Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Réunion du jeudi 29 octobre 2020 à 15h00

Résumé de la réunion

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  • PRSE
  • grand-est
  • régional
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La réunion

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L'audition débute à quatorze heures cinquante-cinq.

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Nous accueillons les représentants du conseil régional du Grand-Est. Mme Véronique Guillotin, conseillère régionale, ancienne vice-présidente chargée de la santé, est dispensée de prêter serment en sa qualité de sénatrice. M. Christian Guirlinger est conseiller régional et président de la commission environnement.

Quelle est l'approche du conseil régional du Grand-Est concernant la politique régionale de santé environnementale ? Quels en sont les points saillants et les instruments privilégiés ?

(M. Christian Guirlinger prête serment.)

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Véronique Guillotin, sénatrice, conseillère régionale du Grand-Est

Je vous remercie de votre invitation à nous exprimer devant la représentation nationale sur le sujet de la santé environnementale que je qualifierai de majeur. Je vous remercie d'avoir accepté la tenue à deux voix de cette audition. Je m'intéresserai plutôt au plan régional santé- environnement (PRSE) Grand-Est et mon collègue à la politique intrarégionale environnementale.

Au cours des deux dernières années, l'environnement a progressé de manière quasi continue pour s'installer à la première place dans la dernière édition de l'enquête Ipsos-Sofra pour Le Monde, la Fondation Jean-Jaurès et l'Institut Montaigne. De manière globale, les habitants du Grand-Est se montrent particulièrement sensibles à ces questions. En 2010, plus de 50 % des personnes interrogées dans le Grand-Est se déclaraient insatisfaites, mais intéressées, de l'information qu'elles recevaient sur les risques liés à l'environnement.

La région Grand-Est se caractérise par une mortalité prématurée et par des pathologies (cancer, diabète, pathologie respiratoire, maladies cardiovasculaires) bien supérieures à la moyenne nationale. Certaines d'entre elles sont liées à des comportements individuels, mais d'autres sont incontestablement liées à des facteurs environnementaux, notamment aux activités industrielles. Notre région héberge effectivement d'importantes activités industrielles anciennes et actuelles. Elle est aussi une région agricole et aux activités tertiaires ; elle comporte des risques liés aux transports et à la pollution de l'air.

La région Grand-Est a pris toute la mesure de ces enjeux de santé publique. Elle s'est engagée aux côtés de l'État, par le biais de l'agence régionale de santé (ARS) et de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), dans la mise en œuvre du troisième PRSE pour les années 2017-2021. Au-delà de ce PRSE, la région est très volontariste dans le domaine de la santé environnementale.

Concernant la méthode employée dans notre région, le PRSE 3 Grand-Est a été le fruit d'une démarche de coconstruction engagée en 2016. Parmi les différentes étapes, un forum a rassemblé de nombreux acteurs en juin 2017 : les services de l'État, le conseil régional, des collectivités territoriales, l'ARS, l'agence de l'eau, les réseaux de santé, des réseaux de santé environnementale, des associations d'usagers et des acteurs de la santé du territoire. Ensuite, durant quatre mois de travaux en groupes thématiques, de nombreux acteurs se sont mobilisés pour travailler sur les axes de ce PRSE. Une consultation publique s'est tenue au début de l'été 2017. Enfin, en novembre 2017, la signature a eu lieu à l'Hôtel de région de Metz en présence du préfet de région et du président de région. Nous avons été entièrement associés à ces premières étapes d'élaboration du PRSE 3.

S'agissant de la gouvernance du PRSE, un comité de pilotage s'est constitué, composé du secrétaire général pour les affaires régionales et européennes, du directeur général de l'ARS, du président de région que je représentais, des directeurs de la DREAL, de la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) et de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). Ce comité de pilotage est une instance décisionnaire, qui avait notamment pour rôle de définir et de valider les grandes orientations stratégiques et opérationnelles du PRSE. Il s'est appuyé sur un comité d'animation qui avait pour objectif de coordonner, d'animer et de suivre la mise en œuvre du PRSE. Le conseil régional était donc présent dans le comité de pilotage.

La communauté de la santé a été associée à l'élaboration du PRSE. Elle était représentée par l'ensemble des acteurs impliqués sur le sujet, issus du monde associatif, économique, académique, institutionnel et des collectivités locales. Environ 70 partenaires ont été très actifs dans la mise en œuvre des différentes actions.

Le contenu du PRSE se caractérise par trois grands axes : les activités humaines, le cadre de vie et de travail favorable à la santé, les clés pour agir en faveur de la santé environnementale. Chacun des copilotes devait se concentrer sur l'un des trois axes, la région se concentrant sur l'axe 3 « Clés pour agir en faveur de la santé environnement du quotidien ». Ces axes se sont déclinés en objectifs opérationnels et en actions.

Le PRSE a souhaité couvrir des thématiques importantes pour la région, notamment l'eau, l'habitat indigne, la qualité de l'air, la lutte contre les espèces invasives, la formation des professionnels et la sensibilisation du grand public, puisque la population souhaitait plus d'informations. Les partenaires avaient également souhaité que le PRSE 3 soit plus opérationnel et plus près des territoires que les PRSE 1 et 2. C'est pourquoi les axes pérennes ont été complétés par une politique d'appels à projets différents lancés chaque année.

La région est toujours conviée et partie prenante dans ces actions, soit par mon intermédiaire, soit par les services qui participent au comité opérationnel.

Concernant les engagements financiers, 1,2 million d'euros ont été portés dans le PRSE 3 pour l'année 2020, soit 145 000 euros de la région Grand-Est au travers de ses appels à projets ou de son axe 3, environ 808 000 euros de l'ARS et 190 000 euros de la DREAL.

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Christian Guirlinger, conseiller régional du Grand-Est

Je vous remercie de m'avoir invité à cette commission d'enquête ; y participant pour la première fois, c'est un honneur pour moi.

Le sujet de la santé et de l'environnement est d'actualité. Si chaque individu fait attention à sa santé et à celle de ses proches, il refuse quelquefois les contraintes pour assurer la santé collective. A contrario, les individus sont assez sensibles, au niveau national, européen, voire mondial, à l'environnement, mais ils ne sont pas toujours prêts à faire les efforts nécessaires pour améliorer leur propre environnement qui impacte pourtant directement leur santé.

Peut-être les individus, de façon générale, n'ont-ils pas conscience de l'importance, pour leur santé personnelle, de l'environnement qui les entoure. Nous évoluons dans des environnements plus ou moins différents, à la campagne, à la ville, dans des bureaux, sur des chantiers extérieurs. De même, à chaque étape de notre vie, nous évoluons dans des environnements différents les uns des autres.

J'ai récemment lu un article sur la fabrication des biberons qui mentionnait une problématique de microparticules de plastiques. Les matériaux innovants et biosourcés actuels pourraient offrir de meilleures solutions pour la santé. Nous pourrions aussi utiliser des biberons en verre. Peut-être est-ce un problème de mauvaise utilisation. Au lieu de faire chauffer le lait froid dans un biberon en plastique au micro-ondes pour gagner du temps et être dans le mouvement, nous pourrions le faire chauffer sur une plaque électrique et le verser dans le biberon. L'enfant boirait le même lait, mais les incidences sur sa santé seraient moins importantes. Cet exemple montre que l'environnement, la santé et le bon sens sont intimement liés.

En tant qu'élu régional et président de la commission environnement, j'ai été largement associé à l'élaboration du schéma régional d'aménagement développement durable pour l'égalité des territoires (SRADDET), lequel a été approuvé en janvier 2020. Il fixe la lutte contre le changement climatique comme une priorité stratégique dans l'ensemble des politiques publiques : « protéger l'environnement pour préserver sa santé ».

En tant que chef de file en matière de climat, air, énergie, biodiversité et eau – laquelle était une politique volontariste de la région Grand-Est, car non obligatoire –, la région se doit d'être à la fois moteur et rassembleur. C'est son objectif, non seulement s'agissant du volet financier, mais aussi s'agissant de la mise en réseau de l'ensemble des acteurs, en les accompagnant pour des transitions « acceptables » par la société. Souvent, les actions ne sont pas acceptées ou mal comprises. Il convient donc de les expliquer et qu'elles soient acceptées par les populations.

Face au défi à relever pour mieux utiliser, protéger, partager les ressources naturelles (sol, eau, biomasse) limitées, la région agit autour de trois axes principaux : l'eau, la biodiversité et l'air. Si vous le souhaitez, je détaillerai quelques dispositifs opérationnels et concrets de chaque axe.

Si je devais retenir un point négatif concernant cet environnement santé, ce serait la déclinaison d'une politique nationale sur les territoires, qui n'est pas contrôlée localement. Il y a quelques mois, j'avais fait part à M. François de Rugy, alors ministre de l'Environnement, de mon expérience régionale et locale, en tant que maire rural, du programme « Isolation à un euro ». Quelle belle politique que de vouloir faire des économies d'énergie, sachant que la consommation d'énergie, pour chauffer un foyer dans le Grand-Est, représente 2 000 euros par an ! Quelle belle politique que de contribuer, par l'isolation, à la diminution des gaz à effet de serre, connaissant leur effet néfaste sur l'environnement et sur notre santé ! Quel dommage de voir la majorité de ces chantiers « ni faits, ni à faire » !

L'isolation étanche sur des murs respirants provoque le développement de champignons à l'intérieur des logements, ce qui impacte directement la santé de leurs occupants. Cela a été une catastrophe, par manque à la fois de contrôle et de formation des entreprises. Après quelques années de fonctionnement, les contrôles ont lieu, mais le mal a été fait pour cette belle politique et cette belle action sur les territoires.

En revanche, si je devais retenir un point positif concernant l'environnement santé, j'évoquerais la chance de pouvoir compter sur des réseaux de bénévoles et d'amoureux de la nature qui nous permettent d'obtenir un suivi dans le temps de toutes les données relatives à la faune et la flore.

Il est également important de sensibiliser une grande partie de la population, quel que soit l'âge. Les jeunes font d'ailleurs parfois l'éducation des générations antérieures. Quant à lui, le réseau de bénévoles nous permet de « faire ensemble » et de réaliser nos politiques régionales. Ensemble, chacun à son niveau, et à tous les niveaux, nous pourrons inverser la tendance et travailler efficacement pour l'environnement et la santé.

Nous avons organisé la politique régionale selon trois axes : la biodiversité, l'eau et la transition énergétique. Le budget régional Grand-Est s'élève à environ 40 millions d'euros, soit 12 millions d'euros en fonctionnement et 28 millions d'euros en investissement : 9 millions d'euros sont destinés à l'eau, 12 millions d'euros à la biodiversité et 19 millions d'euros à la transition énergétique.

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Mme Véronique Guillotin, vous avez insisté sur la coconstruction du PRSE et sur votre collaboration avec l'ARS et les institutionnels, mais qui a animé cette démarche ? Quelle a été la capacité de résistance ou de résilience du système que vous avez mis en place avec le PRSE, avec tous les acteurs de la santé environnementale ? A-t-il permis de diminuer l'impact de la covid en Grand-Est ?

M. Christian Guirlinger, j'entends avec beaucoup d'intérêt la démarche très volontariste développée par la région pour mobiliser la population et responsabiliser les citoyens. Vous avez évoqué les problématiques de qualité du bâti ; lors de son audition, le directeur du CSTB a également évoqué cette question. Une définition beaucoup plus officielle des compétences en matière de santé environnementale ne favoriserait-elle pas davantage ces démarches qui sont volontaristes, voire facultatives pour des petites collectivités territoriales ? Existe-t-il ou non un intérêt de prévoir, dans le code des collectivités territoriales, une obligation qui accompagnerait ces démarches volontaristes et de bénévolat ?

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Véronique Guillotin, sénatrice, conseillère régionale du Grand-Est

Premièrement, j'ai assisté beaucoup plus aux instances de démarrage que de suivi. Néanmoins, le pilotage de départ m'a semblé assez partagé, à la fois dans le choix du forum de présentation, du format d'installation de groupes thématiques. Cette instance commune conseil régional-ARS-DREAL était à l'initiative et a enclenché les actions.

Deuxièmement, le PRSE 3 a conservé ses actions malgré la covid. Il n'a pas été modifié pour prendre en compte cette crise. Ses instances n'ont pas été mises à disposition de la situation sanitaire ; elles ont conservé le cadre initialisé en 2016-2017, sans interaction avec la crise sanitaire qui s'est déroulée de manière brutale en région Grand-Est.

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La dynamique à trois que vous aviez initiée pour mettre en place le PRSE 3 vous a-t-elle été utile pour faire face collectivement au choc de la covid ?

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Véronique Guillotin, sénatrice, conseillère régionale du Grand-Est

Non, il n'y a pas eu d'interactions liées à la crise covid et nous ne nous sommes pas servis de ces structures.

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Christian Guirlinger, conseiller régional du Grand-Est

S'agissant de légiférer en matière d'environnement santé, il est compliqué de répondre et de se positionner de façon « binaire ». Souvent, il est difficile d'obtenir sans contraindre, mais, en matière d'environnement, les personnes ont du mal à respecter les contraintes.

Dans l'exemple précité de l'isolation, je pense que cela nous aurait largement aidés si nous avions imposé une mise en place des produits par des entreprises compétentes. Souvent, les intervenants travaillaient précédemment dans un tout autre domaine ou étaient extérieurs à notre bassin de vie ; ils venaient à la journée sans savoir correctement mettre en œuvre le matériau isolant ou ils appliquaient le mauvais matériau, ce qui ensuite pouvait avoir des répercussions sur la santé des habitants. Il conviendrait d'exiger des formations et des compétences pour les agents qui mettent ces produits en œuvre, plus que pour leurs entreprises. Les matériaux biosourcés actuels sont de très bonne qualité, à condition qu'ils soient correctement mis en œuvre. S'ils sont mal utilisés, ils ne servent à rien, voire sont néfastes.

Il convient donc d'avoir du bon sens, de la formation, de la clarté dans nos demandes, de l'efficacité et du pragmatisme. C'est ce dont nous avons besoin. En matière de loi, il faut faire le lien entre la loi, ceux qui la créent et ceux qui la mettent en œuvre sur le terrain. Je ne vois pas d'intérêt à légiférer si la loi n'est pas appliquée.

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Ma question portait plutôt sur les démarches de mobilisation citoyenne, pour envisager un soutien plus officiel, pour accompagner ces démarches volontaristes.

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Véronique Guillotin, sénatrice, conseillère régionale du Grand-Est

Peut-être qu'un PRSE ou un PNSE devrait avoir plus de capacité à « embarquer » les territoires dans leur dynamique. Les plans ne sont pas mauvais ni inutiles puisque les diagnostics sont réalisés, les actions écrites et les appels à projets lancés, mais ils « n'infusent » peut-être pas suffisamment dans les collectivités locales. Il est difficile « d'embarquer » un territoire. Or tout le monde doit participer pour transformer un environnement. Les mesures prises sur un petit territoire peuvent servir d'exemple, mais elles doivent être élargies à l'ensemble du territoire.

Un deuxième pilier à renforcer serait l'évaluation des politiques publiques. Il faudrait disposer de données au niveau territorial, qu'elles soient sanitaires ou environnementales. Peut-être pourrions-nous évaluer tous les cinq ans pour savoir si l'ensemble des actions – infrarégionales, départementales, des collectivités locales et actions citoyennes, le PRSE ou le PNSE – ont conduit à un résultat : baisser la pollution, améliorer les nappes phréatiques, diminuer l'urticaire ou en matière de zoonoses, etc. À mon sens, au-delà des plans et des actions directes, il serait important de suivre les indicateurs et d'évaluer les politiques dans leur globalité.

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Quelles sont les spécificités de santé environnementale dans le Grand-Est ? Quels sont les risques industriels majeurs liés aux principales activités économiques ? La région développe des actions de formation des personnels sanitaires : quelle est la place de la santé environnementale dans les formations continues ou initiales ? Quelles sont les évolutions nécessaires dans la formation des professionnels de santé ?

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Christian Guirlinger, conseiller régional du Grand-Est

Nous sommes une région industrielle, qui s'accompagne forcément de pollutions de cette nature. À une époque lointaine, les entreprises industrielles s'implantaient en tête de fleuve ; en cas de pollution, elles le polluaient sur toute sa longueur. Nous travaillons sur cette problématique avec les agences de l'eau. Nous avons par exemple contribué à ôter le chlorure des rejets de certaines entreprises dans la Moselle. Pour cela, un grand plan a été élaboré entre l'entreprise, la région et l'agence de l'eau, sachant que notre région en héberge trois :

– Rhin-Meuse, qui est complètement inscrite dans notre région ;

– Seine-Normandie à l'Ouest ;

– Rhône-Méditerranée-Corse au Sud.

Outre la pollution industrielle, les pollutions de guerre nous posent beaucoup de problèmes dans le Grand-Est, notamment dans la Meuse, avec les stocks de munitions enfouies, car la matière rouille et le produit se dissout dans les nappes. À nouveau, la région travaille à ces problématiques avec l'agence de l'eau pour éviter les pollutions de territoires et de zones.

C'est aussi le cas en matière d'eau, car la région Grand-Est dispose d'une nappe d'eau importante située à deux mètres de profondeur, donc facilement exploitable. Des puits sont créés pour arroser des cultures, mais les produits retombent dans la nappe et la polluent.

Nous avons pris la compétence volontariste de l'eau pour travailler sur cette problématique. Au lieu de traiter l'eau pour la rendre potable pour les populations, il est préférable de la traiter en amont en évitant l'introduction d'intrants ou de pesticides et en favorisant d'autres modes de culture ou un désherbage mécanique. Tout cela a été travaillé en lien avec l'agriculture, l'agence de l'eau, la région et l'État. C'est la raison pour laquelle cela fonctionne. Sur notre territoire, nous avons l'habitude, les uns et les autres, de travailler ensemble relativement facilement et c'est une chance.

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Quelles sont vos relations avec les pays frontaliers en matière de santé environnementale ?

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Christian Guirlinger, conseiller régional du Grand-Est

Nous sommes frontaliers de la Belgique, du Luxembourg, de l'Allemagne et de la Suisse. Un programme important, « Le Rhin vivant », est mené avec l'agence de l'eau, les collectivités locales, les métropoles, la région et les pays voisins. Tous ont travaillé ensemble pour le Rhin qui est un bien commun, car la nature ne connaît pas de limites administratives.

Nous n'avons pas toujours les mêmes façons de travailler ou le même mode de fonctionnement. Par exemple, la Suisse ou l'Allemagne sont souvent représentées, chacune par une personne, alors que la France l'est par trois ou quatre. Néanmoins, nous partageons la volonté d'aller de l'avant pour le bien de l'environnement. Aucun pays frontalier n'est à cet égard réticent. Nous avons l'habitude de travailler, en programme Interreg, avec les pays frontaliers, en particulier la Belgique et le Luxembourg, par exemple en matière d'itinérance aquatique ou de défi laine pour éviter le retournement des prairies.

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Véronique Guillotin, sénatrice, conseillère régionale du Grand-Est

Nous avons un territoire anciennement industriel et minier, tels la Moselle Est ou le Nord lorrain, nous avons donc des friches industrielles et des terres polluées. Des politiques régionales volontaristes portent sur la reconquête de ces friches. Nous nous aidons notamment d'outils tels que l'Établissement public foncier de Lorraine (EPFL) ou d'une opération d'intérêt national importante sur le Nord lorrain qui est un territoire transfrontalier avec le Luxembourg, impacté par les activités sidérurgiques. La reconquête des friches s'effectue par des dépollutions ou par un nouvel usage adapté qui soit visuellement acceptable et qui soit habitable.

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En matière de prévention, quelles actions menez-vous auprès des jeunes, des écoles, voire des universités ? Quelles actions menez-vous également en matière de lutte contre les pesticides ? Qu'est-ce qui constitue une priorité de votre région ? Pouvez-vous me confirmer vos bons rapports avec l'administration déconcentrée, au niveau régional, notamment avec l'ARS et la DREAL ? Les échanges d'informations sont-ils fluides ? Comment s'opèrent-ils ?

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Véronique Guillotin, sénatrice, conseillère régionale du Grand-Est

Il ne s'agit donc pas du PRSE, mais de la santé et de la jeunesse. Notre cible de population est plutôt un public jeune de lycée, de 16 à 29 ans. Notre politique « Jeunes » comprend un axe « santé ». Nous agissons à destination de ces populations au moyen du programme « Lycées en transition ». Il met en place dans les lycées volontaires des politiques de changement de comportements qui associent l'environnement du lycée, le zéro pesticide, l'utilisation des espaces verts, la préférence de modes de déplacement doux et actifs ainsi que l'alimentation en circuits courts.

Par ailleurs, dans notre axe « Jeunesse santé », des actions de prévention sont mises en place, principalement par des appels à projets. Une grande étude réalisée par l'Observatoire régional de santé, que nous soutenons, est en cours de finalisation sur la santé des jeunes en région Grand-Est.

S'agissant des relations déconcentrées, je ne peux pas porter les avis de l'ensemble des conseillers régionaux ou des politiques. Notre président est éminemment présent et actif dans le domaine de la santé. Nous essayons réellement de travailler avec l'ARS. J'ai beaucoup moins de contacts avec les services déconcentrés de l'État, tels que la DREAL ou la DIRECCTE, qu'avec l'ARS avec laquelle ils sont réguliers. Ce n'est pas toujours aisé et nous ne sommes pas toujours en accord, mais nous avons mis plusieurs actions en place ensemble. Par exemple, dans le domaine de la santé, nous travaillons de façon partenariale pour faire avancer le déploiement de la télémédecine. Globalement, les relations sont plutôt positives en région Grand-Est.

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Christian Guirlinger, conseiller régional du Grand-Est

La prévention va avec l'éducation à l'environnement qui est largement portée par la région. Pour l'éducation à l'environnement, nous avons mis en place trois têtes de réseau, chacune pour l'une des trois ex-régions qui composent le Grand-Est. La construction n'a pas été simple, elle a demandé beaucoup de travail, de réunions, d'écoute, de compensations et de relations de travail, car nous avons souhaité tendre vers les mêmes dispositifs en moins de deux ans. Nous y sommes parvenus et cela fonctionne bien depuis cinq ans. Les ex-régions travaillent en relations étroites et nous travaillons avec elles de façon pyramidale. Ainsi, nous parvenons relativement facilement à couvrir l'ensemble du territoire.

Concernant les pesticides, nous avons mis en place le label « Commune nature ». Avec une, deux ou trois libellules, nous récompensons les communes qui s'investissent pour le zéro pesticide. Ce dispositif fonctionne très bien, car les communes relèvent ce défi avec fierté. Avec ce label, nous atteignons non seulement les communes, mais aussi l'ensemble des habitants, car les collectivités locales doivent communiquer avec eux, leur faire des propositions et les conseiller en matière de pesticides. Nous parlons souvent des traitements agricoles, mais les traitements particuliers cumulés les dépassent probablement. Nous devons donc atteindre les jardins et les personnes qui, par exemple, désherbent les allées avec des dosages bien supérieurs à la normale. Récemment, nous avons transformé des arbres morts de notre village en copeaux de paillage ; ainsi, nous réduisons l'arrosage des massifs en été, nous les entretenons sans désherber, nous consommons moins d'eau et nous recyclons le bois de la commune. Le mobilier urbain est aussi en bois issu de la commune.

L'environnement est l'affaire de tous, chacun à son niveau. Bien qu'elle soit chef de file, la région ne peut pas agir seule. L'objectif est donc de s'organiser pour couvrir l'ensemble du territoire.

Enfin, les relations déconcentrées se passent très bien, car elles sont dans nos habitudes de travail. Par exemple, le Grand-Est n'a pas d'agence régionale de la biodiversité (ARB), mais un collectif regroupe la DREAL, l'agence de l'eau, la région, l'Office français de la biodiversité (OFB). Ces acteurs animent le collectif pour notre stratégie régionale de la biodiversité. Plusieurs régions nous ont interrogés sur ce système.

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Vous êtes un maire très impliqué, dynamique et certainement convaincant. Mme Véronique Guillotin estimait que les plans sont un cadre valable, mais qu'ils « n'infusent » pas suffisamment dans les territoires. À votre avis, que pourrions-nous proposer pour que la mobilisation, comme dans votre commune, soit générale dans votre région ? La construction entre les trois anciennes régions a été compliquée. Je suppose qu'il l'est encore plus de faire descendre les informations jusqu'au niveau des communes, puisque les maires sont en première ligne. Compte tenu de la complexité et de la diversité de votre région, que pourrions-nous proposer pour vous aider à faire circuler l'information entre le terrain et l'instance de décision, sous quelque forme que ce soit (réglementaire, organisationnelle, management, département) ?

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Véronique Guillotin, sénatrice, conseillère régionale du Grand-Est

Peut-être pourrions-nous demander au maire rural ici présent s'il est au courant des actions du PRSE. Aujourd'hui, je ne sais pas vous dire comment les communes et les intercommunalités ont reçu le travail intéressant qui résulte du PRSE. Peut-être faudrait-il se demander en premier lieu si le travail du PRSE est suffisamment connu. Il s'agit selon moi de communiquer et « d'embarquer ». L'idée des libellules par exemple est une action communiquée, visible, lisible et peut-être facile à mettre en œuvre, donc elle fonctionne.

Il y a l'action, puis la déclinaison pratique. Il conviendrait que les politiques « infusent », car tout le monde a des idées intéressantes. Il s'agit d'une question d'organisation et méthode. Il faudrait un temps de pause entre deux PRSE pour mener une vraie évaluation et déterminer ce qui fonctionne ou non. Peut-être devons-nous aussi être plus clairs et moins dispersés. Le recueil des données par exemple est peut-être stratégique pour connaître notre état de l'air, de l'eau, etc. Au travers de la crise de la covid également, nous avons constaté que ce recueil de données au niveau local et de proximité était majeur.

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Christian Guirlinger, conseiller régional du Grand-Est

J'avais effectivement, entendu parler du PRSE en tant que conseiller régional. Sans cela, je ne sais pas si j'en aurais entendu parler, car les maires interviennent dans de nombreux domaines et ne peuvent pas tout savoir. Ayant fait de l'ingénierie au ministère de l'Environnement, beaucoup de maires voisins me demandent comment déposer un dossier de subvention. C'est pourquoi j'ai suggéré à la communauté de communes de créer une cellule avec deux personnes compétentes en la matière, car les dossiers évoluent et sont complexes à monter. Certains maires ruraux font des travaux sans demander le bon dossier de subvention, faute de le savoir. Il est vraiment dommage que l'information ne descende pas jusqu'au terrain. Si je n'avais pas été conseiller régional, je pense que je n'aurais pas été sensibilisé au PRSE, car ce n'est pas du tout mon domaine d'activité.

La région a lancé l'année dernière un appel à initiatives citoyen. Nous avons débloqué 1 million d'euros pour aider à 80 % maximum des projets citoyens (regroupements de personnes, associations) situés entre 1 000 et 10 000 euros. Divers projets ont été proposés concernant l'eau, la transition énergétique ou des turbines sur une rivière. Beaucoup de personnes s'approprient donc le thème de l'environnement et de la santé et cette aide a permis à certaines d'entre elles de lancer leur projet. Par exemple, une personne a installé une ruche éducative à destination des enfants et s'est engagée à recevoir deux classes par an.

Ces actions sont simples et peu onéreuses, mais elles demandent du suivi, de la présence et de l'accompagnement, ce qui manque aux élus ruraux, car ils ne disposent pas des services techniques et administratifs d'une grande ville. Pourtant, c'est sur ces territoires ruraux que peuvent être lancés de beaux projets pour l'environnement, qui peuvent se diffuser dans l'ensemble du territoire national.

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Véronique Guillotin, sénatrice, conseillère régionale du Grand-Est

Si l'Association des maires ruraux ou l'Association des maires de France participaient aussi au PRSE, cela favoriserait peut-être la communication auprès des territoires. Je ne suis pas sûre que tous les départements aient été associés à la démarche. À mon avis, ce plan mérite d'être plus alimenté financièrement. Peut-être avons-nous une dispersion des moyens au lieu d'avoir une convergence optimale.

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Mme Véronique Guillotin, en tant que membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), quelle approche avez-vous de l'accompagnement que l'OPECST pourrait porter ou porte aux politiques de santé environnementale ? Par vos différents mandats, avez-vous pu vous-même faire la connexion entre cet office de réflexion et de propositions scientifiques de haut niveau et le terrain sur lequel vous évoluez en matière de santé environnementale ?

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Véronique Guillotin, sénatrice, conseillère régionale du Grand-Est

Je ne suis plus membre de l'OPECST depuis le nouveau mandat, mais j'y ai passé trois années. L'objet de l'OPECST est d'apporter une évaluation pour aider les décideurs politiques dans leurs décisions scientifiques en fonction des rapports et travaux réalisés et publiés. L'OPECST peut aider en matière de santé environnementale et il peut se saisir d'une multitude de sujets. Un travail a par exemple été mené sur les ondes et les compteurs Linky. Cet organisme est très actif et productif, mais je ne sais pas si ses rapports sont suffisamment utilisés.

C'est peut-être une piste d'amélioration via une communication plus large de ces rapports à un plus large public. Cela d'autant plus que devant les débats controversés, les fausses informations, les désinformations ou les méconnaissances qui peuvent accompagner un sujet, les rapports de l'OPECST mériteraient peut-être d'être communiqués et mis en avant de façon plus importante.

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Il conviendrait éventuellement de les intégrer dans une démarche de PNSE, national et régional.

L'audition s'achève à quinze heures cinquante.