La Commission spéciale poursuit, sur le rapport de M. Stanislas Guerini, rapporteur, l'examen des articles du projet de loi pour un État au service d'une société de confiance (n° 424).
Nous poursuivons l'examen en première lecture sur les articles du projet de loi pour un État au service d'une société de confiance, de nouveau en présence de M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.
Nous reprenons notre discussion à l'article 22. Nous avons examiné 158 amendements hier, soit environ moitié moins que la veille. En conséquence, il nous en reste 302 à examiner.
Article 22 (art. L. 212-2, L. 552-6, L. 562-6 et L. 572-6 du code des relations entre le public et l'administration) : Dispense de signature électronique des décisions dématérialisées relatives à la gestion des agents publics
La commission est saisie des amendements identiques CS417 de Mme Jeanine Dubié et CS419 de M. Christophe Naegelen.
Mon amendement vise à étendre la dispense de signature électronique aux fonctionnaires d'État travaillant dans des entreprises publiques. En effet, un certain nombre de fonctionnaires travaillent encore dans ces entreprises – plus de 100 000 à La Poste par exemple.
L'article 22 modifie l'article L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration, qui dispose que certains actes administratifs sont dispensés de la signature de leur auteur, dès lors qu'ils comportent ses prénom, nom et qualité ainsi que la mention du service auquel celui-ci appartient. Je propose également d'étendre ces dispositions aux personnels fonctionnaires de La Poste.
Je suis très favorable à vos amendements. Je dirai en préalable un mot sur l'article 22, qui va permettre de réaliser des économies, mais également de fluidifier les relations entre l'administration et les usagers. Il ne s'agit pas de dématérialiser un processus : on reste dans le cadre de l'existant : un système d'information de gestion des ressources humaines (SI-RH), c'est-à-dire de transmission d'informations par des processus électroniques. Cet article vise à dispenser les fonctionnaires de signature électronique, dès lors que le décisionnaire est bien identifié par son nom et son prénom. C'est une mesure tout à fait positive pour l'administration.
Vos amendements étendent cette procédure à La Poste. Nous en avons discuté, et je proposerai probablement un sous-amendement en séance pour appliquer aussi ce dispositif aux autres entreprises publiques employant des fonctionnaires.
L'avis du Gouvernement est favorable à cette extension.
La commission adopte les amendements.
Elle adopte ensuite l'article 22 modifié.
Après l'article 22
La commission examine l'amendement CS908 du Gouvernement.
Cet amendement modifie le III de l'article 13 de l'ordonnance du 18 juin 2015 relative à la simplification des déclarations sociales des employeurs. Il concerne uniquement la partie relative à la fonction publique, et non pas l'ensemble des régimes mentionnés à l'article L. 711-1 du code de la sécurité sociale.
Il porte sur l'entrée en vigueur de la déclaration sociale nominative (DSN) pour la fonction publique qui, dans une logique de simplification administrative, se substituera dans un premier temps à la déclaration unifiée de cotisations sociales (DUCS) pour le paiement des cotisations sociales en cours d'année et à la déclaration automatisée des données sociales unifiée (DADS-U) – déclaration relative à chaque salarié pour l'ouverture des droits et le contrôle des cotisations.
Plusieurs raisons conduisent à reporter l'échéance à une date qui sera fixée par décret. Il faut d'abord sécuriser le dispositif qui, aujourd'hui, ne l'est pas complètement : nous ne souhaitons pas prendre le risque d'erreurs dans ces déclarations. Par ailleurs, nous souhaitons donner une fenêtre de démarrage crédible à la mise en place de la DSN dans l'ensemble de la fonction publique.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la commission adopte l'amendement.
Article 23 : Expérimentation de la suppression des justificatifs de domicile pour la délivrance de titres
La commission est saisie des amendements identiques CS12 de M. Julien Aubert, CS31 de M. Arnaud Viala et CS279 de M. Éric Pauget.
Vous souhaitez dispenser les demandeurs de carte nationale d'identité, de passeport, de permis de conduire ou de certificat d'immatriculation de véhicule de fournir une pièce justificative de domicile. Ils devront, en revanche, fournir une donnée permettant leur identification auprès du fournisseur d'un bien ou d'un service attaché à leur domicile. Cet article crée une obligation nouvelle pour les entreprises sans pour autant alléger véritablement la procédure pour les usagers. C'est pourquoi nous souhaitons sa suppression. Nous vous proposerons, le cas échéant, des amendements de repli.
Outre les raisons que vient d'évoquer mon collègue, je ne vois pas comment les prestataires de services – notamment de téléphonie – pourront accéder à ces demandes dans les délais impartis, ni comment les informations pourront être fiabilisées – on peut déclarer l'adresse que l'on souhaite sur un contrat de téléphonie. Or, il est important disposer d'informations fiables pour la délivrance de titres aussi important qu'une carte nationale d'identité ou une carte de séjour. Enfin, je ne trouve pas sain de déresponsabiliser nos concitoyens quant à la fourniture de la preuve de résidence.
L'expérience actuelle de la dématérialisation des cartes grises montre qu'il faut avancer prudemment sur ces sujets. Actuellement, près de 120 000 véhicules sont en attente d'immatriculation, ce qui pose notamment de sérieux problèmes pour les véhicules de société, que les garagistes ne peuvent pas livrer…
Bien que l'intention soit louable et que nous la partagions, nous demandons également la suppression de ce qui n'est qu'une demi-mesure : on supprime l'obligation de produire une attestation de domicile, tout en imposant une charge nouvelle aux entreprises qui devont fournir cette information.
Suite aux auditions que nous avons menées, je vais vous expliquer ce que je comprends de ce dispositif. Les arguments que vous mettez en avant traduisent peut-être un manque d'explication et, partant, de compréhension du dispositif. Comment cela se passe-t-il actuellement ? Le justificatif de domicile est une photocopie ou un scan de facture – le plus souvent de téléphone, d'électricité ou de gaz. Le nouveau dispositif ne sera donc pas moins sécurisé, puisque les données seront toujours celles dont disposeront les entreprises concernées.
Par ailleurs, la numérisation du processus est une vraie avancée pour l'usager : l'État va identifier un certain nombre d'entreprises avec lesquelles elle se connectera par le biais d'une interface de programmation applicative – ou API pour application programming interface. Puis l'usager, dans le cadre d'une télédéclaration – à laquelle il ne sera pas contraint –saisira son numéro de contrat avec la société dont il est client. La transmission des informations sera alors automatique, c'est-à-dire que le système informatique de télédéclaration ira chercher les informations directement dans la base de données de ces entreprises. Aucune charge supplémentaire ne pèsera donc sur elles, si ce n'est celle de la mise en place initiale du système.
D'une part, le système sera plus fluide pour les usagers qui saisiront simplement leur numéro de client au lieu de scanner ou de photocopier une pièce. Ce sera d'ailleurs – je le signale au passage – moins intrusif que le système actuel : quand on photocopie certains contrats, on livre à l'administration, par exemple, des références bancaires. Dans ce nouveau cadre, la seule information fournie sera le numéro de client du service de son choix.
D'autre part, ce sera plus rapide car la transmission sera automatique. Nous avons interrogé à ce sujet le ministère de l'intérieur et la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (la DINSIC) sur ce dispositif. Il s'agit d'une avancée réelle.
Enfin, le dispositif sera expérimenté uniquement sur quatre départements, et les conditions d'habilitation de l'ordonnance prévoient également une procédure de retour à la version papier s'il ne s'avère pas efficace. La prise de risque est donc plus que limitée, et rien ne s'oppose à ce que l'on puisse tester ce système, qui va dans le bon sens pour l'usager et l'administration. Je suis donc défavorable à ces amendements de suppression.
Mon avis est défavorable pour les mêmes raisons. Comme le rapporteur l'a indiqué, il s'agit d'une simplification pour l'usager, qui n'aura plus à photocopier ou scanner les documents demandés ni à les apporter ou à les envoyer à tel ou tel service. D'autre part, les justificatifs de domicile sont parmi les pièces le plus souvent falsifiées pour les demandes de pièces d'identité ou de titres de séjour. Le recours au numéro d'abonné et à cette interface d'application permettra aux entreprises de transmettre automatiquement un certain nombre de données fiables identifiant l'usager.
Par ailleurs, dans son avis, le Conseil d'État a considéré que les charges étaient extrêmement minimes et qu'il n'y avait pas de méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques pour les entreprises concernées. Nous tenons à cette simplification, avec l'espoir que l'expérimentation puisse rapidement être généralisée, si elle fonctionne bien.
Sur la forme, monsieur le rapporteur, vous estimez que nous comprenons mal ce texte. Si nous le comprenons mal – alors que je l'ai lu mot à mot et ligne à ligne –, c'est qu'il est mal écrit ! Hier déjà, à plusieurs reprises, vous nous avez fait la même remarque ; En l'espèce, sur cet article, si nous amendons de la manière dont nous amendons, c'est que le texte n'est pas suffisamment précis dans sa rédaction ! Ce ne sont pas des amendements rédigés par d'autres que nous défendons. J'ai écrit moi-même mon amendement.
Monsieur le ministre, s'agissant des justificatifs de domicile, je ne prendrai qu'un exemple : une femme qui divorce et change d'état civil a-t-elle l'obligation de déclarer à EDF qu'elle n'a plus le même nom ? Non. Son véhicule risque donc d'être immatriculé au nom de son ex-mari, et elle-même de conduire avec un permis délivré à son nom d'épouse, même si la préfecture sollicite EDF pour vérifier ces informations. Elle va conduire avec une carte d'identité délivrée à son nom d'épouse, sans aucune vérification possible. Arrêtons de dire que ce dispositif est sécurisé !
Monsieur le ministre, je n'ai pas bien compris vos explications sur le gain de temps : en quoi est-il plus rapide de demander à un tiers de vérifier une domiciliation, sur la base d'un numéro de contrat, que de disposer directement de cette information par le biais d'un document ? J'ajoute que la possibilité de recourir à cette proécure risque d'être plus théorique que pratique dans certaines zones où l'accès à internet est lent ou défaillant. Que se passera-t-il en cas de non-réception de courriels ?
Je souhaite que vous nous répondiez précisément. Ce n'est pas la première fois, en effet, que l'on souhaite dématérialiser certaines procédures pour des raisons d'efficacité, mais les administrations ont souvent, par la suite, à gérer des doublons : comme on ne peut basculer d'un système à l'autre du jour au lendemain, on a tendance à conserver les deux, ce qui accroît in fine la charge de travail des personnels
Monsieur Viala, je n'avais pas l'intention de signifier que vous aviez péché par mauvaise compréhension – je connais votre très forte implication sur ces sujets et sur ce texte – mais simplement que nous-mêmes n'avions sans doute pas fait preuve de suffisamment de pédagogie.
Concernant les changements de situation que vous mentionnez, il n'y aura aucun recul par rapport à ce qui se passe actuellement, où l'on doit photocopier ou scanner la facture d'un fournisseur ou prestataire de services, sur laquelle figurent des informations qui ne sont pas forcément actualisées – et qui le seront sans doute mieux avec la nouvelle procédure, puisque le changement de situation figurera instantanément dans le système informatique du fournisseur ou du prestataire dès qu'il en aura été avisé.
Par ailleurs, je vous rappelle que le dispositif est facultatif. Il ne concernera que les usagers qui accepteront d'y recourir.
Enfin, il s'agira d'un dispositif plus rapide pour l'usager et pour l'administration, y compris si le débit internet est problématique. Dans la situation actuelle, lorsque les usagers veulent faire une déclaration en ligne, ils doivent scanner un document puis l'envoyer en pièce jointe. Il est plus facile et plus rapide – même avec une connexion plus faible – de remplir un simple formulaire en saisissant un numéro de contrat que d'envoyer une pièce jointe.
C'est également plus rapide pour l'administration, car dès que le numéro de contrat est renseigné, le remplissage des informations est automatique. A l'heure actuelle, l'agent administratif doit traiter l'information en imprimant le document et en insérant manuellement les données.
Ce dispositif sera déployé à titre expérimental dans quatre départements, et pour une liste limitée de fournisseurs ou prestataires. Par le biais d'une interface applicative, l'agent de l'administration pourra vérifier directement si l'abonnement correspond bien à l'usager, sans avoir à réaliser de manipulation spécifique puisque les entreprises sélectionnées seront connectées à cette interface. Quant à l'exemple cité par M. Viala, le risque existe déjà avec une déclaration papier. Le nouveau dispositif n'est pas garanti « zéro défaut », mais il permettra aux usagers et aux agents de gagner du temps, sans entraîner de complications pour les entreprises concernées.
L'amendement CS12 est retiré.
La commission rejette les amendements CS31 et CS279.
La commission examine ensuite l'amendement CS105 de M. Patrick Hetzel.
Il s'agit d'un amendement de repli, qui exige des services de l'État qu'ils vérifient la déclaration de domicile.
J'y suis défavorable, pour les raisons précédemment évoquées. La mise en place de ce dispositif implique déjà que l'État définisse et mette en oeuvre le système informatique qui permettra de vérifier les déclarations de domicile. La précision que vous proposez n'est donc pas utile.
À droit constant, seuls les services de l'État sont compétents pour instruire les demandes de titres. Ces demandes sont actuellement instruites par des centres d'expertise et de ressources titres (CERT) qui dépendent du ministre de l'intérieur. La demande portée par cet amendement est satisfaite.
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques CS227 de Mme Véronique Louwagie, CS245 de M. Fabrice Brun, CS378 de M. Frédéric Reiss, CS559 de M. Jean-Luc Lagleize et CS606 de M. Philippe Gosselin.
Notre amendement a trait aux délais - vous aurez noté que je suis attentive à ce sujet ! Certes, vous indiquez que la délivrance des titres par l'administration ne peut excéder un délai « raisonnable », mais aucun délai maximal n'est inscrit dans la rédaction actuelle de l'article. Or, nos concitoyens ont des grandes attentes en la matière. Si votre mécanisme est louable, nous devons rester prudents et éviter toute complexification.
Un changement de procédure est intervenu l'an passé dans la délivrance des cartes nationales d'identité. Un certain nombre de mairies ne peuvent plus délivrer ces titres et la charge a été reportée sur les mairies de villes-pôles ou de centres-bourgs. Les conséquences sont claires : les délais d'attente et de délivrance sont très allongés – ils peuvent aller jusqu'à deux mois dans certaines communes – car, en règle générale, ces mairies n'ont pas été dotées de moyens matériels supplémentaires.
Ces délais ne sont pas admissibles. Je vous propose de définir des délais maxima dans la loi, car le terme « raisonnable » ne me paraît pas suffisant. Nous suggérons un délai maximal de vingt jours pour les cartes nationales d'identité et les passeports – contre deux à cinq semaines actuellement, voire plus –, de sept jours pour un certificat d'immatriculation – soit la durée annoncée par l'administration – et de trente jours pour les permis de conduire – dont la fabrication prend vingt jours en moyenne, mais dont la délivrance prend souvent plus de deux mois. Ces documents sont importants et d'usage courant pour nos concitoyens. Leur délai de délivrance doit être conforme aux attentes de nos concitoyens.
Notre amendement est identique. J'en profiterai pour évoquer le bogue informatique récent de la carte grise « à portée de clic » qui s'est traduite par un grand « flop », mettant en difficulté les acheteurs de véhicules, mais également les acteurs de la filière automobile. Certes, il est bon que l'État simplifie les démarches, mais ce qu'il s'est passé est l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire. Un bogue informatique peut être compris et accepté par les usagers – ce ne sera ni le premier, ni le dernier. Mais quand les usagers ont cherché à faire immatriculer leur voiture en fin d'année, les personnels qui assuraient ce service en préfecture étaient partis alors que le système informatique est resté hors service pendant plusieurs semaines ! L'administration de l'État avait estimé que le tuilage entre les deux systèmes n'était pas nécessaire… Notre débat doit être l'occasion de mettre en lumière les raisons de ce dysfonctionnement. Lorsqu'un service est numérisé ou dématérialisé, il faut veiller à assurer le fonctionnement en parallèle de l'ancien et du nouveau système pendant un certain temps.
En matière de délivrance de cartes d'identité, de passeports et, surtout, de cartes grises, les demandeurs sont confrontés à un véritable parcours du combattant. Pour obtenir un rendez-vous dans les mairies habilitées, il faut parfois attendre trois mois. Comme l'a souligné Mme Louwagie, ce ne sont pas seulement les moyens matériels qui font défaut, mais également les moyens humains, car l'État compense très mal les charges supplémentaires imposées à ces collectivités. Si vous voulez simplifier le dispositif, il serait bon que des délais maximaux figurent dans la loi, afin que les demandeurs disposent d'une information et d'un engagement clairs. C'est l'objet de notre amendement.
Nous souhaitons illustrer la notion de délai raisonnable qui figure à l'article 23 en la transformant en un nombre maximal de jours. Cela permettrait aux administrés de savoir en combien de temps ils obtiendront leurs documents.
Je développerai le même raisonnement que mes collègues, d'autant que nos concitoyens nous ont fait part d'une certaine désorganisation dans la délivrance des permis de conduire. Par ailleurs, pour certains titres, notamment les passeports, le délai n'est pas exactement le même selon que l'on est puissant ou misérable : par le biais de réseaux, sans passer par le guichet, certains obtiennent un passeport en moins de vingt-quatre heure…! Je ne dis pas que les passe-droits doivent être la règle, mais si l'on est capable de faire un passeport en vingt-quatre heures, on doit être capable de le faire en vingt jours !
N'oublions pas que ce n'est pas uniquement l'administration qui délivre les titres, mais que ce sont aussi les communes. Fixer un délai raisonnable n'est pas suffisant. Je partage l'analyse de Mme Louwagie : il faut fixer des objectifs aux communes comme à l'administration, afin de pouvoir dire à nos concitoyens que la réponse interviendra dans un délai maximal lorsqu'ils demandent un titre.
Vous avez raison, il est très utile que les usagers sachent combien de temps cela prend. L'État et les collectivités doivent s'engager en termes de délais de délivrance de la carte nationale d'identité et du passeport. Nos concitoyens ne savent actuellement pas si cela prendra vingt jours, deux mois ou trois mois… Or, la carte d'identité est un titre précieux. Si vous la perdez alors que vous devez passer votre baccalauréat, vous serez vraiment en difficulté, et il peut arriver qu'un jeune de dix-huit ans perde ses papiers… Il faut rassurer les Français sur ces délais. Par ailleurs, le texte doit préciser non seulement le délai pour l'État, mais aussi le délai pour les communes.
Nous partageons ce même souci de réduire les délais et l'avons même inscrit dans la stratégie nationale. Reste que ne peux être favorable à cet amendement, notamment pour une raison de forme : on ne peut pas fixer dans la loi un délai pour chacun des titres considérés. En l'absence de sanction prévue, en effet, que se passera-il si l'administration ne respecte pas le délai ?
Je vous rappelle que l'indicateur de performance de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » comprend déjà un indicateur sur les délais moyens de délivrance des titres. L'administration rend donc compte devant le Parlement, chaque année, de son action en la matière : en 2016, par exemple, 75,8 % des passeports ont été délivrés en moins de 15 jours et 97,7 % des permis de conduire en moins de 19 jours.
Certes, derrière ces moyennes, certaines situations particulières créent une irritation plus que compréhensible, mais fixer par la loi un délai moyen serait inopérant dans certains cas compliqués, pour lesquels des vérifications plus approfondies doivent être opérées. Nous souhaitons certes rétablir la confiance, mais la fraude et la falsification d'identité sont des sujets d'importance pour notre société. Dans certains cas précis, l'administration doit pouvoir examiner plus longuement les dossiers.
Votre objectif est donc partagé, y compris en termes d'objectif managérial – le ministre pourra sans doute le confirmer – mais la forme que vous proposez n'est pas adaptée.
Comme le rapporteur, le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Évidemment, la réduction des délais est un objectif majeur, et nous avons la volonté de servir les usagers le plus rapidement possible. C'est d'ailleurs aujourd'hui majoritairement le cas et c'est heureux.
Il faut néanmoins améliorer encore ces performances. Des travaux sont en cours dans le cadre du programme « Action publique 2022 », afin par exemple que les indicateurs de performance des services et les indicateurs de qualité du service rendu aux usagers soient plus transparents et que chacun sache quels sont les délais ou les procédures pour obtenir tel ou tel titre.
Je partage également la remarque du rapporteur sur la rédaction proposée, qui fixe une obligation formelle sans qu'une sanction soit prévue. Cela signifie que l'usager devra engager une procédure pour démontrer que le non-respect du délai a entraîné un préjudice justifiant un dédommagement.
Enfin, pour répondre aux observations de M. Aubert sur la délivrance en urgence de passeports, une procédure existe effectivement. Elle est strictement encadrée. Ces passeports temporaires ont une durée de validité plus réduite que les passeports classiques – un an en général – et sont délivrés uniquement lorsque la nécessité est démontrée par le demandeur. Ce sont les représentants de l'État – préfet ou sous-préfet – qui jugent de cette nécessité. Ainsi, un voyage personnel ne rentre pas dans les critères, contrairement à des voyages professionnels ou pour raisons médicales. La délivrance d'un tel titre dépend également des relations entretenues par la France avec les pays concernés, et du niveau de protection ou d'encadrement de l'entrée sur le territoire de ces pays – notamment du déploiement des titres de séjour numériques.
J'entends tout à fait vos explications. Loin de moi l'idée de « privatiser » l'administration, mais quand on parle de management dans le secteur privé, on ne demande pas aux équipes de réaliser un chiffre d'affaires « raisonnable » : on leur fixe des objectifs précis. Dans le cas contraire, le flou prête à interprétation. L'amendement tel que rédigé n'est peut-être pas acceptable, mais ne serait-il pas intéressant d'améliorer la rédaction de l'article, afin que nos concitoyens constatent une véritable évolution en la matière, comme le Gouvernement l'avait souhaité en préambule, en évoquant un texte transpartisan ?
Je vous rassure, monsieur le secrétaire d'État : si vous demandez le renouvellement de votre passeport, vous constaterez que, sans passer par le guichet, les délais sont beaucoup plus courts que pour le commun des mortels – preuve qu'il est possible de fabriquer un passeport en vingt-quatre heures…
D'autre part, j'ai bien retenu de nos échanges avec le rapporteur que la nouvelle majorité est très attachée à faire la distinction entre ce qui relève du domaine réglementaire et ce qui relève du domaine législatif, et il a invoqué les indicateurs de la LOLF en guise d'exemple. Je ne saurais faire l'économie de cette remarque au rapporteur : par définition, les indicateurs de la LOLF sont élaborés par l'administration et, s'ils sont en effet soumis au Parlement, notre marge d'influence est faible. Nous débattons des objectifs fixés mais pas de la construction des indicateurs, qui résulte d'une réflexion de l'administration. En inscrivant ces objectifs dans la loi, c'est bien le législateur qui impose des délais à l'administration ; il ne s'agit donc plus du même degré de contrainte. Un indicateur de la LOLF peut se modifier – ce qui n'a cessé d'être fait dans les premiers temps, les indicateurs changeant parfois d'une année sur l'autre et variant selon les administrations – alors que les délais, une fois gravés dans le marbre de la loi, auront un effet rétroactif sur les indicateurs de performance des administrations. Encore une fois, le niveau n'est pas le même et je suis sûr que s'il avait été présent, le ministre Darmanin aurait abondé dans mon sens… (Sourires.)
S'agissant des cartes grises, tous les départements sont concernés par la situation qu'évoquait M. Brun. Une expérimentation avait pourtant été conduite dans vingt départements, et c'est bien ce qui doit nous alerter : l'expérimentation en question s'est bien passée, mais il y a été mis fin pour la généraliser à l'échelle nationale, et c'est cette généralisation qui a provoqué des difficultés. Au moment où nous prévoyons plusieurs expérimentations dans ce projet de loi, il est très important que nous disposions d'évaluations précises de ces expérimentations, notamment en termes de délais, car il serait impensable que la situation actuelle concernant les cartes grises se reproduise aussi pour d'autres documents.
J'en reviens à l'amendement : j'ai bien compris que la réduction des délais était un objectif majeur du Gouvernement. Il est tout aussi important, cependant, de donner des délais à nos concitoyens. J'entends qu'ils ne peuvent pas figurer dans la loi, mais il me semblerait utile que le Gouvernement s'engage en séance à respecter un objectif fixé aux collectivités puis lors de la procédure instruite par l'État, et que cet objectif porte sur un délai acceptable, et non sur un délai moyen. Vous indiquiez en effet, monsieur le rapporteur, que 76 % des passeports sont délivrés en moins de quinze jours, mais pourrez-vous nous préciser en séance dans quels délais sont délivrés les 24 % restants, et nous donner aussi les chiffres pour les permis de conduire ? Quoi qu'il en soit, on ne saurait achever l'examen de ce texte sans se donner d'objectifs : ce serait faire un petit pas en avant pour finalement renoncer à aller jusqu'au bout. Le délai est un élément important, et il serait regrettable pour nos concitoyens que nous nous arrêtions ainsi au milieu du gué.
Sur le fond, il me semble important d'entendre les arguments qui sont exposés. Qu'il soit impossible d'inscrire la disposition dans la loi, soit ; cela étant, le sujet est important, et il faudra aborder en séance publique la question des délais applicables aux particuliers, notamment pour les cartes grises. Nous déposerons d'ailleurs un amendement visant à remédier aux dysfonctionnements qui caractérisent leur délivrance. Il ne faut pas minimiser l'importance que revêt la question des délais pour nos concitoyens.
Je pense de même : l'intérêt de ce débat est d'intensifier la communication entre l'administration et le citoyen. Je conviens qu'il n'est pas judicieux d'imposer des délais dans la loi, mais, en s'interrogeant sur le type d'information qu'elle donne aux demandeurs de documents, l'administration pourra s'interroger du même coup sur la nature des processus qu'elle emploie et de sa relation avec les administrés. Aller dans cette direction constituerait donc une avancée intéressante.
Un certain nombre de titres ont une durée de validité de dix ans, et chacun peut s'organiser sans attendre la date d'expiration de son passeport ou de sa carte d'identité pour entamer les démarches ; cela relativise les délais d'attente liée à la fabrication de certains titres.
Ensuite, la notion de « délai raisonnable » a bien une valeur juridique, car elle permet, en cas de contentieux, d'apprécier le préjudice au regard du délai de délivrance des titres – appréciation que figerait l'inscription dans la loi de délais de délivrance, dont je ne suis pas sûr qu'elle protégerait davantage les administrés.
Enfin, cette mesure ne me semble pas relever du domaine législatif, mais plutôt réglementaire. Quant à l'efficacité de l'administration, elle tient aussi aux moyens qui lui sont accordés pour exercer ses missions. C'est pourquoi il aurait sans doute été opportun d'attendre les conclusions d'autres chantiers engagés par le Gouvernement – je pense à Cap 2022 – pour présenter ce projet de loi, dont je ne nie pas l'intérêt.
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec M. Vallaud. Tout d'abord, les renouvellements de pièces d'identité ne se font pas forcément à leur expiration : les personnes dont le portefeuille contenant la carte d'identité et le permis de conduire a été volé sont généralement pressées de retrouver leurs titres !
Autre exemple : en cas d'erreur de l'administration – cela arrive – concernant le nom d'un administré, l'ensemble de la procédure est à recommencer. Nous parlons de confiance en l'administration : voilà un cas de figure qui énerve profondément nos concitoyens. Le fait de fixer un délai dans la loi le rend opposable et oblige l'administration, si elle a commis une erreur, à ne pas recommencer la procédure depuis le début en l'allongeant de plusieurs dizaines de jours, mais à respecter le délai législatif. C'est pourquoi il me semble utile d'aborder les dispositions de ce projet de loi sous l'angle des dysfonctionnements de l'administration et des cas qui sortent de son fonctionnement ordinaire.
Je précise en effet que la grande majorité des renouvellements de titres est liée à des pertes et des vols pour lesquels il n'existe évidemment pas de possibilité d'anticipation. Dans ce cas, il est prévu une procédure de déclaration de vol ou de perte faisant foi. Autrement dit, la communication d'une bonne information aux citoyens prime sur l'établissement de délais précis.
Quelles sont les données statistiques qui vous permettent d'affirmer que la grande majorité des renouvellements est liée à des pertes ou à des vols ? En volume, le renouvellement naturel me semble plus important.
Il serait utile que, comme le demandait Mme Louwagie, nous ayons en séance ce débat sur les délais précis, notamment résiduels, et je m'engage à obtenir du Gouvernement ces informations importantes.
Quant aux erreurs qui peuvent être commises par l'administration – je vous remercie à cet égard, monsieur Aubert, d'avoir retiré votre amendement –, l'objet de l'article 23 est précisément de diminuer le risque d'erreur, par exemple en remplaçant la copie d'un document par un système automatisé.
Ensuite, le débat que nous avons sur cet amendement vise à distinguer entre ce qui relève du domaine législatif et ce qui relève du domaine réglementaire, voire managérial. M. Naegelen évoquait un chef d'équipe commerciale fixant des objectifs : il m'est arrivé aussi d'assigner des objectifs à une équipe commerciale, à ceci près que ces objectifs n'étaient pas gravés dans la loi ! Il va de soi que des objectifs sont nécessaires, et je répète qu'ils figurent dans les indicateurs de performance que le Parlement peut suivre. C'est aux rapporteurs spéciaux qu'il appartient de vérifier comment sont construits ces indicateurs de performance en lien avec les administrations de leur ressort et le Gouvernement.
Le ministre, faisant en quelque sorte office de manageur en chef, a fixé les objectifs suivants à son administration : un délai de quinze jours pour les passeports, de dix-neuf jours pour les permis de conduire et de quinze jours pour les cartes d'identité, délais qui sont à respecter dans au moins 90 % des cas – sachant qu'ils le sont actuellement dans 85 % des cas pour ce qui concerne le permis de conduire. Autrement dit, les objectifs existent et il est sain qu'il appartienne au ministre de les imposer à son administration, le Parlement en assurant le suivi. Cela étant, je vous propose de poursuivre ce débat en séance publique de sorte que des engagements soient pris et que nous puissions disposer de toutes les statistiques, notamment sur les délais résiduels.
Je viens de prendre connaissance d'un excellent rapport de M. Marc Le Fur sur le temps d'attente pour obtenir une carte d'identité. Il est d'un jour et demi dans le Territoire de Belfort et de 1,6 jour dans les Landes, contre 28 jours dans le Gard, 30 jours en Seine-Saint-Denis et 51 jours dans les Bouches-du-Rhône – mon département. Il se pose donc un problème de délai, celui-ci ne dépassant que rarement dix jours dans la plupart des départements. Ne faut-il pas concentrer les efforts là où les délais sont les plus longs plutôt que de généraliser des durées aussi longues que vingt jours ?
Les éléments que vient de rappeler M. Laqhila montrent que l'établissement de délais uniformes dans tous les départements ne permettrait pas d'atteindre l'objectif recherché. En revanche, notre objectif vise naturellement à concentrer nos efforts sur les départements qui accusent les retards les plus importants. Nous pourrons communiquer en séance publique des données statistiques sur la répartition des causes de renouvellement et les délais moyens afin que la représentation nationale soit pleinement informée.
Je pense au contraire que cet argument plaide résolument en faveur de notre amendement ! Les indicateurs de performance ne se déclinent pas forcément par département, mais sont parfois agrégés à l'échelle nationale. Il est inadmissible que le délai d'obtention d'un titre par les habitants des Bouches-du-Rhône soit cinq fois plus long que dans d'autres départements ! Le fait que le législateur fixe un délai national et demande aux administrations de s'organiser en conséquence me semble pleinement correspondre aux objectifs que nous nous donnons. En effet, il n'existe aucune raison objective justifiant que dans un pays bénéficiant d'une administration de bonne qualité, le même service soit rendu de manière extrêmement hétérogène. Les Français ont droit à l'égalité devant le service public, qu'ils habitent à Marseille, à La Roche-sur-Yon ou à Paris.
La commission rejette les amendements identiques CS227, CS245, CS378, CS559 et CS606.
Puis elle examine l'amendement CS821 de M. Boris Vallaud.
L'article 23 vise à supprimer les justificatifs de domicile pour la délivrance des cartes nationales d'identité, passeports, permis de conduire et cartes grises. L'usager pourra se contenter de fournir un avis d'imposition ou un contrat d'abonnement pour une prestation attachée à son domicile. Il appartiendra ensuite à l'administration de procéder aux vérifications, en sollicitant les prestataires concernés qui lui communiqueront les données permettant de vérifier le domicile déclaré par le demandeur.
Les transmissions de données personnelles d'un opérateur à l'administration doivent selon nous rester confidentielles. C'est pourquoi l'amendement vise à assurer aux citoyens que les informations les concernant sont protégées et non partagées avec un tiers.
Je partage naturellement l'objectif qui sous-tend cet amendement, mais j'espère qu'est prévu un article-balai couvrant la responsabilité de l'administration en matière de données personnelles, car elle ne saurait être précisée article par article.
J'émets un avis favorable, tout comme j'étais favorable à un amendement similaire qui a été présenté hier. Je ferai une simple remarque de forme : il faudrait rédiger un sous-amendement, que nous pourrions préparer ensemble d'ici à la séance, afin de préciser la notion de non-partage.
Toutes les dispositions du texte relatives à la création de fichiers ou à l'échange d'informations sont évidemment assujetties à la loi du 6 janvier 1978, et c'est dans cette logique que nous nous inscrivons. Dès lors, la proposition de M. Vallaud est satisfaite, mais il n'est jamais inutile de rappeler certains principes. Je m'en remets donc à la sagesse de la commission.
Les membres du groupe Les Républicains voteront cet amendement, monsieur Vallaud, comme nous l'avons déjà fait pour plusieurs autres. J'espère que vous saurez vous en souvenir à l'occasion de l'examen de certains de nos amendements !
La commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CS51 de M. Éric Straumann.
L'expérimentation de la simplification de la délivrance des titres d'identité est judicieuse. Le Haut-Rhin a toujours été une terre d'expérimentation, pour ce qui concerne la fermeture des préfectures par exemple. Si vous englobez le Haut-Rhin dans cette expérimentation, je m'engage personnellement à en suivre le déroulement auprès des services de la préfecture et des sous-préfectures.
Je me réjouis de l'enthousiasme que suscite cette expérimentation : voilà une bonne conclusion à l'examen de cet article. En tant que rapporteur, je ne peux émettre un avis favorable à votre amendement car je ne saurais imposer le choix des départements concernés par l'expérimentation ; il appartient plutôt au secrétaire d'État de vous répondre. En l'état, avis défavorable. Étant donné votre enthousiasme, le ministère de l'intérieur choisira peut-être d'ajouter des départements…
À ce stade, je ne suis pas en mesure de vous indiquer comment le ministère de l'intérieur a désigné les quatre départements pilotes. Je ne peux donc donner un avis favorable à votre amendement, car je ne saurais m'engager au nom du ministère de l'intérieur. Je le solliciterai néanmoins pour savoir s'il est possible d'ajouter un cinquième département à l'expérimentation.
De nombreuses collectivités – régions ou départements – ont été retenues dans ce texte ; il serait bon qu'il nous soit indiqué en séance selon quelle méthode et quelle analyse ces choix ont été effectués.
Sur la forme, les départements visés par l'expérimentation sont inscrits dans le projet de loi sur lequel les parlementaires sont appelés à se prononcer, mais c'est en fait au ministre que revient la décision ! De deux choses l'une : soit la décision relève du pouvoir réglementaire, donc du ministre, soit elle est soumise aux parlementaires qui se prononcent souverainement.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel CS869 du rapporteur.
Puis elle examine l'amendement CS129 de M. Sébastien Leclerc.
Nous proposons par cet amendement d'améliorer la procédure de retrait des cartes nationales d'identité. La demande doit bien être déposée à la mairie équipée du dispositif de recueil, mais le retour du titre pourrait, par commodité, se faire dans la commune du domicile du demandeur. Il n'est pas rare en effet qu'il faille parcourir une trentaine de kilomètres aller-retour pour obtenir sa carte d'identité. Si l'on peut comprendre que la demande soit déposée dans une mairie équipée du dispositif numérique sécurisé, le retour dans la commune de résidence ne complique en rien le travail de l'administration et facilite en revanche la vie des usagers.
Cette proposition soulève des questions de sécurité. Les titres sont toujours remis à la mairie où la demande a été déposée afin de permettre la vérification sur les recueils que la personne qui se présente est bien celle qui a fait la demande. Ces raisons organisationnelles visent à sécuriser le processus. Avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons. Lorsque la pièce est remise au demandeur, un enregistrement est effectué sur le dispositif de recueil, dont ne dispose pas forcément la mairie de la commune où réside l'intéressé, ce qui ne permet pas d'enregistrer la remise et d'activer le titre. Si votre amendement part d'un bon sentiment et vise à réduire les distances parcourues, surtout dans des régions que vous et moi connaissons bien, il est néanmoins nécessaire de sécuriser la remise du titre au bon demandeur.
En tant qu'ancien maire, je peux témoigner que certaines personnes doivent parcourir jusqu'à cent vingt kilomètres, soit deux allers-retours. Je comprends qu'il n'est pas possible de généraliser les équipements dans toutes les communes mais, en milieu rural, la mise en place du nouveau dispositif est une catastrophe, notamment pour les personnes âgées.
J'ai déposé un amendement, que j'avais déjà présenté à l'occasion d'un précédent texte, pour revenir sur le décret du printemps 2017 supprimant la capacité des mairies de délivrer les titres au motif que certains équipements numériques étaient nécessaires. J'y proposais de rouvrir cette possibilité pour les mairies qui le souhaitent à condition qu'elles financent 50 % de l'équipement. Si mon amendement ne figure pas dans la liasse, c'est sans doute parce que la commission des finances l'a déclaré irrecevable, mais je le redéposerai en séance. En zone rurale, en effet, la procédure actuelle présente de graves difficultés, en particulier pour des populations souvent peu mobiles et nullement aguerries au numérique. Dans un texte relatif à la confiance, nous devrions vraiment nous interroger sur ce point.
Il est vrai que la situation existante entraîne de nombreuses difficultés. La sous-préfecture de ma circonscription, Mortagne-au-Perche, a délivré 185 cartes nationales d'identité en 2015, mais 841 en 2017 ! Autrement dit, 656 personnes vivant dans un territoire rural ont dû se déplacer au moins deux fois, parfois davantage en cas de dossier incomplet, cas fréquent pour les gens qui ne disposent pas d'un accès à internet d'une qualité suffisante. C'est donc un gros désagrément pour nos concitoyens.
D'autre part, les maires regrettent l'occasion qu'ils avaient auparavant d'échanger avec les citoyens de leur commune et de connaître leur situation. Ils ont perdu le lien social qui existait avec leurs administrés.
Enfin, je souscris pleinement à la proposition de M. Viala de permettre à certaines communes de revenir en arrière, sur la base du volontariat. Le dispositif actuel mécontente tout le monde et éloigne les citoyens de leurs élus. Ayons le courage de revenir sur certaines mesures lorsque l'on s'aperçoit qu'elles provoquent des désagréments.
L'incapacité à se déplacer en mairie ne concerne pas seulement des personnes âgées ou ayant des problèmes de mobilité, mais aussi des actifs qui travaillent toute la semaine et ne peuvent pas toujours se libérer. Je comprends les arguments concernant la sécurisation de la remise des titres, mais ils doivent nous inciter à réfléchir, dans le cadre du programme « Action publique 2022 », à l'accessibilité des services publics – qui doit les rendre et de quelle manière ? – et à leur adaptation à nos nouveaux modes de vie. Aujourd'hui, c'est à la mairie que l'on retire un certain nombre de documents ; demain, ce sera peut-être ailleurs. Cela doit constituer un élément de notre réflexion sur la modernisation des services publics ; c'est ainsi que nous parviendrons à répondre aux attentes des citoyens où qu'ils habitent, en milieu rural comme en ville. Il est vrai qu'il serait parfois plus pratique de pouvoir récupérer des documents plus près de son domicile, mais, étant donné les problèmes d'usurpation d'identité que l'on constate malheureusement, l'argument de la sécurité me paraît essentiel.
Une mesure de simplification pour revenir à la situation antérieure pourrait en effet être adoptée. Aujourd'hui, un demandeur de carte d'identité doit se présenter dans le lieu où l'enregistrement a été effectué pour la retirer en donnant ses empreintes digitales. Objectivement, quel est le risque ? Autoriser un tiers à retirer la pièce, comme c'était le cas autrefois, serait une importante mesure de simplification. Les étudiants et salariés, par exemple, sont contraints de se déplacer en prenant parfois une journée de congé pour retirer une pièce d'identité, rien de plus ! Si le système est bien organisé avec des mandats, comme auparavant, je n'y vois aucun risque, au contraire ; ce serait une belle mesure de simplification.
Je vous suggère, monsieur le secrétaire d'État, de vous rapprocher du PDG de La Poste qui recherche de nouvelles activités parallèles à la distribution de courrier, comme la livraison de médicaments par exemple. Les facteurs sont assermentés, et les technologies actuelles permettraient certainement de vérifier les empreintes digitales des demandeurs sur un lecteur portable.
Je ne suis pas du tout d'accord avec cet amendement. Dans les petites communes rurales, la mairie est généralement ouverte au public pendant quelques heures par semaine seulement ; si elle est accessible en termes de distance, elle ne l'est donc pas toujours en termes d'horaires. De plus, la ville équipée des appareils sécurisés est souvent celle où les habitants des villages vont faire leurs courses ou se faire soigner.
Mieux vaudrait réfléchir à réserver au moins un créneau horaire en dehors des heures classiques d'ouverture, le samedi matin ou le soir par exemple, afin que les étudiants et les actifs puissent récupérer plus facilement leurs titres d'identité. En tout état de cause, l'amendement tel qu'il est proposé ne résout pas les problèmes de nos concitoyens.
La commission rejette l'amendement CS129.
Elle en vient à l'amendement CS104 de M. Patrick Hetzel.
Il pourrait être intéressant de faire figurer sur la carte nationale d'identité le numéro d'identification national, qui est unique. Il est important que les citoyens aient connaissance de ce numéro attribué une fois pour toutes à la naissance par l'INSEE, parfois demandé pour certaines démarches. Cet amendement vise à ce qu'il apparaisse obligatoirement sur la carte d'identité.
Il serait pratique, en effet, de réunir toutes ces informations pour minimiser le nombre de documents à transporter. Cette proposition soulève la question de la numérisation de certains documents. M. Mahjoubi a déjà fait des annonces en la matière et le Gouvernement est déterminé à examiner l'élaboration d'un support numérique destiné à centraliser certaines informations. À ce stade, il n'est pas encore établi si ce support prendra la forme d'une carte physique ou non.
Néanmoins, il ne me semble pas opportun de faire figurer le numéro de sécurité sociale sur la carte d'identité, car cette information est confidentielle. En cas de perte, mieux vaut que la carte d'identité ne comporte que les informations nécessaires pour prouver l'identité ! En outre, l'ajout du numéro de sécurité sociale sur la carte d'identité représenterait un énorme chantier, alors que la numérisation de ces informations est justement en cours. J'émets donc un avis défavorable à cet amendement, même si j'en comprends le caractère pratique.
La même prudence me conduit à émettre un avis défavorable. Nous avons évoqué le respect de la loi du 6 janvier 1978 sur la protection des données personnelles : il se trouve que le numéro de sécurité sociale fait l'objet dans cette loi d'une protection particulière, plus forte que d'autres informations. Son inscription sur un support physique présenterait trop de risques de diffusion et d'utilisation par usurpation.
Ce débat extrêmement intéressant devrait être au coeur de l'examen de ce texte. La simplification des relations entre l'administration et les citoyens passe naturellement par les nouvelles technologies, par une meilleure coordination entre les administrations et, de ce fait, par une identification unique. Je comprends les arguments du secrétaire d'État : la tradition, incarnée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), consiste en effet à diviser et à éviter de ne disposer que d'un seul numéro pour se prémunir contre un problème d'ordre systémique en cas de capture des informations.
Dans le même temps, l'essor des réseaux sociaux depuis une quinzaine d'années a bouleversé la protection des données personnelles. Les « GAFA » possèdent beaucoup plus d'informations sur chacun d'entre nous que l'État ou tel ministère, et personne ne s'en soucie. Je me demande s'il ne serait pas judicieux de vérifier si les arguments traditionnels donnés par le secrétaire d'État ne sont pas quelque peu dépassés et si, compte tenu de l'évolution des technologies, il n'est pas illusoire de s'accrocher à l'idée selon laquelle chaque citoyen ne doit pas se contenter d'un seul numéro d'identification puisque nous sommes entrés dans une nouvelle ère de relations cybercitoyennes.
Les arguments du secrétaire d'État et du rapporteur ne me semblent pas recevables. Le numéro national d'identification figure déjà sur la carte Vitale, qui est souvent rangée à proximité de la carte d'identité et qui peut être volée tout aussi facilement. Le risque existe de toute façon ; faire figurer ce numéro sur la carte d'identité rendrait vraiment service aux citoyens.
Il serait utile d'avoir ce débat en séance, afin que des précisions soient apportées quant à la stratégie de numérisation des documents du Gouvernement, sur laquelle M. Mahjoubi a ouvert des chantiers concrets. La question de l'identification fait référence au portail France Connect qui vise à réduire le nombre de clés d'accès aux administrations. La tendance est en effet à l'harmonisation des noms d'utilisateur et des mots de passe demandés sur les sites des administrations.
Se posent également des questions relatives à la protection des données personnelles, monsieur Aubert. Il se trouve que l'Assemblée sera prochainement saisie d'un projet de loi d'envergure européenne – et donc française – sur la protection des données personnelles. Ce sera l'occasion d'avoir ce débat – je le dis en anticipant sur vos amendements suivants. Le problème existe, même si l'on ne peut prétendre que nul ne se préoccupe de la gestion des données personnelles, des « cookies » et de l'identification par les « GAFA ». Encore une fois, le projet de loi sur la protection des données personnelles sera le véhicule idoine pour prolonger ce débat.
Je partage pleinement les propos du rapporteur tout en ajoutant qu'il faut conduire un travail approfondi de réforme de l'administration de l'État et de ses systèmes informatiques. M. Mahjoubi et ses services ont en effet établi que les agents de l'État disposent de plusieurs dizaines d'applicatifs différents qui ne communiquent pas entre eux et ne s'appuient pas sur les mêmes modalités d'identification ; a fortiori, l'identification est encore plus complexe pour les usagers. L'objectif est de numériser certains documents dans le respect de la protection des données personnelles tout en uniformisant les modes de connexion et d'accès afin que ni les usagers ni les agents ne soient tenus de suivre des procédures différentes pour accéder à des informations du même ordre.
La commission rejette l'amendement CS104.
Elle adopte l'article 23 modifié.
Après l'article 23
La commission est saisie de l'amendement CS179 de M. Patrick Hetzel.
Cet amendement, qui ressemble à une petite proposition de loi, a trait à l'authenticité et à la sécurisation des pièces d'identité.
Aujourd'hui, la biométrie fait l'objet d'un encadrement strict, exigence qui s'impose aux pouvoirs publics comme aux entreprises privées. Cet encadrement est toutefois plus exigeant pour l'État que pour les sociétés commerciales. Cette situation est préjudiciable à l'État qui ne peut pleinement assumer ses obligations d'ordre public. Elle est également préjudiciable aux individus dont les données biométriques sont désormais à la libre disposition des entreprises privées.
Paradoxalement, si nos concitoyens sont protégés par le juge constitutionnel des dérives potentielles de l'État, ils ne le sont pas des dérives des sociétés commerciales. Celles-ci sont en mesure de collecter des informations biométriques dont l'utilisation n'est en réalité soumise qu'au contrat les liant à leurs clients. Ces sociétés et leurs contrats échappent d'ailleurs le plus souvent aux prescriptions constitutionnelles ou réglementaires françaises, pour motif d'extraterritorialité.
Ce déséquilibre n'a pas lieu d'être.
Cet amendement entend rétablir la création d'une carte nationale d'identité électronique et d'un passeport électronique utilisant des procédés d'identification biométrique. Le dispositif tient compte de la décision du Conseil constitutionnel au sujet de la loi du 27 mars 2012 relative à la protection de l'identité.
Cet amendement ne se contente pas de ressembler à une proposition de loi, il reprend tout bonnement une proposition de loi déposée en 2014. Nous considérons qu'il traite de sujets qui trouveront mieux leur place dans le cadre de la discussion de la loi relative à la protection des données personnelles qui procédera notamment à la transposition du droit européen.
Par ailleurs, depuis 2014, le contexte réglementaire a évolué. Je citerai notamment le décret du 28 octobre 2016, qui nécessite de réactualiser votre argumentaire.
J'émets donc un avis défavorable.
Ce décret encadre en effet les conditions de conservation et d'accès aux données biométriques des titulaires d'un passeport ou d'une carte nationale d'identité aux fins d'authentification. L'authentification du titulaire du titre vise à confirmer le lien entre l'identité déclarée et mentionnée sur le titre et le porteur du document au moyen de la comparaison de données biométriques. Cette finalité est conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le décret énumère aussi les personnes autorisées à accéder aux données enregistrées. Cette liste relève du pouvoir réglementaire conformément à l'article 27 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
Nous aurons l'occasion lors des débats sur le projet de loi relatif à la protection des données personnelles d'aller plus loin dans nos échanges
Avis défavorable également.
Compte tenu des explications qui viennent d'être présentées par le rapporteur et le ministre, je retire l'amendement.
L'amendement CS179 est retiré.
La commission examine l'amendement CS803 de M. Laurent Saint-Martin.
Cet amendement concerne les Français de l'étranger qui ont des difficultés à présenter des justificatifs de domicile. Je veux parler entre autres des « nomades digitaux » ou des étudiants en césure qui vivent dans plusieurs pays différents au cours d'une même année. Il vise à les dispenser de présenter un tel justificatif lorsqu'ils déposent une demande de renouvellement de carte d'identité ou de passeport. Il leur serait demandé une simple déclaration sur l'honneur.
Vos intentions sont louables. Reste que les discussions en cours à ce sujet n'ont pas encore abouti. Je vous suggère de retirer votre amendement pour le redéposer en séance.
Le Gouvernement s'engage à continuer à travailler pour trouver un dispositif sécurisé d'ici à la séance.
Dans ma vie professionnelle, j'ai eu à traiter de cas de retours d'expatriation. Après dix ans de séjour à l'étranger, certaines personnes ne disposent plus forcément d'une adresse en France. La réinscription à la caisse primaire d'assurance maladie peut prendre plus de six mois, ce qui pénalise des familles entières. Il est important de trouver une solution.
L'amendement CS803 est retiré.
Article 24 : Habilitation à prendre par ordonnance des mesures permettant une expérimentation de la dématérialisation des actes d'état civil établis par le ministère des affaires étrangères
La commission est saisie d'un amendement CS422 de Mme Laure de La Raudière.
Je demande à nouveau que la durée des expérimentations soit portée de trois à quatre ans afin de faciliter leur suivi, que ce soit par le Gouvernement ou par le Parlement. M. Darmanin, hier, a trouvé cette démarche très intéressante… (Sourires.)
Je ne suis pas favorable à ce que l'on fixe une durée uniforme pour toutes les expérimentations. Elle doit varier, à mon sens, selon chaque type d'expérimentation. En l'occurrence, je suis favorable à une durée de quatre ans en matière d'actes d'état civil établis par le ministère des affaires étrangères.
Il s'agit d'un amendement frappé au coin du bon sens : avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CS438 de Mme Laure de La Raudière.
Mon amendement vise à permettre de tester, dans le cadre de cette expérimentation, la technologie des chaînes de bloc – dite blockchain – qui repose sur l'enregistrement électronique des données dans un registre partagé permettant l'authentification des actes d'état civil. S'il paraît important de le préciser dans la loi, c'est que la législation actuelle peut comporter des dispositions qui empêchent l'utilisation de cette technologie intéressante pour réduire les coûts et rendre plus efficace l'utilisation des registres.
Je ne nie pas l'intérêt des chaînes de bloc, technologie qui porte en elle des solutions d'avenir pour le partage des informations. Je considère toutefois qu'il n'est pas pertinent d'inscrire cette possibilité dans la loi. Il revient au Gouvernement de choisir les solutions techniques les plus adaptées. Avis défavorable.
Pour le Gouvernement, il s'agit d'un problème de niveau réglementaire. Ce dispositif n'a pas à figurer dans la loi d'habilitation.
Sur le fond, une telle innovation rompant avec l'organisation actuelle de l'état civil français, il apparaît peu approprié pour le Gouvernement de s'engager dans cette voie sans une étude technique préalable et sans une consultation portant sur les incidences d'une décentralisation de l'enregistrement des actes de l'état civil.
De plus, les chaînes de bloc constituent un système de sécurisation des transactions qui nous paraît éloigné de la création d'actes authentiques. L'État dispose déjà d'un système de gestion de la délivrance sécurisée des données de l'état civil reposant sur une signature électronique.
Enfin, il convient de souligner qu'aucun pays européen n'envisage aujourd'hui l'utilisation des chaînes de bloc pour la gestion de l'état civil. Compte tenu des principes régissant la circulation des actes d'état civil en Europe, il nous paraît difficile que la France s'engage seule dans cette voie.
Les avis du rapporteur et du secrétaire d'État me laissent perplexe. Mon amendement vise à ouvrir une simple possibilité, non à instaurer une quelconque obligation. Et je suis certaine que les freins de la législation actuelle empêcheront de procéder à l'expérimentation des chaînes de bloc en matière d'état civil dans les quatre ans qui viennent. Or, l'évolution des technologies est si rapide qu'il serait dommage de se priver d'expérimenter une innovation qui permet d'authentifier des actes.
La réponse qui vous a été fournie n'est pas juste, monsieur le secrétaire d'État. Je vous en apporterai la démonstration en séance. Je conçois que ce dispositif n'ait pas été suffisamment expertisé par le Chancellerie mais vous ne pouvez pas me dire qu'il s'agit d'une mesure d'ordre réglementaire. C'est bien par la loi qu'une telle expérimentation doit passer. On ne peut opposer un « Circulez, il n'y a rien à voir ».
Au moment même où nous discutons de l'amendement de notre collègue, la commission des lois se penche sur la création d'une mission d'information sur les chaînes de bloc. Le sujet ne me semble pas devoir être écarté.
Par prudence, je vous demande de retirer votre amendement pour le redéposer en séance, madame de La Raudière. Les chaînes de bloc n'ont rien d'un petit sujet : elles réclament de l'expertise.
Il est bien évidemment impensable pour nous de considérer qu'il nous suffirait de dire : « Circulez, il n'y a rien à voir ». La mission évoquée par Philippe Gosselin nous apportera des éléments utiles tout comme les arguments que présentera Mme de La Raudière en séance. Nous connaissons votre engagement dans ce domaine, madame la députée, et je ne peux pas prétendre avoir la même maîtrise que vous de ces sujets – vous avez eu raison de souligner que ma réponse se fondait sur un argumentaire qui m'avait été transmis.
Les travaux de cette commission sont assez longs et fastidieux pour qu'on ne leur enlève pas, article après article, toute substance en renvoyant toutes les discussions à la séance. La commission doit pouvoir apporter sa pierre en enrichissant le texte. J'ai l'impression que le bilan des amendements adoptés n'est pas bien épais.
Les chaînes de bloc constituent une technologie passionnante qui mérite qu'on s'y intéresse, mais cet amendement me paraît davantage relever du domaine réglementaire.
Méfions-nous de la démocratie des experts. Pourquoi renvoyer systématiquement les sujets abordés à des analyses supplémentaires ? Le Parlement est composé d'hommes et de femmes qui ont leurs compétences et qui sont appelés à se prononcer sur des principes. C'est le cas ici. Il s'agit de savoir si nous pouvons expérimenter un dispositif d'enregistrement électronique issu d'une innovation technologique. Pour ma part, j'y suis favorable car j'y vois une avancée sociale : il améliore l'authentification des actes. Si cet amendement est voté, il reviendra au Gouvernement d'en déterminer les modalités pratiques. Il ne s'agit même pas d'une obligation mais d'une simple possibilité. Si nous commençons à reculer face à de simples possibilités, ce sera le règne du droit mou !
Il faut bien voir que la possibilité de recourir à cette technologie se ferait à travers une expérimentation, c'est-à-dire de façon extrêmement encadrée. Elle ne comporte aucun risque. L'adoption de cet amendement ne mettrait personne dans l'embarras et ne créerait aucun précédent. Libre au Gouvernement, une fois cette expérimentation faite, de la généraliser ou pas.
Je voudrais soutenir cet amendement. Il est de plus en plus question des chaînes de bloc. Il est certain que le développement de cette technologie aura un impact d'une manière ou d'une autre sur l'organisation de l'administration. Elle verra émerger de nouvelles compétences et aura des incidences sur la nature des emplois. Il n'y a rien d'illégitime à ce que le Parlement s'empare de cette question. Elle ne doit pas être réduite au domaine réglementaire car elle n'est pas seulement technique.
Je souscris, à titre personnel, à l'amendement de Laure de La Raudière qui, en offrant la possibilité de tester cette technologie, ouvre des perspectives.
Monsieur Viala, une petite précision : nous avons déjà adopté quatre-vingt-seize amendements, ce qui n'est pas mince.
Cet amendement pourrait être suivi par toute une série d'amendements demandant que l'expérimentation puisse porter sur le format HTML5 ou sur le code Python. En séance, il faudra apporter la démonstration que la législation actuelle empêche d'expérimenter les chaînes de bloc. Si vous le prouvez, alors j'émettrai un avis favorable à votre amendement, madame de La Raudière. À ce stade de nos débats, je ne suis pas convaincu que le droit actuel soit un obstacle.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 24 modifié.
Après l'article 24
La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CS13 de M. Julien Aubert et CS125 de Mme Véronique Louwagie et l'amendement CS288 de M. Hervé Pellois.
Le processus de dématérialisation de la délivrance des cartes grises connaît de multiples dysfonctionnements. Des milliers de dossiers sont aujourd'hui bloqués. Je propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur ce fiasco. Certes, les conséquences sont moins graves que pour les permis de conduire ou les passeports. Reste que cette expérience est riche d'enseignements. Nous avons trop tendance à considérer que la dématérialisation est synonyme d'efficacité administrative. C'est totalement faux. Les échecs des applications LOUVOIS ou Chorus nous l'ont déjà montré. Ces progiciels sont généralement d'abord conçus pour des entreprises. Or l'État, n'en déplaise à certains, n'est pas une entreprise. De surcroît, même s'ils ont été élaborés pour de très grandes entreprises comptant 200 000 à 300 000 salariés, le passage à une administration gérant des millions de dossiers ne va pas sans mal. Toute personne qui a manié un jour un tableau Excel sait que le nombre peut tuer la technologie.
Cela doit nous amener à réfléchir sur la philosophie de ce texte qui manifeste une confiance sans faille dans la technologie appliquée à l'administration. De manière très pragmatique, cet amendement nous permettra de corriger le tir en nous permettant de savoir les raisons des problèmes rencontrés dans la dématérialisation des cartes grises.
Mon amendement est identique. Nous demandons un rapport sur les dysfonctionnements constatés lors du processus de dématérialisation, sur les moyens mis en oeuvre pour y remédier et le manque d'accompagnement des usagers par l'administration.
L'un des points à élucider est aussi de savoir pourquoi la généralisation a abouti à cet échec alors que l'expérimentation, menée dans vingt départements, a donné des résultats concluants. À l'heure où nous nous penchons sur la mise en oeuvre de nouvelles expérimentations – et je suis tout à fait favorable au principe de l'expérimentation –, il serait bon d'avoir des éclaircissements à ce sujet. Cela nous permettrait d'éviter à l'avenir certains écueils.
Mon amendement vise aussi à demander un rapport pour mettre au jour les causes de la saturation de la plateforme et tirer les enseignements en vue de l'extension de la dématérialisation à d'autres documents administratifs. La date que j'ai retenue pour la remise du rapport me paraît toutefois moins heureuse que celle choisie par mes collègues.
Beaucoup de personnes sont concernées par ces problèmes et le point le plus important est que le ministère de l'intérieur le règle en se mobilisant sur le terrain.
Cela dit, je suis très sensible à vos remarques sur l'expérimentation. C'est vrai que cette généralisation pose question. Il faut trouver où se situent les dysfonctionnements, qui sont indéniables, mais aussi, dans une approche globale, mettre en avant les points positifs. Pour ce faire, il serait bon de disposer de chiffres.
Je vous demanderai à ce stade de retirer vos amendements.
La dématérialisation de la délivrance des cartes grises est entrée dans sa phase active le 6 novembre 2017, et plus d'un million de cartes grises ont déjà été délivrées aux demandeurs dans ce cadre. Cependant des dysfonctionnements sérieux ont obéré l'efficacité des téléprocédures, ralenti le traitement de certaines demandes et entraîné des nuisances pour des usagers spécifiques, entreprises et professionnels de l'automobile. Le Gouvernement le reconnaît.
Le ministère de l'intérieur a immédiatement pris la mesure de ces difficultés et l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) a été chargée, dans le cadre de ses missions, de livrer des correctifs en relation avec les prestataires de services informatiques qui assurent la maintenance des applications. Ces corrections sont en cours et se poursuivront jusqu'à la fin du mois de mars 2018. Au-delà des corrections techniques, la mise en place d'un site internet plus ergonomique en février 2018 contribuera aussi à améliorer la situation.
Par ailleurs, nous avons mis en place deux types de soutien aux usagers : des tutoriels portant sur chacune des téléprocédures sont consultables sur le site de l'ANTS ; trois cents points numériques ont été installés dans les préfectures ou sous-préfectures pour permettre à ceux de nos concitoyens qui ne disposent pas de moyens informatiques d'avoir accès aux services et de bénéficier d'un accompagnement de la part de médiateurs numériques.
Par ailleurs, si une téléprocédure réalisée à domicile n'aboutit pas, elle est désormais automatiquement orientée vers l'une des neuf plateformes où des agents traitent les dossiers et demandent le cas échéant des informations complémentaires. Pour les professionnels, le ministère a un contact régulier avec l'ensemble des organisations représentatives.
L'Agence a, en outre, considérablement renforcé l'effectif des téléconseillers. Ils étaient 48 au début de l'année 2017, 93 en octobre 2017, et seront 170 à la fin du mois de janvier 2018.
Le travail de résolution des difficultés est donc largement engagé. Sur le plan technique, il doit aboutir en mars prochain.
Les amendements proposés prévoient la remise d'un rapport après la promulgation de la loi. Or, d'ici là, les mesures correctives auront produit leurs effets, ce qui ôte à ce document une grande part de son utilité pratique. Compte tenu des impératifs de la navette, cette promulgation ne pourra en effet intervenir avant la fin du mois de mars.
Le Gouvernement tirera les enseignements de la dématérialisation des demandes de cartes de grise dans la mise en oeuvre de toutes les mesures de dématérialisation des procédures administratives à venir.
Je vous demanderai de bien vouloir retirer vos amendements.
Les très nombreux articles que la presse quotidienne régionale consacre à ce fiasco montrent que les difficultés concernent l'ensemble du territoire. Des comités d'usagers se sont organisés. Ils sont très en colère. Les cartes grises ne peuvent pas être délivrées. À cet égard, la question ne saurait être de faciliter l'accès au numérique puisque la plateforme générale elle-même ne fonctionne pas. À cela s'ajoute le fait qu'il faut avoir noté un numéro pour réussir à accéder à son dossier. Les particuliers sont obligés d'avoir recours aux professionnels, les garagistes pour dire les choses clairement, qui leur facturent la demande de carte grise à des tarifs allant de 30 euros à 200 euros.
Quand l'usager arrive enfin à obtenir son document, c'est souvent hors délai. Certains automobilistes se sont vu appliquer des amendes pour non-présentation de carte grise dans les délais impartis.
Je prends acte de la volonté du Gouvernement d'améliorer rapidement les choses. C'est une nécessité. Mais il faut tirer de cet échec d'autres conclusions.
Premièrement, les expérimentations doivent être particulièrement bien encadrées et menées sérieusement avant qu'une généralisation puisse être envisagée. La simplification doit être efficace dans la durée.
Deuxièmement, la simplification n'est pas synonyme de dématérialisation à tout-va. Les téléprocédures ne sont pas l'alpha et l'oméga de l'action publique, qu'il s'agisse de l'État ou des collectivités. Il faut trouver un bon équilibre en maintenant des points d'accès physiques.
Le texte vise à renforcer la confiance entre l'État et les citoyens. Et cette dématérialisation des cartes grises illustre parfaitement ce qu'il ne faut pas faire : généraliser une procédure à partir d'une expérimentation qui a connu quelques échecs et mener ce processus brutalement sans passer par une phase transitoire.
Dans ma circonscription, à Saint-Quentin, un commerçant m'a expliqué n'avoir tout simplement pas pu procéder au transfert de la carte grise belge du véhicule qu'il avait acheté de l'autre côté de la frontière. Aucune rubrique de la téléprocédure ne le prévoyait. Auparavant, il pouvait s'adresser à des fonctionnaires de l'administration et expliquer son cas. Désormais, il est face à un écran d'ordinateur qui ne propose pas d'options adéquates.
Dans ces conditions, l'idée de demander un rapport ne me paraît pas dénuée de sens.
Je vais retirer mon amendement, et ce sera une preuve de la confiance que nous acceptons de faire au Gouvernement – ce qui n'est jamais facile quand on est dans l'opposition… (Sourires.) Si les mesures correctives n'ont pas l'effet désiré, nous pourrons nous retourner vers vous et en tirer les conséquences pour la suite.
Monsieur le rapporteur, je suis d'accord avec vous quand vous dites que la priorité est de régler les difficultés. À cet égard, je salue les actions engagées par le Gouvernement en ce sens.
Toutefois, je le répète, mon propos est avant tout de chercher à comprendre pourquoi la généralisation d'une expérimentation ayant recueilli de bons résultats a entrainé un bogue de cette nature. Il faut en tirer les enseignements qui s'imposent alors que le Gouvernement s'apprête à lancer un grand nombre d'expérimentations. Cela permettrait d'éviter que des situations de même nature ne se reproduisent. Faut-il mettre en place une phase transitoire, prévoir un tuilage, faire fonctionner en même temps des dispositifs dématérialisés et non dématérialisés ? C'est sur cela que porte mon rapport.
Les amendements CS13 et CS 288 sont retirés.
La commission rejette l'amendement CS125.
Elle en vient à l'amendement CS106 de M. Arnaud Viala.
Cet amendement vise à demander un rapport sur la mise en place systématique de la dématérialisation des inscriptions sur les listes électorales. Près de 6,5 millions d'électeurs sont inscrits dans un bureau ne correspondant pas à leur lieu de résidence effective et 3 millions ne sont pas inscrits du tout. Même si des dispositions ont été adoptées pour réformer les règles d'inscription sur les listes électorales, une mesure s'impose : la mise en place systématique de la dématérialisation des inscriptions sur les listes électorales. C'est une demande formulée par un grand nombre de maires.
Je ne suis pas favorable à ce que ce sujet figure dans le projet de loi. Lorsqu'il a été question, dans la phase préparatoire du texte, de l'intégrer, j'ai fait part de mes réticences. La dématérialisation totale pose plusieurs problèmes, notamment l'accès des personnes âgées.
Nous considérons que cet amendement est largement satisfait. La mise en place systématique de la dématérialisation des inscriptions sur les listes électorales a été introduite par l'ordonnance du 6 novembre 2014 relative au droit des usagers de saisir l'administration par voie électronique, une ordonnance devenue effective depuis le 7 novembre 2016 pour les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les EPCI. La première des obligations imposées aux collectivités territoriales par cette ordonnance concerne la mise en place d'un téléservice permettant aux usagers de procéder par voie électronique à certaines démarches, dont celles relatives à l'inscription sur les listes électorales. À cet égard, il incombe à chaque collectivité d'informer le public des téléservices mis en place ; une fois informé, le public ne peut recourir à d'autres modalités de saisine par voie électronique. Toutefois, à défaut d'information du public, tout type d'envoi électronique est admis, et la commune ne peut refuser de traiter la demande d'inscription, quel que soit le format de la saisine électronique. Dans la mesure où l'objectif de dématérialisation des inscriptions est largement satisfait, je souhaite le retrait de cet amendement.
Pour ma part, je ne pense pas que cet amendement soit satisfait, car les communes rurales n'ont pas toutes les moyens d'inciter les usagers à recourir aux téléservices et, dès lors, c'est à l'État qu'il appartient de mettre en place les possibilités de dématérialisation. Nous savons tous qu'il y a des trous dans la raquette et qu'il convient d'y remédier.
La commission rejette l'amendement.
Article 25 (art. L. 521-3-1 du code monétaire et financier et art. 21 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État) : Dons par SMS aux associations cultuelles
La commission examine l'amendement CS347 de M. Julien Dive.
L'article 25 offre un nouveau moyen d'effectuer des dons aux associations cultuelles, en permettant de donner par SMS. Si nous ne contestons pas la pertinence de cette disposition, nous estimons qu'elle constitue un véritable cavalier législatif. Par ailleurs, les dons aux associations donnant lieu à une déduction fiscale s'élevant à 66 %, il me semble qu'une telle proposition devrait être assortie, si ce n'est d'une étude d'impact, au moins d'une estimation de son coût réel.
Pour ce qui est de la notion de votre remarque sur la notion de cavalier législatif, comme vous le savez, cette notion s'applique aux amendements déposés en première lecture, et non aux articles initiaux d'un projet de loi, et je suis persuadé que, si le Conseil constitutionnel est amené à se prononcer sur cette question, il jugera qu'il ne s'agit pas d'un cavalier.
Sur le fond, je reconnais qu'il est permis de se demander si cet article a un rapport direct avec le reste du texte. En l'état actuel du droit, il est déjà permis de faire des dons aux associations cultuelles, et l'article 25, qui permet de le faire par SMS, constitue une mesure de modernisation et de simplification par rapport au dispositif existant.
J'ajoute qu'il s'agit là de la concrétisation d'un engagement pris par la majorité précédente auprès des associations cultuelles, et renouvelé par la majorité actuelle. Au moment de transposer une directive européenne de 2015 dans le cadre de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, le législateur s'est demandé si le terme anglais charities pouvait inclure les dons aux oeuvres et aux associations cultuelles ; cela avait donné lieu à des discussions, à l'issue desquelles le choix avait été fait de ne pas inclure le don aux cultes.
Ainsi, toutes les autres organisations type « loi de 1901 » pouvaient bénéficier du don par SMS – selon des modalités très encadrées, impliquant que les opérateurs concernés fassent des déclarations très précises, que les dons soient inférieurs à 50 euros et que leur total n'excède pas 300 euros par personne et par mois –, à l'exception des associations cultuelles. Il s'agit donc ici de permettre une transposition complète de la directive européenne de 2015.
Cette mesure de modernisation peut soulever deux questions. Premièrement, les associations cultuelles, qui peuvent déjà recevoir des dons, doivent-elles pouvoir le faire par SMS, comme toutes les autres associations ? Pour ma part, je ne vois pas pourquoi elles ne le devraient pas. Deuxièmement, quel est véhicule législatif adéquat pour cette disposition ? Je vous le dis très honnêtement : si nous ne l'intégrons pas à ce texte, nous n'aurons pas d'autre occasion de l'adopter au cours du quinquennat, car aucun autre texte ne permettra de le faire.
En tant que rapporteur, je suis favorable à cette disposition, et je proposerai d'ailleurs un amendement à l'article 25 visant à imposer aux associations cultuelles de déposer des comptes annuels, ce qui n'est pas le cas actuellement – elles n'ont cette obligation que dans certains cas. Je suis donc défavorable à l'amendement de suppression de l'article 25.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être exposées par M. le rapporteur. Premièrement, nous ne considérons pas qu'il s'agisse d'un cavalier, conformément à ce qu'il ressort de l'avis du Conseil d'État. Deuxièmement, nous estimons que la disposition en question a tout à fait vocation à s'intégrer au présent texte, puisqu'il s'agit d'une mesure d'égalité, visant à ce que les associations cultuelles bénéficient du même régime que les autres associations pour ce qui est des dons par SMS.
Sur le fond, comme cela a été dit, cette mesure de modernisation vient concrétiser des engagements pris précédemment, tout en étant assortie de limites protectrices pour les personnes ayant recours à cette nouvelle possibilité.
Le Gouvernement sera également favorable à l'amendement proposé par M le rapporteur au présent article, visant à ce que le nouveau moyen technique de recueillir des dons, dont vont bénéficier les associations cultuelles, soit assorti d'une obligation nouvelle consistant à déposer des comptes annuels certifiés.
Je suis cosignataire de l'amendement présenté par M. Dive, et j'adhère totalement à l'argumentaire qu'il a exposé. Sur l'amendement précédent, le rapporteur nous avait dit que la dématérialisation des listes électorales n'entrait pas vraiment dans le périmètre du texte, tandis que le ministre affirmait que l'amendement était satisfait. Pour ce qui est du présent amendement, par contre, il nous entraîne dans un débat de fond sur les cultes qui n'a pas du tout lieu d'être dans le cadre de l'examen d'un texte sur la société de confiance. Il nous dit vouloir faire bénéficier les associations cultuelles des dispositions existant pour d'autres associations, fort bien, mais cela n'a rien à voir avec le périmètre du texte qui nous a été présenté par le ministre Darmanin.
Certes, en tant que rapporteur, j'aurais préféré vous présenter un texte pur et parfait sur la société de confiance. Cela étant, je maintiens que la notion de cavalier législatif est réservée aux amendements et que le Gouvernement est maître d'intégrer à un projet de loi les dispositions qu'il souhaite y voir figurer. Considérant qu'il n'y aura pas d'autre occasion d'intégrer cette disposition, il a été décidé, dans un souci de réalisme, de l'intégrer au présent texte. Cela ne justifie pas pour autant d'ouvrir de grands débats sur la loi de 1905. Il se trouve qu'en 1905, les SMS n'existaient pas, et qu'il est aujourd'hui nécessaire de moderniser la loi sur ce point. En résumé, j'assume le bien-fondé de la mesure proposée sur le fond et, pour ce qui est de son lien avec le texte, je vous ai dit ce qui justifie qu'elle y figure.
Pour ma part, je regrette que l'examen de ce projet de loi sur la société de confiance soit l'occasion de remettre en cause l'un des grands textes fondant notre République. La disposition proposée appelle un débat de fond, qui n'a assurément pas sa place ici : si l'on souhaite faire évoluer la loi de 1905, il faut le faire d'une autre manière.
Si je comprends l'émoi que l'article 25 peut susciter, il me semble qu'il ne faut pas surestimer sa portée : il ne modifie pas véritablement la loi de 1905, qu'il met simplement à jour, en permettant que les SMS, qui n'existaient pas en 1905, puissent être utilisés pour faire des dons aux associations cultuelles, comme c'est déjà le cas pour les autres associations. Voyons cet amendement pour ce qu'il est, à savoir une mesure de simplification.
C'est vrai, les SMS n'existaient pas en 1905. Cependant, les messageries privées du type WhatsApp ou Telegram, ou encore celles passant par les réseaux sociaux, n'existaient pas non plus il y a quelques années. Dès lors, si vous voulez moderniser la loi, pourquoi ne prenez-vous pas en compte toutes ces nouvelles messageries ?
Savez-vous que, si elle est adoptée, la mesure proposée constituera la cinquante-deuxième modification de la loi de 1905 ? Or, il n'y a pas eu cinquante-deux grands textes sur la laïcité depuis 1905… En réalité, cette loi a été régulièrement toilettée au fil du temps.
Pour ce qui est des modalités de don, il me paraît raisonnable que nous nous en tenions à la réflexion en profondeur qui avait été faite dans le cadre de l'examen de la loi pour une République numérique en 2016, et que nous nous alignions sur ce qui avait alors été envisagé au sujet des modalités de don, à savoir un élargissement limité aux dons par SMS.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CS914 du rapporteur.
L'amendement CS914 a pour objet d'inscrire dans l'article 25 l'obligation pour les associations cultuelles d'établir des comptes annuels. Cette obligation, initialement inscrite à l'article 38 du projet de loi, trouve en effet mieux sa place ici, où elle vient assortir la possibilité nouvelle de faire des dons par SMS.
Je suis favorable à cet amendement.
Pouvez-vous me préciser si les dons par SMS sont limités, pour les associations cultuelles, aux activités caritatives ?
Les associations cultuelles ont un objet très strictement défini. Ainsi, alors qu'une association paroissiale, de type « loi de 1901 », peut avoir un objet plus ouvert, une association cultuelle, définie par la loi de 1905, doit avoir pour seul objet que l'exercice du culte. Les ressources dont bénéficient les associations de type « loi de 1905 » doivent donc être strictement dédiées à l'exercice du culte. En ce sens, l'obligation d'établir des comptes annuels est un exercice de transparence totale.
Aujourd'hui, toutes les associations établissent des comptes – qui, pour certaines d'entre elles, doivent être certifiés. Nous ne pouvons que souscrire à cet amendement visant à davantage de transparence.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CS867 du rapporteur.
L'amendement CS694 de M. Laurent Saint-Martin est retiré.
La commission adopte l'article 25 modifié.
Après l'article 25
La commission est saisie de l'amendement CS823 de M. Boris Vallaud.
Je crains que l'amendement CS823 ne soit devenu sans objet, puisque l'obligation d'établir des comptes pour les associations cultuelles est rétablie.
En fait, je m'apprêtais à donner un avis favorable à cet amendement, afin que nous allions au bout de notre démarche en ce qui concerne les obligations comptables des associations cultuelles. L'amendement visant à ce que soit établi un bilan général de ces obligations, je suis favorable à une disposition visant à sécuriser les mesures que nous allons prendre.
Je me range à l'avis du rapporteur, et émets un avis de sagesse plutôt favorable.
La commission adopte l'amendement.
Article 26 : Habilitation du Gouvernement à instituer, par ordonnance, un « permis de faire » dans la construction
La commission adopte l'amendement rédactionnel CS718 du rapporteur.
Puis elle examine l'amendement CS116 de M. Matthieu Orphelin.
L'article 26 du projet de loi est important, puisqu'en matière de construction neuve et de rénovation énergétique, il substitue des obligations de résultat à des obligations de moyens. Par l'amendement CS116, nous proposons de bien spécifier que les nouvelles obligations seront mises en place tout en maintenant le niveau d'exigence global – cet adjectif est important – de performance énergétique et environnementale des bâtiments. Les enjeux sont énormes, en construction neuve comme en rénovation énergétique, et il est important de préciser que les innovations seront apportées en maintenant un niveau d'exigence global.
Je remercie M. Orphelin, car l'examen de son amendement nous permet de poser le débat et de bien préciser l'objet de l'article 26 – en l'occurrence, de préciser qu'il ne saurait y avoir un recul en termes de niveau de performance environnementale, de sécurité, ou encore de protection et de santé des personnes. Ces précisions étant apportées, il me semble que l'amendement est satisfait par l'esprit même de l'article, qui vise à passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultat. Le législateur n'a pas vocation à fixer le diamètre des tuyaux ou l'épaisseur des murs, mais à définir les objectifs à atteindre – en l'occurrence, celui d'une meilleure performance, que les innovations dans le domaine de la construction peuvent permettre d'obtenir, au-delà même des normes fixées par le législateur. Je souhaite donc le retrait de cet amendement, et j'émettrai à défaut un avis défavorable.
Le Gouvernement souhaite également le retrait de cet amendement qui se trouve satisfait, dans la mesure où l'article 26 prévoit la possibilité de déroger de plein droit aux normes existantes, sous réserve d'apporter la preuve de l'atteinte d'un résultat équivalent. L'écriture de l'article n'autorise, en aucun cas, à minorer les objectifs à atteindre, notamment en matière de performance énergétique et environnementale.
Je m'intéresse à cette question depuis fort longtemps, à savoir depuis le Grenelle de l'environnement, dont j'avais été chargé de rédiger le volet « rénovation énergétique ». Il me semble que l'amendement que je propose apporte une précision très utile et je crains qu'à défaut, l'esprit de la loi ne soit très rapidement contourné – les promoteurs de certaines technologies ont déjà fait des tentatives en ce sens.
Je retire cet amendement afin qu'on ait le temps d'en discuter et qu'il puisse éventuellement inspirer d'autres rédacteurs, mais j'insiste sur son importance : il s'agit d'éviter que d'ici quatre ou cinq ans, on ne voie s'engouffrer dans la brèche des gens qui auraient une autre vision que nous des enjeux de rénovation énergétique.
Je vous remercie pour ce retrait, qui va nous permettre de continuer à réfléchir sur le sujet dont il est ici question. Cela me donne l'occasion de préciser que l'article 26 prévoit deux habilitations à légiférer par ordonnance. La première habilitation, qui vise à fixer un principe général, porte sur une ordonnance « d'attente ». La deuxième habilitation prévoit qu'une ordonnance sera prise dans un délai de dix-huit mois, qui sera mis à profit pour réécrire le code de la construction et de l'habitation selon des critères « performantiels » – c'est-à-dire en précisant les performances visées et les moyens mis en oeuvre pour les atteindre. J'insiste sur le fait que ce travail de réécriture, visant à sécuriser l'atteinte des objectifs en prévoyant des évaluations a priori et a posteriori, notamment en matière d'assurance, devra impliquer l'ensemble des parties prenantes, et il faudra que nous soyons très vigilants sur ce point.
Ce que vient d'exposer M. le rapporteur constitue une autre piste de réflexion en vue d'obtenir la réassurance visée par mon amendement. En tout état de cause, il me paraît très important que cela soit inscrit dans la loi, d'une manière ou d'une autre.
La deuxième habilitation prévue par l'article 26 prévoit expressément la réécriture du code de la construction et de l'habitation, et tous les champs de ce code – les normes en matière acoustique, sismique, environnementale, de risque incendie, de santé ou d'accessibilité – seront repris dans le cadre de cette réécriture.
Si l'on peut se féliciter de la substitution des obligations de moyens aux obligations de résultat, cette évolution n'est pas sans poser un certain nombre de questions, notamment quant aux moyens mis en oeuvre et quant à l'ensemble des guides d'ordre réglementaire qui devront être mis à la disposition des entreprises : cette démarche représente tout de même une révolution culturelle !
Les risques de diminution de la qualité de l'ouvrage ne doivent pas être négligés, et pour les écarter, il nous faut maintenir un niveau d'exigence élevé. Enfin, il faut prévoir les questions de responsabilité des différents acteurs qui ne manqueront pas de se poser, et des incidences que cela peut avoir en matière d'assurance. Il est un peu frustrant pour nous que toutes ces questions soient réglées par voie d'ordonnances, car leur nombre et leur importance mériteraient sans doute un débat.
La deuxième ordonnance prévoit deux possibilités pour le maître d'ouvrage de bâtiments : il pourra soit faire application des normes de référence, soit déroger à ces normes, s'il apporte la preuve qu'il parvient, par les moyens qu'il entend mettre en oeuvre, à des résultats équivalents à ceux découlant de l'application des règles auxquelles il est dérogé et que ces moyens présentent un caractère innovant – l'ordonnance fixera également les modalités selon lesquelles cette preuve est apportée et les résultats atteints contrôlés. Si l'ordonnance prévoit des dispositions très précises, il faut reconnaître que certaines questions restent posées, notamment en matière assurantielle. Des amendements visant à encadrer cette ordonnance seront donc sans doute nécessaires.
Effectivement, les simplifications souhaitées vont se traduire par des questions de responsabilité. Il n'est pas question de faire de la construction à moindre coût, ou selon des normes insuffisamment protectrices, et je comprends bien l'intention de l'amendement de notre collègue Orphelin. Cela dit, au-delà des aspects environnementaux ou architecturaux, il y a des aspects relatifs aux responsabilités, qui devront impérativement être pris en compte par les ordonnances, afin d'éviter de créer des situations où les architectes, les constructeurs et les clients en viendraient à se renvoyer la balle.
Si les travaux de construction bénéficient d'une garantie décennale, chacun sait qu'il existe des entreprises plus ou moins sérieuses qui proposent des conditions alléchantes, mais livrent à leurs clients des constructions défectueuses et trouvent ensuite le moyen de se soustraire à leurs responsabilités, souvent en faisant faillite – ce qui ne les empêche pas de créer une autre entreprise juste après. C'est là un problème récurrent, dont nous devons tenir compte.
Je voudrais rassurer nos collègues sur la bonne application des dispositions dont nous débattons : nous pouvons être confiants sur ce point, dans la mesure où l'article 26 précise bien que s'il entend déroger aux règles de construction en vigueur, le maître d'ouvrage de bâtiments devra apporter la preuve qu'il parvient, par les moyens qu'il entend mettre en oeuvre, à des résultats équivalents à ceux découlant de l'application des règles auxquelles il est dérogé et que ces moyens présentent un caractère innovant. Cette double condition constitue, à mon sens, une réelle sécurité juridique.
La commission est saisie de l'amendement CS793 de Mme Jeanine Dubié.
Dans la continuité de ce qui vient d'être dit, l'amendement CS793 vise à encadrer les dispositions de l'article 26, pour des raisons de responsabilités et de sécurité. Il propose la mise en place d'une instance collégiale, formée sur le modèle de la commission chargée de formuler les avis techniques et ayant pour objet de contrôler l'atteinte des résultats par le maître d'ouvrage de bâtiments ayant fait le choix de déroger à certaines règles de construction.
Si je comprends l'intention de cet amendement, consistant à sécuriser les conditions dans lesquelles sera effectuée l'évaluation des résultats, j'émettrai cependant un avis défavorable, estimant qu'il est à la fois trop précis et pas assez. Il est trop précis en ce qu'il indique par quel moyen l'évaluation sera faite, et pas assez en ce que la mention d'une « instance collégiale » ne donne aucune indication sur la composition de cette instance.
Je suis défavorable à cet amendement, pour les raisons que vient d'évoquer M. le rapporteur. Par ailleurs, le Gouvernement a pris l'engagement de préciser dans l'ordonnance toutes les conditions d'expertise, d'impartialité et d'indépendance que devra respecter l'entité en charge du contrôle de l'application du texte.
J'ai bien précisé, dans l'exposé des motifs, que cette instance collégiale pourrait être créée sur le modèle de la commission chargée de formuler les avis techniques, constituée par l'arrêté du 21 mars 2012 relatif à la commission chargée de formuler des avis techniques et des documents techniques d'application sur des procédés, matériaux, éléments ou équipements utilisés dans la construction, et dont l'article 8 définit la composition.
J'entends bien ce que disent M. le rapporteur et M. le secrétaire d'État et je vais donc retirer mon amendement. Cependant, j'insiste sur le fait que la simplification recherchée ne doit pas se faire au détriment du consommateur. Aujourd'hui, en dépit des assurances décennale et de parfait achèvement, le client final se trouve très fréquemment confronté à de grandes difficultés lorsqu'il constate des malfaçons ou des erreurs de conception : il ne faudrait pas que la simplification dont il est censé profiter se traduise par des complications supplémentaires !
L'amendement est retiré.
La commission examine les amendements identiques CS663 de M. Laurent Saint-Martin et CS856 de M. Dominique Da Silva.
De l'avis général des acteurs concernés par le permis de déroger introduit par l'article 26, le principe consistant à substituer des obligations de moyens à des obligations de résultat représente une excellente mesure pour libérer l'innovation dans le secteur de la construction, avec à la clé un regain d'efficience et d'activité. Cependant, les objectifs poursuivis sont soumis à deux conditions essentielles qu'il convient d'introduire dans le texte que nous propose le Gouvernement.
Répondant à l'une de ces conditions, l'amendement CS856 vise à préciser la responsabilité, la qualification et l'impartialité des contrôleurs techniques agréés pour évaluer et contrôler la réalisation de projets de construction, en complétant l'alinéa 3 par les mots suivants : « avec le concours d'une expertise professionnelle de la construction. »
Au-delà de cette rédaction, il est crucial que les acteurs de la construction, notamment ceux qui oeuvrent pour le compte des maîtres d'ouvrage, soient associés à l'écriture des ordonnances sur ce point particulier qu'est le contrôle.
J'ajoute que l'instance d'évaluation et de contrôle doit être facilement accessible et proportionnée à la nature du projet et à l'importance de la dérogation envisagée. En effet, il ne faudrait pas que cette instance de contrôle constitue un frein aux projets innovants de moindre portée qui ne dérogent pas aux règles de sécurité fondamentales.
Ces amendements, qui posent le principe d'une « expertise professionnelle de la construction » vont dans le sens de la sécurisation souhaitée par Mme Dubié, et leur rédaction me convient. J'y suis donc favorable.
Je suis également favorable à ces amendements, dans la mesure où ils portent sur la première ordonnance. Je serai en revanche défavorable, par voie de conséquence, à ceux, identiquement rédigés, qui portent sur la seconde ordonnance.
La commission adopte les amendements.
La commission se saisit de l'amendement CS551 de M. Bruno Millienne.
Afin de garantir la sécurité des usagers des bâtiments et de permettre l'assurabilité des projets, il est nécessaire d'encadrer plus strictement le champ de l'habilitation déterminé par l'article 26 pour les deux ordonnances.
À cette fin, il convient d'imposer la fixation d'étapes de contrôles, avant le dépôt de la demande d'autorisation d'urbanisme et après l'achèvement du bâtiment.
Cet amendement, à l'esprit duquel je suis favorable, propose l'exercice d'un contrôle en amont et en aval, ce qui ne peut que sécuriser l'encadrement de l'habilitation à légiférer par ordonnance que nous allons adopter.
L'encadrement du contrôle en amont avant le dépôt de l'autorisation d'urbanisme, tel que vous le proposez, couvre toutes les situations, notamment celles des permis de construire.
En revanche, la seconde partie de l'amendement, relative au contrôle exercé après l'achèvement des travaux, est déjà satisfaite par le code de la construction et de l'habitation, qui dispose qu'un nouveau contrôle est requis à l'achèvement du bâtiment.
Je vous propose donc de retirer l'amendement afin de le représenter en séance avec une nouvelle rédaction tenant compte de cette remarque.
Nous avons les mêmes réserves que le rapporteur ; prévoir un contrôle en amont est parfaitement judicieux, alors que le contrôle en aval nous semble devoir être discuté au moment de la rédaction de l'ordonnance avec les professionnels du secteur, afin d'en préciser les conditions et le calendrier.
Nous demandons donc le retrait de l'amendement au profit de la présentation d'une nouvelle rédaction à l'occasion du débat en séance publique.
Un tiens valant mieux que deux tu l'auras, je préfère maintenir l'amendement, quitte à ce que la rédaction en soit modifiée en séance pour tenir compte des observations du rapporteur et du Gouvernement.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques CS664 de M. Laurent Saint-Martin et CS855 de M. Dominique Da Silva.
Il s'agit là d'une autre condition essentielle : la responsabilité et l'assurance des acteurs de l'innovation en matière de construction.
En effet, sans assurance, il ne saurait y avoir d'innovation. Il paraît évident qu'aucune entreprise du bâtiment, a fortiori aucun maître d'ouvrage en charge d'un projet innovant, ne dérogera à une règle de construction s'il n'est pas pleinement assuré dans les conditions légales déterminées par le code des assurances, et à un tarif qui ne soit pas prohibitif. Au demeurant, quand bien même ce serait le cas, aucun notaire n'accepterait de signer un acte de vente en l'absence d'une assurance de dommage-ouvrage ainsi que d'une garantie décennale reconnue.
Il est donc primordial que le Gouvernement prenne en compte l'assurabilité des projets innovants à la hauteur de l'ambition que l'on souhaite conférer au permis de faire.
Cet amendement nous ramène à l'échange que nous avons eu avec Philippe Gosselin. Prendre en compte le code des assurances me paraît constituer un moyen de sécurisation nécessaire et très bien venu ; c'est pourquoi mon avis est favorable.
Même avis.
La commission adopte les amendements.
Elle se penche ensuite sur les amendements identiques CS399 de Mme Véronique Louwagie et CS622 de M. Philippe Gosselin.
Les mots « construction » et « habitat » reviennent souvent au cours des discussions, mais il est important de s'assurer que les bâtiments d'activité, y compris les bâtiments logistiques, soient également concernés par l'article 26, car le secteur exprime à ce sujet une forte attente. Il est important de mettre tout le monde sur un pied d'égalité, et c'est l'objet de notre amendement.
Il convient en effet de ne pas établir un distinguo subtil qui serait facteur de complexité alors que la volonté affichée est celle de simplifier. L'amendement est donc, en quelque sorte, de précision plus que d'extension.
Je partage pleinement votre préoccupation qui, au demeurant, est déjà satisfaite par les dispositions du code de la construction et de l'habitation. À cet égard, l'étude d'impact est sans ambiguïté, et indique clairement que les règles qui doivent évoluer se trouvent pour l'essentiel dans le livre premier de ce code, qui vise tous les types de construction.
Pour cette raison, je souhaite le retrait de ces amendements.
Les amendements sont retirés.
La commission en vient à l'amendement CS833 de Mme Marie Guévenoux.
En France, les exigences en termes de protection contre les risques d'incendie et de panique sont fondées sur les enseignements tirés d'incendies qui ont malheureusement fait de nombreuses victimes.
En matière d'incendie, normes réglementaires et normes métiers ont su évoluer de concert au service de la sécurité de tous. Le résultat est qu'il existe une filière industrielle française d'excellence dans ce domaine, et que très peu de décès par incendie sont à déplorer. Le nombre de victimes baisse en effet de manière continue depuis la fin des années 1970. Si près de 600 victimes sont toujours à déplorer chaque année, c'est essentiellement dans les habitations anciennes, pour lesquelles la réglementation est la moins exigeante. C'est la définition précise des moyens de sécurité à mettre en oeuvre qui a permis de diviser par deux le nombre de victimes en trente ans.
Bouleverser un schéma réglementaire éprouvé pour des raisons économiques conjoncturelles ne doit pas hypothéquer la sécurité des Français. L'incendie récent de la tour Grenfell à Londres a malheureusement récemment rappelé que laxisme réglementaire et sécurité ne faisaient pas bon ménage. La sécurité incendie doit donc être exclue des dispositions dérogatoires proposées à l'article 26.
Je suis défavorable à cet amendement. Il n'est certes pas question de sous-estimer le risque incendie et son cortège de catastrophes humaines ; j'ai rencontré la Fédération française des métiers de l'incendie ainsi que le procureur en charge des sapeurs-pompiers, qui ont salué la richesse de la norme créée en ce domaine.
Je rappelle que la deuxième ordonnance prévoit expressément que, en matière de construction, soit les normes de référence s'appliquent, soit on peut y déroger à condition d'apporter des justifications a priori et a posteriori. À cet égard, les amendements que nous avons adoptés encadrent les choses de façon très précise.
Enfin, un amendement déposé après le titre III demandera au Gouvernement de rendre compte de l'association des parties prenantes à la rédaction des ordonnances. La Fédération française des métiers de l'incendie devra mettre cette occasion à profit pour participer à la réécriture « performantielle » des dispositions correspondantes du code de la construction et de l'habitation.
Mon avis est donc défavorable.
Je rappelle que la possibilité de satisfaire aux exigences de sécurité incendie par des solutions applicables à des événements comparables est déjà rendue possible par l'article 105 de l'arrêté du 31 janvier 1986 modifié relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation. L'habilitation proposée dans le texte présenté aujourd'hui complète le dispositif en le généralisant, dans la mesure où la rédaction proposée par l'article 26 n'autorise en aucun cas à minorer les objectifs, notamment quant à la sécurité des biens et des personnes.
Il n'y a donc pas de raison d'exclure ce thème du champ d'application de la mesure, et nous considérons même que l'adoption de cet amendement aurait pour effet de faire régresser le droit en vigueur.
Pour ces raisons, l'avis du Gouvernement est défavorable.
Je retire volontiers mon amendement, ainsi que l'amendement CS832, identique mais portant sur la seconde ordonnance. Vous avez toutefois évoqué la participation de la Fédération française des métiers de l'incendie à l'élaboration des modifications du code de la construction et de l'habitation. J'appelle votre attention sur le fait que ces fédérations ne font pas partie du Conseil supérieur de la construction ; je mets à profit la présence du ministre pour m'assurer que cette association sera bien effective.
Je partage votre préoccupation, peut-être pourriez-vous représenter votre amendement à l'occasion de l'examen du texte en séance publique afin que nous puissions interroger le Gouvernement à ce sujet ; car il me semble important que les intéressés soient associés à la rédaction de ces ordonnances.
Les amendements CS833 et CS832 sont retirés.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS719 et CS721 du rapporteur.
Puis elle est saisie de l'amendement CS886 de M. Bruno Millienne.
Cet amendement se place dans la continuité de l'amendement CS551 que j'ai défendu voici un instant.
Il prévoit en effet l'encadrement du champ de l'habilitation prévu par l'article 26, mais cette fois pour la seconde ordonnance. J'émets donc le même avis favorable, quitte à ce que sa rédaction doive être modifiée en séance.
Je maintiens mon avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle examine les amendements identiques CS884 de M. Dominique Da Silva et CS897 de M. Laurent Saint-Martin.
Cet amendement vise à transposer dans la deuxième ordonnance ce que nous demandions pour la première.
Avis défavorable avec les mêmes réserves.
La commission adopte les amendements.
Elle se saisit ensuite des amendements identiques CS885 de M. Dominique Da Silva et CS895 de M. Laurent Saint-Martin.
Même position « miroir » du Gouvernement…
La commission adopte les amendements.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS720, CS722 et CS723 du rapporteur.
Elle adopte enfin l'article 26 modifié.
La séance est levée à douze heures vingt-cinq.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 17 janvier 2018 à 9 h 30
Présents. - M. Julien Aubert, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Grégory Besson-Moreau, M. Yves Blein, M. Éric Bothorel, M. Fabrice Brun, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Yves Daniel, M. Dominique Da Silva, Mme Typhanie Degois, M. Julien Dive, Mme Jeanine Dubié, Mme Sophie Errante, M. Bruno Fuchs, M. Philippe Gosselin, M. Stanislas Guerini, Mme Véronique Hammerer, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Stéphanie Kerbarh, M. Mohamed Laqhila, Mme Laure de La Raudière, Mme Florence Lasserre-David, M. Vincent Ledoux, Mme Monique Limon, Mme Véronique Louwagie, M. Emmanuel Maquet, Mme Sereine Mauborgne, Mme Monica Michel, M. Jean-Baptiste Moreau, Mme Cendra Motin, M. Christophe Naegelen, M. Éric Pauget, M. Benoit Potterie, M. Bruno Questel, Mme Valérie Rabault, M. Frédéric Reiss, M. Cédric Roussel, M. Laurent Saint-Martin, M. Olivier Serva, M. Éric Straumann, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, M. Nicolas Turquois, M. Boris Vallaud, M. Arnaud Viala, M. Jean-Luc Warsmann
Assistaient également à la réunion. - M. Thibault Bazin, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Charles de Courson, M. Jean-François Eliaou, Mme Marie Guévenoux, M. Paul Molac, M. Matthieu Orphelin, M. Jean-Marie Sermier