Audition de M. Jean-Paul Fauconnet, président de l'Association des villes pour le vote électronique, maire de Rosny-sous-Bois, et de Mme Lucile Mineo, directrice de l'accueil citoyen, et M. Sébastien Ballant, directeur de cabinet adjoint, à la mairie de Rosny-sous-Bois.
La séance est ouverte à 16 heures.
Présidence de M. Xavier Breton, président.
Lors de son audition le 15 septembre 2021, M. Olivier Jacob, le directeur de la modernisation de l'administration territoriale, nous avait annoncé la remise imminente d'un rapport au Parlement sur les machines à voter, demandé par l'article 10 de la loi du 22 février 2021 et qui devait être transmis et publié le 1er octobre 2021 au plus tard. En dépit de plusieurs demandes, nous n'avons toujours pas pu prendre connaissance de ce rapport, qui serait toujours en cours de validation au ministère de l'Intérieur, dont nous aurons l'occasion de relancer les services. Heureusement, nous avons reçu le directeur général de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) qui nous a donné des informations sur le contenu potentiel de ce rapport. L'ANSSI s'est ainsi prononcée en faveur du remplacement des machines à voter actuelles par de nouveaux appareils qui, contrairement aux équipements utilisés depuis 2008, permettraient un recomptage des voix, qui constituait l'un des enjeux du rapport. J'ignore dans quelle mesure vous avez été consultés dans le cadre de l'élaboration de ce rapport, mais nous souhaitons avoir votre avis sur l'utilisation des machines à voter en général et sur les perspectives de cette utilisation.
Étant actuellement le maire de Rosny‑sous‑Bois et ayant été pendant plus de trente ans maire adjoint, je connais bien le fonctionnement de ces machines à voter que la commune utilise depuis les années 2000 et même antérieurement. Le maire de l'époque, Claude Pernès, souhaitait que nous puissions nous inscrire dans ce nouveau cadre électoral. Nous pouvons nous féliciter de n'avoir rencontré aucune difficulté de fonctionnement, y compris pour les comptages et les recomptages. Ces machines offrent selon nous une grande fiabilité.
Les Rosnéens ont désormais pris l'habitude de les utiliser, et même les personnes âgées, à propos desquelles nous avions quelques craintes, se sont totalement adaptées et savent qu'il est nécessaire d'appuyer sur deux touches : celle qui sélectionne le candidat puis celle qui permet la validation du vote. Le fonctionnement de ces machines est très facile, et les résultats du recompte des voix arrivent avec certitude dans chaque bureau de vote en cinq à dix minutes. En fin de soirée, nous pouvons ainsi comptabiliser l'ensemble des voix très rapidement, ce qui nous permet d'annoncer le résultat du scrutin vers 21 heures ou 21 heures 30.
Le recomptage n'est pas possible, parce que non nécessaire, puisque les votes sont enregistrés sur une mémoire morte qui ne peut en aucun cas être modifiée, conformément au règlement technique de nos machines à voter. Le recomptage n'a donc pas lieu d'être, puisqu'un ticket faisant figurer les voix attribuées à chaque liste, chaque binôme ou chaque candidat, ainsi que les votes blancs, est édité au moment du dépouillement. Cette programmation fait l'objet, en amont, d'une vérification lors de la pose des scellés sur les machines. Cette vérification est effectuée en présence des différents camps qui s'opposent lors de l'élection. Les circulaires sont larges quant aux personnes qui sont autorisées à assister à la programmation, mais, à Rosny-sous-Bois, nous avons fait le choix d'y inviter tous les représentants des candidats ou les candidats eux-mêmes, ainsi que les représentants de l'opposition. L'opération peut également être réalisée sous le contrôle d'un huissier, comme procèdent certaines collectivités utilisatrices des machines. Le scellé est ainsi posé après vérification de la programmation de chaque machine, de sorte que, le jour du scrutin, nous puissions effectuer une comparaison entre le scellé enregistré sur le procès-verbal des opérations de pose de scellé, et le scellé qui est mis à disposition sur la machine dans le bureau de vote par les membres du bureau de vote. Ainsi, ce processus n'est pas susceptible de faire l'objet de doutes, et nous n'avons d'ailleurs eu aucun recours ayant abouti ni aucun recours sur les opérations électorales en elles-mêmes dans aucune des communes utilisatrices depuis le début de l'utilisation des machines à voter.
Combien de municipalités sont-elles engagées dans l'Association des Villes pour le Vote Électronique (AVVE) ? Quelles sont les villes partenaires ? Utilisez-vous ces machines à voter pour l'ensemble des scrutins ou bien seulement pour des scrutins particuliers comme les élections municipales ou encore les scrutins nationaux ? Avez-vous connaissance de recours portant sur des résultats de machines à voter dans d'autres villes ? Que se passe-t-il lorsqu'une personne qui vient de valider son vote s'aperçoit qu'elle a commis une erreur et comment cette situation est-elle ensuite prise en compte lors du comptage des votes ?
Pour répondre à la dernière question posée, lorsqu'une personne a validé son choix, le vote est définitif et la personne n'a donc pas la possibilité de le modifier. Cependant, entre le moment où un électeur effectue un choix et le moment de sa validation, il lui est possible de modifier son vote puisque le nom de la liste ou du candidat sélectionné s'affiche.
En ce qui concerne les possibilités de tricherie, il n'existe bien entendu aucune possibilité d'ajouter des bulletins comme dans les urnes traditionnelles. La seule tricherie envisageable serait que l'ensemble des membres du bureau de vote, majorité et opposition confondues, s'accorde pour tricher ensemble en appuyant sur les touches correspondant à un candidat tout en émargeant. La tricherie ne constitue donc pas un risque réel.
Dans les bureaux de vote qui fonctionnent de manière traditionnelle, les actions non conformes au code électoral se produisent lors des moments de flottement pendant le dépouillement. Or avec l'utilisation des machines à voter, le dépouillement consiste en une seule opération technique réalisée par l'ensemble des membres du bureau de vote, qui repose sur l'utilisation de quatre touches. Une tricherie à ce moment précis est donc totalement exclue. La seule fraude envisageable serait effectivement d'effectuer un faux vote et d'inscrire de faux émargements correspondants, ce qui ne se produit jamais, puisque, dans un bureau de vote, se trouvent toujours des assesseurs représentants toutes les listes. Une fraude nécessiterait donc une configuration très particulière qui ne s'est jamais présentée, selon moi, sous la Cinquième République.
Une trentaine de villes adhère à l'AVVE, dont de nombreuses villes importantes telles qu'Antony, Boulogne‑Billancourt, Brest, Courbevoie, Épernay, Garches, Issy‑les‑Moulineaux, Le Havre, Le Mans, Mandelieu, Marignane, Montereau‑Fault‑Yonne, Mougins, Mulhouse, Noyon, Orange, Orvault, Palavas‑les‑Flots, Saint‑Chamond, Saint‑Laurent‑Du‑Var, Sèvres, Suresnes, Ville‑d'Avray, Villeneuve‑le‑Roi et bien entendu Rosny‑sous‑Bois.
À Rosny‑sous‑Bois, les machines sont-elles réservées à un bureau de vote en particulier ou sont-elles utilisées dans tous les bureaux de vote ? Existe-t-il à certains endroits une juxtaposition de machines à voter et d'urnes traditionnelles ?
Les 27 bureaux de vote de Rosny-sous-Bois utilisent les machines. Des machines de réserve sont toujours prévues en cas de problème technique. Les électeurs n'ont donc pas la possibilité de voter de manière traditionnelle.
Deux jours avant le scrutin, ces machines de réserve font l'objet de la pose de scellés : elles seraient donc directement utilisables en cas de défaillance d'une machine dans un bureau de vote.
Pour quelles raisons une commune décide‑t‑elle d'engager les investissements nécessaires à l'acquisition de ces machines ? Quel est le coût d'une machine à voter ? Outre le gain de temps et le côté pratique au moment des résultats, l'investissement permet-il de réaliser des économies en réduisant le nombre d'assesseurs et le personnel municipal en charge de la tenue des bureaux de vote ou du dépouillement ?
Une machine à voter coûte 5 500 euros. Équiper la commune de machines à voter représentait, pour Claude Pernès, l'opportunité d'être en avance sur son temps. Il affirmait que l'organisation des élections, n'ayant pas évolué depuis de nombreuses années, constituait la seule tâche que des fonctionnaires qui étaient en service trente ans auparavant seraient capables d'effectuer. Il avait ainsi la volonté d'être novateur et surtout de proposer un vote plus aisé et plus compréhensible sur notre territoire.
En termes d'organisation, le vote électronique permet de réaliser des économies considérables de temps. Plutôt que de passer du temps à l'organisation du scrutin, à contrôler que le bon nombre d'enveloppes et de bulletins de vote a été mis en place, nous pouvons désormais concentrer nos efforts sur des aspects qui nous semblent plus importants. La gestion opérationnelle d'un bureau de vote est coûteuse, mais le vote électronique représente également d'importantes économies de personnel. À Rosny‑sous-Bois, nous accueillons 23 000 électeurs dans 27 bureaux de vote. Or nous fonctionnons avec une équipe restreinte de trois personnes pour préparer le scrutin, alors que cette tâche nécessiterait le double de main d'œuvre dans une commune équivalente qui fonctionnerait de manière traditionnelle avec du papier. De plus, seuls deux agents administratifs sont nécessaires dans un bureau de vote équipé de machines, là où trois personnes à trois personnes et demie seraient habituellement requises. Les coûts de rémunération des agents administratifs sont par ailleurs moins élevés puisque ces derniers restent beaucoup moins tard le soir.
Le vote électronique représente également des économies matérielles considérables, notamment en termes de quantité de papier utilisé. En tant que directrice de l'accueil citoyen et responsable des opérations électorales, ce système me permet d'avoir l'esprit tranquille. Voilà deux ans que je travaille à la mairie de Rosny‑sous‑Bois et l'organisation des élections est devenue pour moi une réelle passion, mais il me serait inconcevable de retourner dans une ville qui utilise encore du papier dans les bureaux de vote. Si tel était le cas, je pense que je serais angoissée tout au long de la journée électorale, alors que les machines, contrôlées et posées sous scellés, ne laissent pas la place à l'ambiguïté. Aucune contestation n'est possible au moment des résultats.
La décision de passer au vote électronique avait-elle été validée par le conseil municipal de l'époque de manière unanime ou bien cette question avait-elle fait débat ? Avez-vous constaté une évolution du niveau de participation électorale avec la mise en place du vote électronique, potentiellement liée à une peur des électeurs quant à l'utilisation des machines ? Enfin, en tant que président de l'AVVE, avez-vous été sollicité et auditionné par le ministère de l'Intérieur dans le cadre du rapport afin d'obtenir un retour sur l'utilisation de ces machines ?
Je vous confirme, monsieur le rapporteur, que nous n'avons absolument pas été consultés, ce que je regrette.
Les premières machines à voter ont été introduites à l'occasion des élections européennes de 1979. Elles fonctionnaient grâce à la rotation de rouleaux et étaient donc très différentes des machines que nous utilisons actuellement. À l'époque, les élections européennes se sont terminées à 22 heures, mais il s'agissait du premier usage. Nous n'étions pas habitués au vote électronique, mais ce procédé électoral a suscité un fort engouement, notamment parce qu'il permet d'éviter de demander à des assesseurs de rester pour le dépouillement, ce qui constitue toujours un moment délicat. Nous avons ensuite momentanément cessé le vote électronique avant de le reprendre en 2005, avec les machines que nous utilisons actuellement. L'ensemble de la municipalité, y compris l'opposition, s'est accordé sur le choix de ce système de vote, qui n'est par ailleurs nullement remis en cause actuellement.
Nous n'avons constaté aucune influence du vote électronique sur le niveau de la participation électorale.
Le vote électronique permet également de réduire drastiquement le temps d'attente dans les bureaux de vote, lequel peut être décourageant, en particulier lors de l'élection présidentielle.
L'électeur, à son arrivée, fait connaître son identité auprès des membres du bureau de vote. Il est ensuite invité à entrer immédiatement dans l'isoloir pour voter. Il procède alors à son choix. En juin dernier, en raison d'un double scrutin simultané, l'opération durait un peu plus longtemps, mais les électeurs avaient déjà repéré en amont sur quel numéro ils allaient appuyer grâce à la communication particulière que nous mettons en place dans la commune afin que les électeurs passent le moins de temps possible dans l'isoloir. Une fois que le Président a annoncé la mention « a voté », l'électeur peut prendre congé. Ainsi, pour un électeur habitué aux machines qui sait déjà sur quel bouton il appuiera, l'opération prend au total moins d'une minute.
La seule difficulté éventuelle que nous rencontrons réside dans le fait que certains électeurs appuient à l'endroit où s'affiche le nom du candidat ou de la liste, plutôt que sur le numéro correspondant, qui est en dessous.
Le fait de ne pas pouvoir appuyer sur la liste ou le nom du candidat constitue un choix qui figure sur le règlement technique. Plus l'étendue de la surface sur laquelle les électeurs peuvent appuyer est vaste, plus ils sont susceptibles de se tromper, ce qui explique le paramétrage d'un périmètre de validation restreint.
Je suis très opposé au vote électronique, bien que je pense qu'il permet effectivement un gain de temps considérable. Pendant plusieurs années, j'ai organisé des élections dans ma commune et j'ai constaté comme vous qu'il est très compliqué de trouver des assesseurs et des fonctionnaires qui acceptent de rester jusqu'à la fin du dépouillement. Tout ce que vous affirmez est vrai et le vote électronique constitue incontestablement une avancée en matière d'organisation municipale. Cependant, l'avantage matériel et assez bureaucratique qu'il représente ne concerne que les élus et les fonctionnaires municipaux. Il ne répond pas, selon moi, aux attentes des citoyens. À une époque où tout est remis en cause, ce système peut même entrainer des suspicions de tricherie. Il est certes impossible de truquer les élections avec les machines, mais je pense que le fait d'appuyer sur un bouton au lieu de mettre un bulletin dans une enveloppe contribue à la suspicion de l'électorat populaire qui se généralise. J'ai d'ailleurs constaté que les niveaux d'abstention à Rosny-sous-Bois sont supérieurs aux niveaux d'abstention moyens nationaux, régionaux et départementaux. En effet, le taux d'abstention lors du second tour des élections régionales s'est élevé à 74 %. Je conçois l'avantage pratique que représente le vote électronique pour une ville importante telle que Rosny-sous-Bois, qui abrite 47 000 habitants et 27 bureaux de vote, mais je pense qu'il s'agit d'une mauvaise solution.
Avez-vous rencontré une résistance à l'égard de ce nouveau système de la part de certaines personnes, notamment des personnes âgées ? Comment avez-vous préparé les électeurs à ce changement ?
Ni les personnes âgées ni les personnes handicapées ne rencontrent des difficultés en ce qui concerne la machine. Les seules remarques qui nous avaient été adressées provenaient plutôt de jeunes générations qui remettaient parfois en cause la fiabilité du système, tandis que les seniors, au contraire, l'adoptaient avec facilité. Les électeurs ont désormais pris l'habitude ; ils savent que le tableau avec les listes ainsi que le procédé leur seront présentés à l'accueil.
Il me semble que le changement de système avait été annoncé par le biais du bulletin municipal.
Une campagne d'information avait effectivement été menée à cette époque. Lors de la première utilisation, les municipalités ont la possibilité d'envoyer de la documentation ainsi qu'un fac-similé de la planche de vote, sur lequel les électeurs pourront s'appuyer lorsqu'ils se trouveront dans l'isoloir. Nous n'avons actuellement pas recours à ce moyen puisque nous informons les électeurs d'une autre manière. Pendant les trois semaines qui précèdent le scrutin, nous mettons notamment une machine à disposition à l'Hôtel de ville, présentant le scrutin tel qu'il va être au moment de l'élection. Les électeurs qui n'ont pas l'habitude du vote électronique peuvent ainsi venir se familiariser avec le système.
Les sondages révèlent que le taux de satisfaction des personnes âgées de plus de 65 ans quant à l'utilisation des machines est supérieur au taux de satisfaction des personnes âgées de 25 à 40 ans. En effet, il peut être compliqué et stressant pour certaines personnes âgées de manipuler plusieurs bulletins de vote dans l'isoloir. Nous recevons ainsi des seniors des retours toujours très positifs, et les sondages nous ont confirmé leur satisfaction.
À la sortie des bureaux de vote, nous avons exposé des prototypes de machine à voter du futur sur lesquels travaillent certaines sociétés, notamment des prototypes tactiles qui permettent d'agrandir le bulletin. En effet, il s'agit de l'aspect qui nous a fait défaut sur la planche de vote des machines à voter, puisqu'il est impossible d'agrandir le bulletin afin d'en faciliter la lecture.
L'unique difficulté technique que nous pouvons rencontrer réside dans l'affichage des listes sur les écrans, dont la lisibilité est nécessairement réduite, notamment lors des élections cantonales et régionales.
Néanmoins, des bulletins de vote en papier sont mis à disposition à plusieurs endroits du bureau de vote ainsi qu'à l'extérieur, conformément au code électoral. Ils peuvent être consultés par les électeurs avant leur entrée dans les isoloirs.
La situation particulière de la crise sanitaire explique en réalité le faible taux de participation à Rosny-sous-Bois lors des derniers scrutins. En effet, bien que nous assurions la désinfection des machines entre chaque électeur, de nombreuses personnes ont pensé que le vote électronique, qui requiert que chacun touche une même surface, comportait un plus grand risque de transmission du virus que le vote traditionnel.
Je souhaite revenir sur la défiance des jeunes à l'égard du vote électronique. La ville de Rosny‑sous‑Bois dispose-t-elle d'un conseil municipal des jeunes et ces derniers votent-ils électroniquement ?
Il existait précédemment un conseil municipal des jeunes, mais nous n'avons pas encore pu le remettre en place en raison de la crise sanitaire. Il est en effet prévu d'organiser prochainement un conseil municipal des jeunes.
Ces jeunes n'ont jamais eu l'occasion de voter électroniquement, mais une telle élection pourrait représenter l'occasion, pour les jeunes générations, de s'approprier ce nouveau système de vote.
Je souhaite connaître votre avis sur le moratoire qui a été décidé à la suite d'une décision du Conseil constitutionnel en 2008, ainsi que sur les arguments de fiabilité et de sécurité des opérations de vote qui avaient été avancés.
Lors des dernières élections, nous avons en effet constaté qu'il était parfois nécessaire de plier des feuilles de format A4 dans de petites enveloppes, ce qui a représenté une source de stress pour de nombreuses personnes âgées. Pour régler ce problème, il aurait fallu changer les enveloppes et donc les urnes, ce qui aurait apporté plus de complexité qu'il n'y en avait au départ.
Sauf erreur de ma part, le moratoire a été décidé par le ministère de l'Intérieur. À l'époque, l'élection présidentielle de 2007, qui suivait celle de 2002, a conduit à des taux de participation beaucoup plus élevés que d'habitude. Or certaines villes comme Noisy-le-Sec avaient décidé de mettre en place pour la première fois l'utilisation de machines à voter lors de ce scrutin. Elles n'avaient donc aucun recul et aucune expérience, et n'avaient pu réaliser en amont aucun test afin de déterminer les configurations les plus adaptées à chaque bureau de vote et à leur électorat. Par ailleurs, le personnel administratif et les membres du bureau de vote n'étaient pas suffisamment et pas correctement formés à l'utilisation des machines à voter. Or le jour des élections, le taux de participation s'est élevé à 60 % ou 70 %, ce qui a provoqué la formation de longues files d'attente et entrainé une certaine panique. La municipalité de Noisy-le-Sec a donc décidé d'abandonner l'utilisation des machines entre les deux tours. Le ministère de l'Intérieur s'est alors interrogé sur le bien-fondé du nouveau système. Ne disposant pas d'éléments factuels et concrets sur un potentiel manque de stabilité et de transparence du vote électronique, le ministère de l'Intérieur a préféré laisser la possibilité aux municipalités qui le souhaitaient de continuer à utiliser les machines à voter.
Ces événements se sont déroulés en 2007 et nous sommes aujourd'hui en 2021. C'est l'objet de la création de l'AVVE en 2014, dont l'objectif n'est pas d'étendre le vote électronique à toute la France, mais de permettre aux maires qui le souhaitent d'utiliser des machines à voter. Les points soulevés par le moratoire ne sont en réalité pas d'actualité et ne l'étaient pas plus en 2007, puisqu'il n'existe pas d'arguments techniques actuels concrets à l'encontre du vote électronique. L'argumentation de nature psychosociale avancée par les opposants au vote électronique ne justifie pas le blocage de l'utilisation des machines. Aujourd'hui, des collectivités souhaitent s'équiper et n'en ont pas la possibilité, alors que nos machines ont prouvé leur efficacité depuis 2007, et en particulier pendant ce double scrutin. Je plains mes collègues qui ont dû organiser un double scrutin de manière traditionnelle. Nous avions reçu une note du ministère 48 heures avant le premier tour, nous informant que nous pourrions mutualiser les assesseurs avec le vote électronique, alors que cet élément constituait déjà pour nous un acquis. Nous aimerions donc faire entendre nos arguments.
Nous craignions justement d'être contraints de revenir à un vote papier lors des dernières élections régionales et départementales, alors que nous n'en avons plus l'habitude. Le fait de conserver notre système tel qu'il est nous a également permis d'éviter les doubles bureaux.
Il nous est souvent objecté que les machines à voter ne respectent pas la philosophie du code électoral français. Cependant, une situation où un Président de bureau de vote se retrouve mutualisé sur deux bureaux de vote différents, dans lesquels le rôle des assesseurs n'est pas clair, est-elle conforme au code électoral ?
La séance est levée à 16 heures 40
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Bruno Bilde, M. Xavier Breton, Mme Monique Iborra, Mme Marion Lenne, M. Stéphane Travert