Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 3 novembre 2021 à 11h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • PLF
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La réunion

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La commission entend M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques, sur l'avis du Haut Conseil relatif au deuxième projet de loi finances rectificative pour 2021 (n° 4629 ; M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général) et à la révision des prévisions retenues pour le projet de loi de finances pour 2022.

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Nous avons le plaisir d'accueillir, en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques, M. Pierre Moscovici, qui vient présenter l'avis du Haut Conseil sur le deuxième projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2021 et sur la révision des prévisions économiques associées aux projets de loi de finances (PLF) et de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022.

C'est la cinquième fois que le Haut Conseil est conduit cette année à émettre un avis public, et même si nous vous avons entendu il y a à peine plus d'un mois à l'occasion de l'avis concernant les PLF et PLFSS pour 2022, nous constatons que les choses ont significativement changé depuis.

Vous ne manquez pas de souligner dans votre avis que vous pouvez, avec cette nouvelle saisine, rendre un avis « plus éclairé sur le PLF pour 2022 ». Il y avait en effet beaucoup de manques, assumés par le Gouvernement, il y a un mois.

Vous relevez par ailleurs que le surcroît de recettes attendu n'est pas consacré au désendettement mais qu'il est au contraire plus que compensé par un surcroît de dépenses.

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Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques

Merci de m'avoir invité de nouveau devant votre commission, en tant que président du Haut Conseil des finances publiques, pour vous présenter les principales conclusions de notre avis relatif au projet de loi de finances rectificative pour 2021 et aux nouvelles prévisions macroéconomiques et de finances publiques intégrées au projet de loi de finances et au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

Le Haut Conseil a été doublement saisi par le Gouvernement, d'une part du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2021, en application de l'article 15 de la loi organique du 17 décembre 2012, et d'autre part, en application de l'article 16 de la même loi organique, d'une révision des hypothèses macroéconomiques sur lesquelles reposaient les PLF et PLFSS pour 2022. Je me réjouis de cette double saisine. Lors de mon audition du 22 septembre dernier par votre commission, j'avais eu l'occasion de vous dire que les éléments transmis au Haut Conseil étaient incomplets, ce qui ne lui permettait pas de porter un diagnostic parfaitement informé. Cela n'avait rien à voir, je le dis au passage, avec une quelconque remarque sur l'insincérité – je regrette de nouveau l'utilisation qui a été faite de ces échanges. Le Haut Conseil estimait alors qu'une nouvelle saisine serait nécessaire pour tirer les conséquences des nouvelles mesures annoncées par le Gouvernement. Par ailleurs, ce dernier a révisé à la hausse, comme c'était prévisible, ses prévisions de croissance et de masse salariale, que le Haut Conseil avait considérées comme trop conservatrices. Nous nous félicitons d'avoir été entendus. Cette nouvelle saisine nous permet de porter un avis plus éclairé qu'en septembre dernier sur le PLF et le PLFSS pour 2022.

Permettez-moi de revenir brièvement sur les derniers développements de la situation économique internationale, puisque c'est le contexte dans lequel nous opérons.

Par rapport au PLF initial, le Gouvernement n'a pas modifié son scénario international, reposant sur une croissance mondiale de 6 % en 2021 et de 4,5 % en 2022. C'est un scénario qui reste proche des dernières prévisions du Fonds monétaire international (FMI), publiées en octobre. Néanmoins, si la reprise mondiale se poursuit, les risques pesant sur les perspectives économiques ont augmenté.

Les menaces planant sur l'environnement international sont en effet significatives. L'aléa sanitaire n'a pas disparu : il demeure particulièrement fort dans les pays émergents, et une résurgence de la pandémie ou une perte d'efficacité des vaccins face à de nouveaux variants, ou dans le temps, ne peuvent pas être exclus. Des chaînes d'approvisionnement sont d'ores et déjà rompues. Des difficultés persistent, notamment dans le secteur stratégique des semi-conducteurs. Les prix de l'énergie, notamment le cours du pétrole, ont poursuivi leur hausse. L'ensemble de ces facteurs conduit incontestablement à une perte de dynamique de l'économie mondiale dont attestent les données conjoncturelles, moins bonnes qu'attendu, que ce soit aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Chine ou en Allemagne, où les résultats en matière de PIB au troisième trimestre ont fortement déçu, contrairement à ceux de la France.

Parallèlement, la montée des pressions inflationnistes a conduit certaines banques centrales, notamment la Fed (Réserve fédérale des États-Unis), la Banque d'Angleterre ou encore la Banque du Canada, la semaine dernière, à annoncer un durcissement de leur politique monétaire nettement plus précoce que prévu au printemps. On assiste donc à une remontée des taux d'intérêt à long terme. Ces derniers restent à des niveaux encore très bas, mais cette hausse pourrait entraîner, à un moment, certaines tensions.

Dans ce contexte, qui appelle toujours à faire preuve de la plus grande modestie en matière de prévisions, l'avis du Haut Conseil comporte trois grands messages.

Concernant le scénario macroéconomique du Gouvernement, nous considérons que le taux de croissance du PIB envisagé pour 2021 devrait être dépassé compte tenu des données de croissance les plus récentes, qui ont été publiées par l'INSEE pendant notre propre délibération. Le taux de croissance retenu pour 2022 demeure, quant à lui, plausible selon nous. S'agissant de l'inflation, le Haut Conseil considère que la prévision est également plausible pour 2021 mais que celle pour 2022 est trop basse. Pour ces deux années, les prévisions en matière d'emploi et de masse salariale restent prudentes. Dans notre langage, cela veut dire qu'elles nous paraissent « un peu conservatrices » compte tenu des données plus récentes, c'est-à-dire, plus clairement encore, qu'elles pourraient être un peu plus élevées.

Notre second message porte sur les prévisions pour les finances publiques. Le Haut Conseil estime que le déficit en 2021 pourrait être légèrement inférieur à la prévision, notamment du fait d'une sous-estimation des recettes assises sur la masse salariale. La prévision de déficit public pour 2022 peut, quant à elle, être considérée comme plausible mais elle reste marquée par un assez fort degré d'incertitude du côté des recettes et des dépenses – j'y reviendrai plus tard.

Dernier message, dans un contexte où le retour à la normale de l'activité s'est produit plus rapidement que prévu en France, le surcroît de recettes attendu n'est pas consacré au désendettement. Il est au contraire plus que compensé par un surcroît de dépenses ou de mesures de baisse de prélèvements obligatoires. Dans ce contexte, la question de la soutenabilité à moyen terme de la dette publique nécessite toujours la plus grande vigilance.

Permettez-moi, sans être trop long, d'entrer davantage dans le détail.

S'agissant du message concernant les prévisions macroéconomiques, le scénario du Gouvernement prévoit désormais pour 2021 une progression du PIB de 6,25 %, c'est-à-dire d'un quart de point supplémentaire, et pour 2022 une croissance de 4 %, inchangée par rapport au PLF initial. Dans son avis du 17 septembre dernier, le Haut Conseil avait estimé que la prévision de croissance du Gouvernement pour 2021 pouvait être considérée comme un peu conservatrice, notamment compte tenu des prévisions de l'INSEE et de la Banque de France, et nous n'avons pas été démentis. La nouvelle prévision du Gouvernement pour 2021, révisée d'un quart de point à la hausse, est désormais quasi identique à celle de ces deux organismes. Cependant, la publication par l'INSEE des comptes trimestriels du troisième trimestre, survenue le 29 octobre, après la saisine du Haut Conseil – c'était le jour même où nous rédigions notre avis – conduit désormais à considérer que cette prévision devrait être dépassée. En effet, l'acquis de croissance du PIB à l'issue du troisième trimestre 2021, c'est-à-dire la croissance qui serait enregistrée sur l'ensemble de l'année si le PIB était stable au quatrième trimestre, est déjà de 6,6 %. S'il en allait ainsi, le PIB de l'économie française serait quasiment revenu au troisième trimestre 2021 au niveau de la fin de l'année 2019, plus rapidement donc qu'on ne l'anticipait jusque-là.

Le Gouvernement n'a pas changé sa prévision de croissance pour 2022 : elle reste donc de 4 %. Le Haut Conseil avait considéré cette prévision plausible dans son avis sur le PLF et le PLFSS pour 2022. Elle demeure proche de celles publiées au cours de ces dernières semaines par certains organismes, comme le FMI. Cependant, la croissance risque de pâtir de la dégradation de l'environnement économique international. À l'inverse, le Gouvernement a pris des mesures nouvelles de soutien au pouvoir d'achat et à l'investissement qui sont susceptibles de soutenir la croissance de l'activité en 2022. Des éléments jouent donc à la hausse et d'autres à la baisse, ce qui conduit le Haut Conseil à estimer, prudemment, que la prévision de croissance du Gouvernement pour 2022 reste plausible.

Le Gouvernement n'a pas modifié sa prévision de hausse de l'indice des prix à la consommation pour 2021 et 2022. Je rappelle qu'elle est de 1,5 % en moyenne annuelle en 2021 comme en 2022, après une hausse de 0,5 % en 2020. Dans son avis du 17 septembre dernier, le Haut Conseil avait jugé réaliste la prévision d'inflation du Gouvernement pour 2021 et 2022. Notons toutefois que les prix de l'énergie ont nettement augmenté depuis, ce qui, toutes choses égales par ailleurs, devrait conduire à réviser à la hausse la prévision de l'augmentation des prix pour 2022, voire pour 2021. Le prix du baril du pétrole se maintient autour de 84 dollars depuis début octobre, soit 15 dollars de plus que le niveau pris en compte dans le scénario macroéconomique de la loi de finances. Si l'on se réfère aux simulations présentées par le Gouvernement lui-même, dans le programme de stabilité (PSTAB), le maintien du prix du baril à ce niveau-là pendant une année conduirait à augmenter le niveau des prix de près de 0,5 point en 2022. L'amélioration du marché du travail, plus forte que prévu initialement, est également de nature à accroître l'inflation sous-jacente en 2022 par rapport aux prévisions. Le Haut Conseil considère donc que la prévision d'inflation pour 2022 est trop basse.

La masse salariale du secteur privé est un déterminant important des recettes publiques. Le Gouvernement a sensiblement relevé sa prévision de croissance de la masse salariale pour 2021, de 6,2 à 7,2 %. Cependant, la nouvelle prévision apparaît également basse compte tenu de la dynamique que retracent les dernières données de l'ACOSS (Agence centrale des organismes de sécurité sociale). L'UNEDIC, dans ses prévisions financières pour 2021-2023, rendues publiques le 22 octobre dernier, retient pour 2021 une croissance de presque 8 % de la masse salariale, ce qui est davantage que le taux de 7,2 % que j'ai évoqué. Pour 2022, le Gouvernement a laissé globalement inchangée sa prévision de créations nettes d'emploi. Celles-ci pourraient cependant – espérons-le – être plus fortes en 2022 si la tendance de la productivité se révélait plus faible que l'évaluation du Gouvernement, ainsi que l'estiment plusieurs institutions que nous avons consultées. Le Gouvernement a, par ailleurs, révisé à la baisse sa prévision de croissance du salaire moyen en 2022, en raison de l'hypothèse, inchangée par rapport au PLF initial, d'un retour du partage de la valeur ajoutée entre les rémunérations et les profits des entreprises au niveau de 2019. Or la baisse du taux de chômage, les difficultés de recrutement dans certains métiers sous tension et la dynamique de l'inflation importée fragilisent cette hypothèse. La croissance du salaire moyen en 2022 pourrait ainsi être plus forte que ce que prévoit le Gouvernement. Au total, bien qu'elles aient été révisées à la hausse, les prévisions en matière d'emploi et de masse salariale du Gouvernement pour 2021 et 2022 paraissent prudentes au Haut Conseil, compte tenu des données les plus récentes.

Pour résumer, le Haut Conseil estime que la prévision de croissance pour 2021 devrait être dépassée, que celle pour 2022 est plausible, du fait de risques pouvant jouer dans un sens comme dans l'autre, que la prévision d'inflation pour 2022 est trop basse et que les prévisions en matière d'emploi et de masse salariale pour ces deux années sont un peu conservatrices – elles pourraient également être trop basses. Voilà l'appréciation macroéconomique que nous portons, après des débats assez intenses au sein du Haut Conseil, compte tenu des aléas.

Sur le fondement de ces hypothèses macroéconomiques, et c'est mon deuxième message, le Gouvernement a révisé à la baisse sa prévision de déficit public pour 2021, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, de 6,9 milliards d'euros, c'est-à-dire de 0,3 point de PIB. Le déficit public est maintenant prévu à 8,1 points de PIB, au lieu de 8,4 points. À l'inverse, la prise en compte de mesures nouvelles, représentant des montants importants, qui ne figuraient pas lors du dépôt du PLF, conduit le Gouvernement à réviser à la hausse sa prévision de déficit pour 2022 de 4,8 milliards d'euros, soit de 0,2 point de PIB. La prévision est ainsi passée de 4,8 points de PIB dans le PLF initial à 5 points.

En 2021, l'augmentation globale des dépenses est estimée à 4,8 %, après une hausse de 6,8 % en 2020. Le poids des dépenses publiques serait légèrement en repli, à 59,7 points de PIB, mais il serait encore supérieur de 5,9 points au niveau de 2019. Nous sommes bien partis pour observer le phénomène de cliquet habituel après chaque crise : nous en sortons toujours avec un tout petit peu plus de dépenses publiques par rapport au PIB – là c'est nettement plus, mais ce n'est pas tout fait terminé. Par rapport aux prévisions du PLF initial pour 2022, la dépense publique totale en 2021 est révisée à la baisse de 1,2 milliard d'euros. Des dépenses nouvelles, telles que l'indemnité inflation, sont plus que compensées par la suppression de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles ainsi que par de moindres charges de service public de l'électricité, lesquelles visent principalement à compenser aux opérateurs le surcoût lié au développement des énergies renouvelables – les montants diminuent quand les prix de marché de l'électricité augmentent, ce qui est actuellement le cas.

Parallèlement, le Gouvernement a révisé à la hausse, de 4,5 milliards d'euros, sa prévision de prélèvements obligatoires pour 2021. Cette révision traduit principalement l'impact sur les cotisations et les prélèvements sociaux de la révision à la hausse de la masse salariale et de la prise en compte de remontées comptables meilleures que prévu en matière de TVA. Toutefois, la révision à la hausse des recettes reste probablement insuffisante, du fait de la sous-estimation vraisemblable de la masse salariale. C'est pourquoi le Haut Conseil estime que le déficit public pourrait être légèrement inférieur à la prévision du PLFR, c'est-à-dire inférieur à 8,1 points de PIB.

Pour 2022, le Gouvernement a révisé à la hausse, de 5,3 milliards d'euros, la prévision de dépenses publiques par rapport au PLF initial. Cette hausse résulte de dépenses nouvelles à hauteur de 7,8 milliards, en particulier des mesures de soutien du pouvoir d'achat et de nouvelles dépenses d'intervention, dont le plan d'investissements publics France 2030. Ces nouvelles dépenses sont compensées partiellement par de moindres dépenses publiques résultant de la hausse des prix de l'énergie et par une baisse plus forte que prévu dans le PLF initial des dépenses d'indemnisation du chômage. En 2022, les dépenses publiques représenteraient 55,7 points de PIB : le ratio serait en baisse de 4 points par rapport à 2021, mais en hausse de 1,9 point par rapport à 2019.

Il demeure une incertitude importante sur l'évolution des dépenses de l'État en 2022. Tout d'abord, la répartition du coût de l'indemnité d'inflation entre les exercices 2021 et 2022 reste imprécise. De plus, d'autres dépenses de l'État évoluent en fonction des prix de marché de l'énergie – les charges de service public de l'électricité ou encore les compensations aux fournisseurs de gaz à la suite du blocage de leurs prix, dont les montants sont incertains. Par ailleurs, le rythme de décaissement du plan France 2030 est soumis à des risques de retard de mise en œuvre qui ont pu affecter les plans d'investissement précédents. Espérons que cela ne sera pas le cas cette fois-ci… Enfin, il existe plusieurs dispositifs en faveur de l'investissement dans les compétences : leur empilement est une source d'incertitude supplémentaire quant au niveau final de la dépense.

Le Gouvernement a révisé très légèrement à la baisse sa prévision de recettes publiques pour 2022. Le report sur l'année prochaine de la révision à la hausse des recettes de 2021 est un peu plus que compensé par la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité. La sous-estimation probable de la masse salariale pourrait cependant conduire à une réévaluation des prélèvements assis sur les salaires et, par conséquent, à une hausse des recettes. Pour 2022, au total, la dynamique de l'emploi et de la masse salariale laisse attendre des recettes publiques plus élevées mais un important degré d'incertitude entoure la prévision de dépenses compte tenu d'éventuels mouvements d'ampleur. Le calendrier et le rythme d'exécution ainsi que les montants des dépenses demeurent à ce stade à préciser. C'est sans doute pour vous, mesdames et messieurs les députés, une source de questions. Nous en avons posé au Gouvernement, et notre avis fait état de nos questionnements persistants. En l'état des informations disponibles, le Haut Conseil a toutefois considéré que la prévision de déficit public pour 2022 pouvait être considérée comme plausible.

J'en viens à la cohérence entre la trajectoire du solde structurel et ce que prévoit la loi de programmation en vigueur, sur laquelle, aux termes de la loi organique, le Haut Conseil doit se prononcer. Il constate que le solde structurel pour 2022 qui est présenté par le Gouvernement s'établirait à – 4 points de PIB si on appliquait l'hypothèse de PIB potentiel de la loi de programmation en vigueur, et serait ainsi inférieur de 3,2 points à ce qui est inscrit dans ce texte, ce qui représente incontestablement un écart important au sens de la loi organique. Néanmoins, le Haut Conseil considère à nouveau que la clause des circonstances exceptionnelles, activée au printemps 2020, peut encore justifier en 2022 des écarts par rapport à la trajectoire programmée.

Le Haut Conseil rappelle aussi que la loi de programmation en vigueur constitue une référence indéniablement dépassée pour l'appréciation de la trajectoire de finances publiques. Le solde structurel calculé à partir de la dernière estimation de la croissance potentielle du Gouvernement, révisée pour tenir compte des conséquences de la crise sanitaire, s'établirait en fait à 5 points de PIB, ce qui porte l'écart à plus de 4 points par rapport à l'objectif de moyen terme pour les finances publiques que la France s'est donné dans la loi de programmation, et représente une dégradation de 2,5 points du solde structurel par rapport à 2019.

Notre dernier message concerne la soutenabilité de la dette publique. Les chiffres du PIB pour le troisième trimestre 2021 et les dernières statistiques de l'emploi montrent que nous sortons de la crise plus rapidement et plus fortement que prévu. Nous ne pouvons que nous en réjouir mais nous ne devons pas oublier, pour autant, que la crise a laissé des cicatrices sur nos finances publiques. Entre 2019 et 2022, la dette publique aura augmenté de près de 575 milliards d'euros, c'est-à-dire de 16 points de PIB. Quant à la prévision de déficit, elle est tout de même de 5 points de PIB en 2022, et ce déficit serait intégralement de nature structurelle, même s'il convient de rappeler l'obsolescence de ses modalités actuelles de calcul par le Gouvernement.

Nous avons traversé cette période en bénéficiant de taux d'intérêt exceptionnellement bas. C'est une situation qui ne peut pas être considérée comme éternellement acquise. En dehors de la zone euro, les banques centrales se préparent à remonter leurs taux au cours de l'année prochaine. La hausse des taux longs américains depuis le mois d'août, si elle se poursuivait, ne pourrait pas être sans conséquences sur la zone euro, et donc sur la France. Ce contexte nous appelle à faire preuve de la plus grande vigilance, pour engager la France dans la voie du désendettement et assurer la soutenabilité de la dette.

Selon les estimations du Gouvernement, l'écart négatif avec la croissance potentielle sera entièrement comblé à la fin de l'année 2022. Concrètement, cela signifie que lors des années suivantes il ne faudra pas espérer compter sur la conjoncture en vue de réduire notre déficit public. La réduction du déficit ne pourra résulter que de moindres dépenses, d'une hausse des prélèvements ou encore d'un relèvement de la croissance potentielle – on retrouve, si vous me pardonnez cet excursus, la stratégie de finances publiques pour la sortie de crise que la Cour avait suggérée au Président de la République et au Premier ministre dans son rapport de juin dernier.

Dans les projets qui lui ont été soumis, le Haut Conseil ne peut que constater que le surcroît de recettes entraîné par un retour à la normale de l'activité économique plus rapide et plus fort qu'attendu n'est pas consacré, à ce stade, au désendettement, mais qu'il est au contraire plus que compensé par un surcroît de dépenses ou par des mesures de baisse des prélèvements obligatoires. La maîtrise de notre dette publique reste donc un point de vigilance pour l'avenir. C'est un rendez-vous qui, selon nous, devra être honoré.

Voilà les principales remarques que je souhaitais partager avec vous. Je me tiens prêt à répondre à vos questions.

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Merci beaucoup, monsieur le président. Peut-être pourrez-vous nous rappeler les chiffres de l'augmentation des dépenses et des recettes, tant pour 2021 que pour 2022.

Le coût de l'indemnité inflation sera réparti entre 2021 et 2022, entre le PLFR pour 2021 le PLF pour 2022. Vous jugez que cette répartition est imprécise et fait peser une incertitude sur l'augmentation des dépenses. Pourquoi le précisez-vous ?

Vous estimez également que « l'empilement des dispositifs en faveur de l'investissement dans les compétences et dans l'accompagnement des jeunes crée des risques d'exécution en 2022 ». La question est d'actualité.

Enfin, la hausse des prix de l'énergie pourrait, selon le Haut Conseil, affecter le rendement de l'impôt sur les sociétés. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ? Par ailleurs, vous indiquez qu'un certain nombre de dépenses de l'État évoluent en fonction des prix de marché de l'énergie et que leur montant est donc incertain. Ces incertitudes particulièrement fortes pourraient-elles vous conduire à estimer que le solde public envisagé pour 2022 est lui-même trop incertain ? Vous ne le dites pas explicitement, mais un certain nombre d'observations figurant dans l'avis pourraient le laisser penser.

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Je me félicite que l'engagement du Gouvernement de saisir de nouveau le Haut Conseil des finances publiques afin qu'il puisse émettre un avis éclairé sur l'ensemble de la séquence 2021-2022 ait été tenu. J'avais moi-même appelé de mes vœux cette saisine complémentaire : elle était indispensable, compte tenu des annonces que le Gouvernement a faites après le dépôt du projet de loi de finances pour 2022. Elle renforce non seulement la crédibilité de chacun des acteurs des finances publiques mais aussi la qualité de l'information des parlementaires.

Je ferai une remarque préalable, avant d'en venir à mes questions. Certes, les surplus liés à la croissance ont été davantage affectés à des dépenses supplémentaires qu'à la réduction du déficit et au désendettement, mais j'invite chacun d'entre vous, mes chers collègues, à se demander quelles sont, parmi les dépenses engagées en cette fin d'année 2021, celles qui n'étaient pas nécessaires. Si, comme nous pouvons l'espérer au vu des dernières tendances macroéconomiques, la croissance devait être supérieure à 6,25 %, alors la priorité devra être donnée à la réduction du déficit et de l'endettement.

Monsieur le président du Haut Conseil, vous continuez de considérer comme plausible la prévision de croissance pour 2022, établie à 4 %, tout en évoquant une dégradation de l'environnement économique mondial. Comment quantifiez-vous le risque que représente cette dégradation ?

Par ailleurs, estimez-vous que les efforts d'investissement consentis dans le cadre du plan de relance et de France 2030 sont de nature à susciter de façon pérenne une croissance potentielle supérieure à ce qu'elle était avant la crise ? Si tel était le cas, cela changerait considérablement la donne s'agissant des efforts structurels à réaliser au cours de la prochaine législature.

Vous estimez que la prévision d'inflation pour 2022 est probablement trop basse. Selon la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), il n'y a pas de raison que les taux directeurs augmentent au cours de l'année prochaine. Toutefois, je m'inquiète d'une externalité immédiate des effets inflationnistes sur la charge de la dette. À cet égard, les provisions envisagées en 2022 sur le coût budgétaire des obligations assimilables du Trésor (OAT) indexées sont-elles crédibles ou les considérez-vous également comme sous-estimées au regard de la prévision d'inflation ?

Vous considérez que les nouvelles recettes dues à la croissance de l'activité sont plus que compensées, en 2021 et 2022, par de nouvelles baisses des prélèvements obligatoires – la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) – et l'augmentation des dépenses. Pouvez-vous nous indiquer quelles sont, parmi les nouvelles mesures prises dans ces deux domaines, celles qui vous paraissent pérennes et celles qui vous semblent transitoires ?

Enfin, pouvez-vous préciser la nature des opérations de gestion de trésorerie de l'État dont vous dites qu'elles permettent au Gouvernement de prévoir, pour 2022, un ratio de dette sur PIB moins élevé qu'annoncé ?

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Je vous remercie, monsieur le président du Haut Conseil, pour ce nouvel avis, qui ne manquera pas d'alimenter nos débats à venir ; nous ne pouvons que nous réjouir des nouveaux éléments qu'il porte à notre connaissance.

Sur le plan macroéconomique, vous confirmez, d'une part, la croissance exceptionnelle de l'activité en 2021, qui témoigne de la réussite de la relance de l'économie après la crise, d'autre part, la diminution historique du taux de chômage, qui n'aura jamais été aussi bas depuis douze ans. Quel sera l'impact de cette diminution sur les finances publiques, qu'il s'agisse de baisse des dépenses ou de hausse des recettes ?

Vous semblez confirmer la prudence dont ont fait preuve le Gouvernement et la majorité dans la gestion des finances publiques. Compte tenu de ce que vous avez dit du contexte international et de la situation qui a prévalu, au troisième trimestre, au Royaume-Uni, en Chine et en Allemagne, cette prévoyance me semble de bon aloi. En matière de finances publiques, un peu de conservatisme ne fait pas de mal, d'autant que vous confirmez la baisse du déficit public programmé malgré la poursuite du soutien apporté au pouvoir d'achat des Français et un véritable investissement dans le capital humain.

S'agissant de l'inflation, votre prédiction pour 2022 est en partie fondée sur la hausse des prix de l'énergie – électricité, gaz, carburants. Quels sous-jacents utilisez-vous pour élaborer cette prédiction ?

Enfin, Christine Lagarde a jugé, ce matin, très improbable une hausse des taux directeurs en 2022. Comment expliquez-vous l'importante différence d'appréciation qui existe à ce sujet entre la présidente de la BCE et le Haut Conseil des finances publiques ?

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Monsieur le président du Haut Conseil, vous vous dites plus satisfait aujourd'hui que lors de votre présentation de l'avis du HCFP sur le projet de loi de finances pour 2022. Si, cette fois, l'avis du Haut Conseil est éclairé, comme l'a dit notre rapporteur général, force est de constater qu'il ne l'est qu'à demi, car vous avez évoqué à plusieurs reprises des imprécisions, notamment à propos de la hausse des dépenses, estimée tout de même à 5,3 milliards d'euros. Le fait que des imprécisions ou des incertitudes subsistent concernant des éléments aussi importants me laisse dubitative.

Ma première question porte précisément sur la hausse des dépenses. Confirmez-vous qu'à ce stade, les dépenses ordinaires auront augmenté de 37,3 milliards d'euros entre 2021 et 2022, les 5,3 milliards que je viens d'évoquer venant s'ajouter à une hausse qui s'établissait jusqu'à présent à 32 milliards ?

Par ailleurs, la révision de la prévision concernant l'emploi et la masse salariale a un impact sur le taux des prélèvements obligatoires. Quelle est l'augmentation de ce taux en 2021 ?

Enfin, vous indiquez que « le repli du ratio de dette pour 2022 dans le PLF révisé par rapport au projet initial est plus fort que prévu », en précisant que « cela ne résulte pas d'une réduction du déficit public mais d'opérations de gestion de trésorerie de l'État ». Pouvez-vous nous donner quelques précisions sur ce point ?

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Je veux tout d'abord saluer la qualité de l'avis du HCFP.

Si la grande majorité d'entre nous se rangent derrière le consensus des économistes, lesquels considèrent que le regain d'inflation est temporaire, ce consensus semble plus faible qu'en septembre dernier, lorsque nous vous avons reçu pour examiner les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles repose le PLF pour 2022. La question de l'inflation a-t-elle fait l'objet de discussions importantes lors de l'examen des prévisions retenues pour le PLFR ? Quel pourrait être son impact selon les membres du Haut Conseil ?

La croissance française est très dynamique en cette fin d'année, puisqu'elle atteint 3 % au troisième trimestre, ce qui n'était pas arrivé depuis longtemps. Compte tenu de cette reprise très forte, l'acquis de croissance pour 2022 est élevé. Toutefois, la différence entre la croissance effective et la croissance potentielle pour 2022 s'affaiblit d'autant. L'hypothèse de croissance retenue par le Gouvernement, que vous estimez « plausible », a-t-elle, là encore, fait l'objet de débats au sein du Haut Conseil ?

Enfin, tout en jugeant sous-estimées les recettes assises sur la masse salariale et en soulignant le degré d'incertitude de la prévision des dépenses, vous qualifiez de plausible la prévision du déficit public pour 2022. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet ?

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Comme vous, monsieur le président du Haut Conseil, j'avoue ne pas comprendre la prudence excessive dont fait montre le Gouvernement à propos de la croissance du PIB, à moins qu'il ne veuille se prévaloir d'une réalisation meilleure que la prévision…

Depuis hier, des oiseaux de mauvais augure invoquent le niveau de la dette, qui mettrait en danger la lutte contre le réchauffement climatique. La dette est un outil qui doit être mis au service des politiques publiques. Or s'il est une politique qui est prioritaire, c'est bien celle qui vise à lutter contre le réchauffement climatique, à préserver la biodiversité et à réaliser la transition écologique, et ce quoi qu'il en coûte. Il en va de même pour la santé et la prise en compte du vieillissement de la population.

Quelles informations avez-vous eues sur le calendrier et le montant des dépenses nouvelles ?

Quelles sont les causes de l'inflation ? Celle-ci est-elle un effet de la politique monétaire ou un effet des tensions sur les approvisionnements ? Est-elle durable ou passagère ?

En quoi consiste l'opération de trésorerie qui explique la baisse de l'endettement en 2022 ?

Enfin, le CAC40 a atteint, ce matin, son record historique. Faut-il craindre l'apparition de bulles financières liées à la politique monétaire ?

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Comme vous, monsieur le président du Haut Conseil des finances publiques, nous nous félicitons que celui-ci ait été à nouveau saisi par le Gouvernement du PLF pour 2022 : il a pu ainsi apprécier avec plus de justesse les scénarios macroéconomiques envisagés et, partant, les prévisions de recettes et de dépenses.

L'avis du Haut Conseil rend compte d'une situation économique meilleure que prévu. La prévision de croissance pour 2021, révisée à 6,25 %, pourrait être encore plus importante. Malgré des dépenses elles aussi en hausse, le déficit public pourrait ainsi être moins élevé qu'anticipé – c'est une bonne nouvelle. Vous relevez que « le surcroît de recettes attendu n'est pas consacré au désendettement, mais qu'il est, au contraire, plus que compensé par un surcroît de dépenses ou de mesures de baisse des prélèvements obligatoires ». Nous partageons votre attachement à la bonne tenue des comptes publics et nous estimons également qu'il est nécessaire de commencer rapidement à réduire le niveau de la dépense publique.

Au vu de ces dépenses supplémentaires importantes, avez-vous pu actualiser l'effort budgétaire qu'il nous faudra fournir chaque année pour atteindre la cible des 3 % de déficit public en 2027 ?

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Il me semble, monsieur le président du Haut Conseil, qu'une phrase résume bien l'avis du HCFP : « […] le degré d'incertitude qui entoure la prévision de dépenses est important, compte tenu des mouvements d'ampleur affectant les nouvelles dépenses. Leur calendrier, leur rythme d'exécution et leur montant demeurent, à ce stade, à préciser. » Ainsi, alors que nous discutons du PLF pour 2022, que nous avons déjà voté les recettes et examiné environ la moitié des dépenses, certaines d'entre elles restent à préciser. C'est pour le moins inquiétant.

On peut se féliciter que notre pays sorte de la crise, mais notre groupe s'inquiète que ce soit au prix d'un accroissement du déficit public et de l'endettement. À ce propos, le Gouvernement a prévu d'isoler la « dette covid », dont le montant s'élève à 165 milliards d'euros, et de la rembourser à hauteur de 1,9 milliard par an. À ce rythme, il faudra 86 ans pour nous acquitter de l'intégralité de cette dette, pourtant liée à un événement conjoncturel. Ce ne sont plus nos petits-enfants que nous endettons, mais nos arrière-petits-enfants, voire nos arrière-arrière-petits-enfants ! Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

Bien entendu, nous sommes favorables à la relance et à une croissance nouvelle, mais elles ne peuvent pas se faire pas au prix d'un creusement du déficit public. Or, nous ne faisons pas les efforts structurels qui s'imposent. Si nous voulons rétablir durablement la situation de notre pays, il faudra entreprendre les réformes indispensables.

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Sous-exécution budgétaire et effets d'annonce, bricolage budgétaire avec de fausses prévisions et un faux équilibre : plus les budgets passent, plus on s'approche de l'élection présidentielle et plus la gestion des finances publiques par le Gouvernement est erratique et incompréhensible.

Mais je ne m'explique guère plus les avis du Haut Conseil des finances publiques. En septembre dernier, vous dénonciez l'incomplétude du budget et les prévisions pessimistes permettant au Gouvernement de se ménager des marges de manœuvre pour prendre des mesures supplémentaires – dont on sait déjà qu'elles consisteront en des allégements fiscaux qui finiront bien par peser sur le contribuable.

Aujourd'hui, plus rien de tout cela ! Vous préconisez que le surcroît de recettes attendu – les prévisions ayant été revues à la hausse, comme elles auraient dû l'être dès le début – soit consacré au désendettement. Tout se passe comme si vous étiez enfermé dans l'alternative suivante : l'accroissement de la dette ou son remboursement immédiat. Pourtant, dans la mission Engagements financiers de l'État, la « dette covid » est déjà cantonnée et amortie, et une partie des recettes de l'État sera affectée à son remboursement. Dès lors, pourquoi une telle préconisation ? D'autant que cette fameuse dette pourrait être roulée à taux négatif ou nul, voire transformée en partie en dette perpétuelle à taux nul par la BCE, qui en détient plus de 20 %. Non seulement cela n'aurait aucun effet négatif sur les acteurs économiques, mais cela permettrait d'effacer le coût de la crise sanitaire tout en améliorant la situation des caisses publiques.

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Six petites questions, monsieur le président du Haut Conseil.

Estimez-vous qu'une seconde saisine du Haut Conseil sur le projet de loi de finances initiale pour 2022 après le vote de l'article d'équilibre est constitutionnelle ?

Le Gouvernement a relevé sa prévision de croissance de 6 % à 6,25 %. Or, à la fin du troisième trimestre, le taux de croissance acquis est déjà de 6,6 %. Il faudrait donc une baisse de 1,4 % au quatrième trimestre pour atteindre 6,25 %. Quelle est votre estimation de la croissance en 2022 ?

Selon vous, le taux d'inflation prévu par le Gouvernement pour 2022, soit 1,5 %, n'est pas réaliste. À combien l'estimez-vous ?

Vous évaluez le déficit structurel à 5 % du PIB, et non à 4 %, comme le maintient le Gouvernement. Est-ce raisonnable ? C'est tout de même plus du double du déficit structurel constaté sur la période 2017-2019…

La légère baisse, en 2022, du ratio dette publique sur PIB – moins 1,8 point de PIB – s'expliquerait par des opérations de gestion de la trésorerie de l'État. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est exactement ?

Enfin, êtes-vous marri de constater que, contrairement à votre préconisation, le surcroît de recettes, plus de 5 milliards, a été consacré à de nouvelles dépenses et à de nouvelles baisses de recettes ?

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Monsieur le président du Haut Conseil, je vous remercie pour votre présentation de l'avis du HCFP sur le PLFR pour 2021 et – c'est plus original – sur les mises à jour du budget pour 2022.

L'inflation est au cœur des inquiétudes des Français, dont le pouvoir d'achat est la première préoccupation, notamment lorsqu'ils perçoivent de faibles revenus et sont confrontés à la hausse des prix de l'énergie. La poussée inflationniste actuelle va-t-elle durer ? N'est-il pas à craindre qu'elle pénalise la consommation des ménages des classes populaires, dont le pouvoir d'achat pourrait être sensiblement réduit, mais aussi celle d'autres ménages, qui pourraient être tentés d'épargner davantage ?

Ma question suivante a trait à l'épargne – je la pose de nouveau, car vous n'y répondez jamais. Le montant de l'épargne dite covid s'élève à plus de 150 milliards d'euros. Or force est de constater qu'elle n'a pas été dépensée à la faveur de la reprise économique. Puisqu'elle se concentre sur les 10 % des ménages les plus riches, ne serait-il pas opportun de prendre des mesures – une fiscalité exceptionnelle, par exemple, comme le proposait le Fonds monétaire international (FMI) – afin de la mobiliser ?

Enfin, la pénurie de matières premières, qui a du reste été mal anticipée, est-elle conjoncturelle ou va-t-elle durer ?

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Manifestement, les circonstances ont empêché l'ajustement structurel promis par le Gouvernement, puisque l'on s'oriente vers un déficit annuel de 205 milliards d'euros. Les menaces qui ont été évoquées – inflation, augmentation des taux d'intérêt, déficit considérable de notre commerce extérieur, faiblesse de la croissance potentielle… – soulèvent la question de la soutenabilité de la dette publique. Le Gouvernement promet un plan de remboursement qui repose sur un surcroît de recettes, mais il ne s'oriente pas dans cette direction. Dès lors, jugez-vous plausible l'hypothèse d'un désendettement à moyen terme et estimez-vous la dette soutenable à moyen terme ?

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Monsieur le président du Haut Conseil des finances publiques, je veux tout d'abord vous remercier d'avoir clos sans ambiguïté la polémique insincère sur le budget pour 2022, alimentée par un certain nombre de nos opposants.

Vous n'avez pas commenté le niveau de l'investissement prévu par le Gouvernement, qui augmenterait de 4,7 % en 2022. L'inflation comme l'emploi pourraient être, selon le HCFP, supérieurs aux prévisions. Un plan d'investissement pour l'avenir a été récemment annoncé. Le chiffre de l'investissement ne pourrait-il pas être, lui aussi, revu à la hausse ?

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Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques

Je me réjouis que l'avis du Haut Conseil des finances publiques ait suscité autant de questions, et je vais m'efforcer d'y répondre sans vous noyer sous les chiffres. Du reste, la grande confiance que vous manifestez dans le HCFP m'incite à vous encourager à étendre plus encore son mandat car, le périmètre de ses compétences n'incluant pas la prévision, j'aurai du mal à répondre à plusieurs de vos interrogations. De fait, un Haut Conseil qui peut mener une réflexion approfondie sur les politiques publiques est un appui précieux pour le Parlement, qui a besoin de ce tiers de confiance indépendant.

Je commencerai par une remarque d'ordre sémantique. La prudence est, certes, une vertu en matière de finances publiques : ici, être conservateur est effectivement de bon aloi. Mais ce terme est polysémique et, dans la terminologie du Haut Conseil, elle peut également qualifier une approche qui tend à sous-estimer légèrement les prévisions.

Par ailleurs, la prévision économique demeure un exercice délicat à l'issue de la crise, car – et c'est pourquoi je me garde d'être trop péremptoire ou trop sévère – les choses sont encore très mobiles. Ainsi, le HCFP a été saisi avant la publication des chiffres de l'INSEE, qui sont meilleurs que ceux pris en compte dans le scénario macroéconomique du Gouvernement, mais je sais d'expérience que le ministre ne prend connaissance de ces chiffres que la veille au soir de leur publication. Cet environnement assez mouvant peut donc expliquer un certain nombre d'imprécisions. Il n'en demeure pas moins que lorsqu'on soumet un projet de loi de finances au Parlement, il convient de les réduire autant que faire se peut.

Monsieur le président, les chiffres que vous m'avez demandés sont les suivants. En 2021, les dépenses sont révisées à la baisse de 1,2 milliard d'euros tandis que les recettes sont revues à la hausse de 5,7 milliards. Pour 2022, les dépenses et les recettes sont revues à la hausse respectivement de 5,3 milliards et de 0,4 milliard ; ainsi, le déficit se dégraderait de 5 milliards en 2022.

Nous avons bien entendu interrogé le Gouvernement sur la répartition du coût de l'indemnité inflation sur 2021 et 2022. Le dispositif est complexe : cette indemnité sera versée par les entreprises, lesquelles seront remboursées par l'État. Cela suppose une adaptation du logiciel de paye, dont le calendrier est incertain. C'est pourquoi je ne suis pas en mesure de vous indiquer très précisément les dépenses qui seront effectivement réalisées en 2021 et en 2022.

Deux dispositifs dépendent des prix de l'énergie : les charges de service public de l'électricité, qui baissent lorsque ces prix montent, et la compensation aux fournisseurs de gaz du blocage des prix de l'énergie, qui augmente lorsque le prix du gaz est en hausse. Le Gouvernement a pour principe de retenir une stabilisation au niveau récent, car c'est la meilleure prévision possible. Toutefois, le dernier niveau connu, celui d'octobre, correspond à un prix du baril de 84 dollars, supérieur de 15 dollars à la prévision du Gouvernement. Ainsi, s'il appliquait sa méthode usuelle, il en résulterait une inflation plus forte, évaluée sur un an à quelque 0,5 point. Comme ce n'est pas le cas, nous pensons que l'inflation telle qu'elle est évaluée dans les documents qui vous sont soumis pourrait être trop basse. S'ajoutent à cet élément d'autres facteurs de l'inflation sous-jacente – l'inflation cœur, comme l'on dit –, notamment la masse salariale.

Plusieurs dispositifs sont consacrés à l'investissement dans les compétences : le financement de France compétences, le plan d'investissement dans les compétences, en cours depuis 2018, le revenu d'engagement pour les jeunes, le plan « compétences » récent… Le Haut Conseil n'est pas la Cour des comptes ; il a une visibilité assez faible de leur articulation et de leurs éventuels recoupements. C'est pourquoi il a mentionné des risques d'exécution.

Le rapporteur général m'a demandé pourquoi nous considérons comme plausible la prévision de croissance pour 2022, qui demeure inchangée, à 4 %. Nous l'avions jugée comme telle dans notre avis du mois de septembre sur le PLF et le PLFSS pour 2022. De fait, elle est proche du consensus des économistes. Mais des évolutions dans les deux sens sont possibles : d'un côté, la croissance risque de pâtir de la dégradation de l'environnement économique mondial si elle devait se confirmer ; de l'autre, de nouvelles mesures de soutien du pouvoir d'achat et de l'investissement sont susceptibles d'entretenir la croissance de l'activité en 2022.

Je n'évoque jamais les débats internes au HCFP. Ils existent, car le Haut Conseil est composé de manière pluraliste : il comprend des économistes de sensibilités et d'origines différentes, des spécialistes des finances publiques et des membres de la Cour des comptes. La prévision de croissance a fait l'objet d'un débat et, en définitive, nous avons estimé qu'il n'était pas possible d'indiquer si les risques à la hausse, comme on dit à Bruxelles, l'emportent sur les risques à la baisse. C'est pourquoi nous avons qualifié la prévision de 4 % de plausible. Certains membres du Haut Conseil estiment que, l'acquis de croissance étant plus fort, la croissance pourrait être plus faible en 2022, tandis que, pour d'autres, certains facteurs fondamentaux laissent à penser que nous pourrions avoir de nouvelles bonnes surprises en matière de croissance.

Le Gouvernement a rehaussé d'un point sa prévision concernant la croissance l'emploi, ce qui représente 0,2 milliard de moindres dépenses dans l'indemnisation du chômage et une amélioration du solde de 0,3 milliard grâce à des recettes supplémentaires. Mais ce résultat pourrait être encore meilleur si, comme nous l'escomptons, la masse salariale augmentait, non pas de 7,2 % mais de 8 %, ainsi que le prévoit l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), par exemple.

Selon la prévision du Gouvernement, le ratio de dette publique serait quasiment stable en 2021, à 115,3 points de PIB, et reculerait en 2022 pour s'établir à 113,5 points de PIB. Il est revu en baisse de 0,3 point de PIB en 2021 par rapport au PLF présenté en septembre du fait de la révision à la baisse de la prévision de déficit, qui passe de 8,4 à 8,1 points de PIB.

La diminution du ratio de dette publique en 2022 est un peu plus prononcée que dans le PLF présenté en septembre : moins 1,8 au lieu de moins 1,5. Cependant, je vous invite à ne pas vous tromper sur l'origine de cette révision : cette plus forte baisse du ratio de dette ne résulte pas d'une réduction du déficit public, car celui-ci est plus élevé que dans le PLF initial, mais traduit une hypothèse de consommation plus importante de la trésorerie de l'État en 2022. Par rapport au PLF initial, le Gouvernement a en effet revu sa chronique de consommation de la trésorerie accumulée en 2020 : la consommation serait moindre en 2021 et plus importante en 2022. C'est ce qui sous-tend les opérations de trésorerie que nous avons mentionnées dans notre avis.

Dès le mois d'avril, le HCFP estimait que l'inflation, notamment sous-jacente, serait plus élevée en 2021 que prévu par le Gouvernement. De fait, elle s'est nettement redressée. Le Gouvernement n'a toutefois pas changé sa prévision par rapport au PLF initial pour 2022. L'augmentation des prix du pétrole depuis septembre, l'amélioration du marché du travail, plus forte qu'attendu, ainsi que la possibilité que la masse salariale augmente devraient plutôt pousser l'inflation à la hausse. Le Haut Conseil considère donc que la prévision d'inflation du Gouvernement pour 2022 semble désormais trop basse.

Les économistes n'attendent pas de hausse entretenue de l'inflation. Les pressions inflationnistes actuelles traduisent des perturbations temporaires, dues à la crise sanitaire. Les progrès de la vaccination et l'émergence de possibles traitements du covid devraient permettre de maîtriser davantage la situation sanitaire et de résoudre progressivement ces difficultés. Toutefois, les risques d'une hausse plus persistante de l'inflation ont clairement augmenté. Une révision des prix du pétrole pour tenir compte de la hausse récente augmenterait l'inflation d'un demi-point en 2022.

Vous m'avez interrogé sur la pérennité des recettes et des dépenses prévues en 2022. Nous décomposons les dépenses ainsi : 3,5 milliards de mesures de pouvoir d'achat, a priori non pérennes ; 2,8 milliards au titre du plan d'investissement France 2030, prévu sur cinq ans, donc pérenne ; 1,2 milliard d'investissement dans les compétences, de même durée ; et une moindre dépense de 2,6 milliards de charges de service public de l'électricité.

Concernant les recettes, tout serait pérenne. Cela représente moins 10 milliards avec la baisse de l'impôt sur les sociétés et de la taxe d'habitation, mais il y a tout de même une incertitude sur la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), qui dépendra du prix de l'électricité et des choix qui seront faits ultérieurement par le Gouvernement.

La « dette covid » donnera lieu à 1,6 milliard d'euros de remboursement en 2022. Le Gouvernement prévoit de la rembourser en vingt ans. Le Haut Conseil et la Cour des comptes jugent important que le remboursement de la « dette covid » apparaisse dans celui de la dette publique totale, car il n'y a pas de distinction entre les deux. C'est l'ensemble qu'il convient de gérer et de faire baisser.

Vous m'avez demandé si la croissance prévue pour 2022 était plausible. Les développements intervenus depuis septembre – nouvelles mesures de soutien au pouvoir d'achat et à l'investissement, dégradation de la situation économique internationale – jouent dans des sens opposés. Il n'y a donc pas à ce stade de raison de modifier la prévision.

La Banque centrale européenne est indépendante. En tout état de cause, il n'est pas sûr que la BCE accepte de souscrire à de la dette perpétuelle car cela pourrait l'empêcher d'atteindre ses objectifs en matière d'inflation et pourrait apparaître, à certains égards, contradictoire avec les dispositions des traités. Vous m'avez compris, et j'en reste là.

Quand retrouverons-nous un déficit de 3 % ? Le Gouvernement vous a donné un certain nombre de réponses à cet égard. Dans la trajectoire pluriannuelle actualisée, le déficit atteindrait 3 % du PIB en 2026, avec une évolution de la croissance des dépenses en volume de l'ordre de 0,6 % à moyen terme. Dans ce scénario, le ratio de dette publique augmente de plus de 2 points entre 2022 et 2026, la diminution du déficit prévue n'étant pas suffisante pour stabiliser le ratio de dette entre 2023 et 2025. On pourrait s'interroger sur le fait de savoir si c'est la trajectoire qu'il convient d'adopter. Observons que ce n'est pas exactement la trajectoire qu'ont retenue nos principaux partenaires de la zone euro, qui marquent tous une tendance à la diminution de la dette publique. Le Portugal a déjà diminué son ratio de dette de 5 points en un an et envisage de le diminuer encore de 13 points d'ici à 2024, avec un déficit qui sera à 3 % du PIB en 2022. Nous ne sommes pas du tout dans la même situation, nous avons d'autres contraintes, mais je maintiens que le rendez-vous avec le désendettement et la maîtrise de la dépense devra être honoré.

Je terminerai par deux remarques. La première porte sur les propos de Christine Lagarde sur les taux d'intérêt. Elle a fait référence aux taux directeurs de la Banque centrale, donc aux taux courts, alors que j'ai évoqué les taux longs. Même si les taux courts ont un impact sur les taux longs, ils ne sont pas le seul déterminant de ceux-ci, et d'autres facteurs peuvent intervenir. La politique monétaire des États-Unis, par exemple, peut affecter les taux longs si le tapering, ou resserrement de la politique monétaire, se poursuit. Il n'y a donc pas de contradiction avec les déclarations de la présidente de la BCE.

Ma seconde remarque porte sur la dette publique. C'est un débat que nous devrons avoir après juin 2022. Je ne veux pas être un oiseau de mauvais augure et je ne considère pas que la dette publique soit une politique publique. Il est clair, en revanche, et chacun le sait, que trop de dette réduit la marge de manœuvre permettant de conduire des politiques publiques ambitieuses, que ce soit en matière de développement durable ou de cohésion sociale. La dette publique, à un stade excessif, est une mauvaise chose, tant pour l'économie que pour les services publics. C'est pourquoi je me permets de vous dire, sans aucune idéologie ni aucune pression austéritaire, que la France devra traiter cette question dans les années qui viennent.

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Un peu de bon sens ne nuit pas, même sur ces sujets compliqués. Je vous remercie, monsieur le président.

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 3 novembre à 11 heures 30

Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. Patrice Anato, M. Jean-Noël Barrot, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bricout, M. Fabrice Brun, Mme Émilie Cariou, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. Éric Coquerel, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Dominique David, Mme Cécile Delpirou, M. Benjamin Dirx, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, M. Patrick Hetzel, M. Alexandre Holroyd, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Luc Lamirault, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, Mme Marie Lebec, M. Marc Le Fur, M. Patrick Loiseau, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, Mme Zivka Park, M. Hervé Pellois, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. François Pupponi, Mme Valérie Rabault, M. Robin Reda, M. Xavier Roseren, Mme Sabine Rubin, M. Laurent Saint-Martin, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Éric Woerth, M. Michel Zumkeller

Excusés. - M. Damien Abad, M. Julien Aubert, Mme Jennifer De Temmerman, Mme Frédérique Lardet, Mme Claudia Rouaux, M. Olivier Serva