Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 3 juin 2020 à 9h30

Résumé de la réunion

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  • télétravail

La réunion

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La commission des affaires économiques a auditionné M. Yves Veyrier, secrétaire général de Force ouvrière (FO).

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Monsieur le secrétaire général, je vous souhaite la bienvenue. Nous poursuivons aujourd'hui notre série d'auditions des partenaires sociaux. Nous avons déjà entendu M. Laurent Berger pour la CFDT et nous recevrons M. Philippe Martinez, pour la CGT, la semaine prochaine.

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Yves Veyrier, secrétaire général de Force ouvrière

J'aborderai les principaux points qui nous paraissent sensibles dans cette période, en commençant par l'objet même de la réunion, c'est-à-dire le dialogue social. Le fait que le législateur prenne le temps de consulter les organisations syndicales et les organisations patronales nous paraît important pour notre démocratie et notre République. Jean Jaurès ne séparait pas la République de l'idée de justice sociale. Depuis son origine, l'essence même du syndicalisme est d'œuvrer à la justice sociale.

Ces derniers temps, nous avons été sollicités à de multiples reprises par les pouvoirs publics. Ainsi, nous rencontrerons le Président de la République pour la troisième fois en deux mois, et avons eu l'occasion de nous entretenir très régulièrement avec le Premier ministre, le ministère du travail et les ministères concernés. Ces nombreuses réunions nous ont permis, de manière incontestable, d'attirer l'attention sur un certain nombre de sujets. Des réponses ont été apportées, dont quelques-unes allaient dans le bon sens. Nous avons en revanche dû constater qu'à plusieurs reprises sur des dossiers importants, nous étions mis devant le fait accompli d'une décision prise, sans avoir l'opportunité de faire connaître notre position et nos éventuelles suggestions. Récemment, après que le sujet a simplement été évoqué lors d'une réunion, nous avons été informés par voie de presse d'une évolution de la prise en charge de l'activité partielle, dans le sens d'une dégressivité progressive de l'indemnisation des entreprises. Je ne milite pas pour que les salaires soient ad vitam aeternam pris en charge par la collectivité, mais il nous semble nécessaire d'examiner cette question au-delà des secteurs qui en ont été exclus, et parallèlement que cette disposition soit accompagnée d'un contrôle strict des procédures de suppressions d'emplois. Cette situation nous a conduits à interroger le Premier ministre sur la justification du maintien de l'état d'urgence, qui autorise le pouvoir exécutif à agir de son propre chef sur les matières traditionnellement dévolues par le code du travail au dialogue social.

Bien entendu, nous ne mésestimons absolument pas la crise sanitaire et avons œuvré pour que toutes les dispositions de protection des salariés soient prises.

Par ailleurs, s'il est courant de n'évoquer les syndicats qu'en situation de crise, il ne faut pas omettre que chaque année, près de 40 000 accords sont négociés dans les entreprises. Dans notre pays, les confédérations syndicales représentent des dizaines de milliers d'implantations dans les entreprises, même s'il est plus difficile d'asseoir cette présence dans celles de petite taille. À cet égard, nous regrettons aussi la substitution du comité social et économique (CSE) au comité d'entreprise (CE) et aux délégués du personnel, qui n'a pas été sans conséquence sur la capacité de représentation collective des salariés. Nous déplorons en particulier la suppression des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

En tout état de cause, il importe d'évoquer le devenir de la protection sociale et de la Sécurité sociale, à l'occasion du transfert d'une partie de la dette sociale des hôpitaux sur la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). Nous considérons de longue date que la place du paritarisme de négociation et de gestion doit être rétablie, afin de sortir de visions essentiellement comptables. FO appelle à une tarification des responsabilités, donc à une distinction des financements qui relèvent de l'État et de la protection sociale solidaire.

S'agissant du dialogue social et de l'assurance chômage, en particulier de la bascule d'un grand nombre d'intérimaires et de salariés en contrat à durée déterminée (CDD) vers le chômage sans aucune activité, celui de la catégorie A de Pôle emploi, il est urgent de revenir sur la réforme de l'assurance chômage décidée contre l'avis des organisations syndicales en juin 2019. Nous souhaitons un retour à la convention négociée 2017, plus juste du point de vue de l'accès aux droits et du niveau de l'allocation chômage, et qui courait théoriquement jusqu'à la fin 2020. Notre revendication est partagée par la plupart, sinon toutes les confédérations syndicales de l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC).

Tout le monde n'a pas vécu la crise sanitaire de la même façon. Les personnes qui ont continué à travailler en présentiel, appartenant notamment au secteur de la santé et du médico-social, recevront des réponses adéquates et justes dans le cadre du « Ségur de la santé ».

La chaîne de l'approvisionnement a fait l'objet d'une attention inédite, de même que les entreprises de nettoyage et de propreté. Nous regrettons que la proposition de loi de M. François Ruffin sur les femmes de ménage n'ait pas abouti à cet égard. Finalement, se référant à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le Président de la République a fini par mentionner ces salariés, la plupart du temps invisibles et payés au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Ces catégories de salariés essentiels attendent à présent que les distinctions sociales soient fondées sur l'utilité commune.

Les salariés du secteur industriel et de celui des services ont subi en moyenne, selon l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), une perte de salaire de 400 euros en situation d'activité partielle. Pendant près de deux mois, les salariés ont perçu 84 % de leur salaire net (soit environ 16 à 20 % de baisse de rémunération). De surcroît, les budgets des comités sociaux et économiques (CSE), qui jouent un rôle non négligeable du point de vue social, ont eux aussi été amputés pendant l'activité partielle.

Les salariés étaient confrontés au risque de contracter le virus et à celui de perte de salaire. Aujourd'hui, nous considérons qu'ils sont sur une ligne de crête entre le risque de perdre leur emploi et celui de ne pas préserver leur salaire. Cette situation vaut également pour les salariés renvoyés à leur domicile du jour au lendemain sans y être préparés, en faisant face à de nombreuses contraintes.

Nous considérons qu'opposer les salaires à l'emploi serait une erreur d'un point de vue macro-économique. Les négociations sont actuellement tendues dans un certain nombre d'entreprises, mettant en balance des accords de performance collective avec l'emploi. Les organisations syndicales n'ont pas été conçues pour négocier entre un recul et un autre, mais pour préserver et améliorer les droits des salariés. Si nous étions certains que la pandémie était dépassée, la reprise économique serait plus facilement acquise. C'est pourquoi la confiance est un paramètre important de cette reprise. Nous aurons besoin d'une relance car l'économie française, à la différence de l'Allemagne, est davantage tirée par la demande. La relocalisation de l'industrie et le regain de souveraineté dans un certain nombre de domaines essentiels sont des sujets d'actualité.

Sur le sujet de l'entrée dans l'emploi des jeunes et du dispositif en matière de formation, je serai disposé à vous communiquer nos analyses.

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Je souhaiterais connaître votre position sur le télétravail. Quel bilan tirez-vous de cette expérimentation à grande échelle, qui n'a pas été voulue mais qui a majoritairement été appréciée par les salariés ? Quelles limites y voyez‑vous ?

Comme de nombreux pays européens, la France subit un recul de son produit intérieur brut (PIB), ce qui va entraîner une hausse significative du chômage. Pour y faire face, de nombreuses pistes se présentent à nous, au premier rang desquelles la coopération européenne face à ce choc qui ne frappe pas tous les pays de façon identique. Quelles solidarités et solutions concrètes pouvons-nous concevoir ?

Que pensez-vous des propositions du plan de relance Macron-Merkel et des pistes envisagées, en particulier en direction des acteurs de la transition écologique et dans la perspective d'une reprise économique socialement juste ?

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L'absence de stocks stratégiques de masques, de tests, et les commandes tardives ont provoqué un confinement très dur, généralisé (à la différence de beaucoup d'autres pays voisins) dont on commence à peine à mesurer les répercussions économiques abyssales, à commencer par une baisse annoncée du PIB de 11 %. Vous encouragez, afin de financer les mesures de crise, l'augmentation d'un certain nombre de cotisations. Cela ne nous paraît pas judicieux dans la mesure où la France est déjà le pays dans lequel le taux de prélèvements obligatoires est le plus élevé. En ce qui nous concerne, nous prônons plutôt le remplacement progressif du chômage partiel par des allègements de charges, une baisse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 5,5 % dans des secteurs tels que la restauration et l'hôtellerie, l'annualisation et l'augmentation du temps de travail négociées dans certaines branches, ou encore le « zéro charge » pour les jeunes entrant sur le marché du travail.

Recommandez-vous un certain nombre de mesures pour pallier le chômage des jeunes et un accompagnement spécifique, notamment de l'apprentissage et de la formation professionnelle ?

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Par le passé, FO était très présent parmi les salariés du privé alors qu'actuellement, il est davantage représentatif dans la fonction publique. Pourquoi ce virage ? En quoi vous sentez-vous l'héritier d'André Bergeron, qui était un humaniste favorisant le dialogue entre les chefs d'entreprise et les ouvriers ?

Dans vos propos, je suis interpellée par le fait que vous n'avez pas évoqué l'Europe. Dans le cas de l'entreprise Bridgestone, le projet d'accord de performance collective prévoyant de travailler trente-quatre heures par semaine rémunérées (au lieu de trente-deux heures), a échoué. Finalement, l'usine de Pologne, dans laquelle la durée du travail est de quarante heures, récupère une partie de la production.

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Vous avez fait part il y a deux jours de votre inquiétude concernant les baisses de salaires, le nombre de jours de RTT, la suppression du treizième mois et des indemnités transports. Quels sont les éléments concrets qui alimentent vos craintes de chantage à l'emploi ?

Considérez-vous que le dispositif de chômage partiel puisse être apprécié plus finement selon la situation des entreprises et d'un même secteur d'activité ?

Concernant la temporalité choisie pour l'entrée en vigueur du plan de relance, nous estimons que la période retenue de l'automne serait trop tardive. Il faut commencer dès cet été, pour éviter les licenciements.

Enfin comme vous, nous considérons que la réforme de l'assurance chômage doit être abandonnée car l'urgence sociale doit prendre le pas sur la gestion comptable. Quelles sont vos préconisations en la matière ?

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J'évoquerai le cas de la société Derichebourg Aeronautics services, sous-traitant d'Airbus à Toulouse, dont l'accord de performance collective demande aux salariés de renoncer à leur treizième mois et à leur indemnité de transport afin de réduire le nombre de personnes potentiellement licenciées. Or les salariés de cette entreprise auraient déjà perdu 16 % de leur salaire ainsi que des primes. Pourtant selon le comité social et économique (CSE), à aucun moment la direction n'aurait envisagé de demander aux actionnaires un effort, alors que ceux-ci ont perçu un dividende de 22 millions d'euros au dernier semestre. Pourriez-vous clarifier votre position par rapport à l'accord de performance collective ? Vous sembliez indiquer, dans votre propos liminaire, que vous y étiez opposé alors que le syndicat FO de Derichebourg, qui est majoritaire, l'aurait accepté.

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Je voudrais vous entendre sur la question des contreparties sociales et écologiques pour octroyer des aides de l'État dans l'automobile et l'aérien.

Quelle est la position de FO sur la nécessité d'organiser rapidement une grande conférence de transformation sociale et écologique avec l'ensemble des partenaires sociaux sur les sujets liés au plan de relance ?

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S'agissant du travail à domicile et du télétravail, le plébiscite est quasi-général. De nombreuses personnes sont prêtes à changer d'organisation de travail dans le futur en gardant une partie de leur activité en présentiel, ce qui permettrait des gains financiers pour les salariés grâce aux baisses des coûts liés au transport ainsi qu'une décongestion des grandes villes.

Pour les entreprises contraintes de prolonger l'activité partielle, plusieurs dirigeants d'entreprise et le syndicat Syntec numérique ont proposé de demander aux salariés concernés, en contrepartie d'un financement apporté par l'État, de suivre une formation en ligne pour acquérir des compétences indispensables à la résilience française (cyber-sécurité, intelligence artificielle). Quelle est votre position sur ces deux sujets ?

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Yves Veyrier, secrétaire général de Force ouvrière

Sur le télétravail, nous n'avons pas d'approche négative. Nous distinguons la mise en condition de télétravail soudaine, non encadrée, avec ce que devrait être un télétravail régulé. Nous sommes d'autant moins négatifs que FO avait signé avec l'ensemble des confédérations syndicales et patronales une délibération en 2017 sur le télétravail. À la suite de celle-ci, nous appelions de nos vœux l'ouverture d'une négociation en vue de la signature d'un accord-cadre. Les employeurs ont mis du temps à répondre favorablement à notre proposition de négociation, mais les choses ont évolué. Une première réunion sera consacrée au diagnostic de la situation créée, tant du point de vue des aspects positifs que négatifs.

Le télétravail permet notamment d'éviter de trop longues journées liées aux transports en commun, et cet intérêt concerne aussi bien les salariés que l'écologie. Néanmoins, il importe que le télétravail s'associe au collectif de l'entreprise, et ne crée ni tensions, ni discriminations. Nous sommes très dubitatifs sur une forme de généralisation du télétravail, qui conduirait à une forme d'ubérisation du salariat.

Je me suis exprimé à maintes reprises sur le contexte de reprise de l'activité, qu'il est dommageable de ne pas avoir pu coordonner entre États membres de l'Union européenne. Nous craignons qu'une reprise en ordre dispersé ne conduise une nouvelle fois à une course à la compétitivité.

FO est toujours présente dans les entreprises privées, et pas uniquement dans la fonction publique. Nous avons aujourd'hui une représentation équilibrée entre secteur public et secteur privé. Néanmoins, le tissu de l'entreprise s'est beaucoup parcellisé en raison des phénomènes d'externalisation et de sous-traitance.

Il serait satisfaisant que l'initiative du plan de relance conduise l'ensemble des pays européens à s'estimer solidaires sur le plan budgétaire, mais à la condition que cette solidarité ne se traduise pas par un retour à l'austérité et aux mécanismes de restructurations massives. Nous avons d'ailleurs insisté sur l'importance de refinancer les politiques publiques, notamment de santé, après la crise sanitaire.

Sur la transition écologique, FO est présente depuis longtemps dans ce débat. Nous avons milité avec la Confédération syndicale internationale pour faire valoir la situation sociale dans le contexte des politiques d'adaptation au changement climatique. De plus, la conférence FO environnement et climat a pour objectif, en invitant des intervenants extérieurs, d'entamer des réflexions et d'obtenir des réponses à des questions restées en suspens.

En ce qui concerne le coût économique de la crise et a contrario les éventuelles hausses de prélèvements obligatoires, je rappelle la position constante de FO. Le ministre chargé des comptes publics évaluait le niveau des aides publiques aux entreprises à 140 milliards d'euros annuels sous forme de crédits d'impôt ou d'allègements de cotisations sociales. Or jusqu'à présent, aucune évaluation n'a fait la démonstration que ces aides publiques aient été efficaces pour favoriser l'emploi, conformément à leur objectif initial. En tout état de cause, le niveau des prélèvements obligatoires est à peine supérieur à celui des aides publiques aux entreprises. De plus, ces aides devraient être soumises à conditions et sanctionnées quand elles n'ont pas été respectées, en particulier du point de vue de l'emploi.

Les accords de performance collective, d'un point de vue local, sont difficiles à commenter. Chez Derichebourg, la négociation s'est ouverte hier et je n'ai pas l'information selon laquelle le treizième mois serait en jeu. Dans le secteur aérien et aéronautique, le plan de relance est attendu au premier chef car les inquiétudes à moyen terme pour l'emploi sont fortes. Le plus mauvais signal serait celui de la modération des salaires car les engagements ne sont pas toujours tenus, loin s'en faut, du point de vue des entreprises. De plus, la responsabilité des donneurs d'ordre sur l'ensemble de la chaîne de valeurs et des actionnaires ne doit pas être négligée. Nous portons d'ailleurs cette question à la fois au niveau national et international. Chez Ryanair, le syndicat FO, qui est majoritaire parmi les personnels navigants et commerciaux, n'a pas obtenu la réunion d'un CSE extraordinaire qui lui aurait permis de diligenter une expertise sur la situation économique et financière de l'entreprise.

Sur les contreparties sociales aux aides de l'État, l'important est d'évaluer et de contrôler, éventuellement de sanctionner lorsque les conditions ne sont pas respectées.

Je ne crois pas aux grands-messes, et mon avis n'est pas différent pour l'organisation d'une conférence de transformation sociale et écologique. FO est très attachée à la République, la séparation des pouvoirs et la démocratie représentative. Les institutions, dont fait également partie le Conseil économique, social et environnemental (CESE), sont suffisamment nombreuses.

Nous avons adressé une série de propositions à la ministre du travail sur la situation actuelle des jeunes et sur les difficultés de l'apprentissage, en situation de crise. Nous avons cru comprendre que des réponses pourraient être apportées demain, dans le cadre de la réunion avec le Président de la République. Il faut également être en capacité de financer la formation, qui doit permettre de déboucher sur un emploi de qualité et pérenne.

Enfin, s'agissant de l'activité partielle et de la contrepartie en matière de formation, il pourrait effectivement s'agir d'une piste de réflexion.

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Vous avez appelé, pendant la crise, à stopper les activités non essentielles au pays. Est-ce que la vente à distance des places de marché telles qu'Amazon était une activité essentielle à maintenir ?

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Pendant la crise, les femmes ont été en première ligne et ont permis de faire face à la pandémie du covid-19. Cette crise a été un révélateur du rôle des femmes, exerçant des métiers qui leur sont quasi réservés (infirmières, assistantes sociales, aides-soignantes…) et peu reconnus, justement parce qu'exercés par des femmes. Que propose FO pour revaloriser tant économiquement que socialement les métiers féminisés et le travail féminin ?

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Le télétravail, selon moi, est une activité à développer mais avec les réserves que vous avez émises. En milieu rural, il permet de créer de nouveaux emplois et d'accueillir les familles pour vivre dans un cadre agréable. Néanmoins, la couverture numérique sur les territoires ruraux étant insuffisante, elle doit être améliorée pour rendre ces territoires attractifs et développer le télétravail.

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La diminution du temps de travail est-elle à l'agenda syndical de FO ? Est-ce le moment de penser à un nouveau partage des richesses dans notre pays ?

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Yves Veyrier, secrétaire général de Force ouvrière

Incontestablement, un grand nombre de métiers essentiels sont occupés par des femmes. Cela étant, je ne partage pas tout à fait votre analyse consistant à penser que c'est parce que ces métiers sont pratiqués par des femmes, qu'ils sont moins bien considérés et rémunérés. Je pense malheureusement que c'est l'inverse : parce qu'ils sont peu rémunérés, ces métiers sont majoritairement occupés par des femmes.

La position de FO sur ces métiers féminisés était engagée bien avant la crise. Dès mon élection en fin 2018, nous avons lancé une campagne « de la reconsidération des métiers de services à la personne », nous référant à cette occasion aux salariés de particuliers employeurs et d'établissements médico-sociaux. Nous pensons que cette campagne devrait être menée aujourd'hui sur un périmètre plus large, en incluant les métiers de la chaîne alimentaire et du nettoyage. Nous plaidons pour une revalorisation portant sur les qualifications et les compétences requises, et un repositionnement sur l'échelle des rémunérations. Si nous y parvenons, un rééquilibrage entre les femmes et les hommes sur ce type d'emplois interviendra.

Le télétravail comporte un grand nombre de dimensions sur lesquelles œuvrer. Celle de la fracture numérique sur les territoires est importante, mais d'autres fractures existent parmi la population, par exemple entre cadres bien logés et salariés occupant un petit appartement avec un environnement familial très présent. Il y a donc matière, pour un accès plus large au télétravail, à négociation à tous les niveaux. Le télétravail peut s'entendre aussi dans des espaces de coworking, ce qui pose d'autres questions en matière de santé, sécurité et coûts.

En situation de confinement strict, toute activité non indispensable me paraissait devoir être stoppée, d'autant que nous ne disposions pas des moyens de protection suffisants. Sur la vente à distance avec Amazon, le différend portait plutôt sur l'attitude de l'employeur vis-à-vis de la santé des salariés.

Nous n'avons pas la conviction que le partage du temps de travail constituerait une solution pertinente. Il ne faut cependant pas confondre partage du temps de travail et partage des richesses. Nous sommes favorables au respect des trente-cinq heures. La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « Travail » tout comme les ordonnances publiées par l'actuelle majorité, ont permis de déroger à la durée hebdomadaire du travail en ne rémunérant pas aussi bien les heures supplémentaires. Nous militons donc pour un respect systématique de la durée hebdomadaire du travail, le paiement effectif des heures supplémentaires et un meilleur partage des richesses.

Nous avons en outre une vraie inquiétude sur le devenir du multilatéralisme. FO milite pour que l'Organisation internationale du travail (OIT) reste au cœur des échanges à l'échelle internationale et au niveau européen. Il ne faut pas que le moins-disant social en matière de localisation du travail et d'emploi prévale, y compris en Europe. Je rappelle que les dernières mobilisations européennes portaient sur la directive « Détachement », qui ne prévoit pas d'alignement sur le coût du travail dans son ensemble.

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Je vous remercie, Monsieur le secrétaire général, pour ce tour d'horizon très complet. La commission des affaires économiques est consciente de l'importance du dialogue avec les représentants des organisations syndicales et patronales.