La commission entend M. Gérard Bekerman, président de l'Association française d'épargne et de retraite (AFER), M. Louis Abraham, conseiller, et M. Frédéric Lagier, administrateur de la SICAV AFER Premium, sur la révision de la directive Solvabilité II.
Nous achevons ce matin notre cycle d'auditions sur le projet de réforme de la directive Solvabilité II, en recevant M. Gérard Bekerman, président de l'Association française d'épargne et de retraite (AFER), ainsi que son équipe.
Nous aurons finalement entendu plus d'interlocuteurs que nous ne l'envisagions initialement : M. Jean-Paul Faugère, vice-président de l'ACPR, Mme Florence Lustman, présidente de la Fédération française de l'assurance, puis les représentants des institutions de prévoyance et, enfin, les représentants des assureurs mutualistes.
Je tiens tout d'abord, monsieur le président, mesdames et messieurs les commissaires aux finances, à vous remercier vivement. C'est une bonne idée que d'inviter les assureurs, c'est une bonne idée que d'inviter le régulateur et, surtout, le superviseur en la personne du préfet Faugère, mais je pense que c'est encore une meilleure idée que d'inviter l'AFER. Je pense effectivement, entouré de mes deux collaborateurs polytechniciens très techniciens, pouvoir exprimer très simplement la voix des assurés, au nombre de 30 millions, pour ne parler que de la France.
Quel est le problème ? L'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (European insurance and occupational pensions authority ou EIOPA), que personne n'avait pourtant mandaté, s'est arrogé les pleins pouvoirs en matière de régulation, alors même qu'il était non pas régulateur mais seulement superviseur. Je m'attriste d'ailleurs de constater que le Trésor français a ainsi passé le crayon à un régulateur européen qui régule un peu trop à notre goût – un peu trop parce qu'il n'y a eu aucune faillite de compagnie d'assurances depuis la guerre et que les conséquences pour les épargnants intéressés par cette forme d'épargne populaire qu'est l'assurance vie, véritable trésor national, sont désastreuses, avec des taux qui suffisent de moins en moins à offrir un pouvoir d'achat digne de l'assurance vie.
Pour simplifier, je commence par la conclusion : j'aimerais avoir les moyens de vous prouver, mesdames et messieurs les commissaires aux finances, qu'il faudrait dire non à une révision fondée sur l'hypothèse d'un choc de taux d'intérêt négatif et oui à une révision généralisant, pour le risque lié à la détention d'actions, l'exigence de capital de 22 %. Ce serait dans l'intérêt de l'exécutif, du bilan des assureurs, de l'Assemblée nationale et des 30 millions de Français qui vous le demandent.
La France ne peut, selon nous, être favorable à une révision à laquelle les assurés français s'opposent, car ils constatent que le coût en capital de la moindre prise de risque est déjà exorbitant pour les assureurs. En outre, la question des taux négatifs n'a d'existence que dans l'esprit du régulateur ; elle n'existe pas dans la réalité des faits. Voyez aux États-Unis : les taux à long terme ont commencé à remonter. Une régulation ne saurait être fondée sur des risques de très court terme, comme les taux négatifs. Une régulation saurait d'autant moins être fondée sur des considérations de prix à court terme que les engagements des compagnies d'assurance sont gonflés de passif à long terme.
La régulation part du constat que les taux sont bas, voire négatifs, mais cela ne va pas durer indéfiniment. Les taux peuvent parfaitement remonter. Cette évolution du contexte conjoncturel de court terme justifiera-t-elle une nouvelle révision de la directive ? Ce qui doit fonder la régulation, c'est au contraire la permanence ; elle ne saurait être guidée par un pilotage à vue. Les compagnies d'assurances gèrent ce que nous appelons des provisions mathématiques dont la duration moyenne est supérieure à huit ans. En ce qui concerne l'AFER, cette duration est même supérieure à douze années. Nous avons donc le temps de voir ; de grâce, ne fondons pas tout un système de régulation sur la base d'hypothèses aléatoires à très court terme.
Ce serait d'ailleurs une hérésie que de considérer que les taux pussent s'enfoncer encore plus bas que - 0,5 % en territoire négatif. Jamais la Banque centrale européenne n'accepterait qu'ils descendissent au taux de - 1,5 % envisagé par le régulateur des assurances : à un tel taux, le système bancaire ne peut plus fonctionner.
Il faut bien entendu de considérer les aléas. Le système d'assurance en France est beaucoup plus respectueux d'un modèle standard que d'un modèle interne, à la différence des grandes compagnies d'assurances étrangères, surtout outre-Rhin, qui savent gérer les contraintes de solvabilité. Lorsque j'avais rencontré au siège de l'AFER, le président de la première compagnie d'assurances au monde, AIG, il m'avait expliqué qu'en raison de la spécificité de leur modèle, les assureurs, en Allemagne, échappent – j'insiste sur le verbe – à la supervision. Nous pourrions peut-être proposer la même chose aux assureurs français, s'il le fallait pour échapper à cette régulation excessive de l'EIOPA, qui m'évoque Juvénal : il faut contrôler le contrôleur.
Assurer, c'est transformer quelque chose d'incertain en quelque chose de certain. Les assureurs savent gérer les risques, ils n'ont pas besoin d'un coût exorbitant du capital. C'est pourquoi nous serions d'avis qu'il ne faut pas prendre en compte le risque de taux négatifs et que le risque lié aux actions pourrait être parfaitement résorbé par la généralisation d'une quotité de 22 %, comme pour les actions stratégiques. Nos entreprises ont besoin de notre argent, elles ont besoin de capital, d'une épargne stable, non d'une épargne contrôlée et régulée. Nous ne sommes pas à Moscou et il n'est nul besoin d'une épargne forcée dans les bilans des compagnies d'assurances ! Les assureurs sont des gens avisés. Pénaliser le modèle de l'assurance en France, ce serait culpabiliser un innocent.
Pour ma part, je préférerais que l'on innocente un coupable, mais, s'il en faut un, c'est l'EIOPA. Nous n'avons pas besoin de subir la massue d'un contrôle excessif, qui pénalise les actions et entrave les efforts fournis par la France pour réduire l'endettement et développer le capital, dans l'intérêt de l'industrie, des jeunes et de l'emploi. Les assureurs sont parfaitement capables de détenir des actions à long terme.
Consultant récemment le responsable des statistiques à la Banque de France, j'ai découvert ceci, dont j'ai eu la confirmation par le Trésor : les compagnies d'assurances sont très liquides, et elles savent comment gérer le risque de liquidité. Aussi sauront-elles, à supposer qu'il perdure, gérer le problème des taux négatifs.
Nous considérons donc que l'EIOPA est en quelque sorte un médecin… contagieux. Or il s'agirait plutôt de soigner, et non de contaminer. Nous avons besoin de simplicité dans les règles, et nous devons dire non à cette première révision, qui concerne d'ailleurs essentiellement les structures établies outre-Rhin, et, si possible, nous acheminer vers la généralisation d'un coût en capital des actions limité à une quotité de 22 %, laquelle se justifie d'autant plus que nos engagements sont des engagements à long terme. C'est ainsi que nous pourrons aller de l'avant et mieux financer le tissu industriel de nos régions.
Nous sommes à votre disposition, après ces considérations générales, pour répondre à des questions plus techniques.
Devons-nous craindre une augmentation du coût de l'assurance après la réforme de la directive Solvabilité II ? La réforme pourrait-elle aussi vous conduire à vous écarter de certaines catégories d'actifs ou influer sur vos arbitrages futurs ? Il me semblait que le placement en actions était favorisé, mais le diable réside dans les détails – nombreux et techniques. La question du financement de l'économie est un marronnier, qui revient aussi lorsqu'il est question de la révision des règles prudentielles.
Je fais miennes les questions du président Woerth mais souhaite en outre profiter de votre présence pour vous interroger sur le rachat par le groupe mutualiste Aéma de la compagnie Aviva. Quelles conséquences – sur votre activité et vos membres – anticipez-vous ?
Par ailleurs, la décollecte des fonds d'assurance vie en euros a encore battu un record en 2020, mais pourriez-vous nous en repréciser l'ampleur en ce qui concerne vos contrats d'assurance vie ? Par ailleurs, dans un contexte où les taux, quoique nous manquions de visibilité, risquent de demeurer durablement faibles, comment envisagez-vous le futur de ce produit ? Ce sont effectivement les contrats proposant une garantie du capital qui intéressent le plus nos concitoyens.
Vous évoquez un coût du capital « exorbitant ». Pouvez-vous nous faire part d'éléments chiffrés relatifs aux conséquences de la révision de la directive ?
Au mois de mars 2019, avec le soutien du Trésor français, le Parlement européen avait promu l'adoption d'une révision de Solvabilité II intégrant une nouvelle classe d'actions détenues à long terme. Pour autant, cette possibilité n'a guère rencontré de succès. Pourquoi ?
Pouvez-vous préciser quelles sont les perspectives de l'AFER et de la SICAV AFER Premium dans le contexte de la révision de la directive Solvabilité II ? De plus, pensez-vous que la soutenabilité des produits jusqu'alors proposés aux épargnants sera préservée par cette réforme ?
Par ailleurs, certaines compagnies d'assurances européennes ont fait faillite durant la crise sanitaire. Quelle est votre appréciation des risques actuels du marché pour les produits que vous proposez ?
Je souhaiterais connaître votre analyse concernant les conséquences d'une éventuelle réforme des retraites sur votre modèle économique.
De surcroît, la crise sanitaire constitue désormais un risque à long terme et s'est traduite par un taux de mortalité plus élevé que la moyenne. Quels en sont les effets sur votre activité ?
Pour ma part, je trouve que l'existence d'une réglementation se justifie par le fait même qu'elle rassure les adhérents.
Dans le contexte de la révision de la directive Solvabilité II, il convient de trouver un juste équilibre entre sécurité et capacité à prendre des risques, et la question du ratio de fonds propres concentre l'essentiel des critiques. J'ai bien entendu que vous jugiez les règles européennes extrêmement lourdes et contraignantes, mais quelles sont vos propositions en matière de taux ?
Par ailleurs, l'EIOPA propose de relever à 25 millions d'euros de chiffre d'affaires le seuil d'application de la directive, actuellement fixé à 5 millions d'euros. Cela vous paraît-il suffisant ou faudrait-il aller encore plus loin ?
Enfin, pourriez-vous indiquer à la commission des finances dans quelle mesure la pandémie a affecté les secteurs et les adhérents de l'AFER, et si les dispositions de Solvabilité II, telles qu'en vigueur, ont été un bouclier ou un fardeau ?
Je pense vous avoir compris, monsieur Bekerman, mais vous ne m'avez pas tout à fait convaincue. Vous semblez penser que les exigences en fonds propres seraient trop élevées et obéreraient la capacité des gestionnaires d'épargne à assurer le financement de l'économie. Nous craignons plutôt que les assureurs ne prennent des risques en plaçant les fonds épargnés et n'exigent par la suite que l'argent public vienne à leur secours pour leur éviter de s'effondrer. Certes, les assureurs, nous dites-vous, savent gérer à long terme, mais comment nous garantir qu'un allégement des exigences prudentielles n'entame pas la capacité des assureurs et, par voie de conséquence, des épargnants, à résister face aux crises ? Par ailleurs, comment peut-on être sûr que les investissements qui résulteraient de l'allègement des règles seraient des investissements de long terme, au bénéfice de l'économie réelle, et en considération de critères écologiques et sociaux ? À cet égard, la création d'un mécanisme coercitif visant à veiller à la prise en compte de ceux-ci vous semble-t-elle opportune ?
Pourriez-vous préciser la notion de coût « exorbitant » du capital que vous avez évoquée ?
Je souhaiterais également, comme mon collègue Jean-Louis Bricout, que vous puissiez nous indiquer quelles seraient les conséquences d'une réforme des retraites et d'un allongement de la durée de cotisation sur une institution comme la vôtre, notamment en matière de placement.
La position de l'AFER concernant la révision de la directive Solvabilité II est-elle partagée par d'autres acteurs du secteur ?
Les assureurs joueraient-ils le jeu en cas d'allégement des exigences prudentielles ? Mme Rubin a posé la question essentielle. Nous avons, dans le cadre de la constitution des portefeuilles, et au contraire des pratiques qui ont pu être observées par le passé, pris l'engagement de donner un sens et une utilité à la gestion de l'épargne. À cet égard, nous avons à notre disposition un nombre croissant d'outils, tels les fonds verts, qui nous permettent d'investir en considération de critères relatifs à la responsabilité écologique et sociale, ou encore en faveur de la French tech. La condition pour exaucer le vœu que vous formulez, auquel j'adhère, est néanmoins de libérer en amont les acteurs, notamment les compagnies d'assurances. Tout le pays est uni dans ce combat, et la sous-direction des assurances du ministère de l'économie, des finances et de la relance partage notre position.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur général, beaucoup de repreneurs se sont intéressés à l'AFER, en raison de ses particularités : elle n'est pas cotée, ne constitue pas un actif cessible, et n'est pas une compagnie d'assurances, c'est plutôt une compagnie d'assurés. Elle compte plus de deux millions de bénéficiaires, principalement des personnes de condition modeste, qui, à l'âge de soixante ans, ont pu économiser entre 50 000 et 60 000 euros. L'AFER gère donc une épargne populaire. J'ai perçu, de la part de l'exécutif, des professionnels, et des millions de Français qui ont une épargne en assurance vie, la volonté de partager notre position : refuser la proposition de l'EIOPA de tenir compte des taux négatifs dans la définition du ratio de solvabilité, et généraliser l'application d'un ratio de 22 % dans le calcul du capital réglementaire. Cette règle, suffisamment contraignante, permettrait une prise en compte satisfaisante du risque, sans qu'il soit nécessaire de retenir une quotité de 49 % pour le financement de sociétés non cotées et de 39 % pour celui de sociétés cotées. Puisse la France, aiguillonnée par la commission des finances de l'Assemblée nationale, relayer ce message auprès de la Commission européenne et du Parlement européen !
Une autre question a été posée sur les fonds généraux. Nous n'avons pas du tout apprécié les déclarations intempestives de certains présidents de compagnies d'assurances qui souhaitaient bloquer l'épargne, en interdisant aux Français modestes de réaliser des versements dans les fonds généraux. Pendant cinquante ans, ces fonds ont donné satisfaction. Ils remplissent une mission.
Nous devons également mettre en regard de ces réflexions les tentatives visant à s'en prendre au statut juridique, fiscal et social de l'assurance-vie. Ces initiatives, fussent-elles défendues par ces brillants économistes que sont Jean Tirole et Olivier Blanchard, ne sont pas bonnes. Un alourdissement, de ce point de vue, de la fiscalité des successions ne rapporterait rien. Nous ne pouvons pas révolutionner l'assurance vie avec des mesures en matière de succession dont le produit ne dépasserait pas 80 ou 100 millions d'euros par an, qui déstabiliseraient par ailleurs des millions de familles.
Le coût des mesures qui résulteraient de la révision de la directive Solvabilité II serait significatif. Les données de la Fédération française des assureurs (FFA) et de la Banque de France montrent que le coût en perte de ratio de solvabilité serait d'environ 0,35 %, pour des ratios qui s'établissent à environ 220 %. Pour ramener ces chiffres en données économiques, cela représente une hausse des besoins en capital d'environ 28 milliards d'euros pour maintenir un tel ratio de fonds propres. En supposant qu'on emprunte ces 28 milliards d'euros à un taux d'intérêt de 4 %, cela revient un coût annuel de 1,1 milliard d'euros, soit une perte de 10 % du résultat net pour les compagnies d'assurance vie. Cela aura probablement un impact sur les assurés, les assureurs cherchant à maintenir leurs marges.
J'en viens à la question des effets d'éviction de la réglementation. De nombreux assureurs de très long terme, notamment des assureurs-retraite, détenaient couramment de 25 % à 30 % d'actions dans leur portefeuille avant la réforme et ont aujourd'hui du mal à atteindre 15 % à 18 %. Autre exemple, les investisseurs de long terme qui ne sont pas soumis à la réglementation Solvabilité II, par exemple les régimes de retraite par capitalisation, AGIRC-ARRCO, le fonds de réserve pour les retraites, les caisses de professions libérales, détiennent tous entre tous entre 35 % et 50 % d'actions… Il me semble qu'il ne faut pas chercher plus loin que le fait qu'ils ne sont pas soumis à la réglementation Solvabilité II…
Sur la question des actions de long terme, le manque de succès de la mesure vient tout d'abord de la très grande complexité du texte, qui pose beaucoup de difficultés de compréhension et d'interprétation. Sa mise en œuvre expose à un risque juridique, qui limite fortement la possibilité de mettre en œuvre le dispositif, notamment de gérer ces actions. Pour que cette option ait un succès, il faudrait très sérieusement simplifier la mesure.
Plus généralement, si on augmente le coût en capital du dispositif, ce sont les investissements les plus coûteux qui seront réduits, très probablement les actions, en particulier les actions non cotées, les infrastructures, etc.
En ce qui concerne notre « mariage » avec Aéma, le dernier arrivé est finalement le premier. Nous estimons à l'AFER que nous avons un ADN très proche : associatif, mutualiste, coopératif. Nous allons représenter un mouvement de 7,5 millions de sociétaires. Nous sommes satisfaits. Aéma n'est pas une structure capitalistique qui exige une rentabilité du capital supérieure à 10 %, dont les assurés ne bénéficient pas tellement. Au contraire, nous avons un partenaire qui partage, avec des valeurs fortes, pour donner un sens à l'épargne. Aéma est une grande mutuelle qui n'exigera pas au-delà de 6 % de rentabilité du capital. En outre, à qui servira l'excédent ? À nous, à la France, au social, à l'écologie, au développement, aux jeunes, à l'emploi. C'est donc une chance que de nous marier avec Aéma, dont nous voyions encore hier soir le président, M. Pascal Michard, et le directeur général. L'AFER se félicite de cette évolution, dont la signature devrait intervenir le 1er octobre 2021.
Si nous respectons les fonds généraux, nous respectons ce qui les accompagne. Une question a été posée sur les différents risques. Le concept de risque est riche, il fait l'objet de thèses, on a même évoqué le risque sanitaire. Pour nous, les unités de compte, l'« euro‑croissance », le plan d'épargne retraite (PER) – que les gouvernements s'efforcent de promouvoir – ne fonctionnent pas selon une dialectique de substitution, mais selon une dialectique de complémentarité. On ne va pas choisir l'assurance vie contre le PER. On va, grâce au PER, mieux préparer les retraites des Français, comme grâce à l'assurance vie depuis un demi-siècle. Il faut préserver cet équilibre. L'assurance vie apporte beaucoup plus qu'elle ne coûte. L'assurance vie est un trésor national ; on ne fiscalise pas un trésor national, on le respecte.
Face à la pandémie, il est vrai que l'assurance-vie a subi une décollecte. Toutefois, le montant de la collecte brute n'a que peu baissé, passant de 105,8 milliards d'euros en 2019 à 98,9 milliards d'euros en 2020. La baisse est essentiellement concentrée sur le premier confinement. Les souscriptions ont retrouvé leur niveau habituel après le premier confinement. La décollecte s'établit donc à 7 milliards d'euros, après sept années de croissance.
La répartition de cette décollecte est intéressante. Les supports en euros ont subi une décollecte nette de 30 milliards d'euros, tandis que les supports en unités de compte ont connu une collecte nette positive de 23 milliards d'euros. Les 7 milliards d'euros sont la différence entre les deux. Cela signifie que les Français cherchent du rendement. Ils se tournent vers les supports en unités de compte, car ils savent qu'il existe un arbitrage entre risque et rendement. Ce qui intéresse les Français, ce sont les produits qui apportent du rendement et donnent un sens à leur épargne.
À l'AFER, nous ne sommes pas intéressés par une approche comptable de l'assurance vie. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir que, tous les quarts d'heures, un Français rejoint l'AFER. Qu'il verse un minimum de 100 euros ou qu'il ait eu la chance d'hériter pour verser un million d'euros, pour moi, c'est pareil. Nous ne sommes pas dans une optique comptable.
En dépit de la pandémie et de la crise, qui semble perdurer, même s'il y a des signes d'amélioration, cela n'a pas eu d'effet radical sur l'assurance vie et sur la collecte. Les prestations sont toujours là, la collecte est toujours là. Parfois, elle est positive, parfois elle est négative ; le problème n'est pas là.
Ce qui nous intéresse, c'est le nombre d'adhérents, et surtout celui des jeunes adhérents. Le PER me semble d'ailleurs avoir été un moyen de réconcilier les Français avec le besoin existentiel de protection contre les aléas et en faveur des retraites. Les 15 000 nouveaux adhérents de l'année dernière, voilà ce que nous regardons.
Quant aux chiffres comptables, c'est le rôle de l'assurance vie que de financer des avances et de permettre des rachats, c'est-à-dire des retraits d'épargne pour faire face aux impôts, aux dépenses de santé ou à d'autres obligations. Nous ne sommes pas tourmentés par la décollecte. D'ailleurs, techniquement, la décollecte favorise le taux : lorsque le gâteau est moins grand et qu'il y a moins de convives, les parts sont plus grosses. La décollecte est donc, d'un certain point de vue technique, positive.
Il faut dépasser la comptabilité de l'assurance-vie pour s'intéresser au véritable enjeu : moins de régulation, moins de contrôle, plus de liberté et une concurrence loyale entre les acteurs. L'assurance-vie, en France, est dominée par des modèles que l'Allemagne ne respecte pas. Ce sont essentiellement des grands groupes mutualistes ou des bancassureurs qui assurent l'essentiel de la distribution, ce ne sont pas tellement des compagnies d'assurances. Il ne faut pas juger inférieurs nos réseaux de distribution mutualistes et bancassureurs français par rapport aux assureurs « purs et durs » comme il en existe aux Pays-Bas, en Allemagne et dans d'autres pays européens.
La France a un rôle immense à jouer à cette heure cruciale de la révision de la directive Solvabilité II. Il faut harmoniser les structures de marché entre la France, l'Allemagne et les autres États membres de l'Union européenne, sans précipitation, comme nous avons construit l'euro. Harmonisons les structures de distribution, les conditions de marché entre les différents pays. Ne pénalisons pas la France par des révisions absurdes, excessives et déloyales à l'égard de la concurrence européenne, qui en est bien protégée.
Merci, monsieur le président, messieurs, pour ces réponses, très engagées mais très convaincantes. Je crois qu'il était positif pour la commission des finances de terminer ce cycle d'auditions sur la réglementation Solvabilité II pour pouvoir actualiser ses connaissances et juger de la qualité des propositions de révision de la directive. Merci pour votre disponibilité et pour la clarté de votre propos. Je pense que votre message est bien passé.