Publié le 7 mai 2018 par : Mme Gaillot, M. Attal, M. Besson-Moreau, M. Bois, Mme Bono-Vandorme, M. Boudié, M. Bridey, Mme Brugnera, M. Cellier, M. Chalumeau, Mme Charvier, M. Colas-Roy, Mme Couillard, Mme de Montchalin, M. Descrozaille, Mme De Temmerman, Mme Dufeu Schubert, Mme Fontenel-Personne, Mme Gipson, M. Giraud, Mme Goulet, M. Gouttefarde, Mme Guerel, Mme Iborra, Mme Josso, M. Kokouendo, Mme Krimi, M. Marilossian, M. Nadot, Mme Osson, Mme Park, Mme Peyron, Mme Piron, M. Portarrieu, M. Rebeyrotte, Mme Rilhac, Mme Rist, Mme Romeiro Dias, Mme Rossi, Mme Sylla, Mme Tamarelle-Verhaeghe, Mme Tanguy, M. Testé, M. Trompille.
Après l'alinéa 2, insérer l'alinéa suivant :
« L'action publique de ces mêmes crimes mentionnés à l'article 706‑47 du présent code et à l'article 222‑10 du code pénal, lorsqu'ils sont commis sur des personnes vulnérables, en raison d'une déficience physique ou psychique, se prescrit par trente années révolues au jour où l'infraction a été commise. ».
Cet amendement vise à étendre l'allongement du délai de prescription de 20 à 30 ans pour les crimes sexuels commis sur toute personne dont la particulière vulnérabilité, due à une déficience physique ou psychique, est apparente ou connue de son auteur.
Il s'agit donc de prendre en compte la spécificité des crimes sur les personnes vulnérables, et notamment sur les personnes handicapées. Aujourd'hui, la vulnérabilité de la victime est déjà reconnue dans le droit pénal comme une circonstance aggravante d'une infraction.
Pourtant, le régime général des prescriptions n'est pas satisfaisant puisqu'il estompe la spécificité des crimes sexuels à l'égard des personnes vulnérables qui relèvent aujourd'hui du droit commun. Cette situation n'apparait pas conforme aux réalités de la vulnérabilité de ces personnes et aux attentes de la société.
Si en France, aucune étude spécifique n'a été menée pour mesurer ces violences, la seule association venant en aide sur ces questions aux femmes en situation de handicap (tous handicaps confondus), Femmes pour le dire, Femmes pour agir (FDFA) avance la statistique de quatre femmes handicapées sur cinq victimes de violences. Les spécialistes s'accordent à dire qu'effectivement, les chiffres sont sous-estimés, tout particulièrement par rapport aux violences sexuelles.
Or, aujourd'hui la loi ne prend pas suffisamment en compte l'évolution des connaissances relatives aux personnes vulnérables victimes d'infractions sexuelles ou violentes.
Il est ainsi identifié que la vulnérabilité de la victime au moment des faits est de nature à entrainer une difficulté à révéler les faits, à s'exprimer ou à désigner l'auteur de l'agression, notamment en cas d'emprise ou de conflit de loyauté en raison des liens entre l'auteur et la victime. En effet ces crimes sont régulièrement perpétrés au sein des institutions spécialisées. Nombreux sont les cas de violences sexuelles commises par des médecins, des éducateurs, des kinés, etc, ce qui devient encore plus complexe de parler pour la victime.
Notons par ailleurs, le cas spécifique des femmes atteintes de troubles psychiques, souvent manipulables, qui sont les « victimes idéales » pour les prédateurs sexuels. Elles parleront rarement et si elles le font, on les prendra tout aussi rarement au sérieux.
D'après les spécialistes, le viol aggrave le handicap en lui-même. Le traumatisme de l'agression a de lourdes conséquences sur le plan neurologique. Pis, la plupart du temps, les médecins ne feront pas le lien entre l'aggravation et l'agression subie. Ainsi, les syndromes traumatiques vont être pris comme des symptômes du handicap et donc traités comme tels.
Certaines personnes vulnérables vont mettre des décennies à mettre des mots sur les sévices subis.
Enfin, l'amélioration des techniques scientifiques d'investigation doit également être prise en compte dans la détermination des délais de prescription. La preuve génétique constitue aujourd'hui un facteur important d'élucidation d'affaires anciennes et présente un intérêt tout particulier en matière criminelle et sexuelle.
La législation doit ainsi prendre en compte les spécificités des personnes vulnérables. Ainsi, l'allongement à 30 ans de la prescription des crimes sur personnes vulnérables doit permettre de réaffirmer la lutte contre les crimes sexuels et violents à l'égard de ces personnes comme une priorité de politique de pénale. Il s'agit enfin de mettre fin à un problème sociétal gravissime qui doit être pris en compte par les pouvoirs publics.
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