Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance

Réunion du mercredi 10 janvier 2018 à 16h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.

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Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.

Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie pour votre disponibilité. Votre audition nous permet de poursuivre, dans le cadre de nos travaux, une séquence relative à l'accompagnement de la future loi.

En fin de matinée, nous avons entendu M. Thomas Cazenave, délégué interministériel à la transformation publique, et nous sommes tombés d'accord pour considérer que, même si la loi est très bien conçue, nous n'aurons pas même fait la moitié du chemin avec son adoption. En effet, la majeure part de l'enjeu se situe dans le changement des mentalités, des méthodes, des pratiques de l'action publique. Pour cela, les agents, à tous les échelons, doivent être soutenus et formés.

M. Cazenave nous a livré ce matin de nombreuses clés de son action. Mais les expériences précédentes nous ont montré que sans un « portage politique » suffisamment déterminé, la réforme pourrait tourner court. C'est pourquoi nous avons souhaité faire le point avec vous sur le cap que vous entendez fixer.

À quelques jours du débat sur les articles, il serait intéressant que vous replaciez ce projet dans la démarche globale du Gouvernement, et que vous précisiez comment vous voyez son accompagnement et son évaluation – ce que M. Gérard Darmanin a appelé le « service après vote ».

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Merci, Monsieur le secrétaire d'État, d'avoir pris le temps de venir nous voir. Votre présence était très attendue. Je prolongerai les propos de Mme la présidente en insistant sur la complémentarité qu'il y aura entre ce projet de loi qui vise à modifier les comportements, et l'action que vous allez conduire, notamment avec le Programme et le comité d'action publique CAP 2022.

Pour lancer la discussion, je vous interrogerai en suivant deux axes.

Premier axe : je souhaiterais que vous nous parliez de CAP 2022, que vous nous donniez votre vision d'ensemble de cette réforme de l'État, et que vous nous précisiez le management du changement qui s'annonce, notamment son timing.

Les syndicats de la fonction publique nous ont interrogés sur l'opportunité de démarrer par ce projet de loi, avant de conduire le programme « Action publique 2022 ». C'était pour eux une source d'inquiétude et nous aimerions vous entendre sur le séquençage des différentes mesures.

Par ailleurs, au cours des différentes auditions, la dimension pédagogique de la réforme a souvent été mise en avant. Quels seraient pour vous les supports pertinents de cette pédagogie ? Ce matin, le défenseur des droits, M. Jacques Toubon, et l'ancien préfet de région M. Jean-Pierre Duport, ont parlé des conventions de gestion des organismes sociaux, dont certaines sont en cours de renégociation – Union de recouvrement pour la sécurité sociale et les allocations familiales (Urssaf) et Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), notamment. Ces conventions de gestion ne pourraient-elles pas, justement, donner du contenu à la réforme et participer à son pilotage manageurial ?

Lorsqu'on aborde la pédagogie de la réforme, le sujet de la formation revient extrêmement souvent. M. le ministre Gérard Darmanin nous a indiqué qu'1,5 milliard d'euros servirait à l'accompagnement et à la formation, mais tout ce que vous pourrez nous dire à ce propos nous intéresse.

Nous aimerions également vous entendre sur la question de l'évaluation et sur les moyens qui seront donnés aux agents pour poursuivre la modification en profondeur de l'administration.

Second axe : le « service après vote ». Comment rendre cette loi effective ? Notamment, comment y associer les parlementaires ? J'ai posé la même question à M. Thomas Cazenave ce matin. Qu'attendez-vous de nous ? De quels pouvoirs allons-nous nous emparer pour suivre ce qui se passe ?

On a parlé du « conseil de la réforme » et de l'association des parties prenantes. Comme on l'a remarqué au cours des auditions, il est souvent question, dans ce projet de loi, d'expérimentations, d'habilitation à prendre des ordonnances, etc. Cela veut dire que l'association des parties prenantes sera un élément clé de sa réussite. En tout cas, de nombreux parlementaires y sont attachés.

Nous aimerions connaître votre avis sur ce point. Nous aimerions également vous entendre sur l'écriture des ordonnances, la conduite des expérimentations et leur évaluation, voire sur le rôle du Conseil économique, social et environnemental et, plus généralement, sur celui de tous les organes de la vie civile.

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Je vous remercie d'avoir organisé cette audition qui ne portera pas uniquement sur ce texte, que M. Gérard Darmanin était déjà venu présenter article par article, mais surtout sur le contexte du programme « Action publique 2022 » dans lequel il s'inscrit et sur les efforts qu'il implique en termes d'accompagnement et de formation des agents publics pour les aider à mettre en oeuvre ces transformations, comme en termes de dialogue social.

Je commencerai par quelques réponses rapides sur la concertation et l'intégration des partenaires sociaux de la fonction publique dans le processus de transformation « Action publique 2022 ».

Un dialogue social nourri a lieu, au travers de rencontres bilatérales, dans le cadre du Conseil commun de la fonction publique – CCFP. Au-delà, nous avons proposé à l'ensemble des neuf organisations syndicales représentatives de la fonction publique, dans un courrier du ministre de l'action et des comptes publics du 16 novembre dernier, la mise en place d'un comité de suivi. Celui-ci se réunira pour la première fois à la fin du mois de janvier – la date prévue, le 22 janvier, peut encore évoluer au gré des contraintes du calendrier. L'idée est d'associer les neuf organisations syndicales, à la fois au niveau de la fédération des services publics de chacune des organisations, et au niveau des confédérations. Nous considérons en effet qu'« Action publique 2022 » aborde des sujets intéressant la fonction publique et l'action publique, mais aussi des sujets dépassant largement le cadre de la fonction publique.

Ce comité de suivi, qui se réunira régulièrement, aura deux missions. La première consistera à faire le bilan des différentes réformes de l'État qui ont été menées, que ce soit la Révision générale des politiques publiques – RGPP – ou la Modernisation de l'action publique – MAP ; c'est une demande de nos partenaires, à laquelle nous voulons évidemment faire droit. La seconde sera de permettre aux organisations syndicales d'être informées du processus d'élaboration du programme de transformation « Action publique 2022 ».

Ce programme répond à un engagement du Président de la République sur la modernisation et la transformation de l'action publique. Mais qui dit modernisation et transformation de l'action publique dit aussi modernisation et réorganisation des structures qui servent la politique publique et qui mettent en oeuvre les politiques publiques que nous décidons les uns et les autres.

Nous voulons mettre à profit cette période de concertation pour redonner du sens et de la cohérence à l'exercice des missions de service public, tout en tenant compte des opportunités nouvelles offertes par le numérique et de l'objectif de maîtrise des coûts dans la durée. L'idée est de réinterroger les politiques et de réinterroger leur périmètre, sans avoir comme seule obsession de réduire celui de l'action publique, mais plutôt en se demandant quelles sont les missions qui ont encore du sens ou qui n'en ont plus et quels sont les champs de la société et de l'action publique qui ne sont pas investis aujourd'hui par l'État ou la puissance publique, mais qui mériteraient de l'être demain au titre de la solidarité.

Différents outils ont été prévus à cette fin. Un comité d'experts a été constitué, avec trois pilotes et une quarantaine d'experts, qui mènent de nombreuses auditions – notamment de chacun des ministres concernés, que l'on qualifie parfois de « ministres employeurs » et qui sont à la tête de ministères mettant en oeuvre les politiques publiques. Une deuxième vague d'auditions est actuellement en cours puisque nous avons demandé, sous l'autorité du Premier ministre, que la contribution de chacun des ministères soit revue, voire améliorée, pour atteindre un niveau de performance un peu plus élevé que ce qui avait été prévu.

Parallèlement, et toujours au sein des administrations centrales, cinq chantiers transversaux ont été engagés, afin d'identifier collectivement toutes les actions nécessaires, en termes de simplification administrative, de transformation numérique, de rénovation du cadre des ressources humaines, d'organisation territoriale des services publics et de modernisation de la gestion budgétaire et comptable.

À la fin du mois de janvier ou au cours de la première semaine de février, se tiendra un premier comité interministériel de la transformation publique, au cours duquel les premières orientations et le cadre général de la réforme seront fixés. Les partenaires sociaux sont évidemment associés à la préparation de ces travaux.

Nous souhaitons qu'au-delà du travail des experts et de chacun des ministères et de leurs administrations centrales, les usagers et les agents soient mieux associés à cette concertation. C'est le sens du forum de l'action publique numérique qui a été lancé en novembre, et que vous pouvez d'ailleurs rejoindre. Via cette consultation nationale interactive (www.forum-action-publique.gouv.fr) les agents et les usagers – il y a deux onglets distincts – peuvent contribuer à la modernisation de l'action publique. À ce stade, un peu plus de 10 000 contributions ont été versées sur ce forum. Nos services sont en train de les étudier pour en tirer les éléments les plus importants.

Parallèlement, nous organisons en région des forums territoriaux et des ateliers de co-construction. Treize forums régionaux et six ateliers de co-construction permettent ainsi aux agents publics et à leurs administrations de réfléchir ensemble de manière décloisonnée à de nouvelles façons d'agir, et de formuler des propositions. Des événements, organisés à Montpellier, Toulouse, Strasbourg, Lille, Nantes ou encore Paris, alimentent la concertation.

Le premier comité interministériel se tiendra au cours de la première semaine de février, et permettra de dégager les orientations générales. Le rapport des experts sera rendu au cours du mois de mars. Enfin, l'intégralité des contributions des forums territoriaux, des ateliers de co-construction, du forum numérique et des ministères sera rendue d'ici février et mars. Ainsi, au mois de mars, le Président de République et le Premier ministre pourront rendre publics au mois leurs arbitrages sur le contenu exact du programme « Action publique 2022 », sur la base de cette multiplicité de contributions.

Nous assumons le risque que les contributions soient contradictoires. On ne peut pas – et nous ne voulons pas – brider les travaux du comité d'experts, ni ceux des ministères, ni les contributions déposées sur le forum de l'action publique, comme sur les forums de discussion déconcentrés et décentralisés. C'est à partir de ce foisonnement de propositions qu'un certain nombre de priorités – quinze ou vingt afin que le plan demeure lisible – seront arrêtées au cours de ce mois de mars 2018, afin de mener à bien la transformation de l'État.

L'objectif est de se demander quel État nous voulons en 2022. Il fallait sortir d'une vision comptable consistant, comme ce fut le cas précédemment, à envisager la transformation de l'action publique sous le seul angle des effectifs et de coupes à réaliser, de façon parfois aveugle, dans tel ou tel domaine, tel ou tel ministère ou telle ou telle catégorie de personnel.

Quel État voulons-nous ? Quelle puissance publique voulons-nous ? Quel service doit être rendu ? Quel sens donnons-nous à l'action publique ? C'est en répondant à ces questions que nous ferons des choix, tout en assumant notre volonté de maîtriser les coûts et de respecter les trajectoires budgétaires qui ont été adoptées, notamment pour tenir nos engagements communautaires.

Ce rappel du programme « Action publique 2022 » était utile, dans la mesure où le projet de loi qui est soumis à votre examen constitue la première étape de cette transformation de l'action publique.

Autrement dit, ce projet de loi pour un État au service d'une société de confiance est l'Acte I du programme de transformation de l'action publique. Il traduit la volonté de modifier et de simplifier le fonctionnement de l'administration, autant pour les usagers que pour les agents, mais aussi de conduire un changement de mentalité et de culture. Comme l'a dit avant moi le ministre de l'action et des comptes publics, il s'agit d'engager notre administration dans une logique de conseil, de bienveillance et d'accompagnement, plutôt que dans une logique de sanction.

Il n'est pas question de mépriser ou de sous-estimer les progrès qui ont été réalisés au cours des vingt dernières années en matière d'accueil et d'accompagnement du public. Mais l'enjeu est d'aller plus loin dans la qualité du service rendu aux usagers, en tendant d'une part vers une administration de conseil et de service, d'autre part vers une action publique modernisée et simplifiée.

Comme vous connaissez les différentes dispositions du texte, je serai assez rapide sur le droit à l'erreur et sur le droit de contrôle.

Le droit à l'erreur concrétise un engagement fort du Président de la République. Il permet de dispenser de pénalités – ou du moins de limiter leur impact – l'usager qui, de bonne foi, aura commis une erreur dans le cadre d'une déclaration ou d'un contrôle. Le droit au contrôle permet à l'usager de s'assurer qu'il est bien en règle, et d'opposer les conclusions de ce contrôle à l'administration, notamment si, par malheur, le conseil ou le constat de cette dernière n'était pas tout à fait conforme soit à la réalité, soit au droit.

Nous voulons mettre à profit ce texte pour mener un nouvel effort de simplification des normes applicables aux usagers. Vous le savez, la France est aujourd'hui cent quinzième sur cent quarante, sur l'échelle de la complexité administrative. Il nous reste donc beaucoup de chemin à faire pour simplifier la vie administrative sans nécessairement remettre en cause la sécurité, la santé publique et tout ce qui fait la cohésion et notre capacité à vivre ensemble.

Je précise que les agents publics sont parmi les premières victimes de cette complexité, et qu'ils demandent eux-mêmes un certain nombre d'allègements et d'assouplissements – reconnaître la bonne foi des usagers, ou pouvoir négocier, transiger pour trouver – évidemment dans le respect du droit – des solutions concertées plutôt que d'aller directement au contentieux. Les agents publics sont souvent confrontés à des situations ubuesques, kafkaïennes et face aux usagers, ils sont en première ligne.

Nous allons travailler à la réduction du nombre de normes ainsi qu'à la possibilité – pour certaines activités – d'obtenir un certificat d'informations qui détaillera l'ensemble des obligations réglementaires et poser ainsi une fois pour toutes un cadre pour celles et ceux qui veulent exercer l'activité en question. Et nous allons évidemment continuer à travailler à la lutte contre la sur-transposition – dont avons fait une spécialité, et qui est bien souvent source de complexité.

D'autres mesures touchent directement à l'organisation des administrations. Je pense notamment à ce que nous prévoyons pour tendre vers l'objectif « zéro papier » en 2022. Je citerai, entre autres : la suppression des justificatifs de domicile pour la délivrance de cartes d'identité, de passeports ou de permis de conduire, qui fera l'objet d'une expérimentation avant d'être généralisée ; l'extension – là encore, après expérimentation – du principe « dites-le nous une fois pour toutes », afin que les documents et informations transmis à une administration puissent être partagés, et que les chefs d'entreprise ne soient pas obligés de fournir systématiquement et en permanence les mêmes justificatifs ; ou encore la suppression des obstacles à la dématérialisation de la gestion des actes relatifs à la situation individuelle des agents publics, pour limiter les « circuits de parapheurs » et économiser du temps en matière de signature et de contre-signature pour un certain nombre d'actes de gestion courante.

Enfin, ce texte nous amène à revoir en profondeur les rapports entre l'administration et les usagers, notamment en consacrant un principe d'adaptation de l'action publique et en renforçant le principe d'évaluation de celle-ci. C'est ainsi que, le 31 décembre dernier, après avis du Conseil d'État, a été publié au Journal Officiel un décret autorisant l'expérimentation, à l'échelle de certaines préfectures de région et de certaines agences régionales de santé, du principe d'adaptation réglementaire aux territoires. Cela nous permettra de voir – notamment en vue de la future révision constitutionnelle – dans quelle mesure l'application des règlements et des normes peut être adaptée territoire par territoire.

Pour certaines de nos administrations, au-delà des mesures que je viens d'évoquer rapidement et que Gérard Darmanin avait eu l'occasion de détailler devant vous au mois de décembre, ce projet de loi constitue une véritable révolution copernicienne, au regard tant de leur légitimité, fondée sur leur expérience juridique, que de leur force de contrôle ou de leur pouvoir de sanction et l'usage qu'elles en font.

Cela représente pour elles plus de souplesse et de nouvelles marges de manoeuvre pour définir de nouveaux modes de régulation de l'action publique, repenser l'exercice de leurs missions et reconstruire avec les usagers une relation de confiance. Je pense notamment au développement de tout ce qui relève de la médiation ou de la transaction qui, selon nous, doivent être mises quotidiennement au coeur des politiques publiques et de l'action de nos services.

Cela ne se fera pas tout seul. Nous avons coutume de dire, notamment à propos du droit à l'erreur, qu'il s'agit avant tout de changer les mentalités – les mentalités dans nos services, mais aussi les mentalités des usagers, et donc la relation entre l'usager et les services. Il nous faudra faire preuve de pédagogie et offrir un accompagnement spécifique aux agents publics et aux administrations concernés, pour que les uns et les autres puissent se saisir de ces orientations et appliquer directement les dispositions des textes – celui-ci, mais aussi toutes les dispositions qui seront prises dans le cadre du programme « Action publique 2022 ».

C'est une des priorités d'action du schéma directeur de la formation professionnelle qui est en voie de finalisation au sein de l'État, en lien avec le grand plan d'investissement.

Des travaux ont été engagés depuis l'été avec l'ensemble des ministères et leurs écoles de service public afin de mieux coordonner l'offre de formation, à la fois aux niveaux interministériel et ministériel, pour l'ajuster au plus près des besoins des employeurs et des agents publics.

La formation initiale des agents de l'État sera ainsi profondément revisitée afin de laisser plus de place à l'acquisition de compétences telles que la capacité d'adaptation, l'esprit d'initiative ou encore la capacité d'empathie et de bienveillance. Quand je parle de révolution copernicienne, nous avons tous en tête tel ou tel exemple à ce sujet. Nous considérons qu'aujourd'hui encore, la formation initiale de nouvelles recrues de la fonction publique est trop centrée sur l'acquisition de connaissances, et pas assez sur les savoir-être nécessaires à une action publique de qualité.

Le droit à l'erreur est une mesure forte du projet de loi. Il fera l'objet d'un module de formation particulier, en formation initiale comme en formation continue, afin de sensibiliser les agents publics quant à la portée de ce nouveau droit dans l'exercice de leurs missions. Plus généralement, tous les parcours de formation dédiés aux personnes en contact avec le public seront modernisés et professionnalisés pour développer la capacité d'adaptation et la posture de conseil et d'accompagnement de ces agents, permettant ainsi la mise en oeuvre réelle et effective de ce droit à l'erreur.

La formation seule, qu'elle soit initiale ou continue, ne suffit pas. Nous considérons qu'il faut que l'encadrement montre l'exemple. C'est la raison pour laquelle les managers feront l'objet d'une attention toute particulière dans le cadre de la mise en oeuvre des nouvelles dispositions prévues par le projet de loi, comme par le plan « Action publique 2022 ».

Nous voulons leur donner à la fois l'autonomie nécessaire pour conduire ces différents changements et en même temps les accompagner, et accompagner leurs équipes, pour que ces changements s'opèrent dans les meilleures conditions.

Dans le cadre des travaux sur le schéma directeur de formation professionnelle, la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), ainsi que la délégation interministérielle à la transformation publique (DITP) – vous avez reçu Thomas Cazenave, son délégué interministériel – sont chargées de définir un programme spécifique d'appui pour les managers, fondé à la fois sur des ressources qui pourraient être mises à disposition par la voie numérique et sur l'offre d'un accompagnement individualisé et collectif à la conduite du changement, que ce soit pour l'appui à la définition des nouveaux processus de travail, pour les modalités d'association ou de participation des agents publics ou encore pour la concertation avec les usagers. La consigne a été donnée : ce programme devra être opérationnel au second semestre 2018, de manière que nos managers chefs de service puissent en bénéficier et en faire bénéficier leurs équipes.

Je le disais, le schéma national de la formation professionnel se construit en lien avec le grand plan d'investissement. La raison en est qu'1,5 milliards d'euros a été fléché pour le financement de ces actions de formation identifiées comme prioritaires dans les plans de formation ministériels.

Cela signifie – il est important de le souligner – que 10 % des crédits de formation professionnels seront consacrés à l'accompagnement du changement et à l'accompagnement de la transformation publique. C'est considérable, si on se souvient que, sur les crédits consacrés à la formation professionnelle, l'essentiel est affecté au développement des compétences, à la préparation de concours, à l'accompagnement des carrières professionnelles… Or, ces masses peuvent paraître quelque peu incompressibles, ce qui est heureux pour le parcours et pour les carrières de nos agents. Mais nous dégageons des marges de manière à permettre de financer des formations spécifiques liées à la transformation de l'action publique.

J'entre maintenant dans un champ un peu plus technique : notre dispositif repose sur un mécanisme d'exonération de régulation budgétaire. Seules les actions de formation concourant aux objectifs d'accompagnement de la transformation publique pourront en effet bénéficier de l'exonération budgétaire. Elles pourront ainsi être sanctuarisées dans les différentes administrations centrales, au bénéfice des agents qui devront mettre en oeuvre les nouvelles dispositions.

En complément, des dispositifs de formation et d'accompagnement interministériels sont aussi prévus par le schéma directeur et portés financièrement par les administrations concernées : ce sont des modules d'accompagnement spécifique visant à accompagner les agents au cas par cas, selon les besoins de chacune des administrations.

En fonction des besoins qui se révèleront au fur et à mesure du déploiement des mesures prévues par ce projet de loi, et plus généralement du programme « Action publique 2022 », d'autres modalités de financement pourront être examinées.

Le fonds pour la transformation publique, prévu lui aussi au titre du grand plan d'investissement, pourra également être mobilisé par les administrations pour le financement de certains investissements nécessaires à la conduite de leurs projets de transformation, tels que certains investissements en matière informatique.

Une dotation de 700 millions d'euros sur cinq ans est prévue à cet effet sur le nouveau programme budgétaire 349, qui alimente le fonds pour la transformation de l'action publique. Sur ce montant, 200 millions d'autorisations d'engagement sont d'ores et déjà ouverts en 2018. Les modalités de mise en oeuvre de ce fonds innovant sont en cours de définition, pour être ensuite diffusées à l'ensemble des administrations.

S'agissant de la formation des managers et de leur accompagnement à la conduite du changement, des réflexions analogues ont été lancées, dans le versant territorial et dans le versant hospitalier, avec les administrations et opérateurs de formation concernés, notamment le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et l'Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH).

Là encore, les partenaires sociaux sont associés à la réflexion sur ces sujets.

Au sein de l'État, la commission « formation » du Conseil supérieur de la fonction publique de l'État (CSFPE) a été réinstallée en octobre dernier, après huit ans de suspension de ses travaux. Au niveau inter-fonctions publiques, un nouveau cycle de concertations est prévu à l'agenda social 2018 sur le développement des compétences des agents publics et l'accompagnement professionnel dont ils peuvent bénéficier tout au long de leur carrière.

Nous considérons qu'il s'agit là de leviers essentiels pour améliorer la qualité du service rendu aux usagers, mais aussi pour conforter la motivation et le bien-être au travail de nos agents publics.

Je peux vous confirmer que, avec le ministre de l'action et des comptes publics, nous sommes déterminés à ce que l'accompagnement à la conduite du changement soit pleinement intégré, dès le début de la réflexion, dans chacun des plans de transformation des ministères et administrations publiques. Nous aurons à connaître de ces plans dans le cadre de la déclinaison des attributions des ministres que j'évoquais au début de mon propos.

Ce point fera par ailleurs l'objet d'un suivi particulier dans le comité de suivi d'« Action publique 2022 », qui rassemble les fédérations de services publics et les confédérations, comme nous le leur avons proposé.

Au niveau du Gouvernement, nous souhaitons que le « conseil de la réforme » que vous avez évoqué comme un outil de suivi de la mise en oeuvre des dispositions de ce projet de loi, mais aussi du plan « Action publique 2022 », puisse, en même temps qu'il aura à se consacrer à l'évaluation et au suivi de la mise en oeuvre des dispositions législatives, être informé des efforts faits par les administrations et, plus globalement, dans l'ensemble de la fonction publique, en matière d'accompagnement de la formation des agents – et évaluer ces efforts.

J'ajoute enfin que nous prenons l'engagement devant vous d'informer étroitement le conseil de la réforme et de l'associer aux modalités d'écriture des ordonnances qui sont prévues par divers articles du texte. Notamment, au fil des discussions conduites jusqu'à aujourd'hui avec le rapporteur et la présidente de la commission, nous avons compris et intégré le fait que votre commission spéciale était particulièrement attentive à ce que les différentes parties prenantes des secteurs de l'action publique ou des secteurs de l'action concernée par ce premier projet de loi, soient associées et soient consultées et concertées dans le cadre de la préparation des ordonnances prévues par les différents articles.

Pour répondre au rapporteur, j'ajoute un dernier mot concernant l'implication du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Les dispositions prévues nous agréent, mais il faut garder en tête que la révision constitutionnelle à venir pourrait – et ce conditionnel est assez affirmatif – concerner les missions et la manière de travailler du Conseil. Il faudra certainement tenir compte de ces nouvelles orientations et de cette prochaine révision constitutionnelle avant de définir les modalités d'association du CESE à la mise en oeuvre de cette réforme.

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Il y a deux points, monsieur le secrétaire d'État, sur lesquels je voudrais vous demander quelques précisions.

D'abord, quels moyens seront engagés pour aller au bout de l'ambition affichée par le Gouvernement ? Je souscris d'ailleurs à cette ambition, car je mesure les attentes de nos concitoyens en la matière. Comme c'est légitime compte tenu de vos responsabilités, vous avez indiqué qu'il faudrait, le plus possible, faire les modifications nécessaires à moyens constants ou sans engendrer trop de surcoût. Mais il est tout de même difficile d'imaginer comment un plus grand degré de personnalisation de la réponse de l'administration, joint à la recherche d'une plus grande réactivité, va pouvoir se réaliser sans que de nouveaux moyens soient débloqués.

Il est certes très difficile d'imaginer tous les cas de figure, mais on comprend aisément que si on poursuit, comme je l'espère, le but de réduire le délai de réponse de la part d'un certain nombre d'administrations aux questions et aux attentes des administrés, cela fait naître des questions de moyens, surtout si on veut que la réponse, non contente d'être plus rapide, soit aussi plus personnalisée. Voilà mon premier point, sur lequel la réponse donnée par M. Cazenave ce matin m'a laissé quelques doutes.

Sur la formation, notamment sur la formation continue, j'entends ce que vous dites. Elle demandera cependant du temps pour produire des effets auprès de personnels qui ont des habitudes, ce qui est légitime.

Je serais également heureux d'en apprendre davantage sur l'idée, très intéressante, d'une administration plus humaine, moins réglementaire, moins automatique, plus personnalisée dans son approche des administrés. Chez moi, cette idée suscite une grande interrogation sur la notion de responsabilité. Le fonctionnaire ou agent public amené à traiter un cas particulier avec une réponse particulière va, en quelque sorte, engager sa responsabilité, en fonction de son appréciation et de son libre arbitre, pour autoriser ou octroyer un délai ou un droit à l'erreur.

Comment traitera-t-on cela en ayant le souci d'apporter une réponse homogène et équitable à l'ensemble de nos concitoyens ? Car le texte que nous examinons aujourd'hui, même s'il comporte une quarantaine d'articles, ne peut naturellement pas balayer l'immensité des situations auxquelles nos agents publics vont être confrontés.

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Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État. Au fur et à mesure des auditions, nous entrons de plus en plus dans le détail et cela devient d'autant plus intéressant.

Nous sommes particulièrement vigilants sur l'aspect des ressources humaines et de l'accompagnement. Nous en avons discuté ce matin avec M. Cazenave. Je vous remercie des indications que vous nous donnez au sujet tant du planning, de la méthodologie suivie avec les organisations syndicales que des montants engagés : la formation est en effet avant tout un investissement.

Comment aller encore plus loin ? L'administration doit progresser sur le terrain de la confiance en interne. Sur quels axes de formation les agents et le management peuvent-ils travailler ? Pour ce dernier, nous nous disions précisément ce matin que ce serait le grand écart entre les administrations qui, engagées dans des démarches d'amélioration continue, ont déjà pris l'habitude d'aller chercher l'information et celles où les agents contrôleurs peinent à revenir voir leur supérieur hiérarchique sans avoir d'anomalie à lui présenter, ce qui met l'usager en mauvaise position. Pourrions-nous aller encore plus loin, dans le domaine de la formation, pour accroître la confiance interne et accompagner le vrai changement culturel dans l'attitude des agents vis-à-vis de leur hiérarchie ?

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Vous avez dressé la liste de villes qui accueilleront les forums territoriaux. Peut-être est-ce le fait du hasard, mais il s'agit essentiellement de métropoles. Des forums territoriaux ne se dérouleront ils jamais dans des territoires ruraux ou des villes moyennes ? Ce serait pourtant indispensable. Il y a en effet des spécificités particulières liées à l'éloignement, mais aussi au fait que beaucoup de personnes devront être accompagnées dans le domaine du numérique.

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Je vous remercie de la lecture du texte que vous nous avez livrée mais aussi de l'avoir replacé dans le contexte global de l'action publique à l'horizon 2022.

Les organisations syndicales que nous avons auditionnées ont toutes regretté de n'avoir pas été associées à l'élaboration de ce texte. Qu'avez-vous à répondre ?

S'agissant du changement de mode de pensée au sein de l'administration, la procédure du rescrit et les certificats d'information vont amener les agents publics à exercer leurs missions de manière différente. Certes, des actions de formation continue seront menées. Mais, pour que ce texte prenne du sens, il faut qu'il connaisse une application assez rapide. Quelles dispositions prendrez-vous pour cet accompagnement des agents au quotidien ? Car il faudra être opérationnel dès la parution des ordonnances, de sorte que le citoyen, l'entreprise et les collectivités puissent voir réellement un changement de pratique et une amélioration du mode de fonctionnement.

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Je suis heureuse qu'on se pose enfin la question du savoir-être dans le management de nos fonctions publiques. À mon sens, il y a en effet une véritable révolution culturelle à mener.

Mais je n'ai jamais entendu évoquer l'outil de l'audit. Avant de faire des formations, qui sont absolument nécessaires, il me semblerait important de savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Quand on fait des audits, par exemple dans les collectivités, on voit ce qui marche et on voit ce qui ne marche pas et on cible les formations sur ce qui ne marche pas.

Ce pourrait être aussi dans les trois fonctions publiques un outil intéressant, permettant de partir des compétences et des expériences, mais en tenant aussi compte des manques et des dysfonctionnements.

La formation des élus me semble aussi importante : l'accompagnement au changement ne doit pas être de la seule responsabilité des agents et des encadrants, mais aussi celle des élus, notamment pour ce qui a trait à la fonction publique territoriale.

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Tout à l'heure, nous avons « balayé les amendements » et ce travail concret nous a permis de nous rendre compte de ce que sont les attentes des députés. Et il y en a énormément car c'est un très gros chantier.

Bien sûr, vous l'avez dit en introduction, Madame la présidente, tout ne sera pas dans cette loi. On voudrait pourtant tout y mettre et tout régler d'un coup. Cela veut dire qu'il y aura un travail à faire dans d'autres textes. Comment en tiendrez-vous compte, monsieur le secrétaire d'État, au-delà de cette loi spécifique, dans les travaux qui seront menés au cours des nombreuses réformes à venir ?

Par ailleurs, construire la confiance ne peut se faire que dans les deux sens, des usagers envers l'administration et de l'administration envers les usagers. Comment comptez-vous prendre réellement en compte cette idée, qui ne manquera pas de soulever des questions sur le terrain.

La simplification et le droit à l'erreur n'aboutiront pas tout de suite. On viendra alors nous demander pourquoi une question reste sans réponse et pour combien de temps. Nous devrons donc faire de la pédagogie. Comment comptez-vous nous y aider, pour éviter que le fil de la confiance ne se perde et pour que nous continuions à la construire au fur et à mesure ?

Enfin, comment cela se passe-t-il dans les autres pays ? Des comparaisons sont-elles possibles, en dépit des différences historiques et culturelles ?

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Vous nous avez parlé de formation initiale et il se trouve qu'au cours de l'élaboration de mon rapport spécial sur la fonction publique, j'ai eu le plaisir de rencontrer M. Patrick Gérard, nouveau directeur de l'École nationale d'administration, l'ENA. Comment envisagez-vous de travailler avec lui ? Nous avons tous dans l'idée que l'exemplarité est un bon moyen de porter des valeurs et des savoir être, et la mission de réforme dont M. Gérard a été chargé, pour casser un peu le moule de l'énarque en vue de former des hauts fonctionnaires qui ne soient pas tous formatés, participe aussi de la transformation du service public.

De même, la mobilité est un aspect que je trouve important pour les agents publics, aussi bien à l'intérieur de la fonction publique, qui compte trois versants dont les cloisons sont un peu trop étanches aujourd'hui, qu'à l'extérieur. J'ai déjeuné récemment avec le colonel de gendarmerie de mon département, qui m'a fait part d'une expérimentation de la direction des ressources humaines de la gendarmerie que je trouve très intéressante. Ils envoient leurs futurs cadres dirigeants respirer un peu, au cours de leur carrière, dans de grandes entreprises françaises, Renault, Sopra Steria…, ce qui leur permet à la fois d'acquérir de nouvelles compétences, notamment managériales, et surtout de confirmer leur engagement au service du public dans leur administration. Une telle expérimentation est-elle selon vous reproductible ?

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Je suis très attentive, en raison de mon parcours, à la formation et à l'accompagnement. Le concours doit-il être l'alpha et l'oméga du recrutement de nos fonctionnaires ? Si oui, dans quelle mesure peut-on y introduire l'évaluation des compétences humaines ? Une tête bien pleine et bien construite ne signifie pas forcément un agent humainement bien constitué.

Nous évoquons beaucoup les agents de la fonction publique, mais qu'en est-il des usagers ? M. Daniel a souligné la nécessité de faire de la pédagogie et il faudra en effet porter vers les usagers ce changement que nous voulons.

J'ai aussi entendu Mme Hérin déplorer que vous n'ayez évoqué que les métropoles. Issue d'un territoire très rural, je note qu'il y aura un gros besoin d'accompagnement des usagers parce que se développe une nouvelle forme d'illettrisme, l'illettrisme numérique, avec un éloignement fort des services publics mais aussi de réelles difficultés de connexion, les zones blanches n'étant pas un fantasme mais une réalité du quotidien. Dans cette réforme, qu'avez-vous prévu pour accompagner les usagers ?

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

Je ne pourrai pas apporter de réponse à toutes vos questions car un certain nombre de programmes et d'actions sont en cours de définition.

Les moyens budgétaires, monsieur Viala, c'est 1,5 milliard fléché dans le cadre du schéma national de formation sur cinq ans, soit 300 millions par an. C'est 10 % de l'effort de formation initiale et continue des agents publics qui seront consacrés à cette montée en compétences et à cet accompagnement ; auxquels s'ajoutent 700 millions d'euros pour le financement des investissements, notamment pour le développement d'outils nouveaux.

En ce qui concerne les moyens humains, nous sommes confrontés à deux difficultés, mais elles sont assumées. La première est d'accepter, malgré la volonté de maîtriser les coûts – qui peut aussi passer par une réduction globale des effectifs puisqu'un objectif de 120 000 a été fixé –, de prendre le temps nécessaire à la redéfinition des politiques publiques. Dans le projet de loi de finances pour 2018, l'objectif de réduction des effectifs d'agents publics de l'État est d'à peine 1 600 postes. Sur cinq ans, on est loin d'un effort de 120 000 réductions. C'est délibéré dans la mesure où nous considérons que c'est une fois que les priorités seront fixées et que la redéfinition de nos politiques publiques sera arrêtée que nous pourrons conduire une action de modulation, à la baisse dans certains secteurs et à la hausse là où ce sera nécessaire.

La seconde difficulté, c'est que nous devons porter un intérêt tout particulier aux questions de reclassement, en particulier eu égard au numérique et à la digitalisation. Certains usagers, vous l'avez dit, Madame Beaudouin-Hubière, sont coupés de cette utilisation. Nous avons aussi des agents qui, par leur formation initiale, leur parcours professionnel, parfois avec un effet générationnel, n'ont pas la même appréhension des outils numériques. Certains agents sont inquiets car le développement de ces outils et la capacité à traiter des informations en masse pourraient rendre nul l'intérêt de mener certains contrôles humains. Nous devons donc travailler à ces questions de reclassement, ce qui vient en parallèle de notre objectif général d'améliorer la gestion des carrières.

Nous savons que, dans certains secteurs – d'action ou géographiques –, une médiation sera nécessaire. Dématérialiser un service ne se fait pas du jour au lendemain ; il faut un temps pendant lequel les usagers doivent être accueillis physiquement et accompagnés. Nous y veillerons, ainsi qu'au maintien de moyens dans les administrations déconcentrées pour permettre cet accueil de proximité. Notre défi est ainsi de tenir l'objectif en termes de maîtrise des coûts et en même temps de maintenir la présence humaine là où elle est nécessaire. Cela va prendre du temps et le changement induit aussi des coûts, mais c'est parce que cette dépense sera réalisée que nous aurons à terme une administration plus efficace et plus efficiente.

Madame Hérin, un forum se tenait hier à Briançon, qui n'est pas une métropole – le dire n'est pas faire injure aux Briançonnais. D'autres forums sont en train d'être organisés. Nous souhaitons qu'ils soient répartis dans le territoire. Quand il s'agit de réunir des agents, des responsables publics d'horizons différents, au sein d'une même région, le caractère central est souvent recherché, ce qui incite à choisir des grandes villes. Même s'il ne s'agit pas d'un forum physique, l'objectif du forum numérique est aussi de permettre à ceux qui seraient éloignés géographiquement de pouvoir s'exprimer. Plus de 10 000 contributions ont été enregistrées. Nous invitons les uns et les autres à assurer la promotion de cette possibilité d'expression.

Les organisations syndicales ont indiqué ne pas avoir été consultées sur ce texte. C'est une réalité puisque le texte a été préparé aussi rapidement que possible, et il a été considéré, dans la mesure où aucune disposition n'entraînait une modification statutaire pour les agents, qu'il n'y avait pas lieu de procéder à une telle consultation. C'est peut-être un regret car on gagne toujours à élargir une consultation, et cela fait partie des raisons qui ont conduit le Gouvernement à proposer un comité de suivi plus large sur « Action publique 2022 », en considérant que le présent texte est le premier axe de ce programme. Nous veillerons à ce que le dialogue social soit assuré et, pour répondre à votre question, madame Dubié, je précise que le comité de suivi ne se substitue pas aux instances représentatives du personnel pour la mise en oeuvre des plans de transformation dans telle et telle administration.

La question des certificats d'information rejoint celle de la capacité des agents, dès la promulgation du texte, à appliquer les dispositions sur le droit à l'erreur. Dans les secteurs les plus techniques, un déploiement par expérimentation est prévu. Pour le reste, l'immense majorité de nos agents sont aujourd'hui plus souvent en demande de marges de manoeuvre pour négocier plutôt que dans la crainte de se voir donner la possibilité de le faire. Nous faisons confiance au bon sens, et la qualité des expériences déjà menées nous rend optimistes. La DGFiP est certainement l'administration la plus avancée en la matière ; l'appréciation de la bonne foi des contribuables est déjà une pratique courante de ses fonctionnaires. Lorsque nous discutons avec ses représentants, ils nous disent même que notre texte ne va au fond pas très loin, ne change pas tellement leur façon de travailler : c'est une réalité car le texte s'inspire beaucoup de ce que fait déjà cette administration.

Madame Hammerer, le schéma national de formation professionnelle n'est pas encore finalisé car il s'inscrit dans le dialogue social et ne sera pas arrêté par la seule direction générale de l'administration. Il fait suite à un audit de l'ensemble de l'offre de formation initiale et continue proposée aux agents publics. J'ajoute, même si c'est hors de notre champ aujourd'hui, que nous souhaitons également tenir compte, dans ce schéma national, de thématiques sur la lutte contre les discriminations, l'égalité femme-homme, la prévention et la sanction des comportements inappropriés.

Nous allons modifier la manière dont on évalue la qualité des formations dispensées aux agents. Nous sommes aujourd'hui dans une logique d'évaluation à chaud : nous évaluons la formation avant de la dispenser ou non. L'objectif est que les formations fassent l'objet d'une évaluation trois mois, six mois et douze mois après, de manière à voir leur impact en termes de performance de l'activité, du service et des conditions d'exercice des missions. Cela permettra d'ajuster le schéma national en fonction des résultats.

Monsieur Daniel, cette loi en effet n'est pas tout : c'est la première pierre de la transformation publique. L'orientation du Gouvernement a été de donner un caractère très principiel à ce texte. Nous savons que cela ouvrira d'autres débats sur des mesures de simplification sectorielles. Nous entendons que chaque loi sectorielle à venir comprenne un volet de simplification, plutôt que d'imaginer une loi de simplification de 250 ou 300 articles…

L'ENA, madame Motin, est dans la cible de la transformation de la formation. Au-delà du travail de son nouveau directeur, se pose la question de l'égalité dans le recrutement et dans l'accès à la fonction publique. Notre objectif est que ces recrutements soient le plus divers possible et atteignent les objectifs fixés par la loi Sauvadet de 2012 et la loi sur l'égalité femme-homme de 2014. En ce qui concerne les primo-recrutements, les objectifs sont tenus de manière globale pour 2016, même si quelques ministères pris individuellement ne les ont pas remplis, mettant en avant le fait que les viviers de recrutement pour certains postes sont encore très masculins, par exemple dans la défense. La loi sur l'égalité a fixé la barre un peu plus haut pour 2017 et ce sera encore le cas en 2018. Par ailleurs, il existe un guide de formation pour les membres de jury dont nous allons actualiser le contenu ; ce ne sont pas des consignes mais des points de vigilance, sur la diversité, le refus de toute forme de discrimination… Nous menons également des études en interne pour vérifier qu'il n'existe pas de discriminations qui seraient des freins à la sélection dans tel ou tel secteur de l'administration.

Au-delà des jurys de sélection à l'entrée dans la fonction publique, nous vous rejoignons quant à la nécessité d'allers-retours entre le public et le privé, ce qui dépasse largement le cadre du seul déroulement de carrière et renvoie à d'autres réformes, comme celle des retraites. Par exemple, une personne qui a totalisé quarante-deux annuités de cotisations comptabilisées pour moitié dans le public et pour l'autre moitié dans le privé, subira une décote sur les deux pensions qu'elle percevra car celles-ci seront calculées non sur la totalité de sa carrière mais sur sa demi-carrière dans le public et sur son autre demi-carrière dans le privé. Le travail d'harmonisation va donc au-delà de la question du statut, y compris pour le calcul des droits à la retraite.

Madame Beaudouin-Hubiere, vous avez posé la question des recrutements à laquelle j'ai déjà répondu en évoquant la diversité. Dans le cadre du dialogue social, nous essayons de faciliter et de diversifier les modes de recrutement. Le recrutement de contractuels est déjà largement permis et il a même été élargi aux fonctions d'encadrement. Nous réfléchissons également avec les partenaires sociaux aux moyens que ces recrutements soient encore plus divers. En l'état actuel des statuts, le concours reste la modalité principale. Mais au vu des recrutements de contractuels que nous connaissons, nous ne pouvons plus considérer qu'il n'existe qu'une seule modalité, à savoir le concours ; la réalité est bien diverse. Cela dit, dans la mesure où des groupes de travail ont été constitués avec les organisations syndicales, vous comprendrez que nous ne pouvons pas préjuger le résultat de cette concertation, sauf à nier le dialogue social et l'intérêt de cette concertation.

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On sait que la tension est grande entre les objectifs de performance qui sont nécessaires et les objectifs de qualité, et je dirai même d'humanité des services publics. Les agents sont confrontés à cette pression dans tous les services publics : à l'hôpital, La Poste, les caisses d'allocation familiale, Pôle emploi etc. Selon moi, la logique du chiffre doit s'accompagner de cette « éthique » – nous verrons si le mot est conservé – de redistribution, d'équité et de solidarité qui est l'essence même du service public. Il faudrait que la stratégie nationale d'orientation de l'action publique comporte au moins cette notion d'éthique ou que l'on sache comment on va pouvoir concilier performance et qualité.

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics

La réponse est dans votre question. Notre objectif, c'est bien que nos agents respectent cette éthique et la qualité. Mais nous avons aussi la volonté de changer la culture tout en appliquant l'ensemble des dispositions. S'agissant des questions d'éthique qui ne renvoient pas nécessairement à la performance, notre objectif est de veiller à ce que le dernier texte sur la déontologie et les devoirs de chaque agent public soit appliqué scrupuleusement et d'aller au bout de cette application. Cela ne répond que partiellement à votre question parce que nous ne pourrons vérifier que dans trois ou cinq ans que ce changement de culture a bien eu lieu dans l'ensemble des administrations.

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Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie. Le puzzle du texte et du contexte se met en place audition après audition, ce qui nous permettra d'attaquer, au début de la semaine prochaine, la discussion du projet de loi en commission. Nous sommes de mieux en mieux éclairés, et je pense que vous y avez contribué.

Merci également pour les ouvertures que vous avez faites sur le Conseil de la réforme. J'en profite pour rappeler, comme cela a été annoncé lors de l'audition de Gérard Darmanin, que le bureau de la commission spéciale se réunira lundi prochain, à seize heures, juste avant le début de l'examen du texte en commission qui aura lieu à seize heures trente. Cela nous permettra de fixer les modalités de ce futur Conseil de la réforme qui devra être transpartisan et survivre à notre commission spéciale, c'est-à-dire exister pendant toute la durée du quinquennat pour être associé étroitement aux travaux que vous allez mener. En tout cas, je vous remercie de l'ouverture que vous avez faite quant à l'association des parties prenantes, car cet aspect sera décisif pour la bonne application de cette loi.

Enfin, mes chers collègues, je vous indique qu'à la demande de certains d'entre vous, le calendrier des auditions conduites par votre rapporteur a été modifié et que je recevrai demain, à onze heures, des représentants des consommateurs, notamment l'UFC-Que Choisir qui traite souvent les questions des relations avec les administrations.

La séance est levée à dix-sept heures quarante.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 10 janvier 2018 à 16 h 30

Présents. – Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Yves Daniel, M. Dominique Da Silva, Mme Typhanie Degois, Mme Jeanine Dubié, Mme Sophie Errante, Mme Véronique Hammerer, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Stéphanie Kerbarh, M. Mohamed Laqhila, Mme Florence Lasserre-David, M. Gaël Le Bohec, M. Stéphane Mazars, Mme Monica Michel, Mme Sandrine Mörch, Mme Cendra Motin, M. Laurent Pietraszewski, M. Benoit Potterie, M. Cédric Roussel, M. Laurent Saint-Martin, M. Olivier Serva, M. Jean Terlier, M. Boris Vallaud, M. Arnaud Viala

Excusés. – M. Philippe Gosselin, Mme Marietta Karamanli, Mme Nicole Le Peih, Mme Monique Limon, Mme Sereine Mauborgne, M. Bruno Questel, M. Frédéric Reiss, Mme Alice Thourot

Assistait également à la réunion. – Mme Danièle Hérin