Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Réunion du lundi 7 juin 2021 à 14h05

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION D'ENQUÊTE relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intÉRÊts privés et ses conséquences

Lundi 7 juin 2021

La séance est ouverte à quatorze heures cinq.

(Présidence de Mme Mathilde Panot, présidente de la commission)

La commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences, procède à l'audition de M. Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie.

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Mes chers collègues, nous reprenons aujourd'hui les travaux de la commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences.

Les auditions de cette semaine seront consacrées à la situation et à la gestion de l'eau en Guadeloupe. Nous allons également poursuivre nos investigations sur les conditions de mise en œuvre de l'offre publique d'achat (OPA) de Veolia sur Suez et sur la vente de la participation détenue par Engie au sein de Suez.

Nous recevons M. Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie depuis 2018.

Monsieur le président, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de prendre le temps de répondre à notre invitation.

Je vais vous donner la parole pour une intervention liminaire, qui précèdera notre échange sous forme de questions et réponses. Je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

M. Jean-Pierre Clamadieu prête serment.

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Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie

Je précise qu'en plus d'être président du conseil d'administration d'Engie, j'en suis également un petit actionnaire.

Engie est un grand groupe énergétique, qui a clarifié récemment sa stratégie en se concentrant sur deux métiers : la production d'électricité d'origine renouvelable et les infrastructures énergétiques des collectivités locales (réseau de chaleur, réseau froid).

L'État détient environ 23 % du capital d'Engie. Notre entreprise n'est ni publique ni contrôlée par l'État. Toutefois, l'État y a investi une participation suffisante pour jouer un rôle dans sa gouvernance. Notre conseil d'administration compte trois représentants de l'État.

Je n'ai pas été nommé par M. Gérard Mestrallet, comme je l'ai entendu, mais sélectionné par le comité de nomination du conseil d'administration d'Engie, puis proposé à l'assemblée générale par ce conseil. J'ai été nommé à l'assemblée générale en 2018, puis le conseil m'a choisi comme président. Je suis administrateur indépendant au sein du conseil et libre d'intérêts.

En juillet 2008, au moment de la fusion entre Suez et Gaz de France (GDF), il a été décidé que les activités d'environnement de Suez ne feraient pas partie de l'ensemble fusionné, mais qu'elles seraient isolées dans une entreprise, nommée Suez Environnement, qui a été placée en bourse.

Un pacte d'actionnaires a été conclu, dont Engie a été partie prenante. Ce pacte nous a imposé certaines obligations, en particulier celui de rester actionnaires de l'entreprise. Celui-ci a pris fin en juillet 2013.

À partir de ce moment-là, Suez est devenu une participation financière pour Engie. Nous ne consolidions pas Suez dans nos comptes ; nous étions simplement propriétaires de 32 % du capital, et nous avons été représentés au conseil au fil du temps par quatre, trois puis deux administrateurs.

De plus, nous entretenions très peu de synergies opérationnelles. L'an dernier, quelques dizaines de millions d'euros de chiffre d'affaires ont été réalisées sur des projets communs entre Suez et Engie.

Depuis 2013, la question du devenir de la participation d'Engie est régulièrement posée. Lorsque j'ai pris mes fonctions de président du conseil d'Engie, il m'a semblé évident qu'il fallait s'orienter soit vers une intégration complète de Suez chez Engie, soit vers une cession de nos parts. Je me suis ensuite rendu compte que la réalité était plus complexe.

Fin 2018-début 2019, un nouveau directeur général de Suez a été nommé, M. Jean-Louis Chaussade ayant atteint la limite d'âge, puis un nouveau président. Au sein du conseil d'administration d'Engie, nous avons pris une position qui a fait l'objet d'une communication publique en décembre 2018. Nous y avons indiqué que le statut quo nous convenait pour le moment, et que nous resterions actionnaires à un peu plus de 30 %.

Début 2019, M. Bertrand Camus a été nommé directeur général de Suez. C'est Mme Isabelle Kocher, la directrice générale d'Engie, qui a participé aux discussions qui ont abouti à cette nomination. En mai 2019, M. Bertrand Camus, qui venait tout juste de prendre ses fonctions, est venu me consulter.

Je me rappelle lui avoir dit qu'il avait une situation particulière à gérer. Le fait que 32 % de son capital était détenu par une autre entreprise industrielle ne représentait pas une situation stable. Il fallait donc qu'il se prépare, soit à une augmentation de participation et à une intégration de Suez - son rôle dans ce scénario étant plutôt passif -, soit à une cession de participation. Dans le second cas, il devait imaginer une solution permettant de défendre ses intérêts.

Fin 2019, Suez a dû choisir un nouveau président du conseil. Engie, qui détenait plus de 30 % des droits de vote, avait une capacité forte à influer sur ce choix. J'ai rencontré les quelques candidats qui avaient été identifiés, et je leur ai signifié qu'il faudrait rapidement envisager les conditions d'évolution de l'actionnariat de Suez.

À l'époque, Engie n'avait pas fait de choix. L'avenir de notre participation chez Suez était lié à un sujet plus large : déterminer si le groupe allait se concentrer sur ses métiers de développeur de projets ou s'il allait inclure parmi ses ambitions stratégiques une volonté de développement dans les services.

Cette réflexion stratégique s'est poursuivie chez Engie au fil de l'année 2020. Nous avons conclu cette réflexion au cours d'un conseil d'administration qui s'est tenu au mois de juillet 2020. Nous y avons pris des orientations stratégiques relatives aux énergies renouvelables et au réseau énergétique des collectivités locales.

Dans le domaine des services, nous avons fait le choix de réduire notre position au service énergétique. Cette décision a conduit Engie au projet d'isoler un ensemble large d'activités de services (installation et montage).

Eu égard à la focalisation du groupe sur ses métiers industriels, le conseil a pris la décision de désinvestir notre participation chez Suez. À l'occasion de la présentation du compte de résultat à la fin du mois de juillet, la question de la participation d'Engie chez Suez m'a été posée. J'ai alors répondu que tout était possible.

Préalablement, j'avais informé M. Philippe Varin, président de Suez, de notre intention. Je lui avais indiqué que la réflexion stratégique était engagée au sein du conseil d'Engie, et qu'une sortie du capital était envisagée. Au mois de juillet, je l'ai appelé deux autres fois pour l'informer que la décision se précisait. Philippe Varin m'a alors signifié qu'il faisait appel à des banquiers et à des avocats pour se préparer à cette situation.

Je précise que les décisions concernant les orientations stratégiques ont été prises à l'unanimité du conseil.

Le 3 août, M. Antoine Frérot m'a appelé pour manifester son intérêt vis-à-vis de l'avenir de cette participation, et pour me signifier qu'il serait prêt à faire des propositions le moment venu. Le 27 ou le 28 août, je l'ai rencontré à l'université d'été du Medef. Il m'a alors proposé de prendre rendez-vous afin de me faire une proposition.

Antoine Frérot a souhaité fixer une rencontre un dimanche matin, ce qui m'a donné à penser qu'il avait des éléments précis à me présenter. En effet, les réunions entre entreprises qui ont lieu le dimanche portent souvent sur des sujets que l'on souhaite traiter au moment de la fermeture des marchés.

Ce dimanche, Antoine Frérot m'a indiqué sa volonté de réaliser une offre pour l'achat de 29,9 % d'Engie, en portant un accent fort sur le fait que cette opération pourrait être réalisée rapidement. J'ai été surpris qu'il souhaite rendre sa proposition publique. Je savais en effet que si tel était le cas, nous perdrions en partie le contrôle de ce processus.

L'opération s'est ensuite déroulée de manière publique. Dans un premier temps, le conseil d'Engie a considéré que la proposition était intéressante mais qu'elle ne paraissait pas répondre à ses attentes, que ce soit en matière de prix ou de garanties relatives au projet industriel et à ses impacts sociaux.

Tout au long du mois de septembre, nous avons négocié avec Veolia pour obtenir l'amélioration de cette proposition. Dans le même temps, j'ai signifié à Philippe Varin, président du conseil d'administration de Suez, que nous accueillerions avec beaucoup d'intérêt une proposition alternative venant de Suez. Or cette proposition n'a jamais été faite.

Pendant cette période, Suez s'est plutôt éloigné et n'a jamais souhaité partager ses réflexions avec nous, alors même que nous avions indiqué clairement qu'à conditions égales, nous privilégierions une offre supportée par le conseil d'administration de Suez.

L'offre de Veolia expirait le 30 septembre. Nous avons réuni un conseil ce jour-là, pour constater que l'offre avait été largement améliorée sur le plan financier, puisqu'elle conduisait au prix de 18 euros. De plus, les engagements sociaux qui avaient été pris dans une lettre nous paraissaient solides. Le projet industriel semblait également cohérent.

En revanche, il nous semblait qu'un effort supplémentaire devait être mené pour réellement ouvrir le dialogue entre Suez et Veolia. Le 30 septembre, nous avons donc demandé un délai supplémentaire pour qu'une discussion directe s'engage entre Suez et Veolia.

Ce délai a expiré le 5 octobre. Pendant ces cinq jours, j'ai joué le rôle de médiateur entre les parties. Nous avons réalisé certaines avancées sur les éléments qui pouvaient rendre cette opération amicale. Finalement, nous avons constaté que les parties ne parvenaient pas à s'aligner.

Dans ce contexte, nous avons décidé de vendre notre participation à Veolia. L'opération a été exécutée dans les jours suivants.

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Merci, monsieur le président. Selon des informations parues dans la presse, M. Alexis Kohler, secrétaire général de la Présidence de la République, aurait appelé quatre administrateurs pour faire approuver la nomination au conseil d'Engie du 2 octobre de Mme Catherine MacGregor en tant que directrice générale d'Engie, bien que sa candidature n'ait fait l'objet d'aucune présélection.

Qu'en est-il ? Le confirmez-vous ou l'infirmez-vous ?

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Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie

Je l'infirme. Mme Catherine MacGregor avait été identifiée dans le processus de sélection de notre directeur général depuis le mois de mars. Elle faisait partie des listes initiales de candidats. Je n'ai connaissance d'aucune intervention de qui que ce soit sur ce processus.

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En février 2020, en qualité de président du conseil d'administration, vous avez évincé Mme Isabelle Kocher de ses fonctions de directrice générale d'Engie. Mme Catherine MacGregor, qui lui a succédé, a pris ses fonctions chez Engie près d'un an plus tard, en janvier 2021, une fois que la vente de Suez avait été actée et après l'établissement du plan stratégique de l'entreprise.

Vous avez donc été pendant presque un an à la fois président du conseil d'administration et directeur général d'Engie. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce qui s'apparente à une crise de gouvernance ?

Quelles étaient votre légitimité et votre autorité en tant que président du conseil d'administration d'Engie pour prendre ce type de décisions opérationnelles habituellement dévolues à la direction générale d'un groupe ?

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Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie

Je n'ai pas évincé Isabelle Kocher. Le conseil d'administration d'Engie a décidé de manière très consensuelle en février 2020 de ne pas renouveler son mandat, qui arrivait à échéance à la fin du mois de mai. Nous avions le sentiment qu'il fallait un nouveau dirigeant pour mener une nouvelle étape de la vie du groupe.

Une gouvernance provisoire a alors été mise en place, avec une équipe de direction générale composée de trois personnes : Judith Hartmann, Paulo Almirante et Claire Waysand, notre secrétaire générale, qui est devenue directrice générale par intérim.

Le groupe disposait donc d'une gouvernance tout à fait opérationnelle pendant cette période. Je rappelle que c'est bien le conseil d'administration qui fixe la stratégie. La cession d'une participation aussi importante que celle de Suez relève de sa responsabilité.

Je n'ai pas souhaité lancer le processus de sélection du remplaçant d'Isabelle Kocher avant que la décision relative à l'éventuel renouvellement de son mandat ne soit prise. Le processus a été lancé en mars, au début de la pandémie. Le conseil souhaitait clarifier ses orientations stratégiques de manière à choisir un directeur général aligné avec ces orientations.

Nous avons clarifié ces orientations à la fin du mois de juillet, et nous avons choisi Catherine MacGregor au début du mois d'octobre. Cette dernière a pris ses fonctions le 1er janvier 2021.

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L'information qui est parue dans deux médias, Mediapart et Challenges, selon laquelle Isabelle Kocher aurait été évincée, est donc fausse ?

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Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie

Le conseil d'administration a décidé de ne pas renouveler son mandat.

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Confirmez-vous qu'il n'y a pas eu d'appel de M. Alexis Kohler ?

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Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie

Je n'en ai pas reçu sur ce sujet. Je n'ai connaissance d'aucune intervention de quelque nature que ce soit de la part de M. Kohler sur les sujets relatifs à la gouvernance d'Engie.

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Vous auriez joint la directrice du fonds Ardian la semaine précédant le conseil d'administration du 5 octobre pour lui signifier que si Ardian déposait une offre, celle-ci serait considérée comme inamicale.

En quoi une offre concurrente à celle de Veolia pouvait-elle être vue comme inamicale par Engie ? Pourquoi n'avez-vous pas laissé à Ardian les six semaines nécessaires à la construction de son offre ?

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Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie

A partir du 30 août, j'ai affirmé à de nombreuses reprises dans les médias qu'une seconde offre était tout à fait souhaitable.

Par ailleurs, j'ai indiqué à Philippe Varin qu'une offre dont les conséquences seraient identiques pour Engie et qui serait présentée avec l'appui du conseil serait examinée avec beaucoup d'attention par le conseil d'administration d'Engie.

Ardian nous a adressé un document le 30 septembre, alors même que le conseil d'administration d'Engie, qui devait prendre sa décision, avait débuté. Il y exprimait son intérêt à acheter, sans fixer de prix et sans nous préciser au nom de qui il parlait. De plus, Ardian conditionnait l'acceptation de son offre à l'abandon de l'offre de Veolia et demandait un délai relativement long pour réaliser des due diligences.

Par ailleurs, la rédaction des conditions sociales de cette offre laissait à penser que les garanties de maintien de l'emploi ne concerneraient que les métiers dits stratégiques.

Le 4 octobre, soit la veille du second conseil, j'ai échangé par téléphone avec Mme Dominique Sénéquier pour lui signifier qu'une offre d'Ardian serait bienvenue dès lors qu'elle serait ferme. Elle en a conclu qu'elle ne serait pas en mesure de présenter une offre répondant à ces conditions.

Lorsque l'on travaille avec des fonds tels qu'Ardian, il est indispensable de bénéficier d'une situation de concurrence. S'agissant d'un fonds de private equity, le prix indiqué le premier jour n'est pas celui qui est proposé au moment de la conclusion de l'opération. Pour nous, il était donc inimaginable d'abandonner l'offre de Veolia pour s'orienter vers une offre virtuelle soumise à des due diligences.

D'ailleurs, dans les six mois suivants, Ardian n'a pas été en mesure d'exprimer une offre ferme.

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Pourquoi n'avez-vous pas émis d'appel d'offres pour la vente de la participation de Suez, comme c'est l'usage ? Pourquoi avez-vous préféré retenir sans autre examen la proposition de Veolia, au risque même de perdre de l'argent ? Sans la contre-offre d'Ardian, la valeur de l'action se serait élevée à 15,50 euros, contre 20,50 euros maintenant.

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Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie

Il n'existe pas d'usage dans ce domaine. Nous avons été pris de vitesse par Veolia. Je n'ai pas eu le sentiment que la vente de cette participation représentait alors le chantier le plus urgent.

Par ailleurs, à la fin du mois de juillet, l'action de Suez cotait un peu plus de 10 euros. Il ne me paraissait pas souhaitable de vendre dans ces conditions.

Lorsque Veolia est parvenu à un niveau de prix de 18 euros, qui nous semblait raisonnable, nous avons considéré qu'il y avait une opportunité pour Engie de valoriser cette participation dans de bonnes conditions.

Je pense que la présence d'Ardian n'a absolument pas pesé sur l'augmentation de l'offre de Veolia à 18 euros.

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Quelles étaient les raisons de la participation d'Engie dans Suez après la fin du pacte d'actionnaires en 2013 et avant la cession de ses titres en octobre 2020 ? Quelle position stratégique avez-vous souhaité acter au cours de cette période ?

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Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie

Après la fin du pacte d'actionnaire, les raisons de cette participation étaient devenues peu nombreuses. Nous ne développions pas de projets stratégiques en commun. À mon arrivée, il m'est apparu nécessaire de clarifier l'avenir de notre participation.

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Vous avez regretté le manque d'anticipation de Suez sur cette affaire. Pouvez-vous le détailler ?

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Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie

Après notre annonce de fin juillet, Veolia s'est montré beaucoup plus rapide que ce que nous avions imaginé. De plus, sa proposition présentait quelques avantages . A contrario, Suez n'a pas été en mesure de présenter une contre-offre crédible dans le délai qui lui était imparti.

Il me semble que le délai compris entre le 2 juillet et le 5 octobre aurait été largement suffisant pour proposer une offre alternative. Celle-ci n'a toutefois pas eu lieu. Je pense donc effectivement que Suez a manqué d'anticipation sur ce sujet.

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Comment expliquez-vous l'extrême rapidité de Veolia ?

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Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie

Je crois que Veolia envisageait depuis longtemps de se saisir de toute opportunité d'opération de rapprochement avec Suez. Ceci explique pourquoi elle a été en mesure de nous faire une offre dès la fin du mois d'août.

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Pensez-vous que les dirigeants de Veolia ont eu écho d'une information avant celle qui a été rendue publique par le groupe Engie ?

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Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie

Non. Nous avons gardé cette information confidentielle. Je n'ai pas le souvenir de fuites ayant entaché ces réflexions. Je pense que Veolia s'est préparé à compter de notre annonce du 30 juillet.

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Pourquoi le groupe Engie n'a-t-il pas attendu un accord amiable entre les groupes avant de procéder à cette cession, comme le souhaitait apparemment l'État ?

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Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie

Le 30 septembre, nous avons décidé de nous accorder quelques jours supplémentaires pour explorer la possibilité d'un accord amiable.

Le 4 octobre, nous avons posé les éléments de base d'un accord, dont le périmètre était plus favorable pour Suez que ce qui a finalement été obtenu dans les discussions des dernières semaines. À cette date, Philippe Varin m'a signifié qu'il n'était pas en mesure d'obtenir un soutien du conseil d'administration de Suez à un projet dit amical.

J'en ai tiré la conclusion que nous ne pourrions pas obtenir une décision d'amicalité entre les deux groupes avant la cession de notre bloc. J'étais en revanche persuadé qu'après cette cession, les discussions s'engageraient. Celles-ci ont bien eu lieu, mais j'ai toutefois été surpris que cela ait pris plus de six mois. C'est bien vers une OPA amicale que nous nous orientons aujourd'hui.

J'ai conclu de nos échanges dans la période comprise entre le 30 septembre et le 5 octobre qu'il était impossible d'obtenir l'accord du conseil d'administration de Suez sur une approche amicale.

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Avez-vous échangé avec des responsables de l'exécutif pour connaître leur position sur ce projet ? Quelle était alors leur position ?

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Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie

L'État étant actionnaire d'Engie, il a accès à toutes les informations des administrateurs. Durant la phase de préparation de nos orientations stratégiques, des échanges ont eu lieu avec l'Agence des participations de l'État (APE).

Avant la tenue du conseil du mois de juillet, j'ai rencontré M. Bruno Le Maire pour échanger sur ces orientations. A partir du 30 août, j'ai régulièrement échangé avec l'Agence des participations de l'État, Bruno Le Maire et Alexis Kohler pour les tenir informés des évolutions du dossier.

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Bruno Le Maire nous a indiqué lors de son audition que l'État n'était pas favorable à cette cession. Or celle-ci a néanmoins eu lieu. Comment l'expliquez-vous ?

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Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie

La décision de cession a été prise par le conseil d'administration d'Engie, dans lequel l'État est représenté par trois actionnaires.

Le 30 septembre, au cours du premier conseil qui a examiné ce projet, l'État a souhaité qu'un délai supplémentaire soit demandé à Veolia pour permettre des échanges en vue de rendre ce projet amical.

Le 5 octobre, Bruno Le Maire et moi avions l'objectif identique d'obtenir que cette opération devienne amicale, mais une vision différente sur la manière de l'obtenir. J'avais le sentiment qu'en l'absence de prise de position d'Engie sur la cession de ce bloc, il serait très difficile d'obtenir un réel échange. Je pensais donc qu'il fallait que nous procédions à cette cession. M. Bruno Le Maire aurait souhaité procéder différemment, en accordant un délai supplémentaire avant la cession de notre bloc.

C'est le conseil d'administration du 5 octobre qui a tranché entre ces deux visions, en évaluant l'intérêt d'Engie dans le cadre de cette opération. Nous avons finalement décidé de la cession de ce bloc.

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Comment est-il possible que l'État ne puisse pas imposer à Engie sa façon de voir, comme il l'a fait concernant la stratégie relative au gaz de schiste ?

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Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie

L'État influe sur la stratégie d'Engie par sa position au conseil. Le dossier de cession d'une participation de Suez relève de la responsabilité du conseil. L'État a fait valoir ses positions. Deux des trois administrateurs représentant l'État ont voté contre cette cession et le troisième s'est abstenu.

Le dossier que vous évoquez est de nature totalement différent. Un débat a eu lieu au sein du conseil d'administration sur un projet de contrat d'approvisionnement gazier. Le débat a fait apparaître des positions diverses des uns et des autres au sein du conseil, ce qui nous a conduits à ne pas approuver ce projet.

À l'exception d'un des trois administrateurs représentant l'État, qui est désigné par arrêté, les autres administrateurs ont vocation à défendre l'objet social d'Engie. Nous échangeons et cherchons le plus souvent possible à obtenir un consensus.

Dans le cas de la cession de participation chez Suez, une majorité d'administrateurs se sont exprimés en faveur de la cession.

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Quel impact aura, à votre sens, la fusion entre Veolia et Suez sur le marché de l'eau et de l'assainissement en France ?

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Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie

Je pense que l'impact sera limité par le fait que Veolia ne fera pas l'acquisition des activités de Suez Eau France.

Celles-ci sont amenées à devenir un ensemble indépendant, avec de nouveaux actionnaires : un consortium regroupant la Caisse des dépôts, Meridiam et GIP. L'impact sur la situation du marché français de l'eau devrait être relativement faible.

Les règes de la concurrence imposaient qu'aucune intégration n'ait lieu entre Suez et Veolia, s'agissant des activités Eau France.

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Monsieur Clamadieu, vous êtes-vous déjà rendu à Mykonos, en Grèce ?

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Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie

Probablement pas au cours des 20 dernières années : j'ai dû m'y rendre dans ma jeunesse. Je n'ose vous demander pourquoi vous me posez cette question.

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Nous avons reçu des informations selon lesquelles vous auriez rencontré M. Antoine Frérot au début du mois d'août 2020. Infirmez-vous cette information ?

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Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie

Oui. J'ai passé mes vacances de 2020 en France, dans la région de Biarritz. J'ai eu un échange téléphonique avec M. Antoine Frérot, que j'ai rapporté tout à l'heure.

Entre le 1er janvier 2020 et le 27 août 2020, je n'ai pas rencontré M. Frérot, si ce n'est à une réunion de l'Institut de l'entreprise qu'il préside. Nous n'avons pas échangé un mot sur des sujets relatifs au business.

Je n'ai eu aucun contact avec M. Frérot avant qu'il m'appelle début août pour me faire part du fait qu'il allait probablement faire une proposition, puis qu'il revienne le 30 août avec la proposition qui a été rendue publique.

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Monsieur Clamadieu, vous avez été nommé par le gouvernement. Le ministre de l'Économie et des finances vous avait demandé d'ajourner la tenue du conseil d'administration actant la vente des parts de Suez à Veolia.

Pourquoi n'avez-vous pas suivi l'ordre donné par le gouvernement aux administrateurs de l'État lors du conseil d'administration du 5 octobre de voter contre la vente de la participation à Veolia ?

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Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie

Je ne représente pas l'État au sein du conseil d'administration d'Engie. J'ai été proposé à l'assemblée générale par le conseil. Au regard du résultat, l'État a probablement voté en ma faveur. Je suis toutefois un administrateur indépendant. Je ne reçois donc aucune instruction sur les positions qui doivent être prises.

Notre entreprise est régie par le code de commerce. 77 % de nos actionnaires sont des actionnaires privés. Mon rôle de président de conseil d'administration consiste à faire fonctionner une gouvernance dans laquelle nous recherchons le plus possible un alignement avec l'ensemble de nos actionnaires.

Le 5 octobre, le conseil d'administration d'Engie a pesé les éléments qui lui étaient soumis : la réception d'une offre à un niveau de prix très intéressant, assortie d'engagements sociaux solides et d'un projet industriel cohérent.

De plus, M. Frérot s'était engagé in fine à ne pas lancer d'OPA hostile. En revanche, nous n'avions pas reçu d'accord du conseil d'administration de Suez sur cette proposition.

En date du 5 octobre, nous considérions toutefois qu'il était impossible d'obtenir cet accord. L'État pensait au contraire qu'il existait une possibilité d'obtenir un accord avant que nous cédions cette participation.

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Des témoins rapportent que vous auriez déclaré avant le vote du 5 octobre que toutes les personnes ne prenant pas part à ce vote devaient sortir de la salle. Pour quelle raison ?

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Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie

En droit des sociétés, une abstention en assemblée générale est considérée comme un vote neutre, alors qu'en conseil d'administration, une abstention revient à un vote contre.

S'agissant de certaines décisions, chez Engie, il était acté que certains administrateurs représentant les salariés ne prennent pas part au vote, afin d'afficher une neutralité.

Concernant une affaire importante, et sur les conseils de notre directeur juridique, il m'est apparu nécessaire de demander que ceux qui ne souhaitaient pas prendre part au vote quittent la salle.

Deux administrateurs souhaitaient une totale neutralité dans leur vote. Or la seule manière de le faire consiste à ne pas prendre part au vote.

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Que s'est-il passé dans l'heure qui a précédé le conseil d'administration ? En effet, celui-ci a été reporté d'une heure.

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Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie

Le conseil d'administration devait se tenir vers 18 heures. J'ai reçu une demi-heure avant un appel de Martin Vial, patron de l'APE, qui m'a informé du retard de son administrateur et m'a demandé de décaler le début du conseil. J'ai donc accepté de le reporter d'une heure.

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N'avez-vous pas vu les deux administrateurs de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) pendant cette heure, comme cela a été rapporté dans la presse ?

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Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie

Non. J'ai eu de nombreux échanges avec tous les administrateurs pour comprendre leur positionnement et prendre connaissance des explications qu'ils souhaitaient voir présenter au conseil. J'étais toutefois prêt à tenir le conseil à l'heure initialement prévue.

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Vous avez affirmé avoir eu des échanges avec les administrateurs, mais vous ne les avez pas vus physiquement pendant l'heure précédant le conseil d'administration. Est-ce bien cela ?

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Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie

Je n'ai tenu aucune réunion avec certaines catégories d'administrateurs avant le conseil, mais j'ai certainement dû tous les croiser, car nous attendions ensemble l'arrivée de l'administratrice représentant l'État.

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Je vous remercie, monsieur Clamadieu, d'avoir pris le temps de répondre à notre invitation. Je vous invite à compléter vos déclarations par écrit.

La réunion se termine à quinze heures cinq.