Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Réunion du mercredi 25 septembre 2019 à 10h00

Résumé de la réunion

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  • DGCCRF
  • abus
  • centrale
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La réunion

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La séance est ouverte à dix heures cinq.

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Mes chers collègues, nous arrivons au terme de nos travaux. Nous allons procéder ce matin à l'examen et à l'adoption du rapport, qui découle des cent quatre-vingts heures d'audition auxquelles nous avons procédé, soit quatre-vingt-huit auditions, au cours desquelles nous avons entendu près de deux cents interlocuteurs.

Le « noyau dur » des commissaires ayant participé à ces auditions – noyau que je qualifierai de « coeur du réacteur » – a permis, grâce à son assiduité, à des questions et à des propositions pertinentes, la production d'un travail d'une grande qualité.

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Mes chers collègues, je vous remercie d'être là pour l'adoption de notre rapport, à la suite de quoi se tiendra, à douze heures trente, notre conférence de presse.

Ce rapport dont je vous remercie tous d'avoir respecté la confidentialité, comporte au total quarante et une propositions. Outre quelques modifications marginales par rapport à la version que vous avez eue entre les mains, ce rapport comporte également désormais une proposition émanant de notre président et consistant en l'établissement d'un moratoire sur l'augmentation des surfaces de vente dans la grande distribution.

Nous avions initialement songé à limiter ces extensions de surfaces de vente, avant de faire le choix de les interdire complètement pour un temps. Il s'agit d'être en adéquation avec le plan gouvernemental « Action coeur de ville » et de rappeler à la grande distribution qu'il est important pour les consommateurs de pouvoir faire une partie de leurs courses en centre-ville. Cela me semble donc une excellente proposition, mais qui risque de faire grand bruit car c'est sans doute la plus clivante.

Nous avons également ajouté en annexe, à la fin du rapport, une contribution de Mme Ericka Bareigts, au nom du groupe Socialiste et apparentés.

Toutes vos remarques seront les bienvenues, étant entendu qu'il ne s'agit pas ici de rédiger une proposition de loi mais de lancer des idées, qui ne demandent qu'à être retravaillées. Nous avons tenu à pointer ce qui ne fonctionnait pas, avec l'espoir que les ministères concernés, sans doute bien dotés en juristes, sauront s'en emparer.

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Je tiens à saluer, avant de donner la parole à nos collègues, le travail du rapporteur et des administrateurs. Le rapport se lit bien, il est très compréhensible et stratégiquement bien construit. Les propositions du rapporteur sont conformes à ce qui s'est dégagé des auditions successives, et je tiens à le remercier d'avoir tenu compte de mes suggestions.

J'avais déjà présidé, sous la précédente législature, une commission d'enquête. Or, contrairement à cette fois-ci, la rapporteure est moi avions alors divergé sur nos conclusions. Ce n'est pas le cas avec Grégory Besson-Moreau, avec lequel je suis en totale convergence de vues. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas jugé utile d'ajouter ma propre contribution à ce rapport, que je fais mien. Il devrait permettre d'accroître la transparence des négociations commerciales, de renforcer les sanctions mais également de responsabiliser l'ensemble des acteurs. À l'échelle nationale comme à l'échelle européenne, il devrait permettre la mise en place de nouveaux outils permettant de lutter contre les ententes à l'achat et contre les abus de position dominante.

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Je vous remercie, monsieur le président, monsieur le rapporteur, pour ce travail de très grande qualité. Ma contribution a été motivée par le constat qu'aucun des interlocuteurs que nous avons eus, à l'exception de M. Christophe Girardier, ne maîtrisait les problématiques ultramarines.

Il me semblait donc essentiel de rappeler que, pour ce qui concerne le moratoire sur l'extension de la grande distribution, l'Observatoire des prix, des marges et des revenus de La Réunion a décidé de se pencher depuis quatre ou cinq mois sur la situation dans l'île, ainsi que l'a officiellement annoncé le préfet, il y a une semaine.

En parallèle, nous soutenons les neuf cents commerces de proximité dont dispose encore La Réunion et que nous voulons redynamiser, ce qui va dans le sens du plan « Action coeur de ville ».

Enfin, comme l'a mis en exergue M. Christophe Girardier que nous avons auditionné, les marges arrières excessives et les promotions inconsidérées réclamées aux producteurs locaux enclenchent un cercle vicieux qui fait que non seulement les prix ne baissent pas pour les consommateurs locaux mais que la production locale est évincée des rayons.

Compte tenu des sommes considérables qui sont en jeu, s'agissant notamment des montants sollicités dans le cadre du programme européen POSEI – programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité –, les propositions contenues dans le rapport me paraissent aller dans le bon sens.

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Je salue à mon tour le travail accompli par le rapporteur. Le rapport contient des propositions équilibrées, qui tiennent compte de l'ensemble des points de vue que nous avons recueillis en auditionnant tous les acteurs de la filière, producteurs, distributeurs ou industriels. Loin d'opposer ces acteurs les uns aux autres en désignant un coupable, ces propositions insistent surtout sur la responsabilisation des acteurs sans accentuer les sanctions plus qu'il ne le faut. Elles répondent, ce faisant, au voeu de tous d'améliorer le cadre de leur collaboration et le fonctionnement du système.

Je salue en particulier les mesures qui visent à mieux encadrer les contrats et à renforcer la transparence des négociations et de leur déroulement.

Certaines propositions enfin devront être défendues au niveau de l'Union européenne, notamment en matière de concentration des centrales d'achat et de services.

Quant aux mesures qui relèvent du pouvoir réglementaire, nous devons collectivement faire en sorte que Mme la secrétaire d'État, Agnès Pannier-Runacher, s'en saisisse et leur donne corps.

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Au risque d'être redondante, je salue à mon tour ce rapport qui retient l'essentiel de notre travail d'auditions pour proposer une analyse accessible à tous de la situation.

La juriste que je suis s'interroge, cela étant, sur la proposition n° 30, qui fait partie de celles qui pourraient très rapidement être mises en oeuvre : à quoi correspond «… la date de la première livraison après la sortie des locaux du fournisseur » ?

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J'ai échangé avec Bercy la semaine dernière au sujet du déclenchement des délais légaux de paiement. Il est très clair pour eux qu'il s'agit des stocks déportés, c'est-à-dire qu'à partir du moment où un produit sort de la zone de stockage de l'entrepôt ou de l'usine d'un industriel, le délai de facturation doit être enclenché. Aujourd'hui, il y a trop de stocks déportés, entreposés dans des centrales régionales de distribution, sans que la facturation ait été déclenchée.

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L'expression « à la sortie » serait dans ce cas plus appropriée.

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Nous n'en sommes qu'au stade des propositions, et nous adopterons évidemment une formulation juridiquement correcte dans les différents véhicules législatifs ou réglementaires. L'essentiel est que nous avons l'accord de Bercy.

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Je veux m'associer aux propos tenus par mes collègues sur la qualité de ce travail et la richesse des auditions réalisées, qui nous ont permis d'avoir une vision panoramique des enjeux et des difficultés.

Toutes ces questions, nous devons les aborder en dehors de tout esprit partisan. À cet égard, notre famille politique a déjà largement concédé que la loi de modernisation de l'économie (LME) comportait un certain nombre de défauts – dont nous avons ici une nouvelle preuve – et que plusieurs d'entre nous souhaitaient revenir sur certaines dispositions qui portent préjudice à des acteurs économiques majeurs de notre pays.

Les premières évaluations que nous avons de la loi ÉGAlim ont également permis d'identifier certaines faiblesses, qu'il serait préférable de corriger plus rapidement que nous ne l'avons fait pour la LME, car le monde agricole a besoin de mesures concrètes.

J'en viens à présent à deux réserves. La première porte sur la proposition n° 17 et sur les moyens donnés au médiateur. Vous proposez une avancée, à laquelle je souscris, tout en considérant qu'il ne peut s'agir que d'un pis-aller, car j'aurais souhaité que nous allions plus loin et que nous donnions de manière explicite au médiateur les moyens de saisir la justice lorsque la médiation a échoué, afin de ne pas laisser traîner le contentieux, au détriment, le plus souvent, du producteur.

En ce qui concerne ensuite la proposition n° 19, j'approuve l'idée de renforcer les moyens des services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) car, si nous ne le faisons pas, le reste des propositions sera purement incantatoire, faute d'évaluation et de contrôle.

En revanche, confier une partie des tâches de la DGCCRF à un acteur privé est pour moi très problématique. L'avoir ainsi glissé dans cette proposition de manière un peu subreptice – loin de moi cependant l'idée d'y voir de votre part une sournoiserie – me paraît à tout le moins un peu hâtif. C'est là ma principale réserve sur le rapport.

J'en termine par deux questions : pouvez-vous nous dire quel atterrissage et législatif rapide on peut envisager pour tout ou partie des propositions qui sont faites dans ce rapport ? En second lieu, quel est l'état des discussions avec les ministres en charge de ces dossiers pour le volet européen ?

Quoi qu'il en soit, je voterai ce rapport car, à mes yeux, ce qu'il contient de positif l'emporte sur les deux réserves que j'ai émises.

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Compte tenu du nombre et de la longueur de nos auditions, qui nous placent dans le peloton de tête des commissions d'enquête, nous avons eu le loisir d'entendre le panel d'intervenants le plus large possible, malgré les critiques qui pourront nous être adressées sur tel ou tel oubli.

En ce qui concerne la LME, je salue l'honnêteté avec laquelle vous soulignez ses défaillances. Cela étant, « renverser la vapeur » ne servirait à rien et aboutirait surtout à détruire de la valeur. Pour parvenir à une position équilibrée, je souhaite donc, contrairement au ministre Didier Guillaume, qui entend maintenir le calendrier d'origine pour le bilan, une évaluation rapide du relèvement du seuil de revente à perte (SRP), si possible avant le 1er semestre 2020, afin, le cas échéant, de redresser la barre.

En ce qui concerne la proposition n° 17 sur le rôle et le pouvoir du médiateur, il faut la considérer comme une étape intermédiaire correspondant à une demande transpartisane qui avait émergé au cours de nos débats sur la loi ÉGAlim. À l'époque, la garde des Sceaux avait jugé qu'un travail de fond était encore nécessaire pour accroître les pouvoirs de la commission d'arbitrage, solution qui avait pourtant les faveurs du ministre de l'agriculture de l'époque, mais également de Bercy. Il me semble qu'avec nos travaux, cette commission d'arbitrage dotée de pouvoirs propres devrait pouvoir voir le jour. Cela me paraît une solution préférable à celle consistant à accroître les pouvoirs du médiateur : cela risquerait en effet d'en détourner les industriels et d'avoir donc l'effet inverse de celui escompté.

En ce qui concerne la proposition n° 19 et le renforcement des moyens de la DGCCRF, j'ai déjà eu l'occasion, en tant que rapporteur de la commission d'enquête sur Lactalis, de défendre un fonctionnement en silo. Confier les contrôles vétérinaires à la seule Direction générale de l'alimentation (DGAL) permettrait notamment de libérer une part du budget de la DGCCRF et de parvenir à une meilleure gestion des équipes. Ma proposition tend ainsi à recentrer les missions de la DGCCRF sur les relations contractuelles. Quant aux prestataires privés, il ne s'agit pas de déléguer l'intégralité des tâches à des acteurs privés mais de pouvoir faire appel à des commissaires aux comptes, c'est-à-dire à des personnes habilitées, pour procéder aux audits de certains contrats. Ils n'auraient en aucun cas un pouvoir de sanction.

Le rapport propose ensuite que la transposition de la directive européenne ECN+, pour laquelle nous disposons d'un délai jusqu'en février 2021, se fasse avant juin 2020, de façon à ce qu'elle s'applique avant le début des prochaines négociations.

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Vous aurez observé que le rapport est objectif sur la LME, puisqu'il lui reconnaît le mérite d'avoir stimulé la concurrence et conduit à une baisse des prix. Il souligne en revanche qu'elle n'a pas supprimé le déséquilibre dans les relations commerciales.

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À mon tour, je vous félicite pour ce travail, avant de vous livrer quelques remarques.

Une de vos propositions suggère de renforcer les moyens de la Commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC) : s'agit-il de renforcer ses moyens humains à périmètre constant, ou s'agit-il de renforcer ses moyens au sens de ses capacités d'agir ? En d'autres termes, envisagez-vous d'étendre le cadre de son action ? Ne risque-t-on pas, dans ce cas, d'empiéter sur les compétences de l'Autorité de la concurrence ou même des tribunaux de commerce ? Faire bouger les lignes risque de provoquer un « effet mikado », et il me semble qu'il faudrait préciser le sens de cette proposition.

Concernant ensuite les propositions n° 31 et n° 32, qui visent à encadrer la création des centrales d'achat et à qualifier d'infraction l'abus de position d'achat particulièrement favorable à l'acheteur – le terme d'infraction mériterait d'ailleurs d'être précisé pour spécifier s'il s'agit d'une infraction pénale –, il me semble qu'elles confondent deux aspects de la question, le comportement des acteurs et la structure du marché.

Au sujet des comportements, vous avez vu juste : l'abus de dépendance économique ne fonctionne pas, pour la simple raison qu'il est mal placé dans le code de commerce. Le code distingue en effet les pratiques restrictives, qui sont condamnées per se, et les pratiques anticoncurrentielles, qui supposent la mesure d'un effet sur la concurrence. Or l'abus de dépendance économique est catégorisé comme une pratique anticoncurrentielle, ce qui implique de démontrer un effet sur le marché, démonstration d'autant plus compliquée à faire que lorsque cela ne concerne qu'une entreprise, l'effet sur le marché est quasi nul.

C'est donc une bonne chose de créer, à côté de l'abus de dépendance économique un abus de position d'achat, mais il faudra veiller à l'inscrire, dans le code du commerce, au rang des pratiques restrictives de concurrence et non parmi les pratiques anticoncurrentielles.

Vous ne mentionnez pas les pratiques de prix abusivement bas, qui sont également classées parmi les pratiques anticoncurrentielles par le code de commerce. Or un boulanger victime de prix abusivement bas pratiqués par une grande surface ne pourra jamais démontrer qu'il y a là une atteinte au marché. Il conviendrait donc de déplacer ces pratiques pour les inscrire parmi les pratiques restrictives.

Cela étant dit sur les comportements, je m'étonne que vous n'abordiez pas la question de la structure du marché. En effet, nous sommes en face d'un marché très particulier, où quatre acteurs – les grandes centrales d'achat – détiennent 25 % du marché. Or les outils dont nous disposons ne sont pas conçus pour cela et ne nous donnent aucune prise sur eux. Pourtant, agir sur les seuls comportements ne suffira pas et ne pourra nous dispenser de modifier la structure du marché. À ce stade, surgit une autre difficulté, puisqu'on ne peut agir sur la structure du marché qu'au moment où s'opèrent des rapprochements et, en l'espèce, ces rapprochements ont déjà eu lieu.

La loi Macron comportait une très bonne disposition, à savoir la possibilité pour l'Autorité de la concurrence de procéder à une injonction structurelle. Cette mesure a malheureusement été écartée par le Conseil constitutionnel, alors qu'un dispositif semblable existe dans les territoires d'outre-mer. Ne pourrait-on pas demander dans le rapport à ce que cette question des injonctions structurelles soit reconsidérée ?

Quant à l'abus de position dominante, s'il n'est guère opérant, c'est qu'on ne constate pas d'abus de position dominante, au sens où l'entend jusqu'à présent. Il me semble donc que pour permettre à l'Autorité de la concurrence d'agir sur la structure du marché, nous devrions proposer que l'on réfléchisse à une nouvelle définition de la position dominante, adaptée à un marché aussi atypique que celui qui nous intéresse. Tant que subsistera la situation oligopolistique que nous connaissons, vous pourrez certes agir sur les comportements, mais cela ne fera évoluer les choses qu'à la marge.

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Monsieur Fasquelle, certaines de vos demandes sont déjà intégrées dans le rapport.

Je pense comme vous que l'abus de position dominante ne suffit pas, c'est pourquoi nous avons travaillé avec les services de l'Assemblée sur la possibilité d'inscrire dans le code du commerce une infraction définie comme : « l'abus de position d'achat, caractérisée par une relation d'achat particulièrement favorable à l'acheteur ». Certains fonctionnaires de Bercy m'ont expliqué qu'une telle incrimination existait auparavant mais avait été supprimée en 2008 par la loi LME, car il était beaucoup plus simple de saisir la justice pour des abus de la grande distribution.

Nous souhaitons donc réintégrer cette disposition, en restant attentifs car les travaux de la DGCCRF, au cours des six derniers mois, montrent qu'il est possible d'appliquer des pénalités à la grande distribution sans cette disposition. Mais le jugement n'a pas encore été rendu, il ne s'agit pour l'instant que d'une demande des pouvoirs publics. Cette disposition constitue notre proposition n° 32, il faut absolument la mettre en place.

Lorsqu'il était ministre de l'économie, M. Macron avait pris une excellente décision en imposant la notification des créations de centrales d'achat. Notre rapport va plus loin en prévoyant que ces créations soient validées par l'Autorité de la concurrence. Sans validation, pas de regroupement possible, et l'Autorité de la concurrence doit dire si la création d'une centrale d'achat est possible ou pas. En 2015, son rapport expliquait gentiment qu'au-dessus de 15 % de part de marché, il existait une position dominante, mais sans l'avoir clairement caractérisée. Je souhaite que l'Autorité de la concurrence prenne ses responsabilités et communique un seuil au-delà duquel elle encadrera la création d'une centrale d'achat. Le rapport propose donc que ces créations soient autorisées par un écrit, non une simple notification.

Par ailleurs, les groupes de distribution divorcent aussi vite qu'ils se marient, et il faut également exiger une notification des divorces dans ces centrales d'achat, afin que les pouvoirs publics soient au courant et puissent préparer le futur mariage, car les séparations sont très souvent suivies d'une union avec un autre.

Nous souhaitons donc un encadrement réel et concret des centrales d'achat : une autorisation écrite pour leur création et une notification de leurs divorces. Beaucoup des demandes de M. Fasquelle ont donc été prises en compte. S'agissant du transfert de dispositions du code du commerce vers d'autres codes, nous pourrons nous adapter en fonction des véhicules législatifs pour mettre en place ces propositions.

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Monsieur Fasquelle, j'ai fait la même observation que vous au rapporteur il y a quelque temps. Je souhaite que nous fixions un seuil, conformément aux amendements que nous avions défendus lors des débats de la loi ÉGAlim. J'ai eu de vifs échanges avec Alexandre Bompard et avec d'autres dirigeants de la grande distribution à ce sujet, et après en avoir parlé avec le rapporteur, j'ai réalisé que nous n'étions pas en capacité de déterminer ce seuil.

Nous ne présentons pas ici une proposition ou un projet de loi, mais un rapport, et je me satisfais de la proposition du rapporteur tendant à soumettre à autorisation la création des centrales. Nous allons vers la définition d'un seuil, et la proposition n° 31 prévoit : « Le dépassement de ce niveau d'activité sur le marché sera déterminé par l'Autorité de la concurrence sur la base d'une étude d'impact. »

Il est donc raisonnable de ne pas définir de notre propre chef ce seuil à 15 ou 20 % dans le rapport, car lorsque nous allons le rendre public, nos propositions devront être suffisamment étayées. On reproche suffisamment aux parlementaires d'être parfois approximatifs : ouvrons la voie, nous partageons l'objectif, à terme, de fixer un seuil précis au-delà duquel il ne sera plus possible de procéder à des regroupements.

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Vous encadrez la création de nouvelles centrales d'achat, donc vous évitez que le mal empire. Mais s'il y avait aujourd'hui de nouveaux rapprochements entre centrales d'achat, ils feraient certainement l'objet d'un contrôle de la part de l'Autorité de la concurrence.

Vous rendez ce contrôle obligatoire, c'est très bien, mais vous ne donnez pas à l'Autorité de la concurrence la possibilité de modifier la structure du marché telle qu'elle existe. Or cela se fait ailleurs : aux États-Unis, il y a aujourd'hui un débat sur le démantèlement des GAFA et dans le passé, l'autorité américaine de la concurrence y a démantelé de grands groupes qui bloquaient la concurrence.

Aujourd'hui, nous ne pouvons être satisfaits de l'existence de seulement quatre centrales d'achat. Vous proposez de figer la situation actuelle, mais cela fait vingt ou trente ans que nous constatons le déséquilibre du rapport de force. Vous pourrez intervenir tant que vous voudrez dans la relation entre la grande distribution et les producteurs, le déséquilibre est trop important. Tant que la structure du marché n'aura pas changé, entraînant une modification du rapport de forces, nous ne nous en sortirons pas ! C'est sur ce point que le rapport est incomplet, et c'est pourquoi je propose de rouvrir le débat sur les injonctions structurelles, bien que le Conseil constitutionnel les ait rejetées de la loi de 2015. C'est à l'Autorité de la concurrence qu'il reviendra de définir le seuil précis, mais nous ne pouvons pas nous contenter d'empêcher que la situation existante n'empire.

Nous pourrions donc mentionner les injonctions structurelles aux propositions nos 31 et 32.

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J'ai travaillé avec un économiste auteur d'une thèse sur cette question, et selon lui, la seule solution pour remédier à l'existence de seulement quatre centrales d'achat est la libéralisation, permettant à tout le monde de s'installer.

Nous nous rendons compte que Tesco, qui aurait pu créer une concurrence étrangère, est arrivé en 2018 en intégrant la centrale d'achat de Carrefour. Cette situation est très paradoxale.

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Je ne peux que me joindre au concert de félicitations sur les travaux de cette commission, de son président et de son rapporteur.

En réponse aux observations de M. Fasquelle, la loi ÉGAlim ajoute à la loi Macron un contrôle ex post des concentrations de centrales d'achat, en laissant la possibilité à l'Autorité de la concurrence de préconiser la dissolution de ces accords. Je regrette que l'Autorité de la concurrence ne m'ait absolument pas répondu sur ce point lors de son audition, et qu'elle ne se soit pas saisie de cet outil jusqu'à présent.

La loi Macron a donc été complétée à cet égard, si ce n'est pas suffisant, il faut peut-être renforcer le texte et aller plus loin, mais M. Travert et le président Benoit se souviennent sans doute de nos discussions à l'époque avec Mme Delphine Gény-Stephann à Bercy.

L'ensemble de vos propositions complète de façon utile la loi ÉGAlim. Je ne peux qu'être d'accord avec votre proposition n° 19 afin d'augmenter les moyens de la DGCCRF : je l'avais proposé dans un amendement, qui avait été accepté. Mais je vous souhaite bon courage pour faire accepter cette mesure par Bercy, personnellement je me suis heurté à un mur. Le renforcement des moyens de la DGCCRF est néanmoins un impératif presque absolu.

S'agissant de la proposition n° 39, visant à imposer l'établissement des indicateurs de coût de production, je ne suis pas sûr qu'elle soit conforme aux normes constitutionnelles et européennes. Le droit de la concurrence européen doit encore évoluer, car certaines de ces propositions vont se heurter au veto de la Commission, notamment des services de la DG Concurrence qui sont assez fermés. Mais sur le principe, nous sommes, bien sûr, d'accord.

L'une des propositions fortes de ce rapport, pour moi, est la proposition n° 40 sur les index des prix, dont l'évolution pourrait entraîner une renégociation, car elle va dans l'intérêt des producteurs.

Enfin, je vous félicite de ne pas avoir stigmatisé les uns ou les autres, contrairement à la caricature que certaines personnes auditionnées ont faite. Nous ne désignons pas un responsable dans la filière, le rapport adopte une vision globale.

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Nous sommes parlementaires et chacun de nous est en situation d'agir. Le sujet soulevé par M. Fasquelle doit être suivi, dans la continuité de la loi ÉGAlim.

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Je félicite le président, le rapporteur et tous mes collègues de la commission d'enquête qui se sont mobilisés et ont participé assidûment aux auditions, dont certaines ont été, disons-le, assez tendues. Le monde agricole est pressé de prendre connaissance de ce rapport, car il attendait beaucoup de la loi ÉGAlim.

Lors des auditions, j'ai constaté que les industriels avaient des modèles économiques et bénéficiaient des effets d'économies d'échelle leur donnant des moyens afin de faire face à la pression de la grande distribution. Le poids de certains produits, incontournables, est aussi un levier de négociation non négligeable.

Je pense cependant que les propositions formulées répondent pleinement aux difficultés rencontrées tant par le monde agricole que par les industriels, ce qui n'était pas acquis puisque ce sont des demandes différentes émanant d'organisations distinctes. Elles seront un complément utile à la loi ÉGAlim, et je suis impatiente de les voir mises en oeuvre.

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Permettez qu'à mon tour, je salue l'excellent travail réalisé par cette commission. L'ensemble des personnes concernées ont été auditionnées et nous avons eu des discussions de fond qui nous ont permis de retrouver la réalité du terrain. Les échanges ont parfois été tendus, mais toutes les facettes de la question ont été étudiées dans le détail et je voterai ce rapport.

Je formule ici trois voeux.

Tout d'abord, j'espère que nous finirons par obtenir une totale transparence sur les différentes relations entre les producteurs, les transformateurs industriels et les distributeurs, car ce n'est pas encore le cas.

Je souhaite aussi un rééquilibrage dans la construction des prix, qui est très attendu par les producteurs et les agriculteurs. La construction des prix doit permettre de donner une véritable valeur ajoutée aux produits agricoles.

Mon troisième voeu tient au sujet abordé par M. Fasquelle : depuis des années l'organisation mise en place laisse quatre centrales d'achat maîtriser le marché. On les voit même parfois s'associer deux par deux pour casser la concurrence, tirer les prix vers le bas et maîtriser le marché. J'espère que grâce à cette commission d'enquête, nous arriverons à modifier cette organisation pour que chacun s'y retrouve. Sous quelle forme législative allez-vous concrétiser les conclusions de cette belle commission d'enquête ?

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Ces propositions pourront être concrétisées dans une proposition de loi ou des amendements. S'agissant de la décartellisation que réclame M. Fasquelle, chacun de nous peut présenter un amendement, ou présenter une proposition de loi spécifique avec d'autres députés. Le Gouvernement devra également se saisir de certaines de nos propositions.

Je sens une certaine unanimité entre nous. Les commissions d'enquêtes telles que celle-ci sont l'un des coeurs du métier de député, et ce travail n'est pas valorisé. Nous y avons consacré des heures, et elles ne sont pas décomptées par le site nosdéputés.fr. Tout le monde se fiche des heures que vous avez passées ici, mieux valait faire le cirque dans d'autres salles de cette maison que d'être assidus et consciencieux au sein de cette commission ! Nous devrions valoriser ce travail et rappeler les 180 heures d'audition, les 200 interlocuteurs et les 88 auditions effectuées !

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Merci, monsieur le président et monsieur le rapporteur, d'avoir su conduire nos travaux avec une telle qualité d'écoute, permettant d'aller au fond des choses.

Au moment de présenter ce rapport, il faut rappeler le droit existant, pour maximiser ses dispositions et équilibrer le rapport de forces. Avec Ericka Bareigts, nous soutiendrons ce rapport, à quelques observations près : comme le disait M. Viala, certaines formulations sont gênantes. Ainsi, s'agissant des compétences de la DGCCRF, il est question d'une délégation de certaines tâches à des prestataires privés. Il faut réaffirmer aujourd'hui l'importance du régalien, le contrôle de certaines pratiques opéré par la DGCCRF est une des compétences de l'État, et il ne faut pas prêter le flanc à des critiques sur l'indépendance de ce contrôle. Monsieur le rapporteur, vous avez expliqué qu'il s'agissait de s'appuyer sur les travaux des commissaires aux comptes, c'est en effet une profession qui fait un excellent travail dans notre pays. Il faut préciser la formulation de sorte que nous affirmions bien le rôle de l'État dans sa fonction de contrôle. Il est simplement proposé de s'appuyer sur les données de cabinets comptables, sans remettre en cause les missions de la DGCCRF.

Merci néanmoins pour ces semaines de travail, et espérons que nous pourrons convaincre ceux qui exercent les responsabilités exécutives au niveau européen et au niveau national d'adapter le droit. Pour ce qui nous concerne, nous les y aiderons.

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Les remerciements ont été appuyés, pour ma part je vous remercie d'avoir osé avoir des échanges parfois tendus, afin d'aller au fond. C'est alors que nous avons vu où était le travail nécessaire. Vous n'êtes pas restés dans votre zone de confort, et je suis contente d'avoir été parmi vous pour faire ce travail.

Je n'ai aucune restriction technique, je souhaite seulement que ce travail ne prenne pas la poussière ! Qu'il soit valorisé, qu'il ait des répercussions. Alors nous pourrons dire que nous avons bien fait d'y participer, même si ce n'est pas reflété dans les chiffres de nosdéputés.fr !

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S'agissant de la délégation de pouvoirs d'enquête de la DGCCRF à des acteurs privés, je crois que si l'on doublait les moyens de l'Autorité de la concurrence dans le domaine contractuel, le résultat que nous avons connu depuis deux ans – 17 000 industriels et zéro plainte – serait exactement le même. En revanche, la plupart de ces 17 000 industriels ont des commissaires aux comptes, ces derniers devraient avoir la possibilité, voire l'obligation, de transmettre à la DGCCRF toute dérive contractuelle.

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Le rapport reste un peu flou pour s'épargner les foudres de différentes organisations, je préfère m'en tenir à une proposition globale.

Mais je ne souhaite en rien réduire les moyens de la DGCCRF. Au contraire, je pense qu'il faut les renforcer pour remplir leur véritable mission : la gestion du problème. Au sein même de ces entreprises industrielles, de nombreuses personnes voient les problèmes, ce sont eux qu'il faut aider. C'est la raison de la création d'un portail qui assurera un certain anonymat aux lanceurs d'alerte ou aux industriels qui souhaitent transférer des documents auprès de la DGCCRF. Il faut considérer la mécanique globale et l'intégralité des mécanismes proposés dans le rapport qui permettront d'établir une relation de confiance. Voilà la vision que je porterai lors de la suite législative qui sera donnée à ce rapport.

Madame Bessot Ballot, je vous assure qu'il ne prendra pas la poussière ! Nous nous connaissons assez pour savoir que je suis assez « teigneux ». Sur les quarante propositions du rapport de la commission d'enquête « Lactalis », dont j'étais également rapporteur, les trois quarts ont été adoptées dans divers véhicules législatifs. Quant au dernier quart, une proposition de loi est en cours de négociation au sein de notre groupe politique.

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Je salue à mon tour l'excellent travail réalisé par le président, le rapporteur, et aussi les services de l'Assemblée. Il démontre l'intérêt de compiler les compétences des uns et des autres.

Ce rapport est très attendu par les paysans qui souffrent de ces déséquilibres depuis de nombreuses années. Il faut vraiment que ce rapport soit utile, et qu'il ne reste pas au fond d'un tiroir.

S'agissant plus précisément des propositions n° 37, 38 et 39 sur la formation des prix, nous avons évoqué l'Observatoire de la formation des prix et des marges lors des auditions, mais je ne vois pas dans le rapport d'éléments portant sur le rôle et les missions de cet outil. Il ne sert à rien de compiler un grand nombre d'informations et d'analyses si elles ne sont pas ensuite intégrées à l'ensemble des outils.

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Nous allons naturellement corriger cette erreur !

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Je vais être très honnête : mon avis est très partagé sur l'utilité de l'Observatoire de la formation des prix et des marges, et sur la responsabilité de son président actuel. Aujourd'hui, un président de l'OFPM devrait être politiquement plus neutre que celui que nous connaissons. J'émets de très fortes réserves sur ses qualités pour présider cet observatoire, et je l'explique par écrit dans le rapport. Il s'agit de ma vision et il est possible de ne pas la partager, je n'en ai pas fait une proposition.

L'Observatoire est utile pour faire un instantané d'une situation et en parler deux ans après, en publiant un rapport nous apprenant, par exemple, qu'un producteur de lait gagne deux fois et demie le SMIC ! Je suis fortement opposé aux propos du président de l'OFPM, et je propose autre chose : utiliser des données statistiques réelles et concrètes collectées par l'INSEE. C'est l'objet de la proposition n° 40, qui permettrait d'établir un index prenant quatre éléments en compte : l'indicateur de coûts de production et son évolution, les charges des entreprises selon les filières, les coûts de l'énergie et un indicateur sur la responsabilité sociale et environnementale (RSE). Les industriels se voient imposer des augmentations des tarifs de l'énergie et la prise en compte des demandes sociétales et environnementales de nos concitoyens, nous demandons la prise en compte d'indicateurs de coûts de production, mais il n'y a aucun indice permettant de justifier auprès de la grande distribution que le prix monte ou descende.

Je propose de responsabiliser les acteurs : les pouvoirs publics doivent sortir des négociations entre un distributeur et son industriel, mais il faut leur donner les outils et la réglementation nécessaire pour qu'ils puissent s'entendre. La confiance se gagne, mais de temps en temps, elle peut s'imposer.

La commission adopte le rapport à l'unanimité et autorise sa publication.

La séance est levée à onze heures.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 25 septembre 2019 à 10 heures

Présents. - Mme Ericka Bareigts, M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Danielle Brulebois, Mme Josiane Corneloup, M. Yves Daniel, Mme Dominique David, M. Daniel Fasquelle, M. Guillaume Garot, Mme Séverine Gipson, M. Yannick Kerlogot, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Martine Leguille-Balloy, M. Jean-Baptiste Moreau, Mme Cendra Motin, M. Hervé Pellois, M. Stéphane Travert, M. Arnaud Viala, M. Jean-Pierre Vigier