Mardi 7 mai 2019
L'audition débute à dix-sept heures trente-cinq.
Présidence de Mme Jacqueline Dubois, présidente de la commission d'enquête
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La commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005, procède à l'audition conjointe de Mme Virginie Cassand, membre du Collectif AESH-loi 2005, M. Jérôme Antoine, membre du Collectif AESH Île-de-France, et M. Sébastien Monié, membre du Collectif AESH en action !
Nous poursuivons notre séquence d'auditions avec celle de représentants de collectifs d'accompagnants d'élèves en situation de handicap : M. Jérôme Antoine, membre du Collectif AESH Île-de-France, Mme Virginie Cassand, membre du Collectif AESH Loi de 2005 et M. Sébastien Monié, membre du Collectif AESH en action ! Je vous souhaite la bienvenue.
Nombre de nos précédentes auditions ont longuement abordé la question du statut, de la formation, du positionnement mais aussi de la précarité de ces acteurs pourtant essentiels de l'inclusion scolaire des élèves en situation de handicap que sont les auxiliaires de vie scolaire (AVS) et les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Il était donc crucial pour nous de recueillir le témoignage et le point de vue de représentants des différents collectifs d'AVS et d'AESH qui ont pu se constituer.
Avant de vous donner la parole, je vais vous demander de prêter le serment de dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958.
Les personnes auditionnées prêtent successivement serment.
Je suis député de Seine-Maritime et j'ai mobilisé le droit de tirage de mon groupe pour cette commission d'enquête à partir de l'expérience que j'ai connue dans mon département, dans ma ville, à Dieppe : celle de dysfonctionnements, pour pas dire des drames humains, qui se sont révélés notamment lors de la dernière rentrée, et conscient que j'étais – je le résume avec mes mots et d'une manière simple pour ne pas être trop long – que nous avions des AESH et des AVS en situation précaire, avec des salaires qui faisaient le yo-yo et des visions de très court terme sans mômes, et des mômes sans AVS. C'est ce qui a motivé mon engagement sur ce dossier et l'envie d'approfondir le sujet au plan national afin d'établir d'un diagnostic partagé sur ce qui va et sur ce qui ne va pas, et surtout de dégager des propositions. J'espère qu'elles seront largement partagées pour faire avancer la cause des enfants en situation de handicap inclus en milieu scolaire, ainsi que la situation des personnes chargées de cette belle et importante mission, dont j'ai compris qu'elles étaient en demande de reconnaissance et de statut – c'est, je crois, le moins qu'on puisse dire.
C'est donc le sens de l'audition d'aujourd'hui. Nous espérons que vous serez très francs sur le diagnostic et force de proposition pour nourrir notre réflexion.
Virginie Cassand et moi-même nous exprimerons au nom de la Coordination de collectifs AESH de France (CCAF) qui regroupe actuellement cinq collectifs d'accompagnants : Corse, Île-de-France, Loi de 2005, 59-62 et Alpes-Maritimes.
Nous saluons la mise en place de cette commission d'enquête parlementaire que nous avions réclamée l'année dernière et nous espérons qu'elle mettra en perspective toutes les problématiques des différents acteurs dans l'école inclusive. Car depuis plus d'un an, cette question a agité les débats. La littérature et les travaux n'ont pas manqué : quatre rapports – un du député Taquet, un du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), un de la Cour des comptes et un de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'Inspection générale de l'Éducation nationale (IGEN) –, deux propositions de loi – l'une pas débattue et l'autre vidée de son sens – et une pseudo-concertation mal menée par le secrétariat d'État de Mme Cluzel, sans enseignant, sans consistance et sur le seul sujet imposé par le ministère de l'Éducation nationale. Alors que le ministre annonçait que cette concertation ferait l'objet d'un rendu de conclusions courant mars, le même jour, en l'occurrence le 11 février, il choisissait d'imposer ses propres conclusions dans l'urgence et sans étude d'impact, par l'amendement 1058 à son projet de loi pour une école de la confiance – projet de loi qui ne comportait, jusqu'à la dernière minute, aucune référence à l'école inclusive.
Voilà pour la forme. Pour le fond, au terme de deux années d'exercice, le ministère n'envisage toujours pas la réduction de l'usage des contractuels et les annonces faites ne sont pas des innovations. Les 60 heures de formation existent depuis 2005 et deux contrats à durée déterminée (CDD) de trois ans font toujours six années de période d'essai ! Quant à l'augmentation de la rémunération, il n'en est toujours pas question. Le ministère n'invente donc rien et, pire, va accroître les difficultés d'exercice de notre mission : d'une part, par le transfert de la rédaction du projet personnalisé de scolarisation (PPS) des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) aux équipes éducatives ; d'autre part, par la mise en place des pôles inclusifs d'accompagnement localisé (PIAL). Avec cette invention technocratique, l'Éducation nationale envisage désormais l'école inclusive uniquement sous l'angle comptable de la rentabilité de ses agents, en décidant de mutualiser massivement l'accompagnement des élèves en situation de handicap. Ainsi, sous le joug de la contrainte du ministère du Budget et en se substituant à celui de la Santé, le ministère de l'Éducation nationale décrète unilatéralement que la mutualisation devient la règle et l'individualisation l'exception. Le payeur devient le prescripteur et le malade son propre médecin. Parce que c'est son projet, le ministère a choisi de répondre à l'augmentation annuelle prévue de 14 % d'élèves notifiés par un effectif constant de 80 000 accompagnants et pas plus d'ici 2021.
Malgré ces choix, nous persistons et nous vous présenterons aujourd'hui nos propositions afin d'améliorer nos conditions de vie professionnelle, selon deux axes : une déprécarisation institutionnelle et une déprécarisation fonctionnelle. Puis nous conclurons sur les dispositions introduites dans le projet de loi pour une école de la confiance.
J'en viens au premier axe, pour une déprécarisation institutionnelle, c'est-à-dire le cadre dans lequel nous exerçons. Nous développerons ici deux points : le statut et la formation. D'abord, un petit résumé de la situation actuelle de notre cadre d'exercice : 2 ans ou 9 mois de contrat unique d'insertion (CUI), puis six ans de CDD renouvelable tous les ans et, au bout, peut-être un contrat à durée indéterminée (CDI) ; des temps partiels imposés, avec des quotités horaires variables selon les départements au sein d'une même académie ; une rémunération moyenne de 650 euros net par mois ; aucune formation initiale et continue ; pas de possibilité de portabilité du contrat d'une académie à l'autre ; pas d'assurance chômage. Bref, tous les ingrédients d'une précarité bien robuste.
Le ministère est toujours dans une logique d'emplois contractuels et temporaires. Or depuis 2005, la réalité du terrain démontre bien que la fonction d'accompagnant est devenue permanente. Elle le sera d'autant plus au vu des prévisions d'un nombre croissant d'élèves en situation de handicap – pour rappel, + 14 %.
Il nous apparaît donc très opportun que le Gouvernement opère maintenant un plan de titularisation des accompagnants en recourant à la loi Sauvadet. Ce plan, avec la création d'un corps d'accompagnants de catégorie B au sein du ministère, sera pour nous la base d'une véritable mission de service public de l'école inclusive. Rappelons que ce passage au statut de la fonction publique était une promesse de campagne du candidat Macron et qu'elle figure toujours sur son site de campagne.
Dans le cadre de ce statut, voici nos propositions : l'application d'une grille indiciaire débutant à l'indice 400 ; une uniformisation nationale de la gestion administrative et financière des accompagnants pour en finir avec les disparités de traitement, de contrat et de salaire entre les différents départements et académies ; l'obligation faite aux académies d'informer l'accompagnant du cadre dans lequel il exerce, ainsi que de ses droits et devoirs ; la prise en charge des frais de transport sur tout le territoire ; l'abrogation du temps incomplet et l'application du temps complet aligné sur le temps d'enseignement obligatoire en fonction du niveau scolaire de l'élève ; la prise en compte des heures invisibles inhérentes à la bonne pratique du métier d'AESH ; l'extension aux AESH des primes REP et REP+.
Ces dispositions, en attendant la création de véritables statut et corps, seraient d'ores et déjà applicables, tout comme le serait la recommandation de la Cour des comptes que nos effectifs apparaissent enfin clairement dans les documents budgétaires en vue de l'examen du projet de loi de finances (PLF) en créant un véritable cadre d'emploi spécifique aux AESH et non plus hors titre II, exprimé en équivalent temps plein (ETP).
J'en viens à la formation. C'est évidemment un point essentiel. Nous ne saurions prétendre à la création d'un statut et d'un corps sans une formation conséquente préalable à l'exercice de notre métier, et sur le fondement essentiel dorénavant d'une coformation enseignants-accompagnants. Nous pensons que cette formation pourrait passer par la mise en place du concours d'accès au corps. Nous avons donc réfléchi à un concours externe et un processus interne, calqués sur le mode de recrutement des professeurs des écoles (CRPE).
Un concours externe « bac + 2 » permettrait d'accéder à une année de formation en alternance dans les ESPE, avec des modules communs avec les enseignants. À l'issue de cette année, un mémoire écrit serait défendu devant un jury, suivi d'une inspection sur le terrain au terme de laquelle l'accompagnant serait titularisé dans l'académie où il a passé le concours et diplômé d'une licence d'accompagnant éducatif.
En interne, la titularisation des personnels qui sont déjà en poste aujourd'hui serait possible après deux ans d'activité. Comme pour une validation des acquis de l'expérience (VAE), l'accompagnant rédigerait un mémoire, sous tutorat d'un enseignant en ESPE, qu'il défendrait devant un jury, avant de faire l'objet d'une inspection sur le terrain.
Tant que tout cela n'est pas mis en place, nous souhaitons que le ministère dispense au moins une formation qualifiante en ESPE avant la prise de poste, afin d'éviter aux agents de se décourager et, par la suite, de démissionner – ce qui a pour conséquence un nombre important de ruptures d'accompagnement.
De plus, dans le respect du droit à la formation continue prévu par la loi de 1983, il serait souhaitable que des formations nous soient enfin proposées tout au long de la carrière, selon le handicap rencontré ou le souhait de l'accompagnant qui voudrait se spécialiser. L'ouverture du catalogue des formations à destination des enseignants serait un premier pas. Nous pouvions penser que le ministère, dans ses engagements pour la rentrée 2019, nous offrirait cette opportunité de coformation. Malheureusement, il n'en est toujours rien dans sa dernière circulaire. Les 138 modules de formation proposés pour la rentrée prochaine sont soit pour les accompagnants, soit pour les enseignants. Et parmi eux, seuls neuf sont à destination des accompagnants.
Cette formation continue nous paraît être des plus importantes dans une perspective de progression de carrière : nous pourrions évoluer comme AESH référent, coordinateur, conseiller pédagogique AESH, et accéder éventuellement au grade d'inspecteur de l'Éducation nationale AESH (IEN-AESH).
Vous l'aurez compris : un vrai statut et une réelle formation, voilà pour nous des conditions essentielles pour remplir l'objectif – fixé par le ministre lui-même – de création d'un véritable service public de l'inclusion au sein de son ministère.
Le deuxième axe, celui de la déprécarisation fonctionnelle des accompagnants, pourrait passer par la mise en place d'un vade-mecum et la généralisation du modèle parisien de gestion des accompagnants.
Concernant le vade-mecum, la situation actuelle est la suivante : communication quasi inexistante avec les assistants d'éducation (ASEN), eux-mêmes submergés et manquant de moyens ; idem pour les enseignants référents ; aucune aide dans et sur la pratique professionnelle ; aucun recours en cas de tension avec l'enseignant ou la direction ; aucune formation et information sur les handicaps rencontrés et les modalités relatives à l'élève comme les équipes de suivi sur la scolarisation (ESS), les PPS ou les guides d'évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation (GEVA-Sco).
Afin de remédier à tout cela, nous proposons un vade-mecum qui s'articulerait autour des points suivants : un accueil institutionnel avec présentation des accompagnants à tous les personnels de l'établissement et l'inscription dans l'organigramme de l'établissement ou de l'école ; la mise à disposition d'éléments fonctionnels pour la bonne réalisation de la mission de l'accompagnant, comme une place de parking, les clefs des salles de l'établissement, un casier dans la salle des professeurs, une chaise d'adulte en maternelle ; la mise à disposition d'outils de communication avec accès à la messagerie Intranet dans l'établissement et l'inclusion des accompagnants dans les échanges électroniques concernant l'élève accompagné et la vie de l'établissement ; une rencontre obligatoire avant le début de l'accompagnement entre la direction, l'enseignant ou le professeur principal, l'élève, les parents et l'accompagnant ; la mise à disposition systématique à destination des accompagnants du document de mise en oeuvre du PPS consignant les besoins de l'élève en termes d'accompagnement ; la mise en place d'un projet pédagogique autour de l'élève, ce qui suppose un travail collaboratif entre enseignants et accompagnant, des propositions de modalités d'accompagnement attendues par l'enseignant, la prévision d'un temps de bilan périodique pour ajuster l'accompagnement, entendre les remarques de l'accompagnant et souligner les améliorations attendues ; l'organisation d'une réunion, si les besoins de l'élève le nécessitent, en dehors de l'ESS, avec des professionnels extérieurs et les parents ; la convocation systématique de l'accompagnant aux ESS sur son temps de travail ; idem pour les classes et dans les conseils de classe – tout cela pour que la parole de l'accompagnant soit entendue ; l'association de l'accompagnant au projet de l'établissement ainsi que la mise en place d'un atelier d'analyse de situation professionnelle tout au long de la carrière. Enfin, en cas de changement, prévoir l'organisation d'une période de passation entre l'ancien et le nouvel accompagnant afin de procéder aux transmissions, notamment celle des aménagements spécifiques à l'élève pour éviter une rupture dans l'accompagnement.
Ce vade-mecum perfectible entrerait parfaitement dans le cadre du service public de l'école inclusive proposé par le ministre et contribuerait ainsi à l'intégration de l'accompagnant dans l'équipe éducative.
Outre le vade-mecum, s'inspirer du modèle parisien de gestion des accompagnants contribuerait à leur déprécarisation fonctionnelle. Il faut savoir que quelle que soit la nature du contrat, la proximité contractuelle entre un agent et un établissement payeur peut renforcer la précarité de l'agent dans l'exercice de ses fonctions, notamment si les rapports professionnels entre les deux parties ne sont pas harmonieux– ce qui peut être très préjudiciable pour l'accompagnant lorsque les attestations de compétences nécessaires au renouvellement du contrat doivent être remplies par le chef d'établissement.
Cette pression contraint l'agent à obéir à des injonctions qui débordent de ses missions comme prendre en charge une classe parce que l'enseignant est malade, accompagner une classe en sortie alors que l'élève accompagné n'est pas dans cette classe, faire des photocopies pour l'ensemble pédagogique sans rapport avec les aménagements de l'élève accompagné, etc. Afin de conserver leur emploi, les accompagnants n'ont pas la force de s'opposer à ces injonctions.
Pour oeuvrer à la déprécarisation fonctionnelle des accompagnants, il nous semble donc pertinent de s'inspirer de la mission académique à la scolarisation des élèves en situation de handicap de Paris (MASESH). Son service recruteur, la coordination des AESH, est divisé en cinq pôles de coordination. À la tête de chaque pôle, une coordinatrice est aidée dans son travail par une administratrice et deux ou trois accompagnants dits tuteurs ou tutrices – bien que ce terme soit inapproprié puisque nos collègues ne sont pas de mauvaises plantes à redresser. Le terme de référent ou référente serait plus adéquat. Les tuteurs ou tutrices ont une décharge de 13 heures d'accompagnement pour exercer leur tutorat, soit 3 demi-journées au cours desquelles ils peuvent soit recevoir leurs collègues du pôle pour les écouter et les conseiller, soit prendre des rendez-vous téléphoniques pour faire de même, soit les visiter dans leur établissement pour les aider dans leur positionnement professionnel. En cas de tension sur le terrain, ils jouent un rôle de médiateur entre les enseignants, les directions et les collègues accompagnants : ils recueillent l'avis de chaque partie, puis adressent un rapport à la coordinatrice qui pourra, si une situation de souffrance est reconnue, opérer un changement d'affectation. Attention ! L'intérêt de l'élève restant prioritaire et aucun changement d'affectation ne se fait sans qu'un autre accompagnant n'ait été affecté auprès de lui, afin de ne pas interrompre l'accompagnement. Les tuteurs ou tutrices sont également une interface entre les professeurs ressources et les enseignants, entre les accompagnants et l'organisme de formation.
Pour les accompagnants, les pôles sont des espaces de parole où elles peuvent, où ils ou elles peuvent venir s'épancher, retrouver de l'assurance, recueillir des conseils professionnels auprès des coordinatrices et des tutrices. Les coordinatrices sont également amenées à faire des rappels à la loi aux directions afin que les accompagnants puissent accomplir correctement leur mission et que le droit des élèves soit respecté, s'agissant notamment de la répartition des quotités horaire d'accompagnement.
Il faut que chacun connaisse sa place. Sur un plan hiérarchique, les accompagnants dépendent de l'inspecteur académique pour l'adaptation et la scolarisation des élèves en situation de handicap (IEN-ASH) via les coordinatrices. Sur un plan organisationnel et pédagogique, ils sont sous l'autorité du chef d'établissement et des enseignants. Le principe des pôles, qui reste à améliorer avec des accompagnants référents, pourrait être transposé dans toutes les académies. Avec la fonction d'accompagnant référent, l'Éducation nationale aurait l'opportunité de nous offrir une première perspective de carrière, en instaurant une promotion en interne avec un salaire conséquent.
Au vu de ce qui vient d'être exposé et si le Gouvernement veut tenir ses promesses, il est impératif de sécuriser les conditions de travail des accompagnants pour faire cesser les abandons de poste. Pour ce faire, il faut que dans chaque académie le rectorat soit le seul employeur et que la gestion des accompagnants reste confiée à des pôles de coordination, qui sont un dispositif plus cohérent que le PIAL pour la mise en place de l'école inclusive. Ces dispositions – rectorat employeur, pôle de coordination, professeur ressource, accompagnant référent –, ajoutées à la prise en compte des voeux et de l'ancienneté en cas de changement d'académie, concourraient à la déprécarisation fonctionnelle des accompagnants en permettant un ancrage durable de ces personnels au sein de l'Éducation nationale.
Pour conclure, en présentant au Sénat son projet de loi sur l'école de la confiance, le ministre de l'Éducation nationale a annoncé « une double révolution » pour l'école inclusive. De quelle révolution nous parle-t-on ? Pour l'obtention d'un CDI, rien de nouveau : six fois un ou deux fois trois, cela fait toujours six années de période d'essai. Quant à l'arme révolutionnaire du ministre, le PIAL, mis en place à la rentrée 2018 officieusement et hors de tout cadre juridique, il ne fera que dégrader encore nos mauvaises conditions de travail : la mutualisation devenant le principe et l'individualisation l'exception, les accompagnements seront de plus en plus perlés et le suivi des élèves de plus en plus aléatoire, puisqu'au lieu d'accompagner deux ou trois élèves, nous en accompagnerons cinq ou six, sans augmentation de quotité horaire ni de salaire. Il n'y a pas lieu ici de parler de double révolution.
Qui plus est, c'est avec une certaine indécence que lors de cette audition au Sénat, le ministre a allégué le fait que les accompagnants peuvent se considérer comme mal payés. Nous voudrions tout simplement lui dire que cela n'est pas un ressenti, mais bien un fait : nous sommes mal payés.
Enfin le néologisme « service public de l'école inclusive » ne suffira pas à rendre celle-ci effective et efficiente. Le verbe ne fait pas l'action. La véritable révolution viendra peut-être du fait que l'instauration d'un service public de l'école inclusive s'appuiera d'abord sur la création d'un corps d'accompagnants détenteurs d'un vrai statut au sein de la fonction publique d'État et d'une grille indiciaire décente.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les parlementaires, nous vous remercions de votre écoute et nous espérons que nos propositions seront entendues non seulement dans le cas de cette commission, mais également dans l'hémicycle lors de l'examen final du projet de loi sur l'école de la confiance.
Merci. Monsieur Monié, avez-vous, vous aussi, un texte à nous lire ? Beaucoup de temps s'est déjà écoulé.
Je serai beaucoup plus bref. Je propose de témoigner de mon expérience, mais aussi de rapporter le témoignage de collègues sur notre réalité quotidienne – pas seulement des anecdotes, mais bien des situations et des usages qui sont devenus la norme. Je répondrai donc à vos questions en m'appuyant sur mon expérience et mon vécu, mais aussi en allant piocher dans celui de mes collègues un peu partout en France, qui est arrivé jusqu'à moi par différents canaux, notamment par le Collectif AESH en action ! que je représente aujourd'hui. Ce groupe Facebook créé il y a cinq ans réunit un petit peu plus de 10 000 personnes : des AESH, des enseignants, des parents, mais aussi parfois d'autres collègues comme des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) ou des assistants d'éducation (AED) – puisqu'il y a encore peu, nous étions tous sous le même statut.
À travers cette diversité d'expériences, je peux vous dessiner qui sont, en grande majorité, les AESH : des femmes, quadragénaires, diplômées au moins du baccalauréat, sans nécessairement d'expérience antérieure avec le handicap, qui effectuent souvent ce métier par nécessité et pour un salaire de moins de 730 euros par mois, ce qui correspond à une quotité horaire de 60 % bien que ce métier requière l'équivalent d'un temps plein. Certaines ont un complément d'activité, mais sacrifient plus de temps encore et parviennent rarement à dépasser le seuil de pauvreté. Bien sûr, il y a des exceptions. J'en suis une moi-même puisque je suis un homme, je travaille à 80 %, je m'en sors assez bien et c'est mon expérience antérieure dans le handicap qui m'a précisément amené à exercer ce métier depuis onze ans. Pour autant, elles sont ce qu'elles sont : des exceptions. Il ne faut donc pas nécessairement les prendre en considération, mais tenter au contraire d'appréhender la réalité de la masse.
La question est simple et la réponse l'est tout autant. Le métier d'AESH se suffit-il à lui-même pour avoir une vie décente ? Non. Pas de formation réelle pour être efficace ; pas de statut suffisamment protecteur – ce qui nous rend vulnérables à des situations illégales aujourd'hui courantes ; une manière de comptabiliser les heures trompeuse et tronquée ; un salaire miséreux pour récompense : c'est le triste constat qu'il nous faut faire. L'école inclusive a créé non pas un professionnel compétent pour accompagner des élèves en situation de handicap, mais exploité et entretenu une précarité dont souffrent bien évidemment le personnel, mais plus encore les enfants avec qui nous ne sommes pas en concurrence, mais bien dans le même bateau. Aujourd'hui, ne pas considérer les AESH, c'est ne pas considérer les enfants. Et sans vouloir jouer les Cassandre, avec la mutualisation forcée, les PIAL, les classes surchargées, qui sont également un problème, et d'une manière générale la loi sur l'école de la confiance qui ne répond pas aux besoins et va même peut-être renforcer des contextes problématiques, la situation risque d'empirer.
Je vous remercie. Vos propos sont à la fois très construits et très vindicatifs. Je constate que le projet de loi sur l'école de la confiance, qui a repris certaines propositions qui avaient été adoptées pendant l'examen de la proposition de loi de notre collègue Christophe Bouillon, vous a permis de construire une réflexion pour aller plus loin. Il me semble aussi – je ne suis pas en train de vous attaquer, mais de vous écouter et de comprendre – que le fait que le ministre ait utilisé l'expression « service public de l'éducation inclusive » est une porte d'entrée pour faire des propositions. En l'occurrence, je considère que vos propositions sont particulièrement intéressantes et constructives. On sait qu'il faut toujours du temps pour cheminer, mais je pense que l'expression attire des propositions nouvelles, qui sont, à mes yeux, des propos plus construits que lors des premières auditions que j'ai eu l'occasion de faire avec des AESH. Je trouve cela très satisfaisant et je vous en remercie. Je pense que de nombreuses questions vont vous être posées, à commencer par celles de monsieur le rapporteur.
La présidente est très optimiste quand elle vous dit que lorsque le ministre ne vous écoute pas, cela vous force à être encore meilleurs. Peut-être donc allez-vous devenir excellents, dans ces conditions !
Plus sérieusement, j'entends la colère et je la partage. J'entends l'exaspération et je la partage. Je mesure le travail que vous avez effectué, avec l'ambition que soit élaboré un véritable statut pour ce métier essentiel au sein de la communauté éducative. Et, là encore, je la partage. En même temps, cette proposition arrive au moment où est envisagée une réforme de la fonction publique, et je constate que ce positionnement n'est pas révolutionnaire. Il est même contre-révolutionnaire, d'une certaine manière ! Mais je mesure le travail que cela impliquait d'élaborer toutes ces propositions qui embrassent tout le champ qui nous intéresse. Et je souhaite que le rapport de la commission d'enquête ne parte pas à la corbeille. Vous avez rappelé les étapes qui ont justifié le déclenchement de la commission d'enquête, notamment les propositions de lois Bouillon et Pradié. Si l'on ne veut pas que le rapport aille à la corbeille, il nous faut fixer des paliers, notamment sur l'urgence. À cet égard, j'aimerais vous entendre plus en détail sur ces paliers d'urgence : formation, temps de travail, salaires.
Par ailleurs, je n'arrive pas à me faire une opinion sur l'intervention des AESH sur les temps saucissonnés de l'enfant en situation de handicap : temps scolaire, temps périscolaire, temps du midi et même temps de sortie, à dimension pédagogique ou non. J'ai bien compris que ce n'était pas le seul espace pour donner un temps de travail effectif et, au bout du compte, un statut plein et entier aux AESH. Mais, quand on dit qu'il est important de respecter la relation intuitu personae entre l'AESH et l'enfant, ce que les PIAL peuvent bousculer – nous avons des avis différents, au sein de la commission, et c'est ce qui en fait la richesse –, comment répondre à cette question pour les enfants ? Des familles ont témoigné que selon le handicap de leur enfant, elles doivent faire une croix sur les sorties scolaires ou sur le temps du midi. Comment embrassez-vous cette question et comment pouvez-vous nous aider à y répondre ?
Je me dis que les gens de terrain sont vraiment les meilleurs experts d'eux-mêmes. Je vous en félicite. Parfois, il y a des experts qui pensent les choses mais qui sont incapables de bâtir un statut, voire une fiche de poste. Vous prônez d'ailleurs moins la défense d'un statut que la qualité d'un service pour les enfants. L'un ne va jamais sans l'autre. Mais pour ne pas être trop contre-révolutionnaire, je retiens votre proposition logistique qui prend modèle sur Paris. Elle peut tout à fait s'inscrire dans une révolution modérée. Un premier pas pourrait au moins être fait dans cette direction. Pour le reste, nous contre-révolutionnerons bien plus tard !
Je vous remercie pour vos propositions et je tiens surtout à saluer votre travail, que je connais particulièrement bien. Tout le monde ici pourra convenir que ce sujet me tient à coeur. Je vous félicite aussi pour la façon dont vous accomplissez votre travail malgré les difficultés rencontrées non pas sur le terrain mais quant à votre statut, votre rémunération et votre formation. J'ai retrouvé dans ce que vous avez dit ce que j'ai souvent voulu exprimer ici.
Je n'ai pas de nombreuses questions. Non que je prétende connaître parfaitement votre fonction, parce que je ne suis pas votre place, mais parce que j'ai moi-même été directrice d'école et j'ai une fille AESH. Je peux donc vous dire que nous discutons régulièrement de ce sujet ! J'ai tout de même une petite question. Que pensez-vous de l'intervention sur le temps périscolaire ?
Merci pour vos propos élogieux. Nous n'avons pas attendu la proposition de loi Bouillon pour élaborer nos propositions : elles sont le fruit d'un travail conséquent qui a certes débuté sur les réseaux sociaux mais qui est désormais appuyé par les syndicats. Nous nous en réjouissons. Nous avons des appuis dans nos combats. Car nous sommes contre-révolutionnaires mais dans le respect de la démocratie et des corps intermédiaires, qui semblent revenir en puissance – enfin ! Nous sommes vindicatifs, en effet. Mais nous avons de quoi l'être, compte tenu de notre exaspération.
Pour moi, l'urgence est de stopper les PIAL, avec un amendement de suppression. Le Gouvernement s'est lancé dans ce dispositif à l'aveugle, depuis un an, sans nous rendre compte de quoi que ce soit. Lors de la concertation menée par le secrétariat d'État de Mme Cluzel, la DGESCO a uniquement présenté des éléments provenant du ministère. Il n'y a pas eu d'échanges. Pendant cette concertation, nous étions chacun dans notre « couloir » : les accompagnants d'un côté, les familles de l'autre et pas d'enseignants.
Quel est le retour de vos collègues qui ont pu expérimenter des PIAL ? C'est ce qui nous intéresse, concrètement. Hier, un IEN-ASH nous a dit que l'expérimentation dans son département a été réussie dans le pôle collège parce que deux AESH ont été ajoutés, mais moins réussie dans le pôle primaire où trois AESH ont été ajoutés. Je précise que dans cette expérimentation, il ne s'agissait pas de prendre les AESH en place pour les redistribuer, mais d'en ajouter. C'était donc relativement intéressant. Mais comment cela s'est-il passé ailleurs, puisqu'il n'y avait pas de directive ?
Je suis moi-même dans un PIAL. Le rectorat de Toulouse utilise les quelques expérimentations qui se sont tenues dans notre département, dont relève le PIAL de mon établissement, comme argument de réussite d'une démarche qu'il faudrait élargir à d'autres établissements. J'ai été surpris d'apprendre que l'établissement où j'exerce fait partie des expérimentations réussies, puisque, à ma connaissance en tant que membre de l'équipe de mise en place du PIAL, nous ne sommes encore que dans une phase de préparation en vue de la rentrée prochaine ! Donc sur le terrain, nous expérimentons la tentative de construire un PIAL pour la rentrée prochaine, avec « des bouts de bois et du scotch », tandis que le rectorat communique sur une réussite. Ce double langage, que j'ai pu constater directement et que des collègues d'autres départements nous ont également rapporté, fait présager des difficultés à réellement répondre à la réalité. Les effets d'annonce actuels nourrissent notre ras-le-bol.
Comme je l'indiquais précédemment, j'exerce ce métier depuis onze ans. Mes collègues ne sont pas non plus des perdreaux de six semaines. Or nous constatons chaque année les mêmes problèmes. Ce n'est pas seulement lié au Gouvernement actuel, c'est récurrent. Depuis 11 ans, chaque année, je constate les mêmes problèmes. Vous indiquiez vous être emparés du sujet au vu de la rentrée dernière, particulièrement difficile. À titre personnel, je n'ai pas connu une seule rentrée qui n'ait pas été problématique.
Un bon coup de frein doit être mis sur les PIAL. Peut-être pas un coup d'arrêt, parce que si l'on réfléchit bien, sur le papier, les PIAL ne sont pas une mauvaise solution en soi. Ils pourraient même être un outil très intéressant pour ouvrir une évolution de carrière, avec les rôles de « chef d'équipe », de tuteur ou de référent. Localement, ce serait très pertinent. Cet outil pourrait aussi permettre la constitution de brigades de remplacement ou de soutien. Mais aujourd'hui, seule l'idée est mise en avant et l'outil n'est pas utilisé à bon escient.
Certains PIAL, dans d'autres départements ou académies, sont des réussites assez anciennes car ils s'appuient sur des établissements déjà éclairés sur la question du handicap. De nombreux PIAL, qui ne s'intitulaient pas ainsi à l'époque, nous ont rapporté des expériences réussies. Il se trouve que les acteurs de ces PIAL étaient déjà des experts du handicap. Mais aujourd'hui, on demande à des directeurs et des directrices ou des principaux et des principales de réitérer cette réussite sans être eux-mêmes éclairés sur les besoins des enfants, ni sur les besoins et les droits des personnels. Ils partent donc sans préparation et, à moins d'un miracle, cela ne peut pas fonctionner.
Nous commençons à avoir des retours sur la mise en place des PIAL pour la rentrée prochaine. Puisque nous travaillons en lien avec le collectif des Alpes maritimes, nous avons récemment mis en ligne un courrier envoyé aux AESH par le rectorat de ce département précisant que les PIAL qui s'y mettront en place ne permettront pas d'augmenter les quotités horaires des accompagnants. C'est écrit noir sur blanc.
Oui. Il indique aussi clairement que le ministère de l'Éducation nationale a fait le choix de la mutualisation, qui deviendra le cadre général. De quel droit peut-il se targuer de cette prérogative qui appartient aux MDPH ?
Ce qui n'est pas dit non plus dans la loi de M. Blanquer concernant les PIAL, c'est que les familles ont travaillé durant la concertation sur la rédaction du PPS et son transfert aux équipes éducatives – qui ne sont pas formées. On va donc demander aux enseignants de devenir des médecins. On comprend bien la logique.
Excusez-moi, mais j'étais à la restitution et ce que j'ai entendu ce jour-là est la proposition d'une pré-figuration du PPS. On sait bien qu'aujourd'hui, dans de nombreux cas, il n'y a pas du tout de PPS. C'est cela, le problème. Nous avons retiré des auditions que dans beaucoup d'académies, il n'y a pas de PPS. Donc une préfiguration mise en place avec les professeurs qui connaissent l'enfant, les familles et l'ensemble des accompagnants permettrait déjà d'ébaucher un PPS, lequel serait ensuite validé par la CDAPH, mis en place et complété le cas échéant.
Plusieurs familles ont quand même quitté la concertation à cause de cela. Par ailleurs, les PPRE sont déjà une pré-ébauche des PPS.
Certes. Mais l'équipe éducative travaille déjà dessus. Pourquoi lui demander de s'occuper du PPS ? En général, elle ne connaît pas le handicap. Dans les ESPE, les enseignants ne sont pas spécifiquement formés sur le handicap.
Alors que j'accompagnais trois élèves, il est arrivé dans mon ESS que l'enseignante référente mette de côté la notification individuelle d'un de ces élèves et la mutualise.
De nombreux départements n'ont pas de PPS. C'est le cas en Seine-Maritime ; cela nous a été dit très clairement hier.
Des réflexions sont aussi engagées sur les compétences des MDPH. J'ai ainsi entendu dire que d'aucuns réfléchissent à transférer cette compétence aux agences régionales de santé (ARS) ou à d'autres. La question posée consiste à savoir si celui qui diagnostique le handicap et qui établit le PPS correspondant le fait en ayant connaissance des moyens disponibles. Si c'est le cas, il risque d'adapter son diagnostic et son PPS à ces moyens. C'est cela qui a fait réagir fortement – et légitimement – les parents et qui doit nous interpeller, au-delà de la question des compétences.
J'aimerais aussi vous entendre sur trois autres sujets, dont le temps périscolaire. Par ailleurs, le métier n'est pas attractif et le vivier s'éteint. Vous avez expliqué les raisons qui conduisent à cela. En ouvrant le concours, ne risque-t-on pas d'assécher plus encore le vivier des AESH ? Il me semble que Christophe Bouillon avait lui aussi en tête cette question, qui appelle une réponse simple et claire.
Enfin, avez-vous, y compris en lien avec les organisations syndicales ou les gens qui vous entourent, évalué le coût que représenterait la titularisation ? On nous posera cette question de toute façon et nous devrons nous-mêmes chiffrer, si vous n'êtes pas en mesure de le faire, le coût ou l'économie que représenterait la titularisation.
Pour utiliser une métaphore, la MDPH est le médecin qui fait une prescription et le rectorat est le pharmacien qui délivre le médicament. Il est vrai que connaître les stocks de la pharmacie risque effectivement d'influencer – de manière bénéfique ou pas, comme tel est tel déjà le cas.
Faire un pré-diagnostic revient à faire de l'automédication. Si l'on permet à des équipes éducatives de devenir le pré-prescripteur et d'établir un pré-diagnostic, c'est comme l'automédication : tout bon médecin vous le dira, ce n'est pas une bonne chose et cela peut provoquer très rapidement de nombreux problèmes.
J'en viens au périscolaire. Nous avons sondé nos collègues AESH du groupe Facebook il y a quelques mois, en leur demandant s'ils accepteraient de faire du péri- et de l'extrascolaire pour compléter leur salaire : 92,4 % des sondés ont déclaré y être opposés. Parmi eux, 45,8 % étaient prêts à étudier sous quelles conditions. Le périscolaire entre midi et 14 heures, par exemple, pour un accompagnement en cantine, pose beaucoup moins problème. En revanche, 46,6 % considèrent qu'il est hors de question pour eux de faire du périscolaire car ce n'est pas leur métier. Enfin, 6,25 % des sondés ont répondu favorablement et 1,32 % des réponses équivalaient à des bulletins nuls ou blancs.
Le périscolaire pose donc problème au terrain. Pour autant, comme je le rappelais dans mon introduction, nous ne sommes pas en concurrence avec les enfants, et il ne faut surtout pas oublier que l'enfant est en situation de handicap pendant qu'il est élève mais aussi une fois que la sonnerie a retenti. Il peut donc avoir d'autres besoins de compensation. Mais tous les élèves qui en situation scolaire de handicap ne le sont pas nécessairement en périscolaire. Une immense majorité des enfants ne l'est pas, d'ailleurs. Ceux qui souffrent de troubles particuliers, notamment autistiques ou trisomiques, donc qui rencontrent des difficultés dans les relations sociales, comme ceux qui souffrent d'un handicap moteur, ont évidemment besoin que l'on reste près d'eux dans cette période. En revanche, un enfant dyslexique n'a pas besoin de nous durant la récréation ou le périscolaire.
Le PPS doit répondre à des besoins. Si l'élève n'a pas de besoins dans le périscolaire, il n'y a pas d'accompagnement. C'est pris en compte et précisé dans le PPS.
Hormis quelques cas particuliers, qui peuvent malgré tout représenter une assez grande masse, on ne répondra pas au besoin d'un temps plein pour les AESH avec le périscolaire.
De plus, avec toutes les heures invisibles, une quotité de 60 % correspond peu ou prou à un temps plein. Dès lors, au lieu de demander à du personnel qui travaille pour un salaire plus que miséreux de travailler davantage au motif qu'il gagnera davantage, mieux vaudrait commencer par payer dignement toutes les heures déjà travaillées, heures invisibles incluses. Ensuite, nous pourrons peut-être envisager d'en faire plus. En tout cas, ce plus là, on n'y répond pas avec le périscolaire, et si on le fait, cela ne concerne pas tous les AESH.
Sur le concours, nous avons un point de divergence. En ce qui me concerne, je ne pense pas que le concours soit la solution, ne serait-ce que parce qu'il pourrait effectivement assécher le vivier. En outre, je suis persuadé que certaines personnes non-bachelières feraient de très bons AESH pour peu qu'elles aient accès à une formation qualifiante. Le concours imposerait un niveau de diplôme que certains AESH très compétents n'ont pas. À mon avis, qui n'est pas nécessairement partagé, pour des arguments que j'entends, le concours n'est pas la bonne solution. Ce serait une solution, mais ce ne serait pas la bonne.
Quant au coût de la titularisation, vous vous doutez que nous ne le connaissons pas. Intuitivement, nous avons l'impression qu'elle coûterait moins cher dans la mesure où tous les frais alloués à la contractualisation sont permanents. Nous sommes nombreux à penser que le fait de nous titulariser procurerait une économie, sans même parler de nous permettre d'avoir un vrai statut et d'être reconnus des enseignants et des directeurs comme des collègues à part entière. Actuellement, le contrat fait que nous sommes bloqués.
Dans le sondage que vous avez évoqué, la question de l'accompagnement sur le temps périscolaire portait-elle sur le même enfant ? Vos collègues seraient-ils prêts à changer d'enfant d'un temps à l'autre ? L'analyse que vous faites de la différenciation des besoins est très importante. En effet, un enfant dyslexique n'a pas besoin d'aide sur le périscolaire, contrairement à un enfant atteint de la maladie des os de verre.
Cette possibilité était mentionnée dans le sondage. Certains seraient prêts à changer d'élève et considèrent même que ce serait pertinent. Mais il sera difficile de terminer dans un établissement à 11 heures 50 avec un enfant dyslexique et d'être à 11 heures 51 dans un autre établissement pour accompagner un enfant atteint de la maladie des os de verre. Les PIAL ne répondront pas totalement à ce problème logistique. Il faudrait donc ouvrir cette possibilité, mais pas en faire une obligation.
S'agissant de l'urgence, nous avons beaucoup d'ambition mais nous serions prêts à envisager la création d'une filière professionnelle avec un baccalauréat professionnel si notre projet de devenir fonctionnaires n'aboutissait pas. Cette filière serait suivie d'une spécialisation, en langue des signes par exemple. Notre volonté est avant tout que les choses avancent.
Non. Par ailleurs, nous sommes certes là pour les enfants, mais nous sommes aussi des êtres humains. Si nous accompagnons un enfant toute la journée, y compris durant le temps périscolaire, quid de notre déjeuner par exemple ? De plus, ce sont aussi les changements de situation qui permettent aux enfants de grandir et de s'adapter – à l'exception des enfants autistes.
Je l'entends. Mais cela peut aussi être utilisé par ceux qui veulent accentuer la mutualisation.
Je tiens à vous remercier pour vos propos et pour l'intelligence de votre réflexion. Bien sûr, je doute fort que nous puissions avancer très vite sur ces sujets, parce que je suis lucide quant aux moyens disponibles aujourd'hui. Mais cette solide réflexion mérite d'avancer de manière intelligente. Je voulais vraiment vous en remercier.
Merci de nous avoir accueillis et entendus.
Je vous remercie à mon tour pour la qualité et la précision de vos contributions et propositions. Je doute moi aussi, mais c'est souvent le doute qui trace la route. J'espère que nous avancerons malgré tout.
L'audition s'achève à dix-huit heures trente-cinq.
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Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 7 mai 2019 à 17 heures 30
Présents. – Mme Géraldine Bannier, Mme Blandine Brocard, Mme Béatrice Descamps, Mme Marianne Dubois, M. Olivier Gaillard, M. Sébastien Jumel, Mme Cécile Rilhac, Mme Sabine Rubin
Excusés. – M. Bertrand Bouyx, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel