Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 12h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • copropriété
  • discrimination
  • logement
  • mixité
  • racisme

La réunion

Source

La mission d'information procède à l'audition commune de M. Nicolas Grivel, directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et de M. Jean‑Marc Torrollion, président de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM).

La séance est ouverte à 12 heures.

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Cette mission d'information a été créée par la conférence des présidents en décembre 2019. Ces auditions donneront lieu à un rapport et à des propositions d'actions concrètes pour résoudre le problème du racisme dans toutes ses formes.

Depuis le début de la mission, qui a été interrompue par la crise sanitaire, nous avons entendu beaucoup d'universitaires et d'associations, ainsi que les ministères et institutions publiques. Ce matin, nous avons reçu les représentants des départements, des régions et des maires de France.

Lorsque l'on évoque les nouvelles formes de racisme, il va de soi que la manière dont la société s'organise concrètement et géographiquement du point de vue de l'urbanisme et du logement est très importante. À plusieurs reprises, il a été fait état de la ghettoïsation contre laquelle il est difficile de lutter et des dispositifs qui peuvent enrayer ces processus qui augmentent le sentiment d'exclusion.

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. Nous avons en effet tenu des cycles d'auditions assez variés, avec des universitaires, des chercheurs, des associations, et commençons avec vous un cycle qui pourrait, de manière pragmatique, lui aussi aider à déboucher sur des solutions.

Nous pensons que le racisme s'articule en trois volets : le racisme condamné par le code pénal– même si l'on peut s'interroger sur l'efficacité de la chaîne pénale ; le préjugé raciste, qui relève de l'éducation et du vivre ensemble ; enfin, le racisme que certains qualifient d'institutionnel, mais que je préfère nommer effet des discriminations, en ce qu'il recouvre un ensemble de discriminations qui sont souvent le résultat involontaire de pratiques ou de politiques qui ne poursuivent pas de finalité raciste.

Nos politiques de peuplement n'ont pas toujours engendré la mixité nécessaire pour combattre les préjugés et les discriminations. Nous sommes donc curieux de vous entendre sur ce sujet, ainsi que sur ceux de la ghettoïsation, de la discrimination et du logement.

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. Nous sommes conscients du fait que la nécessité d'avoir des politiques fortes figure depuis longtemps dans les objectifs et préoccupations des différents gouvernements qui vous ont précédés, mais force est de constater que les choses n'ont pas fonctionné comme nous l'aurions souhaité. Dès lors, comment les choses pourraient-elles, selon vous, s'améliorer ?

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Jean-Marc Torrollion, président de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM)

Je parlerai spécifiquement de l'accès au logement. Je précise que je travaille en Isère où nous gérons 11 000 logements en location en Rhône-Alpes et réalisons une importante activité de transactions et de syndics de copropriétés.

Au préalable, je rappelle que, chez les Français, l'immobilier représente une valeur très affective. En effet, la peur du déclassement d'un bien dans un quartier est réelle et conduit parfois à des demandes et à des comportements motivés par la crainte que le bien peut être dévalué au gré de l'évolution d'un quartier.

Les professionnels de l'immobilier sont soumis à diverses pressions de la part du président de conseil syndical qui demande de ne pas louer un appartement à des gens de couleur ; d'un futur locataire qui regarde les noms sur les boîtes aux lettres de l'immeuble ; ou d'un propriétaire qui ne souhaite pas que l'on ne donne son bien à bail à certaines personnes.

Nous sommes en quelque sorte les filtres républicains de cet ensemble et le logement constitue un point d'orgue de la crispation globale de la société.

Lorsque nous sommes confrontés, en qualité de syndic de copropriété et gestionnaire d'un bien, à cet aspect des choses, nous avons une double responsabilité : donner confiance aux uns et aux autres, dire à un locataire qu'il fait bon vivre dans un appartement, rejeter l'objection d'un bailleur, etc. Il convient d'expliquer que notre action ne s'exercera jamais au préjudice de certaines valeurs, ni au préjudice de la valeur de ses biens. Nous mettons en place des formations, comme nous y oblige un décret récent de M. Denormandie.

Il est vrai qu'aucun règlement de copropriété ne prévoit l'absence de discrimination d'un point de vue formel. Il serait intéressant que ce soit le cas. De même, il était prévu que nous remettions, à chaque locataire, des extraits de règlement de copropriété. Le fait que cela soit rarement le cas contribue à individualiser les comportements et ne facilite pas la bonne compréhension des règles qu'impose la copropriété.

Ainsi, dans un immeuble neuf que nous avons géré au Pont-de-Claix, commune populaire de l'agglomération grenobloise accueillant beaucoup de primo-accédants issus du secteur employé/ouvrier, un brassage culturel s'est fait naturellement et la règle commune s'est progressivement imposée sur des sujets sensibles (tenue des immeubles, usage des espaces verts, etc.). Dès que nous avons inclus les habitants dans le conseil syndical, nous avons constaté que les choses se déroulaient plutôt correctement, chacun ayant conscience du sens de la valeur commune.

Mais nous devons aussi travailler à la réappropriation des parties communes, de l'intérêt général d'un immeuble et de la façon dont chacun s'organise pour favoriser la fluidité par rapport à ces sujets, sans pour autant empêcher chacun de jouir convenablement de son bien.

En matière de locations, la situation varie selon les villes. Dans certaines d'entre elles, les choses se déroulent de manière fluide, pour une question d'équilibre des populations. C'est pourquoi un jour, Michel Destot, l'ancien maire de Grenoble, m'a demandé, lorsque j'étais président de la FNAIM de l'Isère, d'installer des agences immobilières dans certains quartiers « difficiles » : il y voyait un élément structurant dans la façon dont le marché locatif, comme celui de la transaction, pouvait se mettre en place.

Mais nous n'y sommes pas parvenus, car le modèle économique était très difficile, dès lors qu'un basculement s'était opéré dans certains quartiers, notamment celui de La Villeneuve. Mais il pensait que si le marché était a minima intermédié, un équilibre se mettrait en place. Mais il était probablement un peu tard pour que nous puissions imprimer une marque sur cet aspect ces choses.

Retenez que la professionnalisation de l'intermédiation, notamment en matière locative, reste un filtre de plus en plus efficace contre le racisme. En effet, nous traitons, en professionnels et sans affect, les biens qui nous sont confiés. De plus, il existe une vulnérabilité de nos entreprises, ce qui induit des comportements vertueux, car la formation de nos collaborateurs et la façon dont nous appréhendons ce marché nous permettent d'avoir une certaine ouverture d'esprit sur ces questions.

Mais nous avons malgré tout des problèmes : il nous est ainsi souvent reproché de ne pas accepter des cautionnements d'origine étrangère, difficiles à manipuler en droit. Il est en effet difficile d'expliquer à un propriétaire que le recouvrement du cautionnement exigera l'obtention d'un exequatur. C'est pourquoi, entre deux garanties de même nature, le choix s'oriente malheureusement souvent vers l'efficacité.

En revanche, nous faisons en sorte que les personnes vivant en outre-mer qui se portent caution n'aient pas à prendre l'avion pour venir dans nos agences, en recourant à des signatures légalisées dans des agences partenaires sur les territoires d'outre-mer ou dans les mairies.

Par rapport à la discrimination, nous n'avons pas mesuré la transparence de l'offre qu'implique internet. Autant, par le passé, les offres n'étaient répertoriées que dans le fichier des agences, autant aujourd'hui elles sont disponibles, accessibles et non cachées. Je pense que la massification de la divulgation des annonces, leur standardisation et celle des process des dossiers en location, mais également en transaction, ont beaucoup contribué à un recul de la discrimination et du racisme.

Mais la discrimination concerne également les personnes âgées du secteur privé locatif qui bénéficient d'une protection particulière liée à la loi de 1989, qui se retourne contre elles, car les bailleurs, eux-mêmes âgés, veulent pouvoir récupérer leur bien à tout moment. Nous sommes soumis à une importante pression sur ce point, à laquelle nous nous efforçons de ne pas donner suite, ce qui est loin d'être évident face à une population vieillissante de bailleurs.

Nous devons être attentifs à ces mesures d'hyperprotection de certaines catégories de locataires qui engendrent mécaniquement des systèmes d'exclusion ou des discriminations, contre lesquels il n'est pas toujours facile de lutter.

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Nicolas Grivel, directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU)

Le racisme n'est pas notre sujet premier en termes d'intervention, mais nous pouvons être confrontés à la problématique des ghettos sociaux, avec une caractérisation plus ou moins ethnique du sujet.

Ce sujet est différent de celui évoqué par M. Torrollion, car il concerne un autre pendant du marché local de l'habitat, celui des quartiers sur lesquels se sont concentrés, au fil des années, des phénomènes d'exclusion et de concentration urbaine de la pauvreté. C'est sur ces sujets que l'ANRU, établissement public de l'État avec de multiples partenaires, est chargée d'intervenir.

Un premier programme massif, créé en 2004 par Jean-Louis Borloo, concernait 500 quartiers en France, financés à hauteur de 50 milliards d'euros, tous financeurs confondus, dont 12 milliards par l'ANRU. Il est en cours de finalisation.

Un deuxième programme lancé en 2014-2015 s'est progressivement matérialisé ces deux dernières années. Nous disposons d'environ 10 milliards d'euros au niveau national, ce qui représentera environ 40 milliards d'investissements, tous financeurs confondus, d'ici à 2030, 2031, 2032.

Les quartiers dans lesquels nous intervenons sont caractérisés – conformément à la définition de la politique de la ville depuis la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dite « loi Lamy », par la concentration urbaine de la pauvreté. Ce sont des quartiers dans lesquels nous devons mener des missions de construction, de rénovation, de réhabilitation d'établissements publics et d'aménagements, qui constituent le cœur de la qualité de la vie et de l'envie d'habiter dans un quartier.

C'est à ce niveau-là que nous allons croiser notre sujet du jour. En effet, ces quartiers, souvent construits dans les années cinquante, soixante, soixante-dix présentaient alors des facteurs attractifs (mélange de populations, mixité sociale dans une logique un peu ascensionnelle de la société) avant de se paupériser progressivement. En effet, les habitants initiaux ayant accédé à la propriété en centre-ville ou en proche périphérie, dans le cadre d'un parcours résidentiel normal et positif, sont partis. Ils ont progressivement été remplacés par des populations à chaque fois plus pauvres et plus précarisées, souvent issues de l'immigration de première, de deuxième ou de troisième génération.

Dans ces quartiers les plus en difficulté, nous n'avons pas de réel marché de l'habitat : nous sommes devant un parc de logement social ou des quartiers de copropriété plus ou moins en difficulté, plus ou moins dégradés. Ces quartiers se caractérisent donc plutôt par un choix d'habitations soit subi – parce que les personnes n'ont pu accéder à des logements sur les marchés privés – soit ayant fait l'objet d'un taux de refus important d'autres populations.

Dans notre analyse, nous nous basons sur des critères sociaux, qui peuvent également croiser des critères d'appartenance réelle ou supposée à des communautés qui n'ont pu accéder à d'autres logements ou qui ont une préférence pour un quartier où elles ont des affinités particulières.

Même si notre sujet n'est pas un sujet de racisme ou d'approche ethnique, nous voyons bien qu'un certain nombre de quartiers sont marqués par des spécialisations de populations et des refus d'autres populations de venir y vivre, ce qui soulève des questions de mixité sociale, scolaire et d'usage.

Notre action consistera à rénover ces quartiers pour leur redonner une attractivité, à discuter avec les élus locaux, sachant que cela ne suffit pas toujours pour rééquilibrer les choses à l'échelle d'une agglomération, dès lors que ce qui se passe dans un quartier est souvent le résultat de ce qui se passe ailleurs. C'est pourquoi ce sont souvent les populations les plus fragiles et les plus précaires que l'on oriente – ou qui s'orientent elles-mêmes – vers ces quartiers.

Cela suppose d'avoir une stratégie d'habitat, de transports et de répartition des formes d'habitat (logement social, accession, logement privé) pensée plus globalement et non à l'échelle d'une ville ou d'un quartier. Telle est la première discussion que nous avons avec les élus avant d'évoquer le financement et l'accompagnement d'un projet urbain. C'est structurant pour nous, si nous voulons réussir notre mission de moindre concentration de la pauvreté et des difficultés dans les mêmes zones urbaines.

Nous interviendrons également sur le sujet des ghettos sociaux. Il a un impact sur les grands équilibres sociétaux et la cohésion territoriale des années futures avec, à la fois, des quartiers qui se sont améliorés, notamment sur le plan urbain, et des quartiers qui se sont dégradés, compte tenu de la concentration des difficultés, qui s'est amplifiée au fil des décennies dans la différenciation entre les personnes qui vivent dans ces quartiers et celles qui, pour rien au monde, ne voudraient y habiter.

De plus, les leçons du premier programme montrent que, même quand les quartiers changent positivement, ils conservent une mauvaise réputation auprès des habitants du reste de l'agglomération. Remettre partiellement ces quartiers dans une dynamique positive nécessite donc un travail de longue haleine et une grande modestie.

Dans le contexte actuel, nous devons rester très attentifs et très proactifs sur ces sujets.

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. Vous parlez de travailler sur l'attractivité, pas uniquement en termes de qualité des logements, mais également à plus grande échelle que celle du quartier. Comment pensez-vous parvenir à travailler avec les collectivités locales pour que ce problème dépasse le quartier et que des solutions soient recherchées à l'échelle intercommunale, voire au-delà ?

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Nicolas Grivel, directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU)

. Nous travaillons de plus en plus avec les élus territoriaux sur ce sujet, notamment dans le cadre de l'accompagnement du deuxième programme.

La loi Lamy du 21 février 2014 a posé le principe de la compétence intercommunale sur ces sujets, ce qui était nouveau. Le dialogue avec les maires se poursuit, certes, mais la dimension de portage, de stratégie d'ensemble et de financement est portée au niveau intercommunal. Des choses avaient été initiées par endroits dans le cadre du premier programme, notamment là où existait déjà une dynamique intercommunale assez forte, mais à d'autres endroits, celle-ci est plus récente et plus faible. De plus, l'on a assisté à des recompositions territoriales massives avec des agglomérations très importantes sur lesquelles le noyau urbain est parfois devenu minoritaire en termes de nombre de communes et d'équilibre des populations.

C'est donc très variable selon les intercommunalités, mais j'ai quand même constaté une prise de conscience de la stratégie habitat et du lien entre l'habitat, l'urbanisme, la mobilité et les transports. Ces sujets sont donc pris en compte, mais avec des niveaux d'appropriation et de partage différents.

En 2015, nous avons posé comme principe que lorsque nous démolissons un logement social dans un quartier, nous ne le reconstruisons pas dans le quartier d'origine, dans le cadre d'une stratégie de rééquilibrage.

De plus, les logements que nous démolissons et reconstruisons représentent 10 % de la construction de logements sociaux dans la décennie à venir sur une agglomération. Cela signifie que, si les 90 % restants se localisent de manière non cohérente avec cette volonté d'équilibrage, notre impact sera très faible.

C'est pourquoi il faut adopter une vision globale, transversale, incluant les sujets de transports, qui sont essentiels pour les populations et permettent de relier les quartiers au reste de la ville. On a parfois appelé cela l'objectif de banalisation des quartiers, terme assez peu compris, car ils sont des morceaux d'une ville comme les autres, et doivent être considérés comme tels, avec leurs particularités.

Ces sujets sont globalement bien pris en compte. L'actualité concerne l'intensité de l'effort et son ancrage dans le temps, ces projets s'inscrivant dans le long terme.

À la suite des élections, nous avons eu la confirmation des engagements pris en faveur de ce rééquilibrage de l'apport communal, important pour les années qui viennent.

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Jean-Marc Torrollion, président de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM)

. Les logements que nous gérons sont le produit d'une mixité entre logements sociaux, accessions et locations. D'ailleurs, à titre personnel, j'habite un de ces quartiers.

La construction juridique initiale est faite pour isoler totalement les immeubles relevant du secteur social de ceux qui relèvent du marché privé. Au fond, il s'agit de faire une mixité, sachant que, juridiquement, la collaboration est très faible, portant tout au plus sur une association. Or la mixité sociale n'est pas un problème, pour peu qu'elle soit bien structurée sur le plan juridique. Mais il y a beaucoup d'efforts à faire sur ce point.

La mixité sociale, beaucoup en parlent et peu la souhaitent. De plus, on ne capitalise jamais sur les réussites de mixité sociale. Or il en existe.

De ce point de vue, il existe une forte différence entre les bailleurs sociaux et les gestionnaires de parcs privés. Cela apparaît notamment en cas de problème, car nous, les syndics, sommes immédiatement sollicités par nos copropriétaires, avec une très forte pression. Or nous avons, en face de nous, un interlocuteur qui n'a absolument pas le même ressenti ni la compréhension de notre problème. Il en résulte un important décalage entre, d'un côté, beaucoup d'émotionnel, et de l'autre, beaucoup de détachement et d'impuissance. Nous devons y travailler. Dans le cas contraire, les modèles de mixité sociale tels qu'ils ont été conçus grâce aux différents dispositifs fiscaux sont voués à l'échec.

Dans ces ensembles qui regroupent parfois cent logements, nous avons commis une erreur fondamentale : supprimer les gardiens et concierges, pour des questions de coût. Je pense qu'il faut les rétablir dans nos immeubles où il y a de la mixité et que leur charge soit supportée par l'intégralité des copropriétaires. En effet, en termes de surveillance et de présence, ce personnel de plus en plus qualifié peut fluidifier les relations.

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. Les mesures mises en œuvre dans le cadre de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite « loi Élan » sur les logements insalubres sont-elles suffisantes ?

Je reprends l'idée intéressante d'un sociologue selon laquelle travailler ensemble, sur un pied d'égalité, dans la durée, à un objet qui nous dépasse, abat des préjugés. C'est ce que vous nous suggérez en évoquant l'établissement d'un règlement commun de copropriété associant les locataires. Un travail mené à ce niveau de granulosité est en effet intéressant.

Nous avons parlé de mixité. Comment garantir la mixité lorsque des propriétaires se permettent d'indiquer, dans leurs annonces, qu'ils préfèrent louer à des fonctionnaires, sachant que les minorités issues de la diversité sont peu représentées dans la fonction publique ?

Enfin, nous avons entendu parler de quartiers à Toulouse dans le cadre desquels un projet de carte scolaire a joué un rôle important. Y avez-vous collaboré ?

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Jean-Marc Torrollion, président de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM)

. En ce qui concerne la lutte contre l'habitat insalubre, la loi dite Élan comporte deux mesures importantes. La première est l'obligation pour les syndics de copropriété de dénoncer les logements insalubres. J'ai du mal à en apprécier la portée à ce stade. Mais la notion de police du logement menée par un syndic de copropriété repose sur les suites données à une éventuelle dénonciation. Nous avons un exemple, à Nantes, de logement insalubre surpeuplé, dans le cadre duquel la communauté territoriale a tardé à réagir.

La deuxième résultante de la loi ELAN est le permis de louer, conçu, au départ, pour lutter contre les logements insalubres et indécents. Les statistiques démontrent que les professionnels sont les plus grands pourvoyeurs de ce permis, et non les collectivités territoriales. En effet, au départ, il devait être circonscrit à certains quartiers dans lesquels la collectivité territoriale entendait agir avec efficacité. La plupart d'entre elles l'ont généralisé, au détriment de son efficacité.

Lorsque nous avons débattu de cette mesure dans le cadre du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI), associations de consommateurs comme professionnels étaient persuadés du fait que le permis de louer manquerait sa cible, au motif que les vertueux le déposeraient et que les non vertueux ne le déposeraient jamais. Il faut donc définir une police du logement, mais il serait intéressant que vous dressiez un bilan du permis de louer, pour savoir s'il a touché sa cible.

Pour revenir sur les notions de mixité et de copropriété, lorsque nous avons débattu de la réforme de la copropriété, un échange a porté sur la représentation ou non des locataires. Nous étions largement contre pour des raisons pratiques et de fond. En revanche, il semble pertinent d'inscrire, dans le règlement de copropriété, des principes de non-discrimination et de respect du nombre de personnes par logement. Enfin, dans les opérations mélangeant le logement social et le logement privé, le dialogue entre ces deux instances est peu développé ce qui ne facilite pas la résolution des problèmes.

Il y a donc beaucoup des choses à améliorer dans le cadre de la construction juridique de ces opérations présentant une certaine mixité sociale.

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Nicolas Grivel, directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU)

. Il est intéressant de réfléchir aux formes juridiques mêlant différentes formes d'habitats. Nous avons un bel exemple avec l'Arlequin, à La Villeneuve (Grenoble), de la complexité juridique de ces ensembles. Mais au-delà de l'aspect juridique, il reste des progrès à faire sur la façon de faire vivre ces unités.

Nous ne sommes pas prescripteurs de mixité sociale, car nous n'affectons pas directement les gens dans les logements, mais nous allons approcher cette question par des formes d'habitat différentes. Nous devons donner des exemples de parcours réussis, y compris par des personnes qui sont restées dans un même quartier, pour prouver le bon fonctionnement de certaines dynamiques.

Lorsque l'on choisit de s'établir quelque part, on s'interroge sur la localisation de l'école et du collège des enfants qui engendrent des phénomènes d'évitement scolaire ou de déménagement de populations sensibles à ce sujet. À Toulouse, un projet vise à sortir deux collèges du quartier du Grand Mirail (Belle-Fontaine et la Reynerie) pour les positionner dans de nouveaux quartiers, pour lesquels la carte scolaire est mixée entre plusieurs quartiers. La démolition des collèges d'origine offrira des opportunités urbaines intéressantes et permettra parfois de désenclaver les quartiers.

Nous avons mené une expérience de ce type à Nîmes avec deux collèges qui ont une capacité de 600 élèves et qui, compte tenu de leur état de dépérissement avancé, n'en accueillent que 350. Lorsque des élèves d'un quartier très stigmatisé représentent 25 % de la population d'un nouveau collège, c'est mieux que lorsqu'ils représentent 100 % des élèves. La chance d'attirer quelqu'un dans un nouveau quartier lorsque l'on connaît des difficultés sur le collège du secteur est quasiment nulle.

Parfois, nous menons également des projets de rénovation et de retour d'attractivité du collège en place. En revanche, parfois, nous optons plutôt pour la sortie du collège du quartier, ce qui est parfois difficile pour des quartiers très étendus et isolés du reste de la ville.

Nous avons élaboré un guide sur la question scolaire, sujet crucial à nos yeux pour faciliter la diversité et le retour d'attractivité. Objectivement, au-delà du bâti d'un quartier, les équipements scolaires de très bonne qualité peuvent attirer des habitants.

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Jean-Marc Torrollion, président de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM)

. Je confirme que certains marchés ne s'organisent qu'en fonction d'une carte scolaire ou d'un établissement (comme à Champollion dans l'Isère).

En termes d'aménagement, il faut également prêter attention aux commerces situés au pied des immeubles. La dégradation de la qualité des commerces et de leur orientation est souvent le prélude au déclassement et à la ghettoïsation. Les collectivités territoriales ont des moyens d'agir sur ce point. Même dans les quartiers neufs, la fonction commerciale est trop impersonnelle.

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Nicolas Grivel, directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU)

. Je partage totalement ce point de vue. Souvent, ces capacités commerciales ont été conçues dans les années soixante pour les seuls habitants du quartier. Elles se sont concentrées soit autour d'activités communautaires, soit en complément d'activités commerciales un peu moins licites.

Pour établir un lien avec un des débouchés de vos travaux, dans le contexte du projet de loi sur le séparatisme, la problématique de la ségrégation sociale et territoriale est relativement forte. En complément de nos efforts pour porter le sujet au-delà de celui de l'habitat et des quartiers, il faut qu'il y ait une responsabilité globale des agglomérations dans la lutte contre les ségrégations sociales et territoriales.

En effet, nous avons plusieurs outils (plan local d'habitat, plan local d'urbanisme, plan de déplacements urbains, contrat de ville, projets ANRU) qui sont séquencés et qui gagneraient à s'articuler différemment et plus utilement.

La loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain (dite « loi SRU ») s'est imposée dans le paysage avec des objectifs de production des logements : il n'existe pas d'équivalent en termes d'indicateurs de ségrégation territoriale et d'absence de mixité sociale. La thématique de la ségrégation sociale territoriale n'est pas une politique identifiée à l'échelle territoriale. C'est un sujet intéressant à creuser pour faire en sorte qu'il y ait un vrai portage de ce sujet en vue de rééquilibrages, grâce à des outils existants dans les quartiers, tels que la carte scolaire. S'agissant de ce point, on distingue deux versants : où absolument aller et où ne surtout pas aller.

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Jean-Marc Torrollion, président de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM)

. Alors qu'il est beaucoup question d'artificialisation des sols, j'aimerais attirer l'attention sur la nécessité de laisser, dans nos villes, une place pour les petites entreprises et les locaux d'activité. Cela participe de l'intégration globale. Il faut réconcilier nos élus avec ces petites entreprises, car ce sont elles qui accueilleront les jeunes, les stagiaires et les apprentis.

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. Cette rencontre était très intéressante et je vous remercie.

La séance est levée à 13 heures 05.