La séance est ouverte à onze heures onze.
Nous poursuivons les auditions de notre mission d'information sur l'incendie de Lubrizol à Rouen. Nous auditionnons, à présent, M. Jean-Yves Le Déaut, qui est la personne idoine pour contribuer à la mission qui nous a été confiée, c'est-à-dire offrir une meilleure compréhension de l'évènement et en tirer tous les enseignements en réalisant un retour d'expérience qui permettra d'améliorer un certain nombre de dispositifs et de porter des recommandations, dans le domaine réglementaire.
Jean-Yves Le Déaut est en effet député honoraire, biochimiste. Il a été président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Il a lui-même été rapporteur lors de la commission d'enquête décidée dans notre assemblée suite à l'accident d'AZF. Il avait alors formulé 90 recommandations dont certaines ont notamment inspiré la loi dite « Bachelot » de 2003. J'aimerais d'abord qu'il nous dise, parmi les 90 propositions qu'il a formulées, combien ont été suivies, reprises, soit dans le domaine législatif, soit dans le domaine réglementaire. Puis quel regard porte-t-il aujourd'hui, seize ans après la loi dite « Bachelot », sur son efficience et la façon dont elle est appliquée ? Y a-t-il encore des pistes d'amélioration ?
Je citais la responsabilité de Jean-Yves Le Déaut au sein de l'OPECST. J'imagine que la culture du risque est un sujet permanent dans de nombreux domaines et non seulement en ce qui concerne les sites Seveso. Quel regard porte-t-il, en tant que biochimiste, donc en tant que scientifique, mais aussi en tant qu'acteur public et élu, sur la diffusion de la culture du risque aujourd'hui en France ? Pouvons-nous mieux faire ? Si oui, comment ? Est-ce qu'il a des éléments de comparaison ? Je sais que l'OPECST s'est parfois tourné vers d'autres pays, d'autres continents. Quel regard porte-t-il en la matière ?
Merci monsieur Le Déaut d'être parmi nous ce matin. J'aurais plusieurs questions. Qui était le président de la commission d'enquête sur AZF dont vous avez été le rapporteur ? À l'époque de votre mission de rapporteur sur la suite d'AZF, quelles difficultés aviez-vous rencontrées ? Vous aviez, à l'époque, fait 90 propositions. Nous aimerions vous entendre sur la culture du risque. Pensez-vous qu'elle a vraiment progressé depuis 2001 ? Votre rapport avait été également une source d'inspiration pour la loi dite « Bachelot » et notamment les plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Selon vous, ces PPRT prennent-ils en considération l'ensemble des éléments qui vous semblaient importants ? Ou bien, au contraire, certaines insuffisances demeurent selon vous ?
Concernant la communication et l'information à la population, dans vos recommandations sur la gestion des crises par l'État, une chose frappe. Vous dites qu'il faut réaliser des exercices réguliers, associer les populations aux exercices, moderniser et compléter le Réseau national d'alerte. Comment expliquez-vous que plus de 15 ans après, ces sujets ne semblent pas avoir évolué ?
Par ailleurs, sur les effectifs des installations classées, il apparaît très difficile d'avoir des chiffres stables, exclusifs et complets. Avez-vous été confronté à cette même difficulté à l'époque ? Et diriez-vous qu'un enjeu persiste en la matière ?
Cher collègue, lors de cette mission AZF que j'ai suivie à l'époque, puisque je suis toulousain, vous avez fait 90 propositions. Certaines n'ont sans doute pas été reprises. Je voudrais savoir, parmi celles qui vous paraissaient indispensables et qui n'ont pas été reprises, lesquelles vous pourriez encore nous conseiller aujourd'hui.
Monsieur Le Déaut, l'OPECST conduit des travaux notamment sur les expertises des risques sanitaires et environnementaux. L'incendie de l'usine Lubrizol, le 26 septembre dernier, a mis en lumière le risque sanitaire lié à un accident dans une usine chimique. La proximité entre le centre-ville de Rouen et ce site industriel nous force à réfléchir sur la cohabitation entre la population et cette industrie nécessaire à la vie économique de notre territoire. Comment pourrions-nous améliorer, dans le futur, l'intégration de ce risque dans le développement de notre territoire ?
Au sujet du risque sanitaire, nous avons pu voir que l'étendue de la zone concernée par les conséquences de cet accident n'a pas été suffisamment anticipée et que des territoires plus lointains n'étaient pas intégrés dans les réflexions de protection de la population. J'aimerais avoir votre avis sur la manière dont nous pourrions améliorer cette prévention, dans un territoire plus large, autour d'un site Seveso.
Tout d'abord, le président de la commission d'enquête de l'époque était François Loos, qui a été ministre de l'industrie et avec lequel nous avons, me semble-t-il, bien travaillé.
J'en viens plus spécifiquement au fond. Au cours de la mission, je ne peux pas dire avoir connu des freins. Nous avons eu les renseignements, y compris ceux des effectifs des inspecteurs, sur lesquels je reviendrai plus tard.
D'abord, je voudrais dire que c'est une chance d'avoir un organisme comme l'OPECST dans un Parlement. Beaucoup d'autres Parlements en sont dotés. Nous avions pris ce modèle sur les Américains, sur l'Office of Technology Assessment (OTA). Ils l'ont supprimé pour des raisons budgétaires, sous la présidence Bush, mais ils ont installé un nouvel organisme au niveau de la Présidence de la République. Il existe maintenant des offices au Parlement européen et dans de nombreux États. Nous avons d'ailleurs un réseau européen qui s'appelle l'European Parlementary Technology Assessment (EPTA), et qui joue ce rôle. Nous avons sans doute l'un des offices le plus intégrés au Parlement français. Ce sont des parlementaires qui mènent les études. Le fait de travailler en amont d'un problème et non pas sous la pression d'une crise est, à mon avis, un des avantages de ces structures. Je vous ferai d'ailleurs une proposition en ce sens. Ce sujet m'apparaît important. Je l'avais déjà pointé à l'époque et à mon avis, il n'a pas évolué. Nous n'avons pas eu de catastrophe dans ce domaine. Gouverner, c'est anticiper.
L'OPECST a réalisé plusieurs études sur les risques industriels et naturels. Au cours des trois dernières législatures, il a publié trois rapports sur l'évaluation du risque du tsunami sur les côtes françaises, dont un récent de 2019. Les parlementaires Roland Courteau et Claude Birraux ont travaillé sur ce sujet. Un quatrième rapport a été publié également sur la sécurité des barrages et des ouvrages hydrauliques, un sujet aussi important. Une cinquième étude a été réalisée pour voir si nous étions bien préparés à un tremblement de terre. Un tremblement de terre vient par exemple de se produire au Portugal, d'une intensité de 6,4 sur l'échelle de Richter ; un autre est survenu en France, d'une intensité moindre. Une étude a également été réalisée sur l'éruption du volcan Eyjafjöll, en Islande, puis précédemment une autre sur la sécurité des tunnels. Nous avons donc abordé certains de ces risques, mais la majorité de nos travaux ont été consacrés à la sûreté nucléaire.
Je ferai donc un parallèle entre la sûreté nucléaire, un risque qui est perçu et qui existe, et parfois, une banalisation du risque, dans des domaines que l'on considère plus naturels, comme le chimique. J'ai moi-même rendu au Premier ministre, en 1998, un rapport qui s'appelle « La longue marche vers la transparence dans le domaine du nucléaire » et qui est à la base de la loi actuelle sur la sécurité nucléaire et la radioprotection. J'y préconisais la fusion entre les directions de sûreté nucléaire et les directions de la radioprotection, ce qui est fait depuis 1999. Puis, cette préconisation a été reprise en 2006, avec la création de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et la création des commissions locales d'information qui concernent le domaine du nucléaire et qui sont importantes également dans les domaines qui vous préoccupent.
Nous pourrions citer beaucoup d'autres rapports, récents, sur l'avenir de la filière nucléaire en France, sur les drones qui survolaient les centrales il y a quelques années, sur les cuves du réacteur EPR en Normandie, sur les fissures dans les réacteurs. Nous avons donc travaillé sur ces sujets, parmi les 250 rapports réalisés par l'Office depuis sa création, en 1983.
Le plus souvent, un accident résulte d'un enchaînement de causes et notamment de négligences ou de coïncidences, dont la séquence est difficile à anticiper. D'où l'importance majeure du retour d'expérience, c'est-à-dire de l'analyse des incidents et des accidents passés, de la transmission des enseignements pouvant en être tirés. Nous avons été très durs sur ce point, au moment d'AZF. Je pense qu'une progression peut être constatée dans ce domaine. La prise en compte, non seulement des accidents, mais aussi des incidents et des quasi-accidents, est majeure pour la culture de sûreté.
Après l'accident d'AZF, nous préconisions de nous focaliser sur la réduction du risque à la source, en prévoyant une expertise pluraliste des risques, une meilleure implication des salariés dans la prévention des accidents, ce qui n'a peut-être pas suffisamment évolué, mais aussi un contrôle plus régulier par les inspecteurs des installations classées et une plus grande transparence en direction des autorités locales et des riverains. Des progrès sont peut-être encore à faire en la matière. Les acteurs locaux doivent être informés et pouvoir proposer des améliorations. Nous préconisions également une meilleure gestion de crise en cas d'accident et des améliorations restent peut-être à faire également. Ces propositions qui avaient été faites n'ont pas, à mon avis, atteint leur niveau optimal.
En analysant l'accident de Rouen et sans rechercher les responsabilités, puisque la justice est saisie, nous constatons que les leçons de la catastrophe de Toulouse n'ont pas été totalement tirées. Certes, des progrès ont été faits – vous avez cité la loi dite « Bachelot » de 2003 et la directive Seveso de 2012 –, mais ils restent des insuffisances sur cinq points.
Sur la réduction du risque à la source, le théorème de la protection contre le danger maximum semble être une réalité en France. Plus il y a de dangers potentiels, comme dans le nucléaire, l'aéronautique ou le spatial, plus les règles de sûreté sont respectées, alors que les risques ne sont pas perçus dans les stockages de produits dangereux notamment.
Il existe une banalisation et une sous-estimation du risque, bien que des progrès aient été faits. J'ai réussi à obtenir une note de la DREAL, du 16 novembre 2018, qui traite de ces questions et qui pointe les actions à mener. Si ce n'est pas fait, il faut donc chercher les raisons ailleurs. La DREAL pointe bien les points qui devraient être améliorés. Cela est tellement vrai que dans une circulaire du 2 octobre 2019, juste après l'accident, la ministre de la transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne, demande à connaître la nature et la quantité des produits présents sur les différents emplacements d'un site. Sa demande signifie que cet inventaire n'était peut-être pas totalement fait. La difficulté, dans l'accident de Rouen, a été de connaître précisément ce qui se trouvait sur les sites, ce qui a brûlé et ce qui se retrouvait donc sous forme de produits de combustion dans l'atmosphère. Cette nécessité d'inventaire était indiquée dans les notes précédentes.
J'ai pu constater combien est fragile la frontière qui sépare l'improbable du probable en matière de risques industriels. L'accident de l'usine Lubrizol a une nouvelle fois montré qu'une perte de mémoire du risque potentiel conduit à sa banalisation. Les pertes de mémoire, mais aussi les erreurs de perspective dans la perception des risques ou la banalisation des dangers sont des phénomènes fréquents dans des industries dangereuses. Ils doivent être combattus sans relâche. Les piqûres de rappel étaient demandées dans les notes de l'administration qui avait conscience de cette nécessité.
En tout état de cause, il semble indispensable de progresser rapidement dans la méthodologie des études de danger. J'écrivais, en 2002, que différentes voies de progrès doivent être empruntées : l'amélioration du recensement des scénarios, notamment grâce à une pluralité d'intervenants dans la conduite de l'étude ; l'association, sous certaines conditions, de la méthode probabiliste et de la méthode déterministe ; l'élargissement du champ des études de danger.
Sur la distinction entre méthode probabiliste et méthode déterministe : il existe deux types d'études des conceptions des dangers, dans notre système industriel français. Je crois que vous l'avez déjà vu largement, je ne vais donc pas vous le redémontrer. Dans le nucléaire, la prévention des incidents s'effectue sur des dispositifs appropriés, par exemple l'interposition de barrières entre les produits radioactifs et l'environnement, au moyen de trois barrières de confinement, que sont la gaine du combustible, le circuit primaire et l'enceinte de confinement. On applique la redondance de certains matériels. En cas de risque, on met deux matériels, même s'il y a eu des erreurs.
Je me souviens de la crise de Blayais de 1999, dans le nucléaire, avec la tempête. Nous ne sommes pas passés loin d'un accident. Les générateurs, qui sont nécessaires en cas de coupures d'électricité, avaient été installés aux endroits de l'inondation. Heureusement, il y avait plusieurs lignes électriques. Les redondances sont critiques pour la sûreté.
La surveillance et la détection sont réalisées par une instrumentation très développée, utilisée tant pour la surveillance des systèmes que pour le contrôle d'intégrité des barrières de confinement. Les moyens d'action sont constitués de systèmes de protection, dont le plus important est l'arrêt automatique du réacteur. Des systèmes de sauvegarde sont également prévus, afin de prendre en charge des fonctions de sûreté essentielles en cas d'accident. Les procédures ultimes sont prévues en cas d'accident grave. Une gestion du risque est prévue, et ce sous le contrôle de l'ASN.
J'ai vu votre proposition, qui me semble intéressante, d'avoir une gestion équivalente sur les sites Seveso. J'avais contribué à la création de l'ASN. Elle est importante. Elle n'est pas seulement une administration, elle est une autorité à laquelle l'État a confié une partie de ses responsabilités, ce qui est majeur.
Le deuxième sujet concerne l'augmentation des contrôles par les inspecteurs des installations classées. La situation de sous-effectif de l'inspection des installations classées a déjà été dénoncée depuis très longtemps, dans un rapport de la Cour des comptes de 1996. En 2002, j'écrivais, à propos du site de la Mède, qu'un seul et même inspecteur à temps partiel était en charge de cette raffinerie d'une importance majeure, qui se caractérise, à elle seule, par 24 études de danger. Cette situation, loin d'être une exception, était la règle. Une charge de travail écrasante et des responsabilités accablantes pèsent sur chacun des inspecteurs des installations classées.
En France, nous réagissons après un accident, mais il faudrait peut-être réagir avant. Après AZF, nous avons connu une augmentation forte du nombre d'inspecteurs des installations classées. Dans le budget de 2002, ils étaient 1 020. Aujourd'hui, ils sont, d'après les chiffres que j'ai obtenus, 1 290 équivalents temps plein, affectés à l'inspection des installations classées, pour un effectif de 1 707 agents techniques au sein de différents services déconcentrés. Après AZF, les effectifs ont continué d'augmenter pendant deux ou trois ans. Nous demandions à l'époque de les doubler et un consensus s'était exprimé en ce sens. En réalité, ils n'ont pas été doublés, ils ont augmenté et ils ont stagné depuis, avec même une très légère décroissance au cours des deux dernières années.
Les effectifs de la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) à l'époque, de la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) aujourd'hui, sont donc surchargés. J'ai lu que l'objectif était d'atteindre 50 % du nombre de contrôles annuels, d'ici 2022, via la déclinaison de plusieurs leviers que sont la poursuite de la simplification et la transformation numérique des organisations. Nous pouvons en douter, car nombre de nouvelles charges ont été affectées à ces inspecteurs des installations classées. Je les cite : la biodiversité, l'économie circulaire, les nanomatériaux, la réduction des gaz à effet de serre. À mon avis, même avec la numérisation, nous ne parviendrons pas à cet objectif des 50 % de contrôles supplémentaires.
Dans son avis budgétaire au nom de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire sur le programme budgétaire 181, votre collègue Madame la députée Danielle Brulebois dit la même chose. Elle relève un sous-effectif total et souligne que le temps passé par les inspecteurs en contrôle ne représente que 20 % de leur temps de travail, sous l'effet de nouvelles tâches qu'ils doivent accomplir. Les DREAL, dans certaines régions, soulignent que leur présence sur le terrain a fortement régressé au cours des dernières années. Elles ont des objectifs d'environ 21 contrôles par agent, elles sont en réalité à 14. Le chiffre budgétaire de votre collègue de l'Assemblée est légèrement différent, mais presque identique.
Ils sont obligés d'appliquer deux principes : le principe de hiérarchisation et la fréquence minimale de contrôle. Nous ne sommes donc pas dans une situation optimale. Je prends en compte les inspecteurs de l'agriculture qui ont d'ailleurs été importants dans la crise de Lubrizol. Lorsqu'il leur est demandé de contrôler les risques pour la santé et pour l'environnement des OGM, nous pouvons nous interroger sur la réelle priorisation. J'ai aussi travaillé sur les OGM. Aucune étude mondiale ne montre un risque pour la santé, mais on fait travailler des inspecteurs sur ce sujet pour répondre à une demande globale de la société civile. Il n'y a donc pas vraiment une hiérarchisation des risques.
Une mission d'information comme la vôtre devrait sans doute réfléchir aux relations de partenariat entre la DREAL et la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), puisqu'il existe un corps des inspecteurs des installations classées et un corps de l'inspection du travail. Bien qu'ils travaillent en binôme dans certains cas, que des conventions de partenariat existent et sont signées par l'administration, les collaborations sont trop ponctuelles.
J'ai eu deux sujets à traiter concernant les risques : concernant AZF, mais aussi celui du chlordécone aux Antilles, un sujet dont il a été encore récemment question. J'étais le rapporteur de la commission d'enquête. La période de crise passée, parfois, les promesses politiques s'envolent et l'administration est confrontée à ces vrais problèmes d'effectifs et de priorisation.
Concernant la transparence et la gestion de crise, les conditions de fonctionnement des comités locaux d'information et de concertation doivent être revues, à mon sens, afin qu'un véritable dialogue s'installe en matière de sûreté. C'est, me semble-t-il, mieux réalisé dans le domaine du nucléaire. Je pense qu'il convient d'observer ce qui est fait dans ce domaine. Le département de Seine-Maritime comprend les deux. Vous pouvez donc les comparer. La commission d'enquête doit se saisir, à mon sens, de cette question.
L'accident de Lubrizol a montré les carences, pourtant pointées dans le rapport de 2003, sur la gestion de crise et la communication de crise. J'ai lu les déclarations du préfet de région. Avec les moyens qu'ils ont, ils ont fait, bien sûr, le maximum. Nous demandions de renforcer les moyens de la Sécurité civile en dotant les préfectures d'une salle opérationnelle adaptée à la gestion de crise. Est-ce le cas dans tous les endroits où une crise peut survenir ? Il vous reviendra de répondre à cette question. La mission d'information devrait se pencher sur ces suites données à cette proposition.
Nous demandions également la création d'une cellule de crise nationale, pour mieux réagir aux catastrophes. Toulouse avait montré l'insuffisance des moyens de gestion de crise ; Rouen l'a confirmé. Cette évaluation paraît avérée dans toutes les préfectures qui peinent à faire face, dans des conditions satisfaisantes, à des catastrophes de grande ampleur. Il n'est pas au demeurant surprenant que ces moyens, à peine dimensionnés pour des conditions normales, se révèlent insuffisants dans des conditions exceptionnelles.
L'administration fait son travail, mais les moyens sont sans doute insuffisants. Je réitère donc la proposition de création d'une cellule nationale de crise, animée par des spécialistes de gestion de crise, qui soit susceptible de renforcer, en cas de catastrophe exceptionnelle, les moyens des préfectures ou des départements concernés. Cette cellule serait placée sous l'autorité du ministre de l'Intérieur. On vous dira qu'elle existe déjà.
Si nous demandons une cellule de crise nationale, je pense que l'on nous répondra assez facilement que des choses existent déjà parce que des remontées régulières sont déjà faites à Paris. Il convient de savoir précisément comment doit être constituée cette cellule de crise nationale pour qu'elle soit efficace.
Je suis tout à fait d'accord avec vous. On vous dira qu'elle existe déjà. Comme nous l'avons constaté à Toulouse et à Rouen, il est difficile d'être spécialiste lorsqu'on a à oeuvrer le moins souvent possible. Néanmoins, cette cellule pourrait organiser, sur le plan national, un retour d'expérience sur les exercices de crise, sur tous les accidents, les quasi-accidents et les incidents. Elle pourrait être associée aux formations sur ce sujet. Elle pourrait apporter des moyens spécifiques en ce qui concerne l'aide aux victimes, etc. Il faut la définir. En tout état de cause, il faut, à mon sens, progresser en la matière.
Le quatrième point est une proposition sur le transport des matières dangereuses. Même si ce sujet n'est pas directement le vôtre, je pense qu'il faut aborder cette question avant qu'un accident grave ne survienne. Plusieurs gares françaises sont, de fait, des sites « Seveso ». Je préconise d'urgence la création d'une commission d'enquête sur ces questions, liées au transport de matières dangereuses et à la sûreté des infrastructures de transport, notamment des ports, des aéroports et surtout des gares. De très nombreux wagons transitent dans les grandes gares, à Paris, à Lyon, à Marseille, tous les jours.
Concernant les outils réglementaires, j'ai également été frappé par l'abondance de règles en vigueur pour éviter les accidents industriels. La loi de 1976 sur les risques technologiques et les directives Seveso successives de 1986, de 1987 et de 2012, paraissent pour l'essentiel satisfaisantes, mais la France est le pays de la « géologie politique ». Chaque crise conduit à la création d'une nouvelle agence ou d'une nouvelle loi.
La législation française sur les installations classées, qui la transpose ou la complète le cas échéant, n'a pas à être bouleversée. Elle peut être précisée. C'est le rôle d'une commission d'enquête de le déterminer. Il n'est pas, à mon sens, nécessaire de faire de la sédimentation juridique en ajoutant de nouvelles strates réglementaires. La réglementation permet d'améliorer considérablement la sûreté des installations, en rendant plus contraignantes les dispositions s'appliquant aux exploitants.
La directive de la DREAL, dont j'ai déjà fait état, est bonne, mais j'ai pu constater un certain décalage entre le discours des organisations professionnelles et de certaines entreprises, qui présentent la sécurité comme une nécessité absolue, et la réalité des pratiques encore trop souvent dictée par une pression des impératifs de rentabilité et par la déresponsabilisation des salariés. Tout accident peut être évité. Tout doit être fait en ce sens.
Tout doit être fait pour que des accidents soient évités. C'est le rôle même de l'État qui est garant de la sécurité des personnes. C'est, pour l'industrie, un impératif de responsabilité sociale, mais également un impératif économique. Dans la quasi-totalité des cas, l'approche coûtavantage montre, en intégrant la totalité des coûts directs et indirects des accidents, que les investissements de sûreté ont, dans des pays développés, un coût d'opportunité inférieur à celui de tout autre investissement. Ces investissements matériels, mais aussi humains, doivent être réalisés en priorité. Je voulais souligner ce message important.
Je terminerai en disant que le président de la région Grand Est m'a confié un rapport de préfiguration de l'élaboration du Schéma régional de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Je viens de le lui rendre le 15 octobre. Dans ce rapport, je préconise le développement de l'intelligence artificielle au service des technologies et notamment au service de l'industrie, pour passer à l'industrie 4.0. Nous ferons des progrès dans ce domaine si nous sommes capables, plus fortement, de faire de la maintenance prédictive par exemple, d'intégrer dans l'industrie un certain nombre de risques et de mettre des clignotants à chaque fois qu'il peut y avoir une détérioration dans le procédé ou dans le process industriel. Je regrette que les quatre instituts d'intelligence artificielle qui ont été créés n'aient pas montré l'importance sur l'industrie. Nous éviterons des risques en mettant l'informatique au service de l'industrie et en passant à des procédés et des process industriels 4.0 sur du contrôle de qualité en ligne, sur de la maintenance prédictive, sur le changement des process, sur le contrôle de la défense en profondeur, des thèmes qui ont été abordés en matière de sûreté.
Monsieur le Président, Monsieur le rapporteur, je suis prêt à répondre à des questions.
Merci Jean-Yves Le Déaut pour ces propos éclairants qui répondent en partie aux questions que nous avons pu vous poser en préambule de votre intervention. Je me permets d'ajouter trois questions, notamment pour réagir à vos propos.
La première concerne la fameuse loi dite « Bachelot » de 2003. Pour éviter de « faire de la géologie politique », pour reprendre votre expression, une question me semble essentielle, celle de l'évaluation. Il en existe maintenant le principe. À chaque fois qu'une loi est votée au Parlement, elle est évaluée. Je ne sais pas si cette disposition existait en 2003, mais savez-vous si une évaluation de la loi a été faite pour permettre d'en mesurer son application et son effectivité ? Des textes de loi appellent ensuite des décrets d'application et il est souvent difficile d'en voir la publication dans un délai bref. Est-ce qu'il y a eu un suivi de ce texte dont vous avez inspiré, avec les propositions de la commission d'enquête, la plupart des dispositifs ?
La deuxième question concerne l'évènement connu à Lubrizol de 2013. Vous étiez à l'époque président de l'OPECST. Avez-vous eu une expression à cette époque ? Bien que vous n'ayez pas été saisi, au regard de votre expérience et de la commission d'enquête dont vous avez été le rapporteur, aviez-vous souhaité vous exprimer, à l'époque, sur ce précédent ?
Enfin, pour rebondir sur vos propos, que je trouve intéressants, sur l'analyse prédictive à partir de l'intelligence artificielle, nous savons qu'elle existe notamment pour la météo et les risques naturels. Vous semblez nous dire qu'elle n'existe pas aujourd'hui pour les risques industriels. De quelle façon pourrions-nous la mettre au service des études de danger qui sont nécessaires, notamment pour la mise à jour ou la réalisation des PPRT ? Comment pourrions-nous utiliser cette analyse prédictive pour améliorer tous les scénarios possibles, en ce qui concerne les dangers ? Nous pourrions notamment y inclure, à proximité des sites Seveso, d'autres sites industriels. Nous partons souvent du site Seveso pour voir quels dangers il fait encourir à son environnement de proximité, mais nous ne voyons pas toujours les risques qui peuvent naître des sites qui se situent à proximité et qui ne relèvent pas du régime Seveso. Classiquement, un incendie peut se déclencher dans un site à proximité qui n'est pas soumis à un certain nombre de contraintes, mais qui peut avoir des effets sur ce site Seveso. Vous évoquiez tout à l'heure des inondations ou d'autres types de risques qui peuvent exister.
Je souhaiterais préciser quatre points avec vous. Le premier concerne les PPRT. Selon vous, peu d'évolutions sont à apporter sur les PPRT.
Le deuxième point concerne l'information de la population et les exercices réguliers. Parmi les 90 propositions que vous aviez faites à l'époque ou celles qui ont pu mûrir depuis, avez-vous des suggestions à faire sur ce sujet ?
Dans votre rapport, vous prôniez aussi une réflexion sur la mise en place d'un crédit d'impôt sûreté, inspiré du crédit d'impôt recherche. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce sujet ?
Enfin, vous évoquiez l'évolution du nombre d'inspecteurs des DREAL. Il faudrait regarder si le nombre de sites Seveso, depuis les années 2000, n'a pas non plus baissé. Eu égard à la désindustrialisation de notre pays depuis 20 ans, il n'est pas impossible que leur nombre ait diminué grandement. Pour parler spécifiquement du cas de Lubrizol, 38 contrôles ont été effectués. Autant le sujet peut être soulevé au niveau national, bien que je ne dispose pas encore d'élément pour le vérifier, autant sur le site spécifique de Lubrizol je n'ai pas l'impression qu'il y ait eu un défaut de contrôle. Il y a peut-être eu un non-respect des éléments établis lors des contrôles, mais le nombre de contrôles laisse penser que le site était grandement surveillé.
Vous avez parlé des gares et ce sujet est en effet préoccupant. Est-il exact que les wagons, qui transportent ces matières dangereuses, ne sont pas suffisamment contrôlés ? Est-il exact aussi qu'en ce qui concerne le transport routier, ces citernes sont découpées tous les 18 ou 20 ans ? Il resterait encore des wagons qui ont une quarantaine d'années et qui traversent ardemment nos villes.
La loi dite « Bachelot », comme certaines autres lois, a commencé sous une législature et s'est terminée sous une autre, ce qui montre le consensus pour traiter de la question. À l'époque, l'Office faisait la remarque récurrente que faire la loi sans contrôler son application ne correspondait pas à un bon travail législatif. J'avais d'ailleurs fait un rapport pour la commission du développement économique sur la loi « après-mine » de 1998, où je disais que l'esprit de la loi n'avait pas été respecté. Il faut contrôler que le réglementaire corresponde à ce qui est écrit dans la loi.
Est-ce que la loi dite « Bachelot » a rempli globalement ses objectifs ? Je pense plutôt que oui, à la fois par les décrets, non évalués à cette époque, mais aussi par la dernière directive Seveso, en 2012. Il a fallu du temps, ce qui est une constante. On ne peut pas dire que la loi dite « Bachelot » n'ait pas permis de progresser, d'autant plus qu'il ne faut pas, à mon sens, faire trop de lois. Trop de lois conduisent à ce que la totalité des choses à faire soit indiquée. C'est le paradoxe entre une note qui dit tout ce qu'il faut faire et la réalité.
Que le nombre de contrôles ait été suffisant à Lubrizol, certes, mais il n'empêche que le répertoire des produits chimiques a été demandé après-coup.
Un incendie peut venir d'un site voisin. J'ai cru comprendre que la directrice de l'usine ne s'exprimait pas, à un moment donné, parce que les responsabilités pouvaient être croisées. Il reviendra à la justice de revenir sur ce sujet et non pas à la commission d'enquête.
L'évaluation des lois doit être un exercice majeur. Elle est difficile lorsque l'application des décrets se fait six à huit ans plus tard. J'ai l'exemple du décret sur le diagnostic préimplantatoire qui a été pris cinq ou six ans après la loi de bioéthique. La législature n'est plus la même. Il faut réfléchir, dans l'organisation du Parlement, à un portefeuille de contrôle, dans une commission, afin qu'un député prenne la suite d'un autre qui n'est plus là et soit nommé directement. Il y a sûrement des progrès à faire.
Par ailleurs, nous avons voté un projet de résolution, en février 2017, qui s'appelle « Science et progrès dans la République » et qui a été voté à l'unanimité. Il dit que lorsqu'une loi a un caractère scientifique et technologique, il faut que l'étude d'impact soit réalisée soit par l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, soit par une commission. Il faut prendre le temps de réfléchir aux impacts avant de voter la loi et s'appuyer sur une étude préalable. Le rapporteur n'a souvent pas le temps de le faire. Il est souvent pris dans la pression de son rapport. Il faut peut-être donner à une autre personne, en lien avec le rapporteur, la possibilité de le faire.
J'ai bien sûr été informé de la crise de 2013 sur le mercaptan, mais je n'ai pas été saisi. Je reviens ici sur le Parlement. Lorsqu'on dispose, dans un Parlement, d'un office d'évaluation, il faut le saisir en amont sur de nombreux sujets. Personnellement, je ne pense pas avoir été saisi de cette question. À partir d'un incident ou d'un quasi-accident, il aurait été intéressant de faire un rapport plutôt à froid. Vous pointez une bonne question sur l'organisation du travail du Parlement. À côté du travail législatif, qui est souvent réalisé sous la pression et avec célérité, il faut que le parlementaire réserve une partie de son temps à des études amont. C'est vraiment un dispositif auquel je crois. En trouvant cette organisation, nous ferons, à mon avis, de meilleures lois.
L'analyse prédictive me semble majeure. La question n'est pas de savoir si elle existe déjà. Chaque proposition conduit untel ou untel à dire qu'elle existe déjà. Pourtant, celui qui fait la proposition n'a pas la perception que ce qu'il propose existe. Soit la chose n'existe donc pas, soit nous ne sommes pas arrivés au niveau de maturité suffisant. Je pense qu'il faut avancer dans ce domaine. Les investissements d'avenir travaillent sur des sujets de prospective. L'un des moyens d'avancer est de créer un centre IA dédié aux problèmes industriels et d'étudier comment le prédictif peut améliorer la situation de l'industrie, sa productivité, mais aussi la sûreté. Je suis persuadé qu'il existe des marges dans ce domaine.
Dans le nucléaire, nous avons une culture du risque qui est forte, et heureusement. Nous ne sommes jamais à l'abri d'un accident. C'est une industrie dangereuse, mais tout comme le spatial, l'aéronautique ou le rail. Je vous invite d'ailleurs à relire un tableau sur les risques que j'avais inséré dans le rapport. Le Professeur Amalberti classait les risques en fonction de l'activité. Il classait des systèmes amateurs, des systèmes réglés et des systèmes ultra réglés, en fonction du nombre de catastrophes par nombre de mises en oeuvre. L'alpinisme par exemple est un système amateur, avec des morts perlés, certains ne respectant pas toujours les règles de sûreté. Les systèmes réglés concernaient la médecine, les accidents de la route, l'artisanat, les industries de transformation, avec une catastrophe pour 10 000 à 100 000 mises en oeuvre. Enfin, dans les systèmes ultra-réglés, comme le nucléaire, la catastrophe n'est pas permise. Malheureusement, il y en a eu, Tchernobyl, Fukushima.
Il est évident qu'il faut réussir à organiser la sûreté des systèmes d'industrie de transformation, selon les meilleures conditions de sûreté possible.
Est-ce que les PPRT qui ont été mis en place sont suffisants ? Ils sont suffisants dans l'esprit sans doute, mais il conviendrait d'associer beaucoup mieux les témoins de l'activité industrielle, ceux qui y travaillent, ainsi que les riverains, qui perçoivent un risque, et de mieux appréhender la globalité du site et la globalité des incidents sur un lieu voisin du site. C'était d'ailleurs le cas d'AZF où se trouvait à proximité l'usine des poudres. Quand deux unités industrielles sont voisines, il est évident qu'il faut travailler sur les incidences possibles d'une activité sur l'autre.
Le PPRT ne doit pas être élaboré uniquement par l'industriel avec un bureau d'études et contrôlé par l'administration. L'élaboration doit être davantage pluridisciplinaire et mieux intégrer tous ceux qui souhaitent s'exprimer. Cela ne signifie pas que la position de celui qui souhaite s'exprimer doit être retenue, mais au moins, il l'aura dit. L'élaboration d'un texte aura ainsi été réfléchie de manière publique, collective, contradictoire. Je crois au public collectif contradictoire. Une expertise collective est mieux réalisée qu'une expertise individuelle. L'INSERM le fait d'ailleurs en matière de santé.
L'information de la population est majeure. Par rapport aux préconisations de la commission, en 2003, nous n'avons pas suffisamment progressé dans ce domaine, bien que des progrès aient été faits. La maille n'est peut-être pas encore suffisante. Il reste des points sur lesquels il convient de progresser.
Concernant le crédit d'impôt sûreté, il existe le crédit impôt recherche. La recherche est majeure, mais la sûreté aussi. Pourquoi ne pas avoir un avantage à faire plus d'efforts en matière de sûreté ? Le vote du budget comprend de très nombreux avantages fiscaux. La sûreté pourrait le mériter. C'est une piste à creuser et je la mets à la discussion.
S'agissant des 38 contrôles sur Lubrizol, je crois avoir répondu, mais en moyenne, sur les 21 contrôles qui devraient être faits sur les unités Seveso, 14 ont été réalisés. Votre collègue, dans son avis précité sur le programme 181, dit la même chose que moi. J'ai repris sa phrase et nous sommes arrivés à la même conclusion. Elle demande une augmentation de 50 % du nombre d'inspecteurs des installations classées qui sont 1 300. Je demandais quant à moi de doubler le nombre de 1 020, ce qui représentait 2 040. Les chiffres sont quasiment identiques. Alors que des notes, avant l'accident, faisaient état qu'il leur était difficile de remplir de nouvelles tâches, je ne crois pas à l'atteinte de l'objectif grâce notamment à l'informatisation. L'informatisation va peut-être améliorer la sûreté, mais ne va pas régler tous les problèmes de contrôle.
Est-ce que le contrôle est effectif dans les gares ? Je ne sais pas si ce sujet est dans le champ de votre mission. Il n'était pas dans le champ de notre mission, mais nous l'avions inscrit parce que plusieurs personnes nous l'avaient dit. Au moins, si jamais un accident survenait dans une gare un jour, nous l'aurions dit.
Il faut revoir la législation. Certains wagons sont des « unités mobiles Seveso » et personne ne le sait. La transparence est inexistante. L'attentat de Madrid, il y a quelques années, dans une gare, avait fait 200 morts. Un accident dans une gare, à Toulouse, à Marseille ou à Lyon, pourrait être une catastrophe. Il faudrait aborder le contrôle du transport routier de la même manière. Je n'ai pas étudié cette question, mais il est évident qu'il faut le faire.
D'ailleurs, nous sommes soumis à un dilemme. L'incendie de produits chimiques était une préoccupation qui apparaissait peu. On parlait beaucoup d'explosion ; on parlait moins d'incendie de produits chimiques.
Nous disions qu'il fallait scinder les stocks. C'est une bonne idée. Nous disions également qu'il fallait faire une défense en profondeur, afin qu'en cas d'incendie, ces produits ne soient pas touchés. Ce sont des pistes.
Une autre piste est d'essayer d'avoir des process industriels qui utilisent moins de produits chimiques et d'avoir moins de stocks dans l'usine. Si les stocks sont moins importants dans l'usine, il faut veiller à ce qu'ils ne soient pas plus importants sur les camions. Dans l'industrie, nous arrivons au stock zéro parce que le stock est sur le camion qui arrive vers l'outil industriel. Avec des produits dangereux, je ne suis pas sûr que ce soit un progrès. Il faut sans doute scinder les stocks, comme dans les explosifs. Dans la mission que j'avais faite, j'avais vu une législation légèrement différente sur les explosifs. Les stocks sont davantage scindés. Il faut peut-être les scinder pour certains produits chimiques.
En chimie, dans l'analyse déterministe des dangers, il faut essayer de déterminer les conséquences d'un incendie et d'une explosion. Tous les produits chimiques ne sont pas dangereux, mais l'isocyanate de méthyle par exemple est un produit qui se fixe, de manière covalente, à nos systèmes, qui, dans nos synapses, permettent les transmissions de l'influx nerveux. Sans influx et sans capacité de faire des transmissions au cerveau, on meurt d'asphyxie, les muscles ne répondent plus. Que je sache, il n'y a pas de l'isocyanate de méthyle dans nos sites industriels, mais il y a des composés très dangereux. Il faut donc disposer de cet inventaire. Surtout, l'inventaire ne suffit pas, il faut des spécialistes de l'aide à la crise. Une mission d'information ou une commission d'enquête a un rôle majeur. Elle est capable de faire la synthèse et de faire des propositions.
Il faut en effet que nous puissions faire la synthèse. Nous allons poursuivre nos auditions. Merci de ces réponses. Merci de cet éclairage et de cette contribution, au nom de l'ensemble des membres de la mission d'information.
L'audition s'achève à douze heures dix.
Membres présents ou excusés
Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à Rouen
Réunion du jeudi 28 novembre 2019 à 11 h 05
Présents. - M. Damien Adam, M. Christophe Bouillon, M. Pierre Cabaré, M. Dimitri Houbron, M. Jean Lassalle, Mme Annie Vidal