La réunion débute à neuf heures
Nous nous retrouvons ce matin pour une session d'auditions consacrée aux pays de transit.
Nous entendrons tout d'abord la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire du ministère de l'Europe et des affaires étrangères avec monsieur Cédric Prieto, sous-directeur de la politique des visas.
Avant de débuter l'audition, je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations. Je vous rappelle également que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
Monsieur Cédric Prieto prête serment.
Je vous demanderai de nous dresser les grands traits de la politique des visas mise en œuvre aujourd'hui. Je souhaiterais en particulier savoir quels sont les effets de la pandémie sur la politique des visas.
Je relève qu'une manifestation des étrangers a eu lieu hier. Ceux-ci affichaient le slogan : « Stop dématérialisation ». Quelle est votre réflexion sur cette question particulière de l'accès au droit ?
La dématérialisation fait partie des grands projets de l'État numérique. Elle concerne en particulier le parcours des étrangers en France, du dépôt de la demande de visa jusqu'à la délivrance de la vignette finale. Ce projet est en construction depuis un certain temps. La dématérialisation rassemble plusieurs enjeux, notamment la fracture numérique et l'accès de nos concitoyens aux démarches dématérialisées – qu'il s'agisse des séjours en France ou du renouvellement des titres d'identité. La dématérialisation concerne l'ensemble des usagers et pas seulement les étrangers. Elle constitue un facteur de progrès et d'avancée, mais il faut pouvoir permettre aux usagers d'accéder aux outils dématérialisés pour effectuer leurs démarches dans les meilleures conditions.
S'agissant de la politique des visas, je préciserai tout d'abord le périmètre d'action de la direction des Français à l'étranger (DFAE) au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Les migrations sont une question transversale qui dépend de plusieurs services et départements. Dans le champ politique, nous disposons d'un ambassadeur chargé des migrations, d'une ambassadrice pour les droits de l'homme, de directions géographiques, de la sous-direction des droits de l'homme et des affaires humanitaires, de la direction des Nations unies et des organisations internationales et de la direction de l'Union européenne – s'agissant du politique, les migrations couvrent donc un champ très large au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
Mon domaine d'action est pratique et opérationnel. Il s'agit de la déclinaison de choix politiques, en particulier dans le domaine des visas. Nous avons la chance de nous appuyer sur près de 850 agents présents à l'étranger dans les services des visas. Les compétences en matière de visas sont partagées par deux ministères : le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de l'intérieur. Ce copilotage peut, de l'extérieur, parfois donner une impression schizophrénique. Nous ne partageons pas toujours les mêmes visions et les mêmes philosophies. Dans les faits, cela donne lieu à un travail en bonne intelligence et parfaitement coopératif. Il y a un lien intrinsèque entre le visa et le séjour : nos actions s'inscrivent donc dans une continuité.
Ce copilotage s'articule autour de trois piliers : la préservation de la sécurité et de l'ordre public, la lutte contre les migrations irrégulières et l'attractivité. La politique d'attractivité anime la politique des visas du ministère de l'Europe et des affaires étrangères au quotidien.
Ce copilotage se traduit par deux rendez-vous annuels : la commission stratégique des visas se réunit deux fois par an sous la direction des directeurs de cabinets des deux ministères.
Ce copilotage se fonde sur plusieurs textes réglementaires : un décret de 2007 relatif aux attributions du ministre de l'immigration, de l'intégration et de l'identité nationale à l'époque, un décret de 2008 qui distingue les instructions générales des instructions particulières relatives aux demandes individuelles de visas, et le décret du 13 novembre 2008 relatif aux attributions des chefs de missions diplomatiques et consulaires.
Les compétences des visas relèvent pour l'essentiel du ministère de l'intérieur, à l'exception de trois catégories que nous traitons au ministère : les visas sollicités pas les détenteurs d'un passeport diplomatique, les visas relatifs aux procédures d'adoption internationale et les visas relatifs à des cas individuels de politique étrangère de la France après consultation du ministère de l'intérieur. Cette dernière catégorie peut par exemple concerner des dissidents, pour lesquels le cabinet estime dans des cas très ponctuels qu'ils doivent être mis en sécurité.
Notre champ d'action s'étend donc aux migrations légales. Nous distinguons les visas de court séjour (ou visas Schengen) encadrés par le code communautaire des visas (CCV) de 2009, remis à jour en 2019. Ils concernent plus de 90 % des délivrances de visas. Les visas de long séjour sont régis pour l'essentiel par le code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile. Ces visas de long séjour permettent l'établissement en France pour des durées plus ou moins longues.
Avec quels moyens exerçons-nous ces compétences ? Nous disposons de deux sous-directions en administration centrale : la sous-direction de la politique des visas au ministère de l'Europe et des affaires étrangères et la sous-direction des visas (SDV) au ministère de l'intérieur à Nantes. Notre sous-direction se compose de 14 agents, alors que la SDV compte 110 agents. Cela s'explique car elle traite en priorité des visas sur passeports ordinaires, qui représentent 98 % des visas délivrés. Pour notre part, nous nous appuyons également sur le réseau consulaire et les services des visas à l'étranger, qui se composent d'environ 850 agents. Parmi eux, nous employons 248 agents de catégorie C, 524 agents de recrutement local, 28 agents de catégorie B et 7 volontaires internationaux (VI) travaillant sur l'asile. À cela s'ajoutent des mois de vacation. En 2019, nous avons totalisé 600 mois de vacations calculés sur la base des recettes de visas de l'année N-1.
Cette architecture a été très ébranlée depuis un an en raison de l'effondrement des demandes de visa, et donc des délivrances et des recettes. Cela nous invite à repenser cette architecture de nos services et de la délivrance des visas, et à essayer d'élaborer des scénarios sur l'organisation de nos postes en sortie de crise. Cela constitue pour nous une véritable difficulté.
À cette organisation des visas s'ajoutent des prestations de services extérieurs. Depuis une quinzaine d'années, nous avons confié la collecte des demandes de visas à trois prestataires exclusifs choisis au terme de procédures d'appels d'offres. Ils couvrent environ 93 % des demandes de visas. Pourquoi recourir à des prestataires extérieurs ? Nous avons fait face, entre 2000 et 2019, à un doublement de la demande de visas à l'étranger alors que nous travaillions à effectifs constants. Certains demandeurs se trouvaient dans des villes où nous n'avions plus de postes consulaires et où nous étions dans l'impossibilité d'accueillir dans de bonnes conditions les usagers. L'explosion de la demande rendait impossible l'instruction des dossiers par nos agents. Nous avons donc décidé de faire appel à ces prestataires de services extérieurs il y a une quinzaine d'années. Cette initiative a été saluée par la Cour des comptes. Nos prestataires collectent les demandes de visas dans des centres dans 62 pays puis les transmettent sous forme dématérialisée aux postes consulaires. Le poste consulaire conserve la prérogative sur le choix de délivrer ou non le visa, ainsi que les compétences de contrôle sécuritaire et de lutte contre la fraude. Nous laissons donc la partie administrative aux prestataires et les services de l'État conservent la partie régalienne.
Cela a permis d'ouvrir des centres dans de très nombreux endroits et de faciliter les conditions d'accueil des usagers. Les prestataires proposent différents services annexes payants : il s'agit aussi bien de services premiums comme la biométrie à domicile ou l'envoi des passeports sous pli sécurisé, que de services de photocopies et de photos d'identité. Ces prestataires ne sont pas payés par l'État, ils se rémunèrent donc sur les frais de services. Ces frais de service sont plafonnés à 50 % du prix du visa, soit 40 euros dans le cas d'un visa Schengen classique dont le prix est de 80 euros. Ces prestataires de service extérieurs emploient environ 2 000 agents. Ils sont au nombre de trois : VFS, TLS et Capago. Ils couvrent de très grands pays : la Russie, la Chine, le Maghreb, le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni et un certain nombre de pays d'Afrique sub-saharienne.
En 2019, nous avons enregistré plus de 4 300 000 demandes de visas ; nous en avons délivré environ 3 500 000. Les recettes se sont élevées à 219 millions d'euros. En 2020, notre activité a connu une chute brutale d'environ 80 % : nous avons reçu seulement 874 000 demandes pour environ 715 000 délivrances de visas. Les recettes ont atteint seulement 50 millions d'euros. Cela induit un coût énorme en matière de vacation pour la reprise. Les principaux pays demandeurs sont le Maroc, l'Algérie, la Russie, la Tunisie et la Chine ; ils concentrent 50 % de l'activité en 2020.
L'effondrement de la demande ne concerne pas tous les pays ni tous les types de demandeurs. Par exemple, les étudiants s'en sortent bien. La chute est très brutale en revanche sur les visas touristiques de court séjour. La chute est moins brutale en Afrique sub-saharienne et au Maghreb que dans les autres régions du monde (Chine et États-Unis notamment).
Où va-t-on maintenant ? Comment la reprise va-t-elle se faire ? Elle se fera de manière très différenciée d'un pays à l'autre. Elle sera beaucoup plus longue en Asie : il faudra attendre des mois voire des années avant de voir des groupes de touristes chinois revenir en France. Elle se fera sans doute plus rapidement pour les pays du Maghreb pour certains types de visa. Cela dépend des questions de vaccinations Nous avons peu de visibilité à ce sujet. Pour l'instant, la campagne étudiante reprend bien : nous avons bon espoir de pouvoir au moins sauver ces visas liés à l'attractivité. Notre activité est très liée aux conditions sanitaires d'entrée sur le territoire. Nous disposons donc pour l'instant d'une faible visibilité mais nous constatons que la reprise sera très différenciée selon les régions du monde.
La question des étudiants est très importante. Les étudiants sont désormais la catégorie qui connaît le plus grand nombre de délivrances de titres de séjour pour entrer dans notre pays.
Merci et bravo à vous et à vos services.
Nous nous intéressons aux pays de transit et à la politique de visas de la France. J'ai en mémoire les paroles de Marielle de Sarnez qui ne cessait de dire qu'il faut ouvrir des portes aux gens et leur permettre d'aller et revenir chez eux grâce à des visas de type aller-retour de long terme. Elle avait compris depuis longtemps que l'immigration est un sujet européen et international avant d'être un sujet local. Le trafic des migrants représente, d'après monsieur François Gemenne, le troisième business le plus lucratif au monde après les stupéfiants et la prostitution. Il ne s'agit pas d'ouvrir les portes à tout le monde mais d'accompagner les gens afin qu'ils ne se sentent plus enfermés dans leur propre pays si celui-ci offre moins d'opportunités économiques, moins d'ouverture, moins de démocratie. Marielle de Sarnez parlait d'ouvrir des ponts avec ces pays ; si nous y arrivons, peut-être pourrons-nous alors franchir de nouvelles étapes dans la coopération avec ces pays.
Vous avez cité le décret de 2007 relatif aux attributions ministre de l'immigration, de l'intégration et de l'identité nationale de l'époque. Quelles mesures de ce décret sont encore en vigueur ?
J'aborderai également la coordination avec le ministère de l'intérieur. Depuis dix ans, comment la relation avec le ministère de l'intérieur a-t-elle évolué ? Beaucoup d'ambassadeurs admettent en off être épuisés du prisme sécuritaire appliqué à la politique des visas et à la politique migratoire en France. Cela m'interroge sur votre degré d'implication dans l'élaboration de cette vision sécuritaire.
Vous avez indiqué avoir délivré près de 4 millions de visas. Quels sont les taux de délivrance selon les pays ? Comment expliquer que des pays similaires aient des taux d'acceptation différents ?
Monsieur Gemenne a bien expliqué que les barrières à l'entrée créent un marché de la clandestinité. Que vous inspire cette remarque ? Quel travail conduisez-vous en interne pour lutter contre cette clandestinité ?
L'année 2020 a connu une baisse importante des demandes et donc des délivrances de visas. Quels sont les impacts de cette baisse sur les différents secteurs d'activité économique de notre pays ?
J'abonde dans le sens de Sonia Krimi qui rappelait l'engagement de Marielle de Sarnez. Je prône une fluidité accrue des migrations et une vision moins sécuritaire. Dans le traitement au jour le jour des demandes de visa, est-il possible d'adopter une vision plus bienveillante pour permettre des allers-retours ?
Cette dernière question concerne les visas de circulation. Il s'agit de visas de courts séjours qui permettent à l'usager de bénéficier d'une longue durée de validité du visa. Un visa simple prévoit 180 jours de présence sur le territoire sur six mois. Un visa de circulation, lui, prévoit 180 jours de présence sur le territoire tous les six mois sur une durée allant entre un et cinq ans. Cela permet à l'usager de bénéficier de ce visa pour une durée longue et de faire des allers et venues, sous réserve du respect de sa durée de séjour en France.
Ces visas sont très demandés dans des pays auprès desquels nous souhaitons promouvoir l'attractivité : il s'agit notamment des pays du Maghreb et des pays francophones d'Afrique sub-saharienne. Ces visas de circulation sont très appréciés car ils permettent des durées de séjour assez longues en France et des allers et venues. L'on observe que les détenteurs de ces visas de circulation, diplômés et bénéficiant de conditions socio-économiques élevées, préfèrent avoir la liberté de faire des allers et venues. L'on observait, jusqu'en mars 2020, une progression forte de ce type de visas. Ce type de visas devrait être encouragé sans conduire à une fuite des cerveaux.
Quel est le pourcentage des visas de circulation délivrés sur les quatre millions de visas délivrés au total ?
Je ne dispose pas de ce chiffre dans l'immédiat. Je vous communiquerai le chiffre précis et vous préciserai les durées et les pays concernés.
La question du partage des compétences entre les deux ministères et de l'arbitrage entre le sécuritaire, l'attractivité et la lutte contre l'immigration illégale constitue un vrai débat. Nous travaillons en bonne intelligence avec le ministère de l'intérieur au niveau central. La SDV est presque essentiellement composée d'agents du ministère de l'Europe et des affaires étrangères qui ont vocation à réintégrer le ministère pour d'autres affectations. Cette sous-direction fait partie de la direction générale des étrangers en France, qui est, elle, vraiment une direction du ministère de l'intérieur et qui poursuit ses principes et sa ligne propres. Les échanges entretenus au quotidien et le rendez-vous annuel permettent de rapprocher les positionnements et d'échanger nos vues. Cela permet de s'entendre et de se comprendre. En ce qui concerne les questions sécuritaires, nous ne sommes pas les seuls décisionnaires. Nous sommes tenus par des considérations européennes.
Nous développons France-Visas. Il s'agit d'un programme de dématérialisation des visas du dépôt de la demande jusqu'à la délivrance de la vignette finale. Ce programme, sur lequel nous travaillons depuis quelques années, est en cours de développement et de mise en application. Il suit plusieurs phases. Tout d'abord, la phase du module guichet permet le dépôt de la demande chez le prestataire de service extérieur ; nous avons également commencé la dématérialisation de la demande étudiante depuis le mois d'avril. Ce prestataire transmet la demande au poste consulaire grâce au module instruction qui sera déployé l'année prochaine. À cela s'ajoute un module de consultation sécuritaire. Ce module permet, pour chaque dossier, le croisement et le criblage dans les bases de données sécuritaires nationales et internationales. La législation européenne encadre ces consultations sécuritaires.
Nous ne perdons pas notre indépendance en matière de délivrance de visas. Mais nous entrons dans une phase où tout sera davantage interconnecté entre les pays de l'espace Schengen. Il me semble déterminant de prendre cela en compte pour traiter du sujet des migrations. Le meilleur encadrement des migrations à l'échelle européenne et le meilleur contrôle des frontières internes et des frontières de l'espace Schengen sont essentiels.
Je reviendrai sur les différences de taux de délivrances de visas entre des pays qui semblent proches. Dans le cas des pays du Maghreb par exemple, ces différences s'expliquent par une fraude plus ou moins importante : les fraudes à l'état civil et les fraudes documentaires explosent, et viennent s'ajouter aux fraudes aux prestations sociales. La fraude documentaire est pour nous un sujet de préoccupation majeur. Ma direction va monter en compétence à ce sujet. De plus, les types de visas demandés ne sont pas forcément les mêmes, il est donc difficile de comparer un pays à l'autre.
S'agissant de l'impact économique de l'effondrement des visas en 2020, je ne peux pas vous répondre. Il faudrait interroger Bercy à ce sujet. Cet impact est certainement considérable pour le tourisme.
Je n'ai pas évoqué la troisième source légale de visas : les arrêtés outre-mer. Ces arrêtés sont le fait des trois ministères de l'Europe et des affaires étrangères, de l'intérieur et de l'outre-mer. L'outre-mer dispose de sa législation propre et peut appliquer des dispenses et des exceptions de visas selon certaines nationalités. L'outre-mer a été très fortement impacté par la crise et par la suspension des entrées et sorties de touristes dans ses territoires.
J'ai échangé avec Olivier Pliez, un chercheur du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) qui a travaillé sur les villes du Sahara à partir des années 1990. Il voit dans les déplacements de populations depuis la Libye des mouvements circulaires davantage que des mouvements linéaires conduisant à une installation en France. Vous avez indiqué que le passeport Talent était une forme d'adaptation à des réalités actuelles. Ma question part des réalités historiques de ces mouvements circulaires autour du bassin méditerranéen. Les visas sont-ils en phase avec ces réalités historiques ? J'ai l'impression que la gestion administrative des visas n'est pas en phase avec la réalité humaine des déplacements. Les allers et venues constituent toute une richesse. Pensez-vous que le dispositif actuel est suffisant ?
Pouvez-vous nous transmettre les chiffres des demandes de visas et du taux de délivrance par pays en 2020 ? Ces informations permettraient peut-être de nous réconcilier avec l'idée selon laquelle l'on accorde majoritairement des visas à des pays riches. Pourquoi ? Quels déterminants président à la décision d'attribution d'un visa à une personne ? S'agit-il de son pays, de son sexe, de son histoire personnelle, de son potentiel ?
Il n'y a pas de déterminisme sur la délivrance du visa. Nous ne délivrons pas de visa à raison du sexe ou de la couleur de peau. Ce sont d'abord des choix politiques qui président à la délivrance des visas. À ce sujet, le niveau européen est important. La présidence française de l'Union européenne constitue le moment ou jamais de pouvoir impulser une certaine vision et certaines idées pour faire bouger les lignes.
Il existe un volontarisme politique quant à la promotion de l'attractivité dans certains pays, par exemple les pays d'Afrique sub-saharienne, grâce à Campus France et aux passeports Talent – en particulier en Afrique du nord et en Égypte où ces passeports sont en forte progression.
Je pense que la distinction entre pays riches et pays pauvres ne se pose pas. Nous constatons l'explosion des visas pour les pays pourvoyeurs de touristes, la Chine ou la Russie par exemple. Nous sommes pragmatiques. Il n'y a pas de mauvaise volonté ou de mauvaise gestion des demandes de visas au niveau des postes consulaires. Nous avons au contraire pu fluidifier la demande grâce aux prestataires extérieurs de services pour que tous les usagers puissent accéder à ce service dans les meilleures conditions possibles.
En revanche, les demandes sont plus ou moins fondées sur des critères qui peuvent être vus comme des potentialités d'immigration illégale ou de maintien irrégulier sur le territoire. Nous sommes vigilants à ce type de dérives. Celles-ci seront certainement davantage suivies au niveau européen dans les années à venir, avec la mise au point d'un système calqué sur l'autorisation ESTA (electronic system for travel authorization) américain, afin de mieux suivre les entrées et sorties de l'espace Schengen. Il s'appellera le système ES.
Une part importante de la délivrance des visas tient à la relation bilatérale avec les États : le sujet des visas peut être un élément prédominant dans une relation bilatérale. Cela dépend du niveau de coopération plus ou moins important des États étrangers avec la France. Ce niveau de coopération justifie des accords de facilitation pour avantager certains types de demandeurs qui peuvent alors bénéficier de délais de délivrance plus courts, de frais réduits, d'un nombre réduit de justificatifs à apporter à leur demande. Ces paramètres promeuvent la venue en France de certaines nationalités. La délivrance de visas recouvre donc plusieurs réalités. Elles dépendent de choix politiques et se déclinent dans les relations bilatérales.
Je reviendrai enfin sur la question des mouvements circulaires. Tout système peut être amélioré. Il faut pouvoir tenir compte au maximum de ces mouvements circulaires. Les travailleurs saisonniers constituent un sujet important pour nous, y compris sur le plan économique. Nous tentons de fluidifier les déplacements. Dans une année normale, je pense que cela fonctionne. Certes, cela pourrait mieux fonctionner – mais cela fonctionne. Je souligne par ailleurs un problème de moyens dans nos postes qui sont, comme partout, limités en matière d'effectifs.
Ma dernière question est relative aux résultats de l'enquête longitudinale sur l'intégration des primo-arrivants (Elipa 2) en 2019. Je suis frappé de lire que « près de 4 personnes sur 10 disposant d'un droit au séjour au titre de liens personnels et familiaux déclarent être arrivées avant 2010 en France, soit plus de neuf ans avant d'obtenir leur premier titre de séjour. La grande majorité des personnes admises en 2018 dans le cadre d'une migration humanitaire sont arrivées en France entre 2014 et 2016, soit deux à quatre ans avant d'obtenir leur titre ». Ces statistiques caractérisent la situation de clandestinité. Je mets ces chiffres en parallèle avec le nombre de recours que vous pouvez recevoir. Puisqu'au bout de dix ans, ces personnes obtiennent un titre de séjour, n'est-ce pas constater que nous avons raté quelque chose dix ans auparavant ?
Cette question devrait être posée au ministère de l'intérieur. Ce constat montre effectivement des dysfonctionnements à la base. L'on peut s'interroger sur la mise en route et l'attribution tardives des titres de séjour par rapport à l'arrivée des personnes en France. Je n'ai malheureusement pas de réponse et je n'ai pas de commentaire à faire. Cela mériterait d'être creusé.
Oui, cela relève d'un échange entre votre ministère de tutelle et le ministère de l'intérieur. Je vous remercie.
Je vous remercie pour l'audition de ce jour et je vous félicite pour le travail effectué par vos services.
La réunion se termine à dix heures.