte que nous avons adopté en première lecture à l'Assemblée nationale.
Sur l'article 4, le Sénat a procédé à deux modifications. Il a tenu à préciser que les versements effectués dans le cadre de la souscription nationale sont, d'une part, considérés comme des dépenses d'investissement et, d'autre part, non éligibles au Fonds de compensation de la TVA (FCTVA).
Nous avons longuement débattu du premier point, et je m'en tiendrai à la position exprimée en première lecture : cette précision relève du domaine réglementaire. Par ailleurs, le ministre de la culture a confirmé à plusieurs reprises les éléments contenus dans l'exposé des motifs du projet de loi relatifs au traitement budgétaire et comptable des versements effectués en vue de la restauration et de la conservation de Notre-Dame.
En ce qui concerne le FCTVA, il ne me semble pas inutile de conserver cette précision, compte tenu de certains amendements déposés par plusieurs de nos collègues en première lecture.
Sur l'article 5, le Sénat a apporté plusieurs modifications d'importance et de portée inégales : il a procédé à une réécriture de l'article, calquée sur les contours de l'article 200 du code général des impôts, incluant notamment dans le dispositif le rappel du champ des bénéficiaires de l'article 5 et le rappel du caractère autonome du plafond de 1 000 euros, en indiquant expressément que les sommes ouvrant droit à la majoration exceptionnelle du taux de la réduction d'impôt ne sont pas prises en compte pour l'application du plafond applicable aux dons ouvrant droit au taux de 75 %.
Les modifications les plus substantielles concernent la période d'éligibilité des dons à la majoration exceptionnelle. Le Sénat a porté le début de la période d'éligibilité des dons au jour de l'incendie, soit le 15 avril 2019, et prévu qu'elle prendrait fin à la date de clôture de la souscription nationale, laquelle ne saurait, aux termes de l'amendement adopté, intervenir après le 31 décembre 2019.
De manière générale, malgré une volonté louable de clarifier l'articulation du présent article 5 avec l'article 200 du code général des impôts, certaines des modifications apportées par le Sénat alourdissent inutilement la rédaction du dispositif.
Les modifications apportées à la période d'éligibilité des dons à la majoration exceptionnelle du taux de la réduction d'impôt soulèvent plusieurs difficultés, notamment s'agissant de sa date de fin – nous en avions longuement débattu en première lecture. En effet, la modification apportée par le Sénat a pour effet de lier la période d'éligibilité des dons à la majoration exceptionnelle du taux de la réduction d'impôt à la date de clôture de la souscription nationale. Or cette dernière sera prononcée par décret et pourrait tout à fait ne pas coïncider parfaitement avec la période d'éligibilité des dons au dispositif de l'article 5, laquelle s'éteindra le 31 décembre 2019 – le ministre de la culture, l'a d'ailleurs rappelé à plusieurs reprises.
Par ailleurs, le Sénat a fait débuter la période d'éligibilité des dons au 15 avril 2019, date qui aurait pour effet de faire bénéficier du dispositif exceptionnel des dons effectués avant l'incendie de la cathédrale. La date du 16 avril 2019 correspond à l'annonce officielle du lancement de la souscription nationale et de l'instauration d'une majoration exceptionnelle du taux de la réduction d'impôt pour les particuliers ; retenir une autre date ne me paraît pas opportun.
Enfin, sur l'article 5 bis, le Sénat a procédé à plusieurs modifications. Le texte qu'il a adopté prévoit que le rapport au Parlement sera remis chaque année et modifie le champ dudit rapport, en supprimant, d'une part, les informations relatives aux versements effectués par les collectivités territoriales et en incluant, d'autre part, les dons ayant donné lieu à la réduction d'impôt prévue à l'article 978 du CGI concernant l'impôt sur la fortune immobilière, les contreparties matérielles obtenues par les donateurs ainsi que le montant des recettes fiscales découlant de la réalisation des travaux de conservation et de restauration, en particulier celles provenant de la TVA perçue au gré des différentes opérations facturées.
La remise annuelle de ce rapport ne paraît pas opportune, dans la mesure où le principal objectif poursuivi est d'identifier les dons et les montants associés au dispositif de la majoration exceptionnelle du taux de la réduction d'impôt, qui prendra fin le 31 décembre 2019.
Dans sa rédaction issue de nos travaux, l'article 5 bis, fruit d'un travail transpartisan de plusieurs membres de la commission des finances, était parvenu à trouver des équilibres politiques et techniques satisfaisants, lesquels ont, en outre, été validés par l'ensemble des députés. Je proposerai donc de rétablir le présent article dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture.
Nous avons aujourd'hui plus de recul que nous n'en avions lors de la première lecture. Si j'ai bien compris, ce sont 80 millions d'euros qui ont été recueillis, cette somme déjà très importante ne représentant cependant que 9 % des promesses de dons. Nous devons donc accepter d'être patients et prudents, ce qui se traduit de ma part par un certain nombre de questions.
En premier lieu, l'objectif de cinq ans fixé par le Président de la République pour la reconstruction est-il tenable ? Ensuite, le cadre fiscal qui nous est proposé par ce projet de loi est-il adapté ? Enfin, pourquoi circonscrire ces dispositions à Notre-Dame de Paris, alors que nous pourrions décider de les appliquer à l'ensemble du patrimoine ?
Le groupe Libertés et Territoires partage l'ambition du Gouvernement d'accompagner la restauration de Notre-Dame, mais nous souhaitons le faire dans un cadre apaisé et serein, en oeuvrant en concertation avec le plus grand nombre d'acteurs concernés. En d'autres termes, nous serons très attentifs au contenu des dispositions prévues par les articles 5 et 5 bis de ce projet de loi.
Ce texte a fait l'objet de divergences entre l'Assemblée nationale et le Sénat, qui concernent principalement des questions relatives à la législation sur le patrimoine.
En ce qui concerne les articles 4, 5 et 5 bis, mes remarques seront à peu près identiques à celles que j'ai eu l'occasion de faire en première lecture.
L'article 4, qui autorise les collectivités à opérer des versements pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris, devrait, selon moi, ne s'appliquer qu'aux collectivités concernées territorialement par Notre-Dame. Même si le texte précise que ces dépenses seront considérées, à titre dérogatoire, comme des dépenses d'investissement au sens du code général des collectivités territoriales, d'un point de vue comptable, cela ne me paraît pas orthodoxe. J'en veux pour preuve la position du Sénat, qui a exclu ces investissements du FCTVA, manifestant ainsi ses doutes sur la nature de ces dépenses. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement demandant la suppression de cet article.
En ce qui concerne l'article 5, qui porte la réduction d'impôt à 75 % pour les dons jusqu'à 1 000 euros, je regrette encore une fois que cette clause ne s'applique pas à l'ensemble des dons, et la référence aux dons « Coluche » ne me paraît pas pertinente, puisque le montant de ceux-ci, éligibles à la réduction de 75 %, est plafonné à un niveau inférieur. Compte tenu des causes qui sont servies dans chacun des cas, cela ne me paraît pas normal.
En ce qui concerne enfin l'article 5 bis, qui porte sur la remise d'un rapport sur les versements opérés par les collectivités et le montant des dons ayant donné lieu à réduction d'impôt, il me semble avoir été utilement amendé par le Sénat, qui prévoit que le rapport détaille le montant des recettes fiscales découlant de la réalisation des travaux de conservation et de restauration, et notamment celles provenant de la TVA. Ces précisions me semblent en effet de nature à faciliter notre mission de contrôle de l'impact de ces dispositions législatives sur nos finances publiques.
Je souscris à ce que vient de dire M. Mattei. J'avais, pour ma part, déposé en première lecture des amendements, que nous redéposerons en séance publique, demandant l'éligibilité des dons au FCTVA. En effet, puisqu'ils sont considérés comme des dépenses d'investissement, pourquoi seraient-ils exclus du bénéfice du FCTVA ? Selon la rapporteure, ce n'est pas un problème, mais le Sénat en a manifestement jugé autrement, puisqu'il les a exclus du bénéfice du FCTVA, considérant qu'il était problématique d'assimiler ces dons à des dépenses d'investissement, ce qui induit que l'éligibilité au FCTVA est encore plus compliquée à démontrer.
Je crains donc que, sur ce point, votre projet présente un risque pour les collectivités qui, de bonne foi, vont inscrire ces dons dans leur comptabilité comme des dépenses d'investissement, s'exposant de ce fait à voir la décision annulée.
Vous créez de l'insécurité juridique, alors que ce n'était pas nécessaire, et je ne comprends pas pourquoi vous vous entêtez dans cette direction.
La commission en vient à l'examen des articles.
Article 4 : Possibilité pour les collectivités territoriales de participer à la souscription
La commission est saisie de l'amendement de suppression CF9 de M. Jean-Paul Mattei.
L'article 4 n'a pas d'autre objectif que de répondre aux demandes qui ont été formulées par certaines collectivités territoriales pour lesquelles la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris ne présente pas d'intérêt public local. Il s'agit donc, à travers ce projet de loi et cet article, de donner une base légale aux dons et versements effectués dans le cadre de la souscription nationale par une collectivité territoriale en dehors de son champ de compétence géographique.
Au-delà des considérations juridiques, c'est bien parce que plusieurs collectivités avaient annoncé leur souhait et leur intention de participer à la souscription nationale que le présent projet de loi consacre cette possibilité, car il ne s'agit bien que d'une possibilité, chaque collectivité demeurant évidemment entièrement libre d'effectuer ou non de tels versements. Avis défavorable.
J'entends que l'article 4 correspond à la demande de certaines collectivités. Cela étant, cette disposition comporte un risque juridique, dans la mesure où elle crée un précédent en permettant à des collectivités de financer un projet qui n'est pas le leur et qui se trouve situé en dehors de leur territoire.
C'est cette difficulté juridique qui a conduit le Sénat à faire preuve de précaution et à préciser la nature de ces dépenses et leur non-éligibilité au FCTVA. Je partage donc les inquiétudes qui ont été exprimées devant une mesure qui ne me paraît pas suffisamment cadrée juridiquement.
En l'état actuel du texte, une collectivité locale – hors Ville de Paris et région d'Île-de-France – peut-elle verser un don pour la restauration de Notre-Dame ? Selon moi, la réponse est non. Cela étant, j'aimerais savoir si, à la connaissance de la rapporteure, le contrôle de légalité a laissé passer des délibérations de conseils municipaux, d'intercommunalités, de départements ou de régions qui auraient voté une subvention. Si l'article 4 a pour objectif de le leur permette, c'est bien la preuve qu'aujourd'hui c'est interdit ; ce qui fait que toutes les délibérations qui ont été prises en ce sens sont illégales, jusqu'à la publication de la loi.
En second lieu, j'aimerais savoir pourquoi on autorise les collectivités locales à verser des dons pour restaurer Notre-Dame, alors qu'on ne l'a pas autorisé pour d'autres bâtiments ayant subi des dommages d'importance – je pense notamment à l'incendie du Parlement de Bretagne. Tous ces bâtiments ont été reconstruits sans que l'on fasse appel à la générosité des collectivités locales, dont ce n'est pas le rôle. C'est la raison pour laquelle, je suis favorable à l'amendement de Jean-Paul Mattei.
Je trouve paradoxal que, d'un côté, on baisse les dotations aux collectivités territoriales et que, de l'autre, on favorise le fait qu'elles puissent cofinancer la rénovation de Notre-Dame. J'estime que c'est à l'État de prévoir un budget qui couvre les travaux.
Quoi qu'il en soit, je soutiens la position du Sénat, qui n'a pas souhaité que ces dépenses soient comptabilisées comme des dépenses d'investissement et qu'elles entrent dans la contractualisation. C'est un moindre mal.
Monsieur de Courson, je n'ai pour l'instant pas d'informations sur le contrôle de légalité concernant les délibérations qui ont été prises. En revanche, si nous étudions ce projet de loi dans le cadre d'une procédure accélérée, c'est précisément pour offrir à travers cet article 4 une base légale aux collectivités territoriales.
En ce qui concerne les autres édifices qui pourraient bénéficier de dons, j'ai, dans ma circonscription, des collectivités qui ne souhaitent pas faire de dons pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris mais préfèrent les consacrer à la cathédrale de Limoges. Cela relève de la libre administration des collectivités territoriales. L'article 4 leur ouvre simplement la possibilité, si elles le souhaitent, de faire un don pour la cathédrale Notre-Dame.
J'insiste à nouveau sur le risque de ces dispositions, compte tenu a fortiori de leur caractère rétroactif.
On envoie par ailleurs un mauvais signal aux élus locaux, que l'on semble autoriser à jouer avec l'argent public, alors que l'on se trouve hors des clous de la comptabilité publique. C'est une anomalie grossière.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement CF12 de la rapporteure.
Cet amendement a pour objet de revenir à la version de l'article 4 votée par l'Assemblée nationale, en recentrant la disposition sur la possibilité donnée aux collectivités territoriales et à leurs groupements de participer à la souscription, levant ainsi toute incertitude éventuelle tenant aux règles habituelles de compétences ou à la condition d'intérêt local.
L'assimilation à une dépense d'investissement ayant été annoncée par le Gouvernement et étant clairement exprimée dans l'exposé des motifs, son inscription dans la loi n'apparaît donc pas indispensable. En revanche, les sénateurs ont estimé qu'il était nécessaire de préciser que ces versements n'ouvrent pas droit au bénéfice du FCTVA. Compte tenu des amendements contraires déposés en première lecture à l'Assemblée, je propose de conserver cette précision.
Lorsqu'une collectivité a, sur son territoire, un bâtiment classé, c'est l'État qui réalise les travaux, la collectivité lui versant des fonds de concours qui sont éligibles au FCTVA. Or dans la mesure où, malheureusement l'amendement de Jean-Paul Mattei a été rejeté, le projet de loi instaure un régime distinct pour les dons en faveur de Notre-Dame de Paris. Il ne me semble pas cohérent que, selon que vous financiez la rénovation de Notre-Dame ou celle d'un monument local, vos versements soient ou non éligibles au FCTVA. En introduisant l'adverbe « cependant » dans la rédaction de l'article, le Sénat a d'ailleurs pointé que cette disposition était exorbitante du droit commun. Il y a là une logique qui m'échappe.
La participation des collectivités locales se fait sous forme de dons. L'idée est qu'ils ne soient pas éligibles au FCTVA.
Nous touchons au coeur du problème. En effet, d'ordinaire, quand les collectivités font des dons, ceux-ci sont comptabilisés comme des dépenses de fonctionnement. Or le projet de loi instaure un régime dérogatoire qui, contre toute logique, affecte ces dons aux dépenses d'investissement. Un don n'est pas un investissement et, s'il n'était pas considéré comme tel, la question du FCTVA ne se poserait pas. Elle ne s'est d'ailleurs jamais posée pour les dons faits après la tempête Xynthia ou le séisme en Haïti. Toutes les difficultés viennent de ce que les dons pour Notre-Dame sont considérés comme des dépenses d'investissement et non des dépenses de fonctionnement, ce qu'ils sont en réalité.
Comme cela vient d'être dit, chaque fois qu'une collectivité est sollicitée pour un geste de solidarité après une catastrophe, ses dons sont assimilés à des dépenses de fonctionnement. Dès lors que vous considérez qu'il s'agit d'une dépense d'investissement, cela ouvre évidemment droit au FCTVA. Il y a donc une vraie contradiction dans votre texte.
Un don en investissement, cela s'appelle un fonds de concours. Quelle est la vraie nature juridique de cette somme, madame la rapporteure ? Vous nous proposez de la qualifier de dépense d'investissement. Soit, mais de quelle catégorie de dépense d'investissement s'agit-il ? La collectivité verse un don pour un bien qui appartient à l'État ; c'est donc un fonds de concours au bénéfice de l'État.
Je vous renvoie, cher collègue, à la circulaire annoncée par le ministre, qui devrait qualifier ces dons en tant que dépenses d'investissement.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 4 modifié.
Article 5 : Majoration exceptionnelle du taux de la réduction d'impôt sur le revenu au titre des dons des particuliers dans le cadre de la souscription nationale
La commission examine l'amendement CF6 de M. Charles de Courson.
Cet article pose un double problème.
Actuellement, en vertu de l'article 200 du code général des impôts, les particuliers ont droit à une réduction d'impôt sur le revenu de 66 % du montant de leurs dons dans la limite de 20 % de leur revenu imposable – ce qui est très élevé. Il nous est proposé de porter à 75 % le taux de la réduction d'impôt sur le revenu au titre des dons des particuliers dans le cadre de la souscription nationale. Jusqu'à présent, un tel taux de 75 % n'est, pour l'essentiel, appliqué – c'est ce qu'on appelle l'amendement « Coluche » – qu'aux dons effectués au profit d'organismes sans but lucratif qui fournissent gratuitement une aide aux personnes en difficulté, sous la forme de repas, tels Les Restos du coeur ou SOS Bébé, etc., ou qui font du logement très social, et ce dans la limite d'un plafond de 536 euros.
Pourquoi ce plafond de 1 000 euros, dérogatoire au plafond de 20 % ? Pourquoi ne nous en tenons-nous pas au droit commun avec un taux de 66 % ? Nous ne sommes pas hostiles aux dons et aux dispositifs qui leur sont favorables, mais restons dans le droit commun.
L'article 5 constitue le coeur de ce projet de loi dont je rappelle qu'il vise à accompagner l'élan de générosité des Français. Il ne s'agit que d'une majoration exceptionnelle du taux de la réduction d'impôt, limitée dans le temps. La mise en place de ce dispositif a en outre été annoncée dès le lendemain de l'incendie de la cathédrale. Il me semble indispensable, notamment au nom du principe de confiance légitime, que nous nous en tenions aux engagements pris publiquement il y a deux mois par le Gouvernement, et donc que nous ne supprimions pas cet article. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Madame la rapporteure, quelle part des contribuables atteint le plafond de 20 % ? Cette situation est rarissime ! Il est donc inutile de prévoir cette enveloppe supplémentaire qui s'ajoute au plafond de 20 %.
Et pourquoi ce taux de 75 % ? On n'en bénéficie que lorsqu'on donne aux Restos du coeur ou pour loger des sans domicile fixe.
J'ai déposé un amendement de repli mais je soutiens l'amendement de Charles de Courson. Je comprends l'émotion ressentie, et nous avons certes déjà fait une exception – l'amendement Coluche et le logement très social – au droit commun, mais prévoir ce taux de réduction supérieur de 9 points au régime normal pour ces donations en faveur de la reconstruction de la cathédrale me paraît difficile à justifier alors, par exemple, que les financements manquent pour la recherche. Cela me semble maladroit.
Je soutiens également cet amendement. Ce texte de réaction ne répond pas au problème de fond.
Tout d'abord, pourquoi Notre-Dame de Paris ? Chacun conviendra de son importance, notamment historique, mais là n'est pas la question. Il faut une politique d'ensemble. L'État consacre toujours moins d'argent, en effet, au patrimoine architectural et aux monuments : en dix ans, nous sommes passés de 440 à 332 millions d'euros. Je vous rappelle que pour la rénovation de cette même cathédrale Notre-Dame de Paris nous avons dû faire appel à des donateurs américains ! Nous ne devrions pas connaître la situation dans laquelle se sont retrouvés cette cathédrale mais également beaucoup d'autres monuments en France.
Il est également compliqué d'assumer de favoriser la restauration de Notre-Dame de Paris plutôt que bien d'autres causes, comme les nouveaux Misérables, que sont les pauvres, par exemple. Ce choix est difficilement justifiable aux yeux des Français.
Pour toutes ces raisons, je voterai cet amendement.
Madame la rapporteure, quelle sera votre position si le Parlement de Bretagne brûlait de nouveau et que des collègues bretons déposent alors un amendement visant à faire bénéficier l'édifice du même traitement que la cathédrale Notre-Dame de Paris ? Je pourrais prendre l'exemple d'autres très beaux bâtiments. Accepterez-vous d'emblée, précisément au motif que nous l'avons fait pour Notre-Dame ? Le dispositif que nous créons pourra être invoqué à chaque incendie ou catastrophe naturelle. Imaginez un ouragan qui arrache les toits de très beaux bâtiments publics... Et tout cela pour trois caramels : les 9 points de différence avec le droit commun pour un don plafonné à 1 000 euros ne représentent que 90 euros – et vous n'avez pas répondu à propos de la proportion des contribuables dont les dons atteignent 20 % du revenu imposable.
Cette disposition donne le sentiment que l'émotion crée l'exception. Cela pose la question de savoir ce qui est fait en matière de patrimoine pour les problèmes qui peuvent se poser dans nos territoires. On pourrait également considérer qu'il s'agit de priorités. On peut voir là une forme d'inégalité.
Si j'ai bien compris, le taux de la réduction est de 75 % jusqu'à 1 000 euros et revient à 66 % au-delà. J'ai signé cet amendement, mais il faut surtout nous dire quel coût cela représente pour l'État.
À ma connaissance, non, cher collègue, vous n'êtes pas signataire de l'amendement soumis à notre discussion, mais vous nous aurez fait comprendre que vous le soutenez.
Selon les dernières estimations, nous en serions à 18 millions d'euros.
Quant à la proportion de contribuables sur laquelle m'interrogeait Charles de Courson, elle est de 0,2 %.
Madame la rapporteure, un don au Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) ou aux Restos du coeur donne droit à une réduction de 75 % de son montant jusqu'à 536 euros et de 66 % au-delà. Pourquoi donc, dans le cas d'un don en faveur de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, fixer à 1 000 euros le plafond jusqu'auquel ce taux de 75 % s'applique ? Du point de vue des donateurs, les dons aux personnes les plus démunies sont traités moins favorablement que ceux pour la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris. N'y a-t-il pas là quelque chose qui peut donner le sentiment d'un problème de priorité ?
Je rappelle que cette mesure est temporaire. Pourquoi la comparer à un dispositif pérenne comme celui qui s'applique aux dons faits aux Restos du coeur ? Les Français font ces dons tous les ans pour ces associations qui existent depuis plusieurs décennies – hélas ! En l'occurrence, nous proposons que des dons exceptionnels fassent l'objet d'un régime d'une durée très limitée. Cela me semble difficilement comparable.
Je comprends que certains n'en voient pas forcément l'utilité. Pour ma part, je pense que nous avons besoin du privé et des dons des Français pour pouvoir entretenir le patrimoine. M. Coquerel a évoqué la question du budget, mais il ne faut pas oublier la dépense fiscale. L'État consacre une part considérable de la dépense fiscale à la préservation du patrimoine. Certes, certains ne veulent pas créer de régimes d'exception, mais celui-ci est très limité et les comparaisons faites ici ne me semblent pas pertinentes.
La commission adopte l'amendement, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l'article 5.
En conséquence, les amendements CF14 de la rapporteure et CF8 de M. Jean-Paul Mattei ainsi que les amendements CF1, CF2 et CF3 de M. Patrick Hetzel, tombent.
Article 5 bis : Demande d'un rapport sur la part et le montant des dons et versements ayant donné lieu à réduction d'impôt
La commission se saisit de l'amendement CF13 de la rapporteure, qui est l'objet d'un sous-amendement CF24 de M. Éric Coquerel.
L'article 5 bis est le fruit d'un travail transpartisan associant M. Carrez, M. Giraud, le rapporteur général, M. le président Woerth et Mme Rabault.
Le Sénat a proposé que le rapport remis par le Gouvernement au Parlement le soit non seulement pour le 30 septembre 2020 mais également tous les ans ensuite. Cela ne me paraît pas opportun. L'objectif principal est d'identifier les dons et les montants associés au dispositif de majoration exceptionnelle du taux de la réduction d'impôt prévue à l'article 5, lequel prendra fin le 31 décembre 2019.
Par ailleurs, le Sénat a supprimé l'information du Parlement sur les versements effectués par les collectivités territoriales, élément que nous avions introduit à l'initiative de notre collègue Valérie Rabault, dans un esprit transpartisan.
Enfin, le Sénat a étendu le champ du rapport à la réduction d'impôt prévue à l'article 978 du code général relatif à l'impôt sur la fortune immobilière, aux contreparties matérielles obtenues par les donateurs, ainsi qu'aux recettes de taxe sur la valeur ajoutée qui découleront de la réalisation des travaux de conservation et de restauration de la cathédrale.
Il me semble préférable d'en rester aux équilibres politiques et techniques qui se sont dégagés au sein de notre assemblée en première lecture et de revenir au texte issu de nos travaux.
Par le sous-amendement CF24, je propose que le rapport détaille également quels déciles bénéficieront le plus de la réduction d'impôt. Cela permettra de mesurer à quel point une telle réduction d'impôt est injuste – je vous rappelle que la moitié des Français, n'étant pas soumis à l'impôt sur le revenu, ne bénéficient d'aucun avantage s'ils font des dons.
Nous en avons déjà débattu en première lecture. Le sous-amendement CF24 est présenté comme un instrument permettant d'illustrer le fait que la réduction d'impôt bénéficiera principalement aux contribuables les plus aisés, mais, par son principe même, une réduction d'impôt ne profite qu'aux contribuables qui sont redevables de l'impôt sur le revenu.
Par ailleurs, le profil des bénéficiaires de la réduction d'impôt au titre des dons des particuliers, à la différence de celui des bénéficiaires d'autres dispositifs fiscaux, est assez varié et tous les donateurs ne se situent pas dans les déciles les plus élevés. Il faut aussi indiquer que certains contribuables peuvent, du fait de leur don, limiter, voire annuler, le montant de leur impôt.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
N'est-il pas délicat de faire un rapport sur l'application d'un article que nous avons à l'instant supprimé. L'amendement ne tombe-t-il pas ?
Cette remarque est pertinente, mais l'article 5 bis va plus loin que cela et ne tombe pas.
La commission rejette le sous-amendement CF24.
Puis elle adopte l'amendement CF13.
En conséquence, l'article 5 bis est ainsi rédigé et les amendements CF15 de Mme Isabelle Valentin et CF4 de M. Patrick Hetzel ainsi que les amendements CF20 et CF23 de Mme Sabine Rubin tombent.
Enfin, la commission émet un avis favorable à l'adoption de l'ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.
Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 25 juin à 17 heures
Présents. - M. Jean-Louis Bricout, M. Michel Castellani, M. Charles de Courson, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, Mme Stella Dupont, M. M'jid El Guerrab, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, M. Alexandre Holroyd, M. François Jolivet, Mme Patricia Lemoine, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier
Excusés. - M. Jean-Louis Bourlanges, M. Daniel Labaronne, M. Marc Le Fur, M. Olivier Serva, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth
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