La séance est ouverte à 16 heures 20.
Présidence de M. Éric Ciotti, président de la commission.
Avant de vous donner la parole pour une intervention liminaire, au cours de laquelle vous pourrez nous préciser la perception et les moyens de détection de la radicalisation dans les services dont vous avez la responsabilité, je vais vous inviter – en vertu de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 qui vous impose de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité – à lever la main droite et à dire « je le jure ».
(M. Éric Morvan, Mme Brigitte Jullien et M. Philippe Lutz prêtent successivement serment)
Je me présente devant vous comme « l'encore » directeur général de la police nationale, puisque mon successeur a été nommé au Conseil des ministres de ce jour. Je ne suis évidemment pas en mesure de m'arrêter sur les détails des faits dramatiques qui ont eu lieu le 3 octobre dernier à la préfecture de police, qui relèvent du préfet de police et sont pour partie classifiés ou relevant de l'autorité judiciaire.
Comme a pu vous le dire Mme Lucile Rolland, cheffe du service central du renseignement teritorial (SRCT), les renseignements territoriaux relevant de la direction générale de la police nationale ne connaissaient pas Mickaël Harpon. D'après les informations publiques en notre possession, ce dernier fréquentait la mosquée de la Fauconnière à Gonesse qui n'est pas considérée comme fondamentaliste et ne faisait pas l'objet d'une surveillance approfondie, si ce n'est le suivi habituel des établissements cultuels. La seule information transmise par les services territoriaux faisait alors état de la présence de M. Ahmed Hilali qui y avait, comme dans d'autres mosquées, tenté de diviser le bureau de l'association gestionnaire.
Compte tenu de ce que je viens de dire, et à la lecture du questionnaire que vous m'avez adressé, il me semble que vous attendez de moi un état des lieux de la radicalisation au sein de notre institution et des outils dont nous sommes dotés – dans une version rénovée, après ces faits dramatiques – pour répondre à cette problématique.
Depuis le mois de mars 2015, un groupe de travail suit ce qu'il est convenu d'appeler le phénomène de radicalisation interne. Ces mots doivent être employés avec le plus grand soin tant il est difficile de définir clairement ce qu'est la radicalisation. En droit, elle ne constitue d'ailleurs ni une infraction pénale, ni véritablement un manquement à une obligation déontologique expressément visée par le code de déontologie de la Police nationale et de la Gendarmerie nationale en application depuis le 1er janvier 2014.
Toutefois, l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) s'est vu confier cette tâche pour la simple raison que, compte tenu de la difficulté à aborder un phénomène par nature sensible et complexe, la tentation des services a toujours été de traiter ce sujet sous l'angle disciplinaire. Le motif invoqué pour prononcer une sanction peut tout aussi bien viser le devoir d'exemplarité que celui de loyauté, d'obéissance, de neutralité, de réserve, de discrétion, de respect du crédit et du renom de la police nationale. C'est par ces prismes que le sujet est abordé. et non sur l'aspect radicalisation en tant que telle, puisque la notion juridique n'est pas clairement établie.
Jusqu'au drame qu'a connu la préfecture de police le 3 octobre dernier, nous avions en moyenne, une trentaine de signalements nécessitant une évaluation précise et complète de la possible dangerosité du sujet. L'un des traits communs à ces signalements est la longueur des arrêts maladie produits par des fonctionnaires : c'est encore le cas aujourd'hui. Les éléments conduisant au signalement sont généralement ceux d'une pratique religieuse rigoriste, particulièrement exacerbée en période de ramadan, du moins pour certains fonctionnaires de confession musulmane. Ces signes sont souvent d'autant plus évidents qu'ils sont liés à un changement de comportement constaté par l'entourage proche de l'intéressé : le port de la barbe ; le refus de serrer la main à des collègues féminines, voire de faire équipe avec elles ; la pratique régulière et ostensible des prières rituelles ; la présence d'une hyperkératose au milieu du front ; le prosélytisme religieux intempestif ; la consultation de sites religieux depuis le poste de travail ; la fréquentation notoire de personnes radicalisées ; le port d'un voile sur la voie publique pour un fonctionnaire féminin… La liste est longue. Je pourrais également évoquer des propos éventuels qui marquent une forme de compréhension vis-à-vis de certains actes terroristes qui ont pu se dérouler sur ou en dehors du territoire national… Tous ces cas signalés méritent un traitement adapté et les mesures prises sont de nature très diverses. Le panel des décisions prises comprend – au-delà des cas de démissions qui sont le fait des intéressés eux-mêmes – le refus d'agrément d'une candidature à un concours à l'issue de l'enquête administrative qui est diligentée ; le refus de permettre l'intégration à une classe préparatoire à l'École nationale supérieure de la police ; la déclaration d'inaptitude d'un élève à l'issue de sa scolarité par le jury d'aptitude professionnelle ; le non-renouvellement du contrat ou le licenciement d'un adjoint de sécurité ; l'adaptation du poste de travail, c'est-à-dire le fait d'accepter qu'un fonctionnaire puisse continuer à travailler, mais désarmé, sans accès aux fichiers de police, etc. ; le passage en commission médicale ; l'annulation d'une mutation ; la mutation dans l'intérêt du service; le retrait d'habilitation secret défense … Et bien entendu, le panel des sanctions disciplinaires ; les poursuites pénales pour des faits de nature pénale (par exemple, violation du secret professionnel ou consultation indue de fichiers de police) ; la surveillance par un service spécialisé ; la radiation des cadres après l'épuisement des droits à congé maladie ; et puis, depuis peu, l'engagement de la procédure prévue par l'acticle L. 114‑1 du code de la sécurité intérieure.
Le drame du 3 octobre dernier a entraîné un fort accroissement des signalements. Avant cette date, quatre-vingt quatre signalements avaient été recensés, dont cinquante six avaient été classés après levée de doute. Vingt-huit cas restaient en cours de traitement par nos services. Après le 3 octobre, cent cinq nouvelles saisines ont été émises, surtout dans un esprit de précaution au regard de comportements ou d'informations évoquant une vision radicalisée de la religion. Au 27 janvier 2020, au moment où nous refaisions un bilan pour pouvoir fournir à votre commission d'enquête des chiffres extrêmement récents, cent six cas sont toujours actifs, dont quarante quatre affectés à la préfecture de police et trente six à la direction centrale de la sécurité publique.
La situation nouvelle m'a conduit à préciser dans une instruction du 25 novembre 2019, postérieure aux faits donc, la procédure de cheminement des signalements et leur exploitation au sein du périmètre de la police nationale dans sa large acception, c'est-à-dire la direction générale de la police nationale et la préfecture de police. Un maillon essentiel est constitué par le groupe d'évaluation centrale (GEC), dont le secrétariat et la présidence ont été confiés à l'Inspection générale de la police nationale : c'est une instance qui réceptionne les signalements par le truchement d'une boîte mail dédiée, qui les complète par des informations sur l'environnement et la carrière professionnels de l'agent avec notre direction des ressources et des compétences ; qui est la direction des ressources humaines de la police nationale. Ce groupe saisit bien évidemment les services spécialisés de renseignement et réunit mensuellement l'ensemble des services concernés, pour exposer les résultats des vérifications et décider en commun d'une proposition de solution. Lorsque les réflexions de ce groupe d'évaluation central concluent à une radicalisation incompatible avec les missions de l'agent – indépendamment de l'éventuel vecteur de l'inscription au Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) qui est toujours à disposition de l'administration –, l'instruction décline les mesures prévues à l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure. C'est-à-dire une proposition au directeur général de la police nationale ou au préfet de police, selon les périmètres, si la voie de l'article L. 114-1 est retenue et que les recherches n'ont pas été intégralement faites, de saisine du service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS) pour la production d'un document de synthèse. À cet égard, l'instruction reprend cette saisine ultime du SNEAS, ce qui peut apparaître surprenant puisque dès lors qu'on a demandé au directeur général de la police nationale ou au préfet de police une saisine de la Commission paritaire interministérielle, il ne semble pas utile de saisir à nouveau le SNEAS, qui constituerait une sorte de filet de sécurité en terme de criblage. On aurait pu imaginer que l'ensemble des criblages avaient déjà été faits. C'est forcément le cas, et notamment par une étude approfondie par les services de renseignement. Un guide méthodologique avait été édité par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) et prévoyait qu'on puisse saisir in fine le SNEAS pour assurer la cohérence de notre instruction avec l'instruction du SGDSN et pour la fourniture d'un document de synthèse.
Dans notre processus, issu de mon instruction du 25 novembre 2019, l'ensemble des diligences doivent être faites tout au long de l'instruction du dossier. Il y a donc l'élaboration par l'IGPN d'un rapport d'enquête, la transmission de ce rapport à la direction d'emploi s'il y a un changement d'affectation interne ou à la direction des ressources et des compétences de la police nationale en cas de décision portant sur une mutation dans l'intérêt du service ou en cas de radiation des cadres. Et donc, la possibilité de la saisine de la commission paritaire prévue à l'article L. 114-1 du code de la sécurité inérieure.
À ce stade, j'ai été amené très récemment à me pencher sur le dossier d'un fonctionnaire – nous en avons deux actuellement – pour lequel le groupe d'évaluation central nous a recommandé la saisine de la commission paritaire. C'est de ce cas d'un fonctionnaire actif, c'est-à-dire policier, que je viens de la saisir le 27 janvier. Le dossier d'un fonctionnaire administratif sera également transmis à la commission incessamment. Mais au moment où je vous parle, je n'ai pas encore eu à signer cette deuxième saisine. Donc, deux cas à examiner : celui d'un gardien de la paix et celui d'un adjoint administratif qui ont, ou vont, faire l'objet d'une saisine de la commission.
Ce groupe d'évaluation centrale se réunit désormais tous les mois, sous la présidence de l'Inspection générale en présence de l'ensemble des acteurs concernés, c'est-à-dire le service central du renseignement territorial, l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT), la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), la Direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale, la direction des ressources et des compétences, la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris, et la direction des ressources humaines de la préfecture de police. L'ensemble des services évoquent tous les cas signalés, s'assurent qu'ils font l'objet du traitement le plus adapté, et de réunion en réunion, suivent l'évolution des diligences qui sont faites pour pouvoir proposer soit au préfet de police soit au DGPN, selon les périmètres, la décision qui semble la plus adaptée au cas traité.
En parallèle de ce que fait l'UCLAT en matière de radicalisation violente, les chefs de délégation de l'IGPN animent dans les territoires des actions de formation et de sensibilisation aux principes de laïcité et à l'obligation de neutralité. À ce jour, plus de sept cents cadres ont participé à ces séances.
Nous avons bien conscience que le risque zéro n'existe pas, mais la police nationale a déployé un dispositif à même de maîtriser le risque, ou en tout cas de faire en sorte qu'il soit davantage sous contrôle. Toutefois, au-delà des signaux perceptibles parce que visibles, nous avons conscience aussi qu'il peut y avoir des basculements plus ou moins soudains, liés notamment à une fragilité psychologique individuelle, qu'il est plus difficile d'anticiper.
Aussi pour être à même de faire face à cette situation dans les conditions optimales, tout en évitant de stigmatiser certains policiers en raison de leur religion, il est certainement possible de progresser. En amont du recrutement, les enquêtes d'agrément doivent être menées avec la plus grande rigueur et faire l'objet d'un criblage complet systématique. Le risque de radicalisation doit être un critère d'appréciation du comportement durant la formation initiale, donc participer de l'appréciation générale de l'élève. Les agents pourraient être soumis à un criblage régulier par le SNEAS, ce qui n'est aujourd'hui pas le cas, y compris les agents administratifs travaillant dans le cadre du périmètre large de la police nationale, DGPN ou préfecture de police. La laïcité, valeur fondamentale de la République, doit sans doute faire l'objet d'une formation obligatoire et à tous les échelons de la hiérarchie administrative. Je ne pense pas seulement aux gardiens de la paix, ni seulement à la formation initiale. L'IGPN qui pilote le groupe d'évaluation central doit pouvoir bénéficier d'un accès direct à notre système d'information des ressources humaines dans le cadre des vérifications qu'elle est amenée à conduire. Bien entendu, le service central du renseignement territorial gagnerait à voir ses moyens renforcés afin de conforter ses capacités d'évaluation, puisque c'est pour eux une charge nouvelle et d'une grande ampleur. Nous avons 150 000 policiers dans le périmètre de la police nationale, c'est donc un travail important.
Et puis, je vous livre les choses de manière un peu directe, nous conduisons une réflexion qui n'est pas encore aboutie. La police nationale n'a pas une tradition d'aumônerie : contrairement à nos camarades de la gendarmerie, nous n'avons pas d'aumônier, de quelque religion que ce soit. Pour autant, nous nous demandons si certains de nos policiers ne trouveraient pas bénéfice à avoir, quelque part, lorsqu'ils s'interrogent sur la manière de vivre leur religion, une sorte de référent, de phare de la pensée si je puis dire, auquel ils pourraient parler… Notre réflexion est en cours : je le répète, il n'est pas dans la tradition de la police nationale d'avoir une aumônerie. Il existe des associations, comme Police et humanisme, d'obédience chrétienne : elle existe, elle peut nous inviter à des manifestations, mais, culturellement, nous avons toujours quelque distance par rapport à cela. Pour autant, on ne peut pas s'interdire d'approfondir cette question. On travaille en tout cas, à savoir si sans aller jusqu'à l'aumônerie, il serait possible d'avoir un référent éclairé sur les questions que pourraient se poser des policiers sur la manière par exemple de vivre leur islam, des questions sur la compatibilité de leur religion avec telle ou telle situation dans laquelle ils pourraient se trouver professionnellement. C'est une piste qui est encore en réflexion et sur laquelle je n'ai pas encore – je le confesse, si je puis dire – de certitudes…
Enfin, comme en matière de criminalité, le cyberespace doit faire l'objet d'une surveillance attentive, permanente, et déboucher bien entendu sur la fermeture de sites. C'est ce qui est fait de manière très horizontale, mais sans doute devons-nous avoir une veille attentive aussi lorsqu'on détecte que, derrière un certain nombre de sites ou de tweets, peuvent se trouver des policiers. On arrive à démasquer des policiers qui se répandent sur les réseaux sociaux en tenant des propos racistes, homophobes, etc. L'IGPN a été saisie encore récemment d'affaires assez navrantes à ce sujet. Je pense aussi qu'il faut qu'on ait une veille sur des propos tenus sur la toile, qui pourraient avoir des connotations qui font penser à des formes de radicalisation ou à des cheminements qui pourraient y conduire.
Vous avez été assez exhaustif dans vos réponses, notamment sur les éléments chiffrés, et je vous en remercie. J'ai été un peu étonné par vos propos sur la constitution d'une aumônerie. Est-ce une réflexion récente ? Cela relève-t-il d'une instruction ministérielle, d'une réflexion interne ?
Non, pas du tout, il n'y a aucune instruction ministérielle, même pas suggérée… Après ce drame, on s'est – heureusement – interrogé sur cet échec – parce qu'il n'y a pas d'autres mots pour qualifier ce qui s'est passé – du point de vue de l'administration. Et au-delà des procédures que je vous ai décrites, on s'est également interrogé sur d'autres aspects moins administratifs, moins réglementaires. Notamment sur cette idée que, face à des policiers tentés par des lectures « inappropriées », je vais le dire comme ça, de la tradition du Coran, il pourrait être utile qu'un interlocuteur (sans qu'on puisse imaginer que l'administration tire les ficelles) porte une parole apaisante, légitime, pour remettre la mosquée au milieu du village si vous me permettez cette trivialité. Cela ne peut pas être un référent policier qui serait formé à l'islam… L'aumônerie, encore une fois, n'est pas une tradition et l'on n'a pas véritablement envie de se lancer dans cette démarche. Mais peut-être a-t-on tort. C'est une réflexion que nous menons même si nous ne sommes pas assaillis de demandes. Mais s'il apparaissait pertinent que cette offre de service soit faite, à qui pourrait-elle être confiée in fine ? La réflexion est loin d'être aboutie.
Évoquant l'affaire Harpon, vous avez indiqué que la mosquée qu'il fréquentait n'était pas considérée comme une mosquée radicale et que l'imam avait vaguement divisé le bureau de l'association…
Je n'ai pas dit « vaguement ». Il s'était également fait remarquer dans d'autres mosquées où il avait eu à servir, et où il s'était montré assez clivant.
Donc, il avait divisé le bureau de l'associaton, d'accord. Mais il était fiché S et je ne pense pas qu'on fiche S des gens parce que ce sont des « emmerdeurs » ! Par conséquent, il y avait peut-être tout de même autre chose à lui reprocher… Il était fiché S, il avait fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, une OQTF, et je pense que tout cela n'était pas uniquement justifié par le fait qu'il semait la zizanie dans le bureau d'une association… C'est un peu inquiétant, parce que toutes les procédures dont nous discutons aujourd'hui et sur lesquelles nous interrogeons les divers agents, les divers relais de la sécurité, sont fondées au départ sur la qualité de la connaissance des mosquées radicales. Si l'on n'est pas capable de déterminer ce qu'est une mosquée radicale, alors on n'est pas capable de détecter celles qui doivent être placées sous surveillance, ni, par exemple, si un agent fréquente cette mosquée radicale. Dans l'affaire Harpon, c'est un élément extrêmement important. Il y a eu une double défaillance, on peut le dire aujourd'hui : une défaillance des collègues et de la hiérarchie, qui n'ont pas révélé des propos qui avaient été tenus, ni des comportements qui répondent exactement aux critères que vous avez évoqués. Et parallèlement, il y a une défaillance du renseignement territorial qui manifestement n'a pas détecté que cette radicalité s'exprimait dans une mosquée dont on nous dit qu'elle était tenue par un imam radicalisé, fiché S, et faisant l'objet d'une OQTF. Il me semble que c'est un peu problématique. C'est ma première interrogation.
J'en viens à la deuxième. En réalité, vous nous expliquez – vous n'êtes ni le premier, ni le seul d'ailleurs – qu'il existe une lacune juridique totale pour faire face à cette radicalisation et donc pour éloigner des gens qui représentent un danger de ce fait. On contourne alors ces lacunes, notamment par des procédures disciplinaires. D'où ma question : ne pensez-vous pas que le rôle d'une commission telle que la nôtre est de réfléchir à donner un cadre juridique à cette radicalisation pour éviter d'être obligé de contourner le problème par la voie disciplinaire pour écarter des gens qui représentent un danger ou au moins sur lesquels pèse un soupçon de danger ?
Il est clair que, d'un point de vue égoïste de fonctionnaire, avoir une définition juridique très précise de la radicalisation simplifierait beaucoup les choses. Ce serait extrêmement confortable que la radicalisation soit une attitude pouvant être rattachée à une infraction pénale, pour l'administration dont le premier métier est de respecter la loi… Si la commission veut se saisir de ce sujet, très bien. Mais c'est un exercice difficile. La radicalisation en soi n'emporte pas une incrimination. La radicalisation violente, oui, et c'est déjà le cas.
On parle de la fiche S de cet imam. Mais la fiche S en elle-même n'est pas non plus un label indiquant que celui qui en est l'objet, a commis une infraction pénale que l'on puisse poursuivre. La fiche S, c'est une mise en attention des services parce que, précisément, l'administration et les services spécialisés estiment qu'il y a une difficulté et que la personne doit être mise sous une forme de surveillance. C'est une fiche de mise en attention. Cela signifie que, si ce monsieur brûle un feu rouge, s'il passe une frontière, s'il est contrôlé à l'occasion d'un contrôle d'identité décidé dans le cadre du code de procédure pénale, on pourra avoir des informations sur l'endroit où il se trouve, savoir avec qui il se trouve, dans quel environnement, avec quelles attitudes. Cela vient renforcer, nourrir, la connaissance que l'on a de ses faits et gestes. C'est l'éternel débat sur la fiche S qui encore une fois, n'est pas un label de délinquance et encore moins de criminalité, mais un outil à la disposition des services de renseignement pour nourrir l'information que l'on accumule sur une personne. Cette accumulation peut aboutir à décrire un parcours qui met en attention les services. La qualification juridique de la radicalisation est un exercice pour le moins délicat.
Vous nous dites que la fiche S est un outil. Mais encore faut-il l'utiliser. La vraie question que l'on se pose depuis des semaines dans cette commission, est : pourquoi une mosquée qui est dirigée par un fiché S n'attire pas suffisamment l'attention ou en tout cas ne déclenche pas cet outil de surveillance ? Dans une mosquée, il n'y a pas qu'un seul imam, il y en a un certain nombre. Pourquoi ceux des fidèles qui ne viennent qu'auprès de cet imam fiché ne font-ils pas eux-mêmes l'objet au moins d'une vérification ou d'une surveillance ? Dans cette affaire, tous les vendredis matin, Mickaël Harpon allait aux prêches de ce fiché S précisément. Et, malgré cela, il n'a pas fait l'objet d'une détection ou d'une surveillance qui, peut-être, auraient permis de découvrir sa radicalisation. Celle-ci n'a pas été révélée au sein de la DRPP.
Je serais bien en peine de vous apporter des précisions que ne vous auraient pas apportées Mme Françoise Bilancini ou Mme Lucile Rolland, que vous avez entendues au sein de cette commission. Il est clair que nous ne surveillons pas – nous ne sommes pas en capacité de le faire, et cela ne nous paraît pas complètement utile – l'ensemble des fidèles qui, individuellement, vont à la mosquée le vendredi. Une attention très particulière est apportée à un certain nombre de mosquées dont les prêches peuvent contenir des appels à la violence notamment. Mais, de ce que je lis des rapports qui m'ont été transmis, cela n'était pas le cas de la mosquée de Gonesse, indépendamment du fait qu'une attention était portée à l'imam lui-même. Je comprends votre question, je mesure votre insatisfaction sans doute à ma réponse, mais je ne peux guère vous en faire une autre.
La mosquée de Gonesse, c'est un fait établi, ne faisait pas partie des mosquées considérées comme « fondamentalistes ». Je ne parle pas de radicalisation : je dis bien « fondamentaliste ». Alors même que l'imam principal est affilié, chacun le sait, à l'ancienne Union des organisations islamiques de France, désormais Musulmans de France, donc vitrine de l'islam politique ; et que l'imam Hilali était lui très concrètement fiché S, certes semble-t-il pour des questions étrangères à sa religiosité, mais en tout cas considéré comme salafiste. Quels sont les critères ou les éléments qui amènent l'autorité administrative à classer tel ou tel lieu de culte comme fondamentaliste ? Trois lieux de culte étaient étiquetés salafistes dans le Val-d'Oise, mais pas cette mosquée. Pas plus qu'elle n'était surveillée au titre d'une dérive ou d'une interprétation fondamentaliste de l'islam.
Cela repose essentiellement sur des informations transmises aux services de renseignements sur le discours porté dans les prêches. Elles nous viennent spontanément par des fidèles ou sont apportées à nos services par un certain nombre d'élus dont l'attention est attirée par des citoyens qui s'émeuvent de telle ou telle situation. De proche en proche, elles parviennent à nos services. Bien souvent, on ne vient pas spontanément vers les services de police : l'information passe très régulièrement par les élus locaux. Et je n'ai pas souvenir que Mme Rolland, cheffe du service central du renseignement territorial, vous ait dit que ses services avaient relevé à propos de cette mosquée des signes d'inquiétude en raison des prêches qui y étaient délivrés, y compris par cet imam, quel que soit par ailleurs le caractère clivant du personnage – clivant dans cette mosquée, mais également dans d'autres mosquées où il avait eu à servir.
Donc, sans caricaturer, une mosquée dont l'imam principal est Frère musulman et dont l'un des imams secondaires est salafiste n'est pas en soit l'objet d'une surveillance particulière ?
C'est un facteur d'attention. Mais l'élément important pour nous, ce sont les messages délivrés.
Si je peux me permettre, c'est là que se situe la confusion entre radicalisation et fondamentalisme. La radicalisation, c'est la possibilité, le risque d'un passage à la violence, d'où l'attention portée à des propos qui seraient de nature particulière. Mais le fondamentalisme en tant que tel n'est donc pas un élément d'alerte ?
Non, le fondamentalisme en tant que tel n'est pas un élément suffisant. Les parallèles sont extrêmement risqués dans cette affaire, donc pardonnez-moi, mais des manières de vivre sa religion de manière « fondamentaliste », si je puis dire, existent dans la religion catholique, dans la religion juive… Le fondamentalisme en soi n'est sanctionné dans le code pénal.
Je voudrais appeler votre attention sur les faits à propos desquels nous menons cette commission d'enquête. Ils se sont déroulés à la préfecture de police, donc à la deuxième police, puisque dans ce pays il existe une gendarmerie et deux polices. L'auteur des faits a été signalé à son N+1, son supérieur hiérarchique direct, et les choses en sont restées là. C'est-à-dire que ce N+1 n'a pas fait remonter l'information. On est face à un problème qui peut se produire dans tous les services. Dans certaines entreprises privées, l'employé avertit son N+1, mais s'il constate que cela ne produit pas grand effet, il peut passer au-dessus et avertir directement son N+2 ou son N+3. Est-ce une procédure qui pourrait être envisagée dans la police nationale ?
Deuxième question : pour pouvoir déceler des processus de radicalisation ou de radicalité, rien ne vaut une présence du management, des commissaires de police et des officiers, sur le terrain, au contact des effectifs. On le sait et cela a été dit à plusieurs reprises, les commissaires et officiers sont de moins en moins sur le terrain, parce qu'ils sont occupés à des tâches administratives, des tâches de procédure, parce qu'ils vont de réunion en réunion… N'est-il pas envisageable de faire en sorte que les commissaires en particulier, mais les officiers également, ne soient plus considérés comme des sous-préfets et puissent faire leur travail de policiers aussi sur le terrain, en faisant en sorte qu'un maximum de leur temps soit consacré au travail de terrain, et non plus à ces réunions, à ces tâches administratives ?
Il y a une gendarmerie et une police nationales, pas deux polices. Mais c'est un clin d'œil. Bien évidemment, la remontée de l'information ne peut pas s'arrêter au N+1, qui lui-même d'ailleurs ne doit pas se sentir isolé. L'information doit remonter et remonter vite à la hiérarchie en charge de prendre des décisions, d'émettre des appréciations. Je crois d'ailleurs qu'aujourd'hui – les chiffres que je vous citais tout à l'heure le prouvent –, il y a une forte tendance à la remontée de l'information, ne serait-ce que par une sorte à la fois de principe de précaution et de principe de parapluie. Ce n'est pas grave, si ce n'est que cela risque d'engorger les services de renseignement : l'IGPN, qui est au carrefour du dispositif, ne manque pas d'activités par ailleurs… Mais il vaut mieux effectivement que rien ne nous échappe et que le tri soit fait par cette instance plutôt qu'à la base par le N+1 qui aura sans doute une appréciation très parcellaire.
On vient de loin. Je discutais récemment avec la cheffe de l'inspection générale de la police nationale, Mme Brigitte Jullien, qui évoquait une anecdote remontant à 2011, soit bien avant 2015, les grands attentats, l'affaire Mohammed Merah, etc. Un fonctionnaire de police de confession musulmane souhaitait faire ses prières dans un service et la réaction de ce service n'était pas de dire : « Mais enfin, nous devons respecter la laïcité ; chacun peut pratiquer la religion qu'il souhaite, mais dans les locaux du service public, ce n'est pas possible ! ». Non, la question était un peu inverse : « Comment devons-nous nous organiser pour que ce policier puisse exercer son droit imprescriptible à une liberté d'opinion, de philosophie, etc. Ne va-t-on pas parler d'une forme de brimade si nous le lui interdisons, y compris pendant le ramadan, qui est une période bien particulière pour les musulmans ? Ne va-t-on pas nous reprocher d'avoir en quelque sorte exercé une forme de discrimination en l'empêchant de pratiquer ? »… Je trouve cette anecdote tout à fait éclairante sur l'état d'esprit de l'époque et sur cette sorte de révolution qu'il a fallu instiller dans les esprits.
S'agissant de l'aide de la hiérarchie, vous avez parfaitement raison. Ce n'est pas le débat, mais vous avez évoqué les officiers ; on peut parler aussi des gradés, mais les officiers sont un bon exemple. Ce sont ces cadres de la police nationale qui sont au confluent à la fois des principes d'autorité et de proximité. Pour des raisons qui ont été assumées, mais que personnellement je n'assume pas vraiment, on recrute annuellement, depuis des années, soixante-dix officiers, alors que plusieurs centaines partent à la retraite… Bercy, dans une logique budgétaire tout à fait compréhensible, avait accepté de donner à chaque officier une rémunération et un statut meilleurs, à la condition que cela se fasse à enveloppe maîtrisée, donc en faisant diminuer le nombre d'officiers, d'où la limitation drastique des recrutements. L'École nationale supérieure des officiers de police de Cannes-Écluse (77), largement surdimensionnée, ne recrutait plus que soixante-dix officiers. J'ai repris – y compris contre l'opinion des syndicats d'officiers dont l'un au moins m'en a beaucoup voulu – le recrutement massif d'officiers de police : trois cents dès cette année – deux cents sont arrivés en janvier et cent arriveront en septembre. On passera ensuite pour les années ultérieures, si cela est confirmé, à trois cent cinquante et quatre cents ce qui va un peu changer la donne : cette hiérarchie intermédiaire est tout à fait fondamentale.
Autre exemple de l'éloignement, cette fois des commissaires, par rapport à ce que j'appellerai, sans connotation péjorative, la troupe : aujourd'hui, les cycles horaires dans la police nationale – on en a beaucoup parlé en lien avec la prévention du suicide, à l'équilibre vie professionnelle/vie personnelle – ont quasiment fait disparaitre des commissariats les séances d'appel. Les commissaires pouvaient y venir au front des troupes, si je puis dire, commenter ce qui allait se passer dans la journée, les évolutions de l'ambiance de la ville, les attentes du préfet, du maire, etc. Aujourd'hui, les commissaires ont du mal à rencontrer notamment les personnels qui travaillent la nuit, pour ne parler que d'eux. Dans l'expérimentation de nouveaux cycles horaires que nous conduisons actuellement, nous avons plusieurs objectifs : évidemment, organiser une meilleure harmonie entre vie professionnelle et vie personnelle en permettant d'avoir plus de week-ends en famille ; mais aussi faire en sorte que ces cycles rythment la vie du commissariat pour réhabiliter cette posture opérationnelle qui permet à la hiérarchie, y compris la haute hiérarchie du commissariat, de rencontrer l'ensemble des troupes. Aujourd'hui, c'est de moins en moins le cas, pas uniquement parce que des commissaires seraient devenus des sous-préfets, mais aussi parce que le rythme de travail des commissaires est complètement déphasé par rapport à celui de leurs troupes.
Je voudrais rebondir sur un échange que vous avez eu avec le rapporteur, à propos des critères de surveillance des mosquées. Vous nous avez dit en substance, et je ne veux pas déformer vos propos, que la mosquée de Gonesse ne faisait pas l'objet d'une surveillance en soi. Et vous avez même précisé que la circonstance que le numéro un de la mosquée soit un Frère musulman et que son numéro deux soit un salafiste ne constituait pas en soi le motif d'une surveillance. Vous avez dit « signe d'attention et non motif de surveillance ». Une thèse tout à fait contraire pourrait être soutenue : on pourrait soutenir que le fait d'être Frère musulman, c'est-à-dire d'appartenir à une mouvance internationale dont l'objet est de prendre le contrôle du pouvoir politique pour imposer la charia au détriment de la loi de la République, d'une part ; d'autre part, le fait d'avoir comme adjoint un salafiste, c'est-à-dire quelqu'un qui appartient à une mouvance dont le coeur de doctrine consiste à dire qu'il faut vivre séparé de la communauté nationale ; on pourrait penser donc, que ces deux indices sont suffisants pour caractériser la nécessité d'une vraie surveillance. Il peut donc y avoir deux familles d'options.
J'aimerais comprendre qui décide : y a-t-il une doctrine à votre niveau, directeur général de la police ? À l'échelon du dessus, celui du ministre de l'Intérieur ? À l'échelon du dessus, à Matignon ? Encore à l'échelon du dessus, celui du Président de la République ? Qui décide de cela ? A-t-on au fond, non pas une doctrine d'emploi mais une orientation de politique publique, déterminant quels sont les critères de surveillance ? Je parle bien des mosquées, pas de tous les lieux de culte, parce que je ne me cache pas derrière mon petit doigt : nous ne sommes pas confrontés aujourd'hui prioritairement à une problématique de terrorisme dérivé du fondamentalisme catholique, protestant ou bouddhiste, mais à une autre qu'on connaît tous. J'aimerais comprendre : dans la chaîne hiérarchique, a-t-on aujourd'hui une instruction qui permette au service opérationnel, à vous-même et ensuite à toute la chaîne, de critèriser, de différencier, de discerner et de cibler du coup, la surveillance des lieux de culte musulmans ?
Il y a effectivement des doctrines, à différents niveaux d'ailleurs, pour le renseignement territorial et, pour la lutte antiterroriste d'une manière générale. Le plan de lutte antiterroriste a été présenté par le Premier ministre – ça devait être en juillet 2018 – avec une doctrine… Je rappelle aussi le rôle de chef de file de la direction générale de la sécurité intérieure, d'ailleurs consacré par cette doctrine. La critérisation, bien entendu, existe. Il y a aussi une hiérarchisation des priorités. En terme de moyens, le SCRT – pas la DGSI qui n'est pas sur le même spectre – concourt à la lutte antiterroriste. Le service de lutte antiterroriste sur le territoire national, c'est la DGSI.
Nous n'aurions pas les moyens physiques de surveiller l'ensemble des mosquées : un certain nombre de critères et d'informations nous conduisent donc à nous intéresser plus spécifiquement à certaines, et cela signifie des présences physiques au moment des prêches, dans celles qui nous apparaissent comme délivrant objectivement et expressément des messages problématiques. Ces doctrines, notamment cette doctrine opérationnelle, existent.
Nous sommes en permanence dans la réaction et pas dans l'anticipation. Si nous n'avions pas connu ce drame révélant toutes les failles de la préfecture de police, il n'y aurait pas eu cent-six ou cent-sept signalements à ce jour, mais aux alentours de trente. Vous avez touché du doigt le problème : être salafiste est-il hors la loi ? Non. Être radical, est-il hors la loi ? Non. Assumer un islam politique, est-il hors la loi ? Non. Et c'est pour cela qu'on a un problème : parce que c'est extrêmement dangereux, parce que l'islam politique – en l'occurrence vouloir appliquer la charia – est à l'opposé des lois de la République.
Ce que vous avez dit des aumôneries, ne me paraît pas du tout une bonne idée : même si je suis moi-même un juif plus ou moins pratiquant, je considère qu'on doit mettre tout ça de côté dans la police et que les lois du pays doivent primer sur tout.
Quel est le souci ? C'est justement que ces gens se servent souvent de nos lois, de nos failles. Mickaël Harpon s'est converti à l'islam, après l'attentat contre Charlie Hebdo, il a dit « c'est bien fait », etc. Mais l'information n'est pas remontée, car « ça va passer, ce n'est pas grave »… Je pense qu'il manque une codification, des questionnaires très précis au sein de la police qui soit faits en dehors de la hiérarchie, par des personnes extérieures, pour que les affinités, les affections particulières n'interviennent pas. Il y a besoin de durcir les critères de jugement. Nous avons ce côté humaniste : s'il n'y a pas de faute, eh bien il n'y a pas de faute. Pour moi, il est urgent de se doter d'un cadre juridique. Qu'en pensez-vous ?
Je m'adresse à des législateurs : il est très difficile de légiférer sur la radicalisation au regard des normes supérieures qui sont opposables. Vous aurez un carcan, la Constitution au niveau national, mais également le droit européen. On parle de la radicalisation, comme on pourrait parler du communautarisme, qui est également un souci évoqué par le Président de la République. On a raison de s'en inquiéter quand on voit – nous sommes en période électorale – le risque de problèmes vis-à-vis des principes fondateurs de la République.
Pour revenir au cadre juridique, nous avons des exemples de fonctionnaires de police qui ont été révoqués sur la base de ces principes. De mémoire, au moins l'un d'eux est allé devant le tribunal administratif, la décision a été annulée et nous avons dû le réintégrer… Cela peut expliquer d'ailleurs – peut-être est-ce une difficulté supplémentaire – que l'administration « mette des patins », prennent des précautions, pour éviter d'être censurée par la juridiction administrative, dont il est arrivé qu'elle nous déjuge. Peut-être y a-t-il une sorte d'inhibition.
Après l'affaire Harpon, il y a eu une sorte de frénésie réactive. Nous avions un petit stock de fonctionnaires suivis, et tout à coup, on a franchi une marche avec une centaine de cas supplémentaires. Parmi les cas un peu emblématiques de la préfecture de police, il y a celui d'un officier dont le préfet de police demande la suspension pour des raisons dont je suis absolument persuadé qu'elles seront rejetées par le tribunal administratif.
Cette réaction après l'affaire Harpon, on la connait par ailleurs : lorsque, après l'attentat à Lyon, le préfet Comet a été démis de ses fonctions, tous les préfets de France, soucieux de se protéger, ont fait reconduire dans les centres de rétention administrative, les CRA, tous les étrangers en situation irrégulière qui leur tombaient sous la main. Cela a conduit d'abord à ce que les CRA soient surchargés ; ensuite à ce que le taux d'éloignement s'effondre, puisqu'on a mis tout le monde en CRA, y compris les personnes de nationalités non reconductibles. Nous sommes dans ce faisceau d'injonctions un peu contradictoires.
Je rappelle que cette audition était votre dernière intervention à l'Assemblée nationale dans cette fonction, et après les hommages légitimes qui vous ont été rendus par certains de nos collègues, je tiens moi-même à vous remercier pour votre action au service de notre pays et de sa sécurité.
La séance est levée à 17 heures 25.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Florent Boudié, M. Éric Ciotti, M. Éric Diard, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Marie Guévenoux, M. David Habib, M. Guillaume Larrivé, Mme Marine Le Pen
Excusé. - Mme Alexandra Valetta Ardisson