Jeudi 7 juin 2018
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Présidence de M. Bruno Studer, président de la Commission
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La commission des Affaires culturelles et de l'Éducation procède à l'audition de Mme Sibyle Veil, Présidente-directrice générale de Radio France, sur son rapport d'orientation et l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de la société en 2017 (articles 47-4 et 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986).
J'ai le plaisir d'accueillir ce matin Mme Sibyle Veil, désignée le 12 avril dernier par le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour prendre la tête de Radio France à la suite de la révocation de Mathieu Gallet par ce même CSA, à la fin du mois de janvier.
Vous étiez, madame, directrice déléguée chargée des opérations et des finances de la « Maison ronde » depuis 2015 et votre prise de fonction intervient dans une période de mutation pour l'audiovisuel public, confronté, comme l'ensemble du secteur audiovisuel, au choc sans précédent de la révolution numérique.
L'audition de ce matin va vous permettre, comme le prévoit la loi du 30 septembre 1986, de nous présenter tout à la fois votre projet stratégique pour Radio France pour les cinq années de votre mandat mais également l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens (COM) de la société en 2017. Notons que ce COM, conclu pour la période 2015-2019, devra être renégocié l'an prochain.
Le rapport d'orientation que vous nous avez communiqué porte la marque d'une forte ambition pour Radio France : vous souhaitez mettre à profit le processus de transformation du service public audiovisuel engagé par le Gouvernement pour faire de la radio publique le fer de lance de cette évolution.
À ce propos, on entend souvent que Radio France affiche une identité marquée par rapport à ses concurrents privés, contrairement à la télévision publique : quelles pistes retenez-vous pour accentuer encore la « différence » dont Radio France faisait déjà un slogan publicitaire il y a quelques décennies, 1977 pour être précis ?
La publicité ne représente qu'une petite part du budget de la société puisqu'elle est de 6 % : pourrait-on envisager de s'en dispenser, pour accentuer encore la spécificité du service public radiophonique ?
Dans le cadre de la réforme qui se dessine pour l'audiovisuel public, l'offre jeunesse est revisitée : France 4 passerait en numérique, un rapprochement pourrait se dessiner avec Mouv', une plateforme éducative est annoncée. Je m'interroge toutefois sur les tranches d'âge visées par cette ambition de média global : comment toucher de front un public aussi large et divers que celui des 12-29 ans ? Et quel traitement importe-t-il, d'après vous, de réserver aux plus petits ? Ne faudrait-il pas segmenter l'offre ?
Enfin, pour ce qui concerne plus spécifiquement l'exécution du COM en 2017, nous constatons que celle-ci comporte un léger dérapage de la masse salariale par rapport aux objectifs fixés. Il est justifié par le financement des départs en retraite, plus nombreux que prévus, ainsi que par la hausse du nombre de contrats à durée déterminée (CDD). Comment expliquez-vous cette hausse des CDD ? Est-elle seulement imputable à la chaîne Franceinfo ? Quelle trajectoire visez-vous ?
Je m'en tiens là pour le moment et vous donne tout de suite la parole.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je commencerai par présenter les orientations stratégiques pour Radio France, qui sont celles que j'ai soumises au Conseil supérieur de l'audiovisuel dans le cadre de la procédure de sélection des candidats au poste de président-directeur général qui a mené à ma nomination.
Je tiens à rappeler l'essence des missions des médias de service public : ils ne sont pas là seulement pour faire ce que les médias privés ne savent pas faire mais pour le faire autrement, avec des programmes qui fédèrent tous les publics, des émissions et des contenus qui créent du lien et qui fabriquent l'air du temps.
Ces dernières années, Radio France a pris une importante avance, qu'elle doit conserver afin de relever trois défis pour les prochaines années.
Premier défi : elle doit se penser comme une entreprise à l'ère numérique. Cela implique de redéfinir la manière d'offrir nos contenus et la richesse de tous nos programmes aux publics dont les usages évoluent. Deuxième défi : elle doit être une entreprise dont les missions de service public sont réinterrogées légitimement par l'État, à l'heure d'une certaine convergence entre les médias qui se concrétise autour des offres numériques. Troisième défi : elle doit s'inscrire dans une trajectoire économique et financière soutenable et accompagner l'ensemble de ses personnels pour leur permettre de s'adapter à l'évolution des savoir-faire d'un média qui devient de plus en plus numérique.
Pour évoquer le premier des défis, il importe de revenir sur la période précédente, chose qui m'est d'autant plus facile que j'assume pleinement le bilan de ces dernières années, ayant été directrice déléguée. Un travail important a été mené depuis 2014 sur les offres linéaires de nos chaînes de radio pour positionner chacune d'elles autour de marques fortes – connues par les citoyens, comme le montrent toutes les enquêtes effectuées ces dernières années – et mettre en avant un contenu différent du secteur privé. Le but était de faire en sorte de ne pas dupliquer les publics et nous sommes parvenus à une augmentation des audiences accompagnée d'une plus forte diversification des auditeurs. Cette évolution porte sur l'âge. À rebours des tendances observées pour la radio en général, qui a vu la moyenne d'âge de ses auditeurs augmenter, les sept antennes de Radio France ont gagné 800 000 auditeurs de moins de trente-cinq ans, soit un rajeunissement général d'un an. Cela reflète une stratégie gagnante de différenciation de nos offres et de présence plus forte sur les médias numériques.
Cette stratégie numérique a porté à la fois sur les carrefours d'audience digitaux et sur le développement d'offres propriétaires sur nos sites et nos applications. Ces deux dimensions sont complémentaires : il nous faut être présent là où sont nos auditeurs mais aussi maîtriser la relation à nos auditeurs car des acteurs nouveaux s'interposent entre les contenus et eux. Il s'agit de penser nos offres, notre présence et notre visibilité d'ici à cinq ans, quand la part du numérique dans les écoutes pourra atteindre 25 % à 30 % contre 12 % aujourd'hui.
Il nous faut maintenir notre visibilité dans les voitures connectées, sur Apple CarPlay ou Android Auto, mais aussi sur les enceintes numériques. Continuer à être référencé est un enjeu essentiel pour nous. Nous devons proposer des offres en parfaite adéquation avec les nouveaux usages. Nous travaillons ainsi à une interface commune avec l'ensemble des radios privées afin de peser face aux nouveaux acteurs et négocier avec les fabricants automobiles. Pour ce qui des enceintes connectées, à l'heure où Amazon lance sa nouvelle enceinte, nous devons imposer notre présence. Nous sommes en concurrence non seulement avec tous les médias audiovisuels mais aussi les médias issus de la presse écrite qui développent de plus en plus de contenus adaptés. On sait en effet que la nouvelle révolution numérique passe par la voix, avec le développement de nouveaux assistants vocaux. Une réponse unique sera donnée à l'usager et il importe que nos contenus soient choisis après qu'il a formulé sa requête.
Il nous faut nous adapter aux modes de référencement sur ces nouveaux supports d'innovation : il s'agit d'un enjeu majeur. Cela implique de transformer la manière dont on fait de la radio. Ces dernières années, nous avons mis en ligne nos contenus sur différents sites. À l'avenir, nous devrons concevoir des contenus spécifiquement pensés pour le numérique, des contenus natifs, pourrait-on dire.
Pour faire face au risque de déréférencement ou de disruption, nous investissons beaucoup pour comprendre comment les algorithmes sont élaborés et comment nous pouvons continuer à être présents partout où nous pouvons diffuser nos contenus afin de nous faire connaître des auditeurs et d'élargir notre audience.
Le deuxième défi concerne les missions de service public.
Ces dernières années, nous avons mené un travail de clarification de nos offres, qu'il s'agisse du public que l'on vise ou de la différenciation avec le secteur privé.
Plusieurs de ces offres font l'objet de priorités politiques, qui ont été réaffirmées la semaine dernière par la ministre de la culture lors de l'annonce de la réforme de l'audiovisuel public. Il s'agit de l'information, de la culture – et plus particulièrement l'accès aux connaissances – et de l'éducation, ainsi que de la capacité à toucher des publics de proximité et des publics jeunes.
L'information se présente sous la forme d'une offre de média global, qui combine chaîne radio, chaîne télévisée et offre numérique, laquelle est régulièrement première. Elle l'a été pendant la période électorale l'année dernière et elle reste la première application d'information en continu en France. Cela montre qu'en associant les différents médias du secteur audiovisuel public, en agrégeant leurs contenus, on atteint une puissance qui renforce notre présence et donc notre visibilité. C'est un enjeu majeur dans la construction des collaborations entre les différentes entreprises du secteur audiovisuel public.
Votre assemblée vient d'examiner une proposition de loi destinée à lutter contre les fausses informations. Un autre enjeu en matière d'information est de conserver un lien de confiance avec les auditeurs avec des informations vérifiées qui apportent une profondeur d'analyse et un certain recul, loin de l'immédiateté, de l'urgence et du sensationnalisme. C'est ce que nous avons cherché à mettre en avant dans les différentes offres de service public. Franceinfo agrège les contenus de France Télévisions, de Radio France, mais aussi de France Médias Monde et de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), pour approfondir le décryptage de l'information.
La deuxième priorité du service public est la culture, la connaissance et l'éducation. Radio France a une chaîne très bien placée pour cela, France Culture, qui diffuse des émissions vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ses contenus ne sont pas des contenus de flux, ce sont des contenus patrimoniaux qui ne se périment pas et auxquels le numérique offre une seconde vie. Ils peuvent être écoutés et réécoutés à tout moment. Le numérique a régénéré cette chaîne en ouvrant la possibilité d'écoutes individualisées, ce qui constitue un enjeu de développement très important pour nous.
Pour faire connaître nos contenus, nous allons en ce domaine aussi nous allier avec les autres acteurs du secteur public de l'audiovisuel. Dans les prochaines semaines, sera lancé un média social de la culture qui donnera une visibilité partagée à l'ensemble des contenus culturels de différents acteurs, qu'il s'agisse de France Télévisions ou d'Arte avec laquelle nous avons noué une coopération historique, en particulier dans le domaine de la musique. Nous avons une plateforme commune qui donne à voir les concerts de nos formations musicales en live et gratuitement, ce qui constitue une offre unique au monde. Elle donne accès à un patrimoine musical européen très recherché au niveau international. Nous avons lancé le site avec une déclinaison « .com » en version anglaise, qui rencontrera, nous l'espérons, un grand succès auprès du public asiatique, très demandeur de ce genre de contenus.
Nous collaborerons également à une plateforme éducative du secteur public audiovisuel appelée à se développer.
Autre enjeu : les publics à toucher.
Il s'agit d'abord des publics de proximité. Nous pouvons nous appuyer sur le réseau des quarante-quatre stations de France Bleu, qui nous assure un maillage dense sur tout le territoire français avec dix heures de programmes locaux chaque jour qui mettent en valeur toute la richesse des territoires, de l'activité économique jusqu'aux événements culturels et sportifs. Cela correspond à une exigence démocratique très forte.
Nous nous tournons aussi vers France 3, dont la ministre a annoncé un plus fort ancrage territorial des programmes, pour penser une offre numérique commune qui permettra d'apporter plus d'interactivité, plus de contenus d'information et plus de services aux citoyens. C'est un élément fort de développement sur lequel je ferai travailler l'ensemble du réseau. Nous lancerons à la rentrée des premières expérimentations en Provence et en Île-de-France avec des matinales communes des émissions politiques hebdomadaires et des retransmissions d'événements culturels et sportifs, valorisées en commun par la radio et la télévision. À cela s'ajouteront des initiatives locales car chaque territoire a son identité, plus ou moins rurale ou plus ou moins urbaine. Il ne faut pas s'interdire de mettre en oeuvre des projets différents selon les régions.
Autre public à toucher, le public jeune. Radio France a une marque qui leur est dédiée, la marque Mouv' sur laquelle nous avons opéré un changement éditorial important ces dernières années en rebaptisant Le Mouv' en « Mouv' ». L'offre, destinée à la tranche d'âge des 13-29 ans, est centrée sur les musiques urbaines. Nous avons voulu tisser un lien de confiance avec un public très peu touché par les autres médias institutionnels. Ces jeunes ont grandi avec les réseaux sociaux et les offres numériques à travers lesquels ils ont développé des habitudes d'interactivité et des pratiques comme les like ou le partage. Nous devons prendre en compte cette évolution forte dans les rapports aux contenus des médias, qui ne sont plus caractérisés par la verticalité mais par l'horizontalité. Il faut être en adéquation avec les usages et la culture des jeunes.
Si nous cherchons à les toucher, c'est aussi parce que nous voulons que les médias de service public leur apportent une offre d'information à laquelle ils n'ont pas accès par ailleurs. Une antenne comme Mouv' accorde une grande importance aux échanges sur les questions de société et à la vie quotidienne, aux débats, aux éclairages sur l'actualité, à l'engagement citoyen, à la diversité, y compris au handicap, sujet régulièrement abordé sur l'antenne.
Pour les prochaines années, nous devrons veiller à garder une offre de service public à travers des contenus qui répondent aux nouveaux usages, notamment aux habitudes de personnalisation des contenus acquises avec Netflix et Amazon. Il importera d'assurer une grande visibilité à nos offres sur le numérique, qui sera d'autant mieux garantie que nous nous coordonnerons avec les autres acteurs du service public audiovisuel. Il faut avoir à l'esprit que les nouveaux modes de consommation des médias, loin de cannibaliser les modes de consommation traditionnels, se superposent à eux. La force du service public audiovisuel est qu'il est présent sur de multiples supports : les téléphones portables, les postes de télévision et les postes de radio qui concentrent encore 88 % de l'écoute.
Nous comptons apporter ainsi aux jeunes des contenus éducatifs et culturels comme aucune autre institution publique culturelle en France ne peut le faire. C'est toute la valeur ajoutée du secteur public audiovisuel.
Je vous remercie, madame Veil, d'être venue partager avec nous votre expérience de Radio France au service d'un audiovisuel public fort, dans le prolongement des annonces qui ont été faites rue de Valois la semaine dernière.
Dans la salle Colbert du Palais Bourbon, j'ai eu le plaisir, la semaine dernière, d'accueillir avec mon collègue Pierre-Alain Raphan des membres des radios associatives comme Radio Campus pour un débat sur leur contribution à des missions de service public. Les radios associatives, stations de radio à but non lucratif régies par la loi de 1901, relèvent de la catégorie A dont la vocation est de fournir un service de proximité. Elles comptent des talents qui peuvent ensuite éclore à Radio France.
À travers ce débat, elles nous ont rappelé qu'en 2012 avait été signée une charte de bonne entente entre les radios associatives et Radio France. Elle reposait sur le principe suivant : le service public de la radiodiffusion et les radios associatives partageant des valeurs au service de la proximité, il peut être sain de les faire collaborer. J'aimerais savoir si vous avez tiré un bilan de cette collaboration. À l'heure où la proximité est l'un des axes forts pour la réforme de l'audiovisuel public, comment imaginer à l'avenir les synergies entre ces 577 stations associatives et les chaînes de Radio France ?
Plus généralement, comment Radio France compte-t-elle s'ouvrir pour innover aussi bien avec ses chaînes de radio qu'avec le public ?
Dans le rapport d'orientation, madame la présidente, vous expliquez que France Bleu a su enrayer l'érosion de son audience depuis la rentrée de septembre 2017 en atteignant des publics complémentaires par un traitement constant des problématiques locales. Vous expliquez cependant qu'il est nécessaire de revivifier l'idée de proximité qui sert de fil conducteur aux programmes de la chaîne. Comment permettre à France Bleu d'être un acteur essentiel à la vie des quarante-quatre territoires que vous avez évoqués ? Quel sera la part du numérique ? Dans la présentation de la réforme de l'audiovisuel, ont été évoquées des synergies entre France Bleu et France 3. Avez-vous travaillé sur des pistes concrètes en dehors de l'expérimentation portant sur les matinales ?
Radio France compte également rajeunir son audience grâce à une nouvelle stratégie digitale et un déploiement sur le numérique, à travers les réseaux sociaux et les podcasts. Qu'en est-il du développement de la radio numérique terrestre (RNT), qui apparaît comme une évolution naturelle de la radio hertzienne ? La France est en retard, avec une couverture de seulement 20 % du territoire, loin derrière la Norvège, qui occupe le premier rang européen, ou même de la Suisse, bien pourvue en la matière. Des efforts restent à faire, compte tenu de l'amélioration de la qualité de diffusion que permet la RNT. Comment y travaillez-vous ?
Dans le rapport d'orientation, vous insistez sur l'audio comme nouveau défi de l'internet puisqu'il va devenir un format dominant avec 20 % des requêtes vocales sur Google, un taux qui pourrait dépasser 50 % en 2020. À l'avenir, la conception et la production des podcasts originaux devront être confiées aux sept chaînes de Radio France afin de couvrir un plus grand nombre de thématiques et constituer une offre suffisamment puissante pour faire l'objet d'une communication autour des oeuvres natives non diffusées sur les antennes linéaires. Comment envisagez-vous le développement de cette nouvelle forme de distribution ?
Madame Veil, nous avons pris note avec beaucoup d'intérêt de vos projets, notamment ceux qui concernent le développement du numérique.
J'ai apprécié ce que vous avez dit de Mouv'. Il est important de faire revenir les jeunes sur les antennes de service public. Comment aller plus loin dans cette voie ?
Par ailleurs, pourriez-vous nous préciser les actions que vous comptez engager pour lutter contre les fausses informations ?
Enfin, nous avons noté que les rapprochements entre France Bleu et France 3 suscitaient des inquiétudes parmi les journalistes : ils craignent une fusion et redoutent une remise en cause de l'indépendance du site de France Bleu. Comment éviter de contrarier le beau redressement opéré par France Bleu ces dernières années ?
Madame la présidente, lors de votre audition devant le CSA, vous avez déclaré : « il faut préparer Radio France pour qu'elle soit le fer de lance de la mutation de l'audiovisuel public ». Pourriez-vous nous donner des précisions sur les synergies avec France Télévisions ?
Madame Veil, une question d'ordre général : quelles sont pour vous les missions spécifiques du service public audiovisuel ? Quelles priorités voulez-vous mettre en avant pour montrer ses différences et ses qualités ?
Par ailleurs, quelle est votre méthode de gouvernance ? Comment comptez-vous additionner les talents ?
Enfin, comment envisagez-vous le financement de Radio France dans les années qui viennent ? Quelles sont vos priorités budgétaires ? Quelles économies avez-vous identifiées pour mieux investir dans l'avenir ?
Madame, je tiens tout d'abord à vous souhaiter une bonne réussite à la tête de cette très belle institution qu'est Radio France.
Le rapport d'exécution du COM affiche de beaux résultats : audiences en augmentation, rayonnement de France Culture, développement de l'audience de Mouv' auprès des jeunes. Occasion pour moi de saluer l'ensemble des salariés de Radio France qui ont contribué à ces succès.
J'aurai deux questions à leur sujet.
Comment envisagez-vous la concertation avec les personnels ? À la suite des annonces de Mme la ministre de la culture sur le rapprochement entre France Télévisions et Radio France, nous savons que des inquiétudes se sont fait entendre.
Compte tenu de l'augmentation des droits de retransmission des événements sportifs, France Télévisions est dans une position de retrait par rapport aux chaînes privées. La radio n'étant pas touchée par ce phénomène, quelle place prendra la diffusion des événements sportifs sur les antennes de Radio France ?
Madame Calvez, on n'évoque pas suffisamment, en effet, les radios associatives locales qui jouent un rôle très important sur les territoires en termes d'hyperproximité. Elles diffusent en effet vers des bassins d'auditeurs encore plus fins que ceux de nos quarante-quatre stations locales. Bien évidemment, en tant que service public, notre rôle est de soutenir ce maillage extrêmement fin et dense, qui a aujourd'hui toute sa place pour représenter les territoires et les Français, partout en France.
Nous faisons tout ce que nous pouvons pour faciliter le travail quotidien de ces radios : le réseau France Bleu s'y emploie. C'est aussi l'objet de la charte signée il y a six ans. Certes, son application n'a pas donné lieu à un bilan en tant que tel, mais des engagements sont suivis au quotidien, et je serai attentive à la manière dont les choses sont mises en oeuvre par les différentes stations de France Bleu sur le territoire. Je relève un engagement très important relatif aux manifestations rayonnant en hyperproximité : nous laissions les radios associatives assurer en premier la couverture de ces événements. Cela contribue à leur donner toute leur place, et permet de renforcer ce réseau de radios associatives, qui joue aujourd'hui un rôle important pour les Français. Je partage donc l'intérêt que vous portez à ce qui constitue, à mes yeux, un véritable enjeu.
Madame Duby-Muller, j'estime que les médias de proximité sont un enjeu démocratique. Ils permettent de représenter cette France périurbaine et rurale, qui a besoin d'avoir sa place dans le débat politique, dans le traitement des enjeux économiques, dans la diversité culturelle des territoires. Ces médias jouent donc un rôle majeur.
Nous nous employions à remplir ce rôle à Radio France, avec le réseau des quarante-quatre stations locales. Le fait que France Télévisions soit encore davantage présente en termes de proximité grâce à France 3, qui sera encore plus régionalisée, constitue un plus pour les Français. Nous réfléchissons avec l'ensemble du réseau local à des partages de contenus qui pourront favoriser cette présence de France 3.
Ces rapprochements existent depuis de nombreuses années s'agissant du numérique, et dans plusieurs départements et régions la proximité s'incarne déjà au travers de partenariats entre France Bleu et France 3. Cela a été le cas pour la couverture des élections présidentielles, par exemple, mais cela vaut aussi régulièrement pour des manifestations sportives et culturelles. En Bretagne, l'antenne locale de France 3 et celle de France Bleu Breizh Izel viennent par exemple de couvrir ensemble un festival musical. Nous avons des liens ; il faut que nous leur donnions plus de contenu dans une démarche partagée qui doit prendre en compte les enjeux différenciés selon les territoires.
Nous constatons avec le maillage de France Bleu que les demandes sont, par exemple, différentes selon que l'on a affaire à des stations d'agglomération ou à des stations rurales. Il nous faut construire une offre différenciée sur les territoires qui repose sur une proposition numérique commune plus puissante, conçue pour apporter des services supplémentaires aux citoyens.
Ces services peuvent reposer sur la mise en lumière des enjeux économiques, d'emplois ou de formation. Le 28 mai dernier, lors d'une journée commune, les antennes de France 3 et celles de France Bleu ont ainsi essayé de traiter ensemble tous les enjeux relatifs à l'apprentissage sur le territoire. Cela permet de donner un coup de projecteur d'autant plus fort qu'il allie les moyens des antennes radio, de la télévision et des différentes antennes numériques.
Je parle d'antennes numériques parce qu'il faut penser le numérique aujourd'hui comme une nouvelle antenne au travers des différents réseaux sociaux sur lesquels notre présence commune doit être forte. Nous y travaillons avec de nouvelles offres de proximité. J'emploie à dessein les mots « nouvelles offres », car ces dernières sont plurielles et qu'elles doivent être pensées par bassin de population.
Vous m'avez également interrogée sur la RNT. Il s'agit d'un enjeu important. Pendant longtemps, les acteurs de la radio ont pensé la RNT comme une extension du réseau et donc une concurrence nouvelle – la RNT permet d'accorder davantage d'espace à des radios qui ne sont pas très présentes aujourd'hui sur le réseau hertzien. En fait, la concurrence de demain se fera sur le numérique où nous serons confrontés à bien d'autres acteurs. La RNT doit plutôt être pensée par rapport à nos auditeurs : pour eux, elle représente une qualité de son très supérieure à ce que propose le réseau hertzien, mais également une qualité en termes de données associées et de descriptions de nos contenus.
C'est la raison pour laquelle il est important pour nous d'être aussi présents en RNT. Cette présence doit se penser sur la base d'un maillage national, mais aussi local – une nouvelle présence de FIP est par exemple prévue à Lille en RNT. Elle doit se penser en complémentarité par rapport à notre présence hertzienne, et elle doit se penser aussi avec l'ensemble des acteurs de la radio de notre pays. C'est pourquoi j'entends discuter de ce sujet avec les autres acteurs de la radio privée en France. L'une des difficultés importantes que nous rencontrons est liée au fait que, aujourd'hui, seulement 6 % des postes de radio sont équipés en RNT. Tant que la perspective du développement de cette diffusion n'est pas affichée clairement, il n'y a pas d'enjeu d'équipement pour les Français.
Cette question d'équipement constitue évidemment un enjeu économique, l'autre enjeu économique majeur étant celui du coût de la double diffusion. Il faut que nous trouvions, avec les autres acteurs de la radio privée, un modèle économique pour que la situation devienne économiquement supportable, car nous ne pouvons pas nous permettre de payer une diffusion à la fois sur le hertzien et sur la RNT.
Ce modèle est donc en construction. Nous devrons discuter de ses termes avec le CSA. Je suis, en tout cas, d'accord avec vous, madame Duby-Muller : il s'agit d'un mode de diffusion d'avenir, et il faut que l'on regarde aujourd'hui ce qui peut être fait, compte tenu de nos différents enjeux de concurrence et de l'amélioration des usages susceptibles d'être offerts à nos publics.
Vous avez enfin évoqué les requêtes vocales qui sont effectivement un enjeu très important. Le développement des enceintes connectées et des assistants vocaux redonnera une forte visibilité aux contenus vocaux, alors que, jusqu'à présent, la révolution numérique a été une révolution de la vidéo. Les radios ont évidemment un train d'avance en la matière puisqu'elles produisent des contenus. Il faut qu'elles conservent cette avance en continuant à produire des contenus adaptés. Nous l'avons fait à Radio France en commençant à constituer une offre de services de contenus vocaux pensés pour le numérique. Nous avons lancé des fictions purement numériques, comme le podcast natif produit par France Culture intitulé Hasta Dente ! Nous avons des offres de podcasts purement numériques mises en ligne par France Culture, et, plus récemment, par France Inter, avec un podcast politique conçu par Thomas Legrand : À la hussarde.
Nous devons développer ce type d'initiative. Bien évidemment, si nous voulons commencer à créer des contenus pensés pour le numérique qui ne soient pas une simple rediffusion de nos contenus radio, il faut des moyens de production spécifiquement dédiés. Il s'agit d'un chantier important qui porte sur nos outils de production et sur nos métiers. Si nous voulons nous transformer pour devenir un média numérique, il faut que nous pensions l'organisation complète de nos moyens de production pour produire à la fois pour la radio et pour le numérique. Il s'agit de l'un des enjeux de transformation auxquels nous sommes confrontés pour notre avenir.
Madame Pau-Langevin, le réseau Mouv' a une très forte originalité puisqu'il a vraiment été pensé pour s'adresser à des publics auxquels les autres médias ne s'adressaient pas. Il y a, en particulier, une jeunesse peu touchée par les autres médias : elle est souvent oubliée et nous avons essayé de nous adresser à elle en comprenant non seulement ses usages numériques, mais aussi ses codes culturels. Nous avons eu recours à des personnalités et à des incarnations qui lui parlent. C'est doublement vertueux puisque, grâce à ces incarnations, nous parvenons à toucher cette jeunesse et qu'en même temps nous lui donnons des signaux en montrant qu'il existe de vraies réussites sociales, par exemple de chanteurs. Cela montre à cette jeunesse que l'on peut sortir des quartiers et se projeter dans des réussites culturelles ou économiques. Nous essayons de valoriser et de mettre à notre antenne des profils qui incarnent des réussites pour ces jeunes. Il s'agit de l'un des éléments qui nous a permis de toucher ces jeunes et constitue un facteur clé du succès d'une antenne comme celle de Mouv'.
Aujourd'hui, j'estime que nous devons réfléchir à l'allocation des moyens du service public en direction de ces jeunes. Les moyens consacrés à une antenne comme Mouv' restent très limités. Si nous voulons toucher plus largement ces jeunes, il faut prioriser ce type d'offre qui s'adresse à des publics trop souvent oubliés. Il s'agit pour moi d'un enjeu de priorisation des moyens au sein d'un groupe de service public comme Radio France.
Les fake news constituent un enjeu d'actualité. Nous avons mis en ligne la semaine dernière une offre numérique spécifique avec l'ensemble des médias du service public audiovisuel : France Télévisions, l'INA, France Médias Monde, Arte et TV5. Chacun d'entre nous a sélectionné parmi ses offres d'éducation aux médias et de décryptage de l'information, celles qui peuvent contribuer à expliquer, à analyser les fausses nouvelles, et à comprendre la manière dont l'information se fabrique. Ces contenus apparaissent sur un onglet de la plateforme Franceinfo sous le titre Vrai ou fake. Nous leur donnerons la plus large publicité afin qu'ils soient connus du grand public et diffusés largement sur les réseaux sociaux. Ils proposeront un véritable décryptage et une aide à la compréhension de la fabrique de l'information, ainsi que des outils pour différencier ce qui est vrai de ce qui est faux. Nous portons par exemple une attention très particulière aux images : nous voulons essayer d'expliquer aux Français comment déceler une image qui comporte une fausse information. Je vous invite à regarder le très riche onglet qui se trouve sur l'application Franceinfo. Il apporte des contenus nouveaux de décryptage des fausses informations qui circulent sur le numérique.
La question des rapprochements entre France Bleu et France 3 est avant tout pour moi une question démocratique. Il faut que nous parvenions à bâtir une vraie offre de services publics de proximité. Elle comportera trois piliers qui se différencient très largement.
L'offre radio doit rester une offre d'hyperproximité, qui rend des services au quotidien dans l'interactivité et fait appel à la présence des auditeurs en ligne – nos matinales reflètent particulièrement cela.
L'offre de télévision sera opérée par France Télévisions sur un bassin beaucoup plus large, puisqu'il s'agit d'une offre régionale avec les antennes de France 3 dont le réseau correspond au maillage des treize régions administratives métropolitaines, et aux vingt-quatre antennes à dimension plus régionale. Cette offre est complémentaire de celle de la radio, et il faut que l'on favorise la complémentarité entre nos deux réseaux, car nous sommes confrontés à des enjeux différents, à des échelles différentes. Dans la région Aquitaine, selon que vous êtes à Pau ou à Bordeaux, les événements culturels, les centres d'intérêt, les enjeux économiques sont différents. Cette diversité des territoires doit s'incarner à la fois dans un maillage d'hyperproximité et dans une réflexion plus régionale. Certaines questions politiques s'incarnent au niveau régional : elles doivent pouvoir avoir par un écho régional grâce à l'offre de télévision. La convergence peut se faire plus facilement sur le numérique, qui permettra de donner à voir cette richesse des territoires à plusieurs niveaux, avec une présence très forte des journalistes.
L'information est effet l'un des piliers de nos différentes offres de service public et de nos forces. Le maillage de l'information dans le réseau de France Bleu, comme dans celui de France 3, est tout à fait inédit et apporte un contenu qui n'est fourni par aucun autre média en France aujourd'hui. Cette information nourrit aussi nos antennes nationales : ce que fait France Bleu aujourd'hui est réutilisé au niveau national par nos différentes chaînes, que ce soit France Info, France Inter ou les autres antennes. Elles développent des informations de proximité nourries par ce réseau et ce maillage très fin de nos antennes locales.
Monsieur Garcia, j'ai souvent évoqué le rôle de Radio France comme fer de lance de la mutation du service public audiovisuel, parce que j'ai la conviction que Radio France a fait un travail très important sur ses contenus et sur ses missions de service public. L'une d'entre elles, que je n'ai pas encore évoquée ce matin, consiste à créer du lien social et à fédérer. Une chaîne généraliste comme France Inter et les chaînes qui s'adressent à des populations plus spécifiques, comme France Bleu ou comme Mouv', ont vocation à créer du lien, à fédérer.
De ce point de vue, les différentes offres de Radio France, qui s'adressent à des publics spécifiques, qui traitent de thématiques de service public, qui sont des offres généralistes ayant vocation à créer du débat, à fédérer, à faire réagir les auditeurs sur des sujets d'actualité, des sujets de société, ont une valeur ajoutée aujourd'hui dans la création de liens, d'animation et de vie du débat démocratique. Je pense qu'il s'agit d'une dimension très importante qu'il faut que l'on fasse vivre, quels que soient les supports. Que ce soit sur nos antennes hertziennes ou sur les différentes offres numériques, il faut que nous arrivions à créer des agoras, des lieux de débats. Nos différentes chaînes de service public sont très bien positionnées pour cela aujourd'hui.
Elles sont également bien positionnées pour initier des coopérations avec les autres acteurs du service public. Nous nous y employons avec l'offre d'information Franceinfo, qui se fonde sur la radio France Info, créée en 1987, à laquelle a été donnée une seconde vie en tant que média global : numérique, radio, télévision. Nous le ferons aussi avec les offres culturelles de proximité en créant des médias globaux complémentaires des autres chaînes et entreprises du service public audiovisuel.
Monsieur Bournazel, la pérennité de l'exercice des missions de service public est un enjeu d'organisation et de financement. La trajectoire économique et financière des prochaines années est tout à fait déterminante. Nous ne pourrons bâtir une véritable stratégie et un vrai programme de transformation de nos offres, de nos métiers, de nos organisations que si nous avons une visibilité pluriannuelle. Nous ne pouvons pas nous contenter d'une visibilité au moment de la loi de finances, qui nous conduit à appliquer la logique du rabot, bien connue des administrations de l'État. Il faut que nous puissions bénéficier d'une véritable logique de transformation, comme ce qui se fait dans les entreprises, avec une visibilité sur notre trajectoire pour plusieurs années – c'est-à-dire en connaissant les moyens qui nous sont accordés, car cette trajectoire est avant tout financière.
Si nous avions une véritable visibilité de nos contraintes et de nos trajectoires budgétaires sur la durée, nous pourrions bâtir des accords avec les partenaires sociaux qui sont des interlocuteurs importants pour créer un consensus sur les évolutions de nos métiers et de nos organisations au sein des entreprises.
Madame Buffet, la concertation qui va être lancée – elle a été annoncée la semaine dernière – constitue un enjeu très important. Elle comporte deux aspects : un aspect « publics », et un aspect interne aux différentes entreprises. S'agissant des publics, il est important pour nous, en tant que média du service public audiovisuel, d'avoir un retour des attentes de nos auditeurs et de la manière dont ils nous perçoivent.
Je suis extrêmement sensible à cette question. Les audiences du média radio sont mesurées chaque trimestre grâce à des indicateurs quantitatifs pilotés par Médiamétrie, qui ne nous fournissent pas suffisamment d'informations qualitatives sur nos contenus et la manière dont ils sont perçus au regard de nos missions de service public et de nos différences par rapport aux autres acteurs médiatiques en France.
Il est important que nous développions un retour beaucoup plus qualitatif sur ce que nous sommes. La concertation publique qui sera lancée dans les prochaines semaines comportera, d'une part, une analyse qualitative de nos contenus auprès de l'opinion publique et, d'autre part, une dimension beaucoup plus participative qui sera mise en oeuvre à la rentrée autour des marques de nos différentes chaînes pour avoir un véritable retour de nos auditeurs sur ce que nous sommes, et la façon dont nous pourrions penser l'évolution de nos contenus et leur adéquation à l'évolution des usages des Français.
Ce « retour » des auditeurs est une nécessité démocratique pour un média de service public financé par une contribution à l'audiovisuel public. C'est aussi un enjeu de transformation interne.
La concertation doit également être interne, car la transformation de nos offres passe par celle de nos métiers et de nos organisations. Je mettrai à profit la très forte intelligence de nos différents collaborateurs pour penser cette évolution de nos métiers et de nos offres. Je veux le faire avec l'ensemble des collaborateurs de Radio France au travers d'une concertation qui s'organisera dans les différentes chaînes, en particulier dans le réseau France Bleu, réseau particulièrement impliqué dans la réforme de l'audiovisuel public. Cette concertation se déroulera de la façon la plus participative possible dans les prochaines semaines.
J'en viens enfin à la question relative aux événements sportifs. Il s'agit d'un élément important pour nos antennes, car le sport véhicule aussi des valeurs de lien social et d'engagement. Nos différentes chaînes sont particulièrement positionnées sur ces événements. Toutes les locales de France Bleu mettent en avant les manifestations sportives sur l'ensemble des territoires. Nos différentes chaînes, en particulier Franceinfo, sont aussi très présentes pour donner à voir l'ensemble des manifestations sportives. J'ai par exemple signé hier une convention avec la fédération française de handball afin que nous puissions montrer l'Euro de handball féminin. Nous devons promouvoir l'ensemble des compétitions sportives dans toutes leurs diversités. Nous sommes aussi très impliqués dans les manifestations de handisport.
Madame, vous avez répondu à la question que je souhaitais vous poser sur la RNT, ainsi je serai bref. J'en profite pour rappeler qu'il serait bon que nous respections tous la règle que nous nous étions fixée afin de ne poser qu'une seule question par député.
Nous soutenons tous les beaux projets de rapprochement et de démarches transversales entre Radio France et France Télévisions, dont vous nous parlez après la ministre elle-même, mais ils doivent s'accompagner d'équipements structurants. De façon très pragmatique et concrète, où en sommes-nous des travaux du bâtiment de la Maison de la radio ? S'agissant toujours des équipements structurants, en région, comment imaginez-vous les rapprochements entre Radio France et France Télévisions ?
Lors de son audition par notre commission, le 26 juillet dernier, M. Mathieu Gallet, votre prédécesseur, nous indiquait que la situation financière de Radio France était très dégradée, et que le retour à l'équilibre se ferait en 2018. Êtes-vous désormais à l'équilibre ?
Vous avez parlé de France Bleu et France 3. Connaissant la région Nouvelle-Aquitaine, j'ai pu constater que les difficultés de France 3 venaient du fait qu'elle rassemble ses agences, et que le maillage du territoire disparaît. France Bleu est peut-être désormais le support qui permettra d'assurer une présence sur les territoires et dans les communes. France 3 ne pourrait-elle pas se servir de France Bleu pour essayer de garder un pied dans certains territoires ?
Je souhaitais savoir comment assurer la transition de l'hertzien au numérique terrestre en préservant l'accès d'écoute pour tout un chacun, avec une diffusion hertzienne qui reste très forte, et comment préserver l'équilibre économique et humain de l'entreprise. Interrogée par ma collègue Virginie Duby-Muller, vous avez déjà apporté une réponse, en particulier en évoquant la future concertation. Je vous en remercie.
S'agissant du rapprochement entre les stations locales de France Bleu et celles de France 3, vous avez évoqué la complémentarité et le fait qu'un nouveau service public de l'audiovisuel de proximité, média de la première heure, nécessite une très grande réactivité.
Le volume quotidien actuel des programmes locaux de France Bleu s'élève à dix heures, alors qu'il n'est que de trois heures sur France 3. Un objectif volontariste d'augmentation de ce volume horaire est bien fixé pour France 3 : cela se traduira-t-il concrètement par la diffusion d'émissions de radio filmées ? Vous voulez expérimenter ce dispositif en Provence ou en Île-de-France à la rentrée, mais il faut bien reconnaître que les programmes de télévision consistant à filmer la radio ne sont pas ceux qui suscitent aujourd'hui le plus d'intérêt.
Allons-nous vers une rationalisation et un regroupement des rédactions, des journalistes et des locaux ? À Saint-Étienne, les locaux de France 3 et de France Bleu se situent à cent mètres de distance. Il peut être tentant, pour quelqu'un qui regarde cela d'en haut, de se dire : regroupons les locaux, regroupons les journalistes, et on fera des économies de moyens !
Enfin, le président de l'amicale parlementaire de handball que je suis vous félicite pour avoir conclu un partenariat avec la Fédération française de handball.
Il a déjà été répondu à la question que je souhaitais poser sur les différences assez nettes dans le maillage territorial de France 3 et de France Bleu.
Radio France doit relever un nouveau défi à l'heure numérique, qui concerne plus spécifiquement des jeunes ayant moins le réflexe d'allumer un poste de radio que celui de naviguer sur le web ou de se rendre par exemple sur YouTube. Quelles armes allez-vous affûter pour relever concrètement ce défi ?
Madame la présidente, je veux vous parler de la gouvernance de l'audiovisuel. Dans leur rapport de 2015, intitulé Pour un nouveau modèle de financement de l'audiovisuel public : trois étapes pour aboutir à la création de « France Médias » en 2020, les sénateurs Jean-Pierre Leleux et André Gattolin formulaient un certain nombre de propositions qui, selon moi, restent d'actualité.
Seriez-vous favorable à celle relative au regroupement de l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel public au sein d'une nouvelle entité, qui pourrait être dénommée France Médias, dont le président-directeur général serait nommé par l'instance de direction collégiale, conformément au droit commun des entreprises ? Autrement dit, êtes-vous favorable à la formation, à un horizon de cinq ans, d'une holding qui pourrait chapeauter l'audiovisuel public ?
Je reviens pour ma part sur la maîtrise de la masse salariale. Le rapport d'orientation montre qu'en 2017 la masse salariale ne diminue pas, mais qu'au contraire elle augmente, contrairement aux objectifs de stabilisation. Comment expliquez-vous cette « dérive » ? Quel est votre objectif de baisse ou de maîtrise de cette masse salariale pour les deux prochaines années ?
Madame, je ne vous ai pas entendue mentionner Radio France Internationale. Comment voyez-vous aujourd'hui RFI et son évolution ?
Par ailleurs, en tant qu'auditeur, je suis toujours un petit peu inquiet de l'évolution de la présence de la publicité sur les antennes de ma radio favorite, et je souhaitais savoir comment cela va évoluer.
L'audiovisuel public se caractérise par une politique de l'offre, alors que l'audiovisuel privé est beaucoup plus marqué par une politique de la demande. Comment entendez-vous développer encore davantage la diversité culturelle dont vous avez un peu parlé en évoquant Mouv' et la représentation de l'ensemble de la population française et des publics ? Concrètement, quelles seraient les pistes pour poursuivre dans cette voie ?
Je pense aussi à la diffusion de la musique. Vos radios ne sont pas soumises aux quotas de diffusion de musiques francophones, contrairement à l'audiovisuel privé, mais des engagements sont inclus dans votre cahier des charges : la question de la diversité est-elle aussi un point important ?
Plusieurs questions m'ont été posées sur France Bleu et France 3, auxquelles je vais tenter d'apporter une réponse globale.
Il y a évidemment l'enjeu de la complémentarité. Une chaîne de télévision doit pouvoir rencontrer un public sur un bassin suffisamment large pour obtenir une audience qui corresponde à des modèles de production qui comportent un coût beaucoup plus important que celui d'une radio – d'où l'importance de penser notre offre en termes de complémentarité.
Alors qu'il existe des radios d'hyperproximité, les chaînes de télévision de proximité doivent se construire dans un bassin plus large, qui soit davantage à dimension régionale, pour pouvoir toucher un nombre suffisant de téléspectateurs, et justifier les moyens consacrés à cette offre de télévision.
Les programmes construits et diffusés par Radio France sont pensés pour l'hyperproximité et pour un média d'interaction. Il est évident que filmer la radio ne fera pas d'audience sur une chaîne de télévision. Nous devons nous interroger sur les contenus de la radio qui peuvent nourrir des chaînes de télévision régionales, et se mettre en image pour devenir des programmes qui rencontrent vraiment un usage et des téléspectateurs. Voilà le défi que nous devons relever.
Nous disposons de contenus très divers, en particulier des contenus d'information. Il nous faut voir quels contenus le réseau de France Bleu peut apporter à France 3 pour nourrir l'augmentation du volume d'heures de télévision régionale – vous l'avez dit, un objectif a été fixé la semaine dernière consistant à passer de deux heures de diffusion locale quotidienne à six.
France Bleu dispose de contenus diversifiés et nombreux avec des programmes d'information, des programmes politiques, des programmes culturels, des programmes concernant la vie quotidienne, qui peuvent nourrir une offre de télévision. Bien évidemment il faut « rééditorialiser » cette offre de service public, et la penser pour qu'elle recouvre une audience, sans cela elle n'aura pas de téléspectateurs. C'est tout l'intérêt de commencer de manière très pragmatique par des expérimentations.
Avec tous les contenus que France Bleu pourra apporter pour nourrir les chaînes de France 3, nous essayerons d'imaginer la meilleure manière de participer à cette offre nouvelle à l'échelle du service public audiovisuel.
Il faut aussi tenir compte de la problématique immobilière. Aujourd'hui, deux réseaux coexistent. Le réseau immobilier de France 3 est la propriété de France Télévisions, alors que celui de France Bleu répond à un schéma locatif. Parmi les quarante-quatre stations locales de France Bleu, on compte en moyenne un ou deux déménagements par an – ce qui signifie que la durée moyenne d'implantation est d'environ vingt ans. Si nous devions déménager toutes les stations de France Bleu ou de France 3, nous ferions face à des coûts absolument prohibitifs en termes d'investissements et de fonctionnement. Nous devons donc penser de manière pragmatique. C'est ce que nous avons commencé à regarder avec France Télévisions. Dans les agglomérations où France 3 et France Bleu sont présentes, nous pouvons envisager un rapprochement des réseaux, mais uniquement à la faveur d'un déménagement. Vous vous doutez que ces déménagements sont réalisés au compte-gouttes, en fonction d'enjeux de sécurité, d'environnement ou d'amélioration des conditions de travail des collaborateurs. Nous croisons les informations dont nous disposons avec France Télévisions et allons progressivement traiter cette question immobilière, de manière pragmatique, afin qu'elle ne pèse pas trop lourdement sur les finances publiques.
Vous m'avez également interrogée sur le chantier de réhabilitation de la Maison de la radio. C'est un dossier sensible pour Radio France, d'autant plus qu'il pèse lourdement sur sa trajectoire financière. Dans les années 2000, en réponse aux injonctions de la préfecture de police en matière de sécurité incendie, des investissements publics très conséquents ont été consentis. Le désamiantage du bâtiment a renchéri le coût du chantier, d'autant plus que l'opération se déroule en site occupé : Radio France continue à travailler sur ce site historique et patrimonial : il est à la fois symbolique du service public audiovisuel – c'était le site de l'ancien Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) – et emblématique des années 1960, puisqu'il est labellisé « Patrimoine du XXe siècle » et inscrit au titre des monuments historiques.
La réhabilitation en site occupé constitue une difficulté d'autant plus importante que nous produisons du son… En conséquence, la conduite des travaux nécessite des aménagements très conséquents, qui se sont traduits par une évolution du calendrier par rapport aux objectifs d'achèvement initialement envisagés.
Un deuxième élément a conduit à rallonger le planning des travaux : à l'origine, une partie du bâtiment – les « studios moyens » – avait été exclue de la réhabilitation pour des raisons budgétaires. En 2016, nous avons été autorisés à étendre le chantier à ces studios – de nouveaux travaux bruyants à la fin du premier chantier nous auraient contraints à déménager à nouveau toutes nos antennes.
La réalisation concomitante des deux chantiers permet de mieux les phaser, mais les prolonge également sur les prochaines années. Une expertise indépendante a été conduite par M. Jean-Pierre Weiss, missionné par l'État. Il a réfléchi à la meilleure façon de coordonner ces deux chantiers de rénovation, en maîtrisant le calendrier d'exécution et donc les coûts.
Depuis l'origine, le chantier est particulièrement suivi par la Cour des comptes. Les réorganisations opérées au cours des dernières années visent à renforcer notre contrôle interne, tout en maîtrisant les coûts, la qualité et les délais de l'opération. J'ai été particulièrement vigilante sur ce triptyque au cours des dernières années et le serai toujours dans les prochaines.
Vous m'avez également interrogée sur notre trajectoire financière. En 2014, un effet de ciseaux entre les charges et les recettes avait été identifié dans le rapport de la Cour des comptes, le déficit prévisionnel étant évalué en 2015 à une vingtaine de millions d'euros. La trajectoire du COM 2015-2019 a été bâtie pour permettre un retour à l'équilibre de l'entreprise, qui s'appuie sur une stratégie d'économies au sein de l'entreprise et de stabilité de la ressource publique, l'évolution de fin de période permettant d'absorber la hausse des coûts du chantier de réhabilitation au sein de notre budget de fonctionnement. Cette trajectoire a été plus que respectée par Radio France : chaque année, le déficit exécuté a été inférieur à celui prévu dans le COM. Nous nous sommes donc pleinement engagés dans le redressement de la situation financière.
Radio France a réalisé des économies importantes sur l'ensemble de ses charges : réduction de ses charges externes, grâce à une politique d'achats extrêmement vigilante et une remise en concurrence de l'ensemble des champs de dépense de l'entreprise, mais également maîtrise de la masse salariale. En effet, comme dans tous secteurs, notre masse salariale est soumise à une dynamique propre, liée au glissement et à l'ancienneté des différents collaborateurs. Cette maîtrise est passée par des départs non remplacés. La trajectoire de non-remplacement des départs a été respectée : un départ sur deux devait ne pas être remplacé pendant deux années, puis un départ sur trois. Le rythme de réalisation de ces non-remplacements a été plus long que prévu mais, au terme des trois dernières années – 2016, 2017, 2018 –, l'objectif aura été atteint en termes de réduction des contrats à durée indéterminée, sans évolution de périmètre, donc grâce à des gains de productivité et des réorganisations, qui ont conduit à une amélioration du fonctionnement de l'entreprise.
La création de l'offre numérique et télévisée de Franceinfo a en partie incombé à Radio France : plusieurs émissions de radio, représentant quatre heures de programmes par jour, sont doublement diffusés, en radio et en télévision. La création de ces images, là où auparavant nous ne faisions que du son, a impliqué des recrutements qui ont évidemment pesé sur la masse salariale, mais ne se sont pas traduits par un dérapage du déficit. Cela signifie que des redéploiements importants ont été opérés pendant toute la période.
Vous m'avez également interrogée sur la maîtrise du recours aux CDD. Ces contrats sont consubstantiels au secteur de la radio, qui fonctionne sept jours sur sept. Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas remplacer les personnels qui passent à l'antenne. Les importantes réorganisations que nous avons opérées nous ont permis de maîtriser ces remplacements lors des congés, mais ce n'est pas suffisant. Nous devons continuer dans cette voie, afin que notre organisation nous permette de mieux maîtriser dans la durée le recours à ces contrats.
Mme Berger m'a posé une question importante sur les caractéristiques des médias de service public : ce sont des médias d'offre et non de demande. Ils ont un rôle fondamental de prescription culturelle. Nos différentes antennes – France Culture, France Inter, France Musique et FIP – soutiennent fortement la création musicale en France. France Inter est le premier prescripteur culturel en France pour les oeuvres littéraires ou cinématographiques, ainsi que pour les pièces de théâtre. Nous soutenons la création en lui apportant une forte visibilité.
Ce rôle de prescription est essentiel et le numérique est un levier formidable en la matière : il permet de créer des recommandations intelligentes, de donner à voir encore plus largement la création, la connaissance ou le patrimoine. Ainsi, nos offres donnent une nouvelle vie aux archives ou présentent l'ensemble des productions musicales des différentes antennes réalisées par nos formations musicales. Grâce à ces offres, nous contribuons à la politique culturelle et la démocratisation de la culture en France.
C'est très important alors que les médias sociaux enferment les Français dans des bulles cognitives, les algorithmes « personnalisés » de recommandations leur donnant toujours à écouter les mêmes titres musicaux et à voir les mêmes types de contenus. En tant que service public, notre rôle est de créer davantage de références communes, avec le souci d'élargir l'horizon culturel des Français.
En matière de création musicale, nous ne sommes pas soumis aux mêmes quotas que les acteurs privés. Des objectifs précis et chiffrés sont fixés dans les cahiers des missions et des charges de chacune de nos antennes : ainsi, France Bleu doit diffuser plus de 60 % de titres francophones ; France Inter doit soutenir la création par la diffusion de jeunes talents. Le soutien va donc à la création, à la diversité et à la musique francophone.
Concernant la publicité, nous représentons une part extrêmement modeste du marché publicitaire en France. Nous sommes soumis à des limitations, à la fois en volume et en valeur, sur les différentes antennes autorisées à diffuser de la publicité. Nos recettes publicitaires sont plafonnées à 42 millions d'euros sur les antennes hertziennes. Notre chiffre d'affaires publicitaire numérique est extrêmement modeste – autour de 3 millions d'euros. Nous respectons scrupuleusement ces limitations, mais cela conduit à une gestion très administrée de la publicité : nos équipes passent plus de temps à calculer ces volumes et à vérifier le chiffre d'affaires qu'à essayer de trouver de nouveaux clients…
En 2016, l'élargissement du périmètre des entreprises et organisations autorisées à faire de la publicité sur nos antennes a eu une vertu importante, celle de stabiliser les recettes publicitaires. En effet, nous sommes devenus moins dépendants de certains secteurs.
Nous diffusons également largement les messages d'intérêt général transmis notamment par le ministère de l'intérieur – sur les questions de sécurité par exemple – mais également par le ministère de la santé, en matière de santé publique.
Vous m'avez interrogée sur la gouvernance de l'audiovisuel. Cette question d'organisation est légitimement posée, notamment par le rapport du Sénat auquel vous faites référence. Il faut la traiter en s'interrogeant tout d'abord, comme cela a été le cas au cours des derniers mois, sur les missions du secteur public audiovisuel. La gouvernance devra ensuite être organisée pour les atteindre, puis la trajectoire financière évaluée.
Quelles sont ces missions ? Je l'ai dit, il s'agit de missions de service public, liées à une forte exigence démocratique : l'évolution des usages doit nous permettre de toucher un public plus large. Mais comment s'adresser à tous les publics ? Comment continuer à renouveler et élargir nos publics ? Comment rajeunir nos audiences, au-delà du média générationnel, très bien positionné, que constitue Mouv' ? C'est le défi de Radio France. Nous devons nous adapter aux usages de toutes les générations, comprendre quelles sont les attentes de service public de nos concitoyens, puis nous organiser pour y répondre le plus efficacement possible. Les coopérations, comme le projet Franceinfo par exemple, répondent à cet objectif. Dans le même ordre d'idée, nous réfléchissons à des modalités de coopération culturelle et travaillons avec l'actionnaire public à la création d'un média global de proximité. Nous continuerons à coopérer sur tous les sujets de politiques publiques qui seront identifiés.
Peut-être pourrez-vous revenir, lors de vos prochaines réponses, sur la question de M. Juanico concernant les rapprochements entre rédactions locales ?
Vous avez abordé la mue de la radio vers la vidéo. Un renforcement de l'information de proximité a été annoncé par la ministre, sur lequel vous travaillez. Nous sommes un certain nombre à avoir effectué un déplacement de terrain auprès des équipes de France Bleu et avons pu constater qu'elles s'étaient petit à petit dotées d'équipements de captation vidéo. Comment vous situez-vous dans la stratégie de renforcement de cette offre de proximité ? Ces contenus sont-ils exclusivement destinés à alimenter internet et les réseaux sociaux ou pourraient-ils, à terme, contribuer au renforcement des contenus des plages régionales de France 3 ? En effet, France Bleu dispose d'un réseau très dense en région.
Vous avez constaté les inquiétudes liées au rapprochement de France Bleu et France 3. Je suis séduit par votre discours sur l'enjeu démocratique et le maintien des quarante-quatre réseaux de France Bleu, dans un souci de proximité, voire d'hyper-proximité. À l'inverse, France 3 se positionne plutôt sur les grandes régions. J'espère que vous pourrez défendre votre point de vue et que les antennes de France Bleu ne subiront pas le même sort que les députés : une réduction de leurs effectifs couplée à un accroissement du périmètre à couvrir…
Ma question concernera les langues régionales : quelle est votre politique en la matière ? L'Alsace compte encore 600 000 locuteurs. Vous estimez qu'il faut rajeunir les auditeurs, mais n'oubliez pas les seniors, qui pratiquent beaucoup les langues régionales ! On peut comprendre que France Bleu Elsass ne soit plus diffusée sur les ondes moyennes, mais maintiendrez-vous ses émissions sur la bande FM ?
Dans son discours sur la réforme de l'audiovisuel public, Françoise Nyssen rappelait les propos courageux tenus par Delphine Ernotte en 2015, qui déplorait que les postes à responsabilité dans le secteur de l'audiovisuel soient le plus souvent occupés par des hommes blancs de plus de cinquante ans. Signe que les temps ont changé, vous avez été nommée en avril dernier à la tête de Radio France, ce dont je me réjouis.
Alors qu'en mars 2017, à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, Radio France s'engageait symboliquement à faire progresser la présence des femmes sur ses antennes, je souhaiterais connaître les résultats obtenus par votre entreprise, tant en matière d'offre radiophonique que de politique de ressources humaines : quelles sont les actions menées ou à venir en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, le Président de la République ayant souhaité que cette grande cause soit une des priorités de son quinquennat ?
Comment comptez-vous valoriser la spécificité française que constitue France Culture ? Cette antenne, exclusivement dédiée à la culture, est une singularité en Europe et une fierté pour la France.
Ma deuxième question concernera la gratuité des contenus. Vous vous êtes fixé un objectif : sortir de la culture de la gratuité, pour mieux valoriser les activités et prestations réalisées par Radio France. Quel sera votre modèle économique ? S'achemine-t-on vers du « freemium », avec un service de base gratuit et des services payants haut de gamme ? Comment pourrez-vous alors attirer un public plus jeune ?
Comme mon collègue, je m'intéresse aux langues régionales : comment inclure les outre-mer dans votre réflexion – outre-mer pour qui nous sommes d'ailleurs l'outre-mer ?
Dans votre rapport d'orientation 2018-2023 pour Radio France, vous précisez que vous comptez faire de France Bleu un des piliers du nouveau service public audiovisuel de proximité, aux côtés de France 3. Mes collègues l'ont déjà évoqué, cette hypothèse inquiète les personnels. Je voulais en savoir un peu plus, mais vous avez largement répondu à cette question. Je vais donc vous en poser d'autres.
Les objectifs d'audience 2017 n'ont pas tous été remplis : France Bleu s'est maintenue à 6,8 % d'audience alors que l'objectif était de 7,6 %. Comment l'expliquez-vous ?
Mon territoire fait partie d'un dispositif de sûreté et sécurité nucléaires comprenant un système d'alerte. Or, France Bleu Cotentin est diffusée seulement sur les deux tiers du département. Sur un tiers du territoire, les habitants ne peuvent pas entendre ce message d'alerte. Cela pose problème au regard de la sécurité et des missions de service public de proximité de France Bleu Cotentin. Des investissements vont-ils être réalisés ?
Une remarque liminaire pour commencer : cessons de parler des « hommes blancs de plus de cinquante ans » à propos de l'audiovisuel public dans cette commission. Cette expression malheureuse a encore été récemment employée. Il faudrait sortir du communautarisme !
Ensuite, sur le sujet qui nous réunit, madame la présidente, je vous remercie de la qualité de vos réponses. Ma question portera sur le numérique. Vous le savez, l'accès à internet n'est pas homogène sur le territoire. Le 14 janvier dernier, le Gouvernement a signé un accord avec l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et les opérateurs mobiles, afin d'uniformiser cet accès d'ici 2020. Constatez-vous une consommation divergente des oeuvres numériques entre zones urbaines et rurales les plus isolées ? Comment le service public de la radio compte-t-il développer son offre, parallèlement au déploiement de l'internet haut débit ? Comptez-vous par exemple proposer des offres numériques plus centrées sur des thématiques territoriales ?
Madame Veil, je vous remercie pour cette présentation exhaustive du groupe Radio France. L'information dispensée par votre groupe – en particulier France Info – est considérée par une large majorité d'auditeurs comme crédible. C'est un atout considérable, à un moment où la confiance des citoyens dans la qualité de l'information s'érode parfois. Début 2016, France Info a lancé une agence d'information interne à la rédaction – l'Agence France Info – qui centralise les informations avant publication. Je salue cette innovation. Pourrait-elle être renforcée ? Peut-on par exemple imaginer que les citoyens – notamment les jeunes générations – saisissent directement cette agence par le biais des réseaux sociaux, afin qu'elle vérifie des informations qui circulent sur internet, sur le modèle de ce que font déjà d'autres journaux du quotidien ?
Ma question a déjà été posée, mais je profite de cette prise de parole pour vous remercier : grâce au numérique, je dispose enfin de la radio !
Les rédactions locales sont une des grandes forces des deux réseaux, France Bleu et France 3. Nos journalistes sont présents sur tout le territoire, peuvent donner à voir ce qui s'y passe et relayer l'information locale. Cela nourrit non seulement notre offre de proximité – France Bleu pour Radio France – mais également les autres antennes des groupes. Au sein de chaque groupe, les rédactions se coordonnent et, s'agissant de Radio France, les informations délivrées par les stations locales de France Bleu sont transmises à l'agence de vérification de France Info qui les rediffuse ensuite auprès des différentes antennes du groupe. C'est un enjeu fort d'organisation. Nous nous appuyons sur le maillage très important des journalistes de France Bleu sur tout le territoire. France 3 dispose également d'importants effectifs de journalistes locaux, les principales tranches régionales diffusées par la télévision étant les informations.
Nous allons analyser ces complémentarités. De ce contexte, monsieur Attal, nos rédactions doivent être « agiles » et travailler selon les modèles de production de l'ère numérique. Les contenus sont certes pensés pour le média radio, mais les supports et les formats – notamment à France Bleu – doivent pouvoir être diffusés en numérique sur des smartphones. Cela nous permet d'être présents partout et d'être là pour capter l'information de proximité. Cette proximité avec l'actualité des territoires fait notre force : nos contenus et nos images sont souvent réutilisés sur les antennes de certains de nos concurrents privés.
Dès 2015, le projet de chaîne d'information continue de service public se voulait une réponse à la diffusion massive des images captées par le réseau de France Bleu sur les antennes des chaînes privées d'information continue.
La complémentarité des réseaux, ce n'est pas seulement la double diffusion radio-télévision. À l'étranger, certains pays ont suivi cette voie, mais ils sont isolés. À l'inverse, la British Broadcasting Corporation (BBC) pense ses contenus pour une diffusion à 360° – radio, numérique, télévision. Nous devons tendre vers ce modèle, afin que nos contenus d'hyper-proximité irriguent tous les supports.
Les équipes et les moyens de production sont désormais organisés dans une logique économique soutenable, pour nourrir cette offre renforcée. Nous disposons de tous les outils pour être imaginatifs, créatifs et audacieux. Nous reste à opérer cette mutation.
La diversité sur nos antennes est un enjeu majeur pour nous. Elle passe par la parité et la représentation des différentes origines et des différents milieux sociaux. En tant que média de service public, nous avons l'obligation de donner à voir la diversité sous toutes ses formes non seulement sur nos antennes mais aussi au sein de nos équipes. Un travail formidable a été mené ces dernières années pour augmenter le nombre de femmes présentes au sein des différentes chaînes. Il y a donc désormais chez Radio France autant – voire plus – de directrices d'antenne que de directeurs. La présence des femmes aux postes de responsabilité est très marquée. Il faut qu'elle le soit à tous les échelons, mais il faut aussi trouver un équilibre non seulement entre les hommes et les femmes, mais aussi entre les différentes origines. C'est un objectif très important que j'ai eu l'occasion d'affirmer lorsque j'ai présenté mon projet devant le CSA et au respect duquel je veillerai tout au long de mon mandat. Il s'agit de donner à voir la diversité de la société française. Je renforcerai les différentes initiatives qui ont été prises en la matière ces dernières années.
France Culture a effectivement une spécificité qu'il faut continuer à valoriser puisque c'est la seule offre culturelle vingt-quatre heures sur vingt-quatre en France, en Europe et sans doute dans le monde. Le numérique nous permet de mettre en valeur cette offre – y compris dans le champ de la production puisque France Culture est à la fois un diffuseur et un producteur de contenus culturels. J'ai parlé dans le cadre du projet stratégique que j'ai présenté devant le CSA de sortir de la gratuité : il s'agit aussi de faire de la Maison de la radio, lieu de production unique, un lieu de valorisation du savoir-faire des productions. Il faut montrer ce que le service public sait faire et je souhaite développer le label « Studio Radio France » qui puisse être un facteur de développement de nos ressources propres ainsi que d'innovation et de création à Radio France. Cette innovation et cette création doivent selon moi également passer par la mise en place d'un incubateur de jeunes talents qui nous permette de faire venir les jeunes à la Maison de la radio, de valoriser toutes les créations et la diversité dans ces créations, de soutenir cette jeunesse qui a beaucoup d'idées et de la rendre plus présente sur nos antennes. Cela peut permettre à ces dernières d'être mises en contact avec des jeunes qu'elles n'auraient pas l'occasion d'identifier autrement.
Les langues régionales sont évidemment une richesse de notre patrimoine. En Alsace, avec France Bleu Elsass, nous continuons à soutenir la langue régionale grâce à une offre numérique riche et dense. Nous en faisons autant en Bretagne, en Corse et dans d'autres régions. C'est une mission importante de Radio France que nous continuerons à développer, le numérique étant à cet égard un levier de valorisation comme il l'est pour d'autres offres très spécifiques du service public.
France Bleu n'a pas à rougir des audiences qu'elle a eues lors des dernières saisons : le niveau est en hausse et a atteint les 7,1% sur l'ensemble du réseau lors de la dernière vague. Nous devons continuer à faire progresser l'audience sur ces antennes, mais France Bleu est aujourd'hui la sixième radio de France. C'est un bon résultat, que je tiens à valoriser devant vous. Il faut rappeler que ces audiences sont très diverses sur le territoire. Dans certaines zones, France Bleu est la première ou la deuxième station. Dans d'autres zones, elle est essentiellement écoutée dans les agglomérations – où les Français sont beaucoup plus enclins à écouter des radios plus généralistes. France Bleu y est donc en concurrence avec France Inter, France Info et l'ensemble des radios privées à couverture nationale.
Tout dépend des attentes des Français – dont les habitudes diffèrent selon les zones du territoire – et du type de population auquel on s'adresse. Il y a une dichotomie entre les populations urbaines et les populations périurbaines et rurales. Il faut tenir compte de chacune de ces populations et répondre à chacune de leurs problématiques, y compris dans leurs modes d'écoute. Certaines populations utilisent beaucoup plus le numérique que d'autres. Aujourd'hui, je suis dans l'incapacité de savoir si l'écoute en numérique se fait plutôt dans les zones rurales et périurbaines ou dans les agglomérations, mais c'est un véritable enjeu puisque l'égalité sur le territoire passe aussi par l'égalité de la diffusion. Il y aura toujours une partie des Français qui voudra continuer d'écouter la radio sur un poste FM. Il faut veiller à ne pas perdre ces auditeurs, et il ne faut donc pas aller plus vite que l'évolution des usages. Les usages numériques sont importants, mais c'est souvent autre chose que les Français viennent chercher quand ils écoutent la radio par voie numérique – d'autres types de contenus et une autre manière de consommer les médias. Cette autre manière de consommer les médias s'ajoute, sans s'y substituer, aux modes d'écoute beaucoup plus traditionnels.
Les évolutions des usages s'accélèreront sans doute dans les prochaines années. Il faut y être attentif pour les anticiper et les accompagner, mais il faut aussi penser à tous les Français qui gardent un mode d'écoute plus traditionnel. Nous devons concevoir nos offres par rapport aux enjeux territoriaux, et je crois beaucoup en ce que va permettre la géolocalisation : nous allons pouvoir proposer à ceux de nos auditeurs qui nous écoutent par voie numérique des contenus géolocalisés. Nous allons ainsi jouer notre rôle de prescripteur culturel en mettant en avant les offres culturelles des territoires et leurs manifestations sportives. C'est en cela que le numérique peut nous permettre d'améliorer la manière dont nous nous adressons aux Français. Nous pourrons ainsi recommander des contenus en adéquation avec les préoccupations des Français dans leur environnement immédiat. Il faut penser le numérique non pas comme se substituant à un autre mode d'écoute, mais comme un moyen d'offrir de nouveaux services à nos auditeurs.
La crédibilité de l'information est un enjeu très important du service public sur nos différentes antennes. Plusieurs de nos antennes apportent une information de qualité : c'est le cas de France Bleu et de France Inter. Quant à France Info, elle est très identifiée comme apportant de l'information en continu et incarne la confiance dans l'information. Il faut qu'on s'appuie sur cette confiance car elle permet de nourrir une relation avec nos auditeurs qui s'inscrive dans la durée. Elle nous permet de leur donner à voir les débats qui se nouent sur les questions d'actualité. France Info et France Culture ont récemment créé un podcast intitulé Les Idées claires, visant à donner un éclairage au travers des savoirs, de la science et de la connaissance sur les sujets qui font débat et qui donnent lieu à des rumeurs diverses sur différentes plateformes et sur les réseaux sociaux. Il peut s'agir par exemple des évolutions du climat ou de la nourriture bio – sujets à propos desquels on peut lire des contre-vérités sur de nombreux supports. C'est notre rôle de service public que d'apporter la connaissance en fédérant toutes les expertises sur un sujet. C'est un enjeu démocratique très important. Ce podcast sera disponible dans un nouvel onglet du site Franceinfo intitulé Vrai ou fake.
L'interactivité, qui permet aux citoyens de nous interroger sur ce qui est vrai ou faux, fait partie des piliers de cette nouvelle offre. Certains Français nous font ainsi remonter qu'ils sont informés de tel événement de manière à ce que nous puissions, nous, apporter une expertise. La semaine dernière, un incident important à Londres a été annoncé en primeur sur le site de France Info par des citoyens français présents sur place. Cela a permis à nos journalistes de vérifier l'information et d'expliquer ce qui s'était produit. C'est une nouvelle manière de jouer notre rôle de média. Cette interactivité est un ressort très important d'évolution sur lequel il faut s'appuyer. Il faut comprendre le nouveau rapport que les Français – de toutes les générations d'ailleurs – veulent avoir à l'égard des contenus. Nous ne sommes plus dans une relation passive et verticale, mais dans une société où les gens interagissent, se positionnent, questionnent les contenus et veulent pouvoir interagir avec les médias.
Je voudrais tout d'abord mettre en avant le travail remarquable qui a été fait jusqu'à présent pour adapter Radio France au monde de demain – nous l'avions souligné dans notre rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2018. Je voudrais aussi vous remercier de vos réponses extrêmement rassurantes qui remettent un peu de complexité dans un débat souvent réduit dans son expression. Vous avez mis en exergue la méthode et le temps de la transformation, le fait de partager le projet à l'intérieur de l'entreprise et de faire réagir les auditeurs. Vous avez parlé de visibilité, de pérennité, de contenus à 360 degrés, de continuer à s'adresser à tous les publics, de pratiquer l'expérimentation, de la complémentarité et de la spécificité des antennes. Comme vous le savez, j'ai remis une contribution à ce sujet allant dans ce sens.
Avez-vous une idée de l'impact du chantier de la Maison de la radio sur les coûts d'investissement mais aussi sur les coûts de fonctionnement de Radio France ? L'étude de M. Jean-Pierre Weiss pourra-t-elle nous être remise, comme Mme la ministre de la culture s'y est engagée auprès du Sénat lors de sa récente audition ?
Madame la présidente, dans l'introduction de votre rapport d'orientation, vous évoquez la perte de confiance dans les médias de la part des citoyens et vous prenez en exemple le cas de la votation suisse relative à la fin de la redevance. Une étude analysant le scrutin a posteriori a démontré la confiance sans faille des Suisses à l'égard de leurs chaînes du groupe public. Ce résultat peut s'expliquer par les mécanismes d'autocontrôle qui existent chez nos voisins helvètes et qui sont lacunaires en France. En effet, nos voisins ont un conseil déontologique de la presse. Malgré l'idée que l'on peut se faire les uns et les autres d'un tel organe, la presse suisse a été classée cinquième par Reporters sans frontière dans son classement de 2018 de la liberté d'expression, alors que la France pointe loin derrière, à la 33e place et que la confiance en les médias s'érode chez nos concitoyens. Aussi souhaiterais-je connaître votre sentiment, madame la présidente, à l'égard de la création d'un conseil déontologique de la presse en France où ce sont bien entendu les journalistes et les employés du monde audiovisuel et de la presse écrite qui s'autocontrôleraient.
Étant, comme mes collègues, une députée de proximité, je voudrais saluer France Bleu Nord qui est la première et la plus ancienne des radios du réseau. C'est aussi la première en audience, avec plus de 300 000 auditeurs, soit plus de 60 000 auditeurs de plus que la deuxième station du classement. Sa progression cette année est de près d'un point, mais il reste des marges d'amélioration, sa part de marché étant de 7,7 points. J'ai rencontré des équipes de cette radio dont tous les membres sont très motivés et conscients de l'opportunité qu'ils ont d'évoluer dans leur métier, leur encadrement les incitant à écrire l'histoire de façon très positive.
Madame la présidente, comme vous l'avez expliqué longuement, Radio France doit penser les technologies et les contenus en tenant compte des nouvelles pratiques des auditeurs et notamment de leur volonté d'interagir avec ce contenu et ceux qui le diffusent. Cela vous a conduit à envisager une radio personnalisée, une radio sur mesure intitulée « Un monde de Radio France ». Radio France offrirait ainsi un espace de personnalisation du contenu grâce à l'exploitation des données d'usage des utilisateurs. L'objectif serait de permettre à chaque auditeur de se constituer sa propre radio composée des émissions qu'il préfère. Pouvez-vous nous préciser où en est le développement de ce dispositif et si vous envisagez de travailler avec certains de vos collègues de l'audiovisuel public sur ce projet ? Enfin, comment garantirez-vous la liberté de choix, la diversité de l'offre et la possibilité de découvrir de nouveaux contenus propres à Radio France, malgré un algorithme qui pourrait orienter les pratiques des auditeurs ?
Vous avez déjà répondu à la question que je voulais vous poser : elle concernait le rapprochement entre France Bleu et France 3. C'est une question assez intéressée, en ce qui me concerne, car je suis députée lyonnaise. Or, malheureusement, à Lyon, nous n'avons pas de France Bleu, ce que nous regrettons. Ce rapprochement est donc pour nous une opportunité.
Lors d'une précédente audition, j'avais évoqué ici l'extension de France Bleu Toulouse aux départements du Tarn, du Lot, du Gers, du Tarn-et-Garonne, de l'Ariège et de l'Aveyron. À l'époque, votre prédécesseur n'avait pas de visibilité sur la réalisation de cette expansion de France Bleu Occitanie. Pourriez-vous nous en dire un peu plus aujourd'hui ?
Par ailleurs, ces dernières semaines, nous avons beaucoup parlé d'éducation aux médias dans le cadre de l'examen du projet de loi sur les fake news. J'ai moi-même proposé un renforcement des cours d'éducation aux médias dans le cadre d'une mission que nous avons menée sur la prévention de la radicalisation à l'école. Le renforcement de l'esprit critique et des décryptages de fausses informations est essentiel pour protéger les enfants. Les médias ont à cet égard leur part de responsabilité. Comment la radio prend-elle justement sa part ? Quelle peut être la place de l'offre radiophonique en la matière ? Pourriez-vous nous parlez des initiatives existantes ou de vos pistes de travail ?
Je me réjouis d'avance de la coopération entre France 3 et France Bleu. J'ai lu dans la presse, lors de la présentation de l'évolution du service public audiovisuel, qu'on avait la volonté de proposer des matinales communes à France Bleu et à France 3 dans deux régions : peut-être avez-vous eu des informations sur les deux régions concernées.
Avant de vous céder la parole, je voudrais vous poser une question concernant une radio qui n'a pas été évoquée. On a beaucoup parlé de France Bleu, de France Inter, de France Culture, de France Info et de Mouv', mais pas de FIP. Nous avions interrogé votre prédécesseur sur la stratégie qui était envisagée pour cette radio, présente dans certaines villes par voie hertzienne et sur l'ensemble du territoire par voie numérique.
Madame Dumas, un rapport d'expertise très important du chantier de la Maison de la radio a été réalisé en 2017. Il était d'autant plus important que le chantier de réhabilitation s'inscrit dans le cadre de marchés soumis aux règles de la commande publique. Comme pour beaucoup de chantiers publics en France, ces règles nous obligent à faire des montages contractuels ayant une incidence sur les conditions d'exécution des travaux. Le rapport d'expertise a examiné une première série de scénarios consistant à continuer de recourir à des marchés dont le contenu était de plus en plus éloigné de la réalité des travaux. Une deuxième série de scénarios consistait à résilier ces marchés. L'une des différences entre ces scénarios concernait les aspects juridiques que l'expert a travaillés pour déterminer leur impact sur le calendrier et le coût global du chantier. L'expert a recommandé d'opter pour un scénario de continuité des marchés en cours. C'est le choix qui a été validé par le conseil d'administration de Radio France en février dernier.
Sur le fondement de cette approbation par le conseil d'administration, le maître d'oeuvre, qui est l'architecte, a été missionné pour faire des études de déroulement jusqu'à la fin de l'opération, c'est-à-dire jusqu'à la dernière phase du chantier de réhabilitation. Cela devrait nous permettre de préciser à la fois le calendrier et les enveloppes financières. L'expert, dans son rapport, avait fait différentes estimations de manière à avoir des critères de distinction entre les scénarios mais le travail consistant à affiner des enveloppes financières, permettant à l'entreprise de s'engager sur ces enveloppes, est en cours. Nous devrions avoir à l'automne prochain des éléments robustes sur le montant global des travaux couvrant l'ensemble des phases de ceux-ci et notamment la dernière phase – la phase 3 – dont les conditions d'exécution ont fait l'objet du rapport de M. Jean-Pierre Weiss. Concernant la diffusion du rapport, je laisserai l'État se prononcer : puisque c'est lui qui a nommé un expert, le rapport lui appartient.
La confiance dans nos médias, la déontologie, l'honnêteté de l'information et le pluralisme sont des questions extrêmement importantes pour un média comme le nôtre. Quand il n'y a plus de confiance, nous perdons notre lien avec les auditeurs. C'est un élément structurant de notre identité et de la qualité de ce que l'on produit. Radio France a mis en place des références internes, une charte reconnue par la profession et un médiateur qui s'occupe chaque semaine de questions de traitement de l'information et de déontologie. Nous participons également à un observatoire de la déontologie et de l'information qui organise des discussions sur les pratiques déontologiques. L'ensemble de ces pratiques sont surveillées par le CSA, qui a la responsabilité de veiller à la déontologie et à la manière dont l'information est traitée. Le cadre dans lequel nous opérons fait l'objet d'une grande vigilance au sein de Radio France : c'est, pour nos auditeurs, une question de confiance, sur laquelle nous ne pouvons absolument pas transiger.
Je remercie Mme Liso d'avoir rappelé les excellents chiffres de France Bleu Nord. C'est en effet une station très dynamique dont l'audience est très forte. Les relations sur place avec les équipes de France 3 sont plutôt positives. Je l'ai vu très récemment quand je me suis rendue dans la station locale – j'en ai visité quatre depuis ma nomination. La réflexion avec les équipes de France 3 sur la manière de travailler ensemble est très constructive. Certains projets vont voir le jour pour donner plus de visibilité aux manifestations sportives locales, ce qui me paraît très positif pour tous les citoyens de Lille et de ses environs.
La personnalisation des contenus est un enjeu auquel je crois beaucoup. L'évolution des offres de télévision, avec le développement de Netflix et le bouleversement auquel il a conduit dans la manière de consommer des contenus – de fiction, notamment –, crée de nouvelles habitudes de consommation. Nous voulons avoir le choix du moment et du contenu. Nous voulons être dans une démarche beaucoup plus active et plus personnalisée. C'est la raison pour laquelle nous travaillons beaucoup, à Radio France, à ce que l'on appelle la radio sur mesure. Cela nécessite beaucoup d'innovations techniques dans l'infrastructure mais aussi dans le traitement des données d'usage ou métadonnées. Cela soulève des enjeux de professionnalisation et d'investissements techniques très importants ainsi que d'innovations technologiques sur lesquelles nous devons travailler avec de nombreuses start-up. C'est pourquoi Radio France est présente à Station F, dans le cadre de la French Tech. Nous allons conclure un partenariat avec un incubateur de start-up de médias, et travaillons aussi avec une start-up israélienne sur la manière de mettre en images la radio. Le champ d'innovation est très important et nous offre l'occasion de travailler avec tout un écosystème de petites entreprises et de conclure des partenariats féconds.
Un autre domaine dans lequel la coopération avec les autres acteurs de l'audiovisuel public est importante est la gestion des données. On l'a vu ces derniers mois avec la question soulevée par l'affaire Cambridge Analytica sur Facebook. La question de la gestion des données se pose avec l'évolution du numérique et des nouvelles offres de service proposées au citoyen. En tant qu'entreprise de service public, nous devrons être exemplaires dans la gestion de ces données et nourrir des réflexions croisées avec les autres entreprises de service public. Nous réfléchissons ainsi à la manière de mettre en application le règlement général sur la protection des données (RGPD) avec les autres entreprises du secteur public audiovisuel.
Je me réjouis que le CSA nous ait permis d'étendre la diffusion de France Bleu Toulouse, désormais rebaptisée France Bleu Occitanie. Il faut qu'on bâtisse un projet éditorial à la hauteur de cette extension du bassin de diffusion. C'est un enjeu très stimulant pour nos équipes. Les discussions avec France 3 pourront également être un facteur de construction d'une offre nouvelle à plus grande échelle.
Mme Mörch a évoqué le rôle que doit jouer la radio dans l'éducation aux médias. Radio France, avec ses différentes antennes, tient compte de cet enjeu croissant depuis plusieurs années. Nous en avons déjà parlé à propos du problème des fausses informations. Il faut éduquer les Français à la manière de rechercher de l'information. Nous y avons beaucoup travaillé à France Inter dans le cadre du projet InterClass' qui consiste à aller dans les banlieues construire de l'information avec des jeunes au collège et au lycée. Nous le faisons aussi dans le cadre de la semaine de la presse et des médias à l'école. Au sein du réseau France Bleu, nous avons monté un projet intitulé « Mon micro citoyen » dans le cadre duquel on apprend aux jeunes à créer une offre d'information. Mouv' l'a fait aussi, en se rendant dans des établissements scolaires dans les banlieues. Cette présence me paraît essentielle pour toucher les jeunes et leur apporter une connaissance de nos médias, de la manière dont ils jouent leur rôle et font leur travail et de l'importance d'aller chercher les bonnes sources. Il faut aller encore plus loin au cours des prochaines années et donner une cohérence aux multiples initiatives qui ont vu le jour, afin de leur faire gagner en visibilité. Il nous faut essayer d'organiser intelligemment notre présence sur le territoire – nos forces n'étant pas extensibles.
FIP est une antenne très aimée de ses auditeurs, dont nous recevons chaque semaine énormément de courrier. Elle est diffusée dans dix villes et est écoutée en numérique sur le reste du territoire. Parmi ces dix villes, certaines sont pourvues d'une animation locale nourrissant l'antenne avec un agenda culturel. Cette animation locale reflète ainsi les manifestations culturelles de quatre agglomérations. Notre objectif est d'essayer d'élargir cette dimension de prescription culturelle et de visibilité de l'agenda culturel en étant présents non seulement dans ces quatre agglomérations mais plus largement sur le territoire et notamment, dans les dix villes où FIP est émise par voie hertzienne. L'une des évolutions auxquelles nous travaillons avec la directrice de FIP et les animatrices locales consiste à diviser l'offre en quatre grandes régions et à faire que l'animation locale soit assurée à cette échelle beaucoup plus large. Il s'agit donc de faire évoluer l'organisation de FIP pour avoir une animation locale qui soit pensée de manière plus large sur le territoire et qui puisse nourrir l'offre numérique. Nous allons essayer de donner au plus grand nombre de nos auditeurs accès à cet agenda culturel, dimension qui est plébiscitée dans les quelques villes où elle existe aujourd'hui.
D'autres sujets auraient pu être abordés comme France Musique et sa nouvelle plateforme et les orchestres de Radio France. Nous pourrons en parler lors d'une prochaine audition. Je vous remercie.
La séance est levée à onze heures cinquante.
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Présences en réunion
Réunion du mercredi 13 juin 2018 à 9 heures 30
Présents. – M. Jean-Félix Acquaviva, Mme Aude Amadou, Mme Emmanuelle Anthoine, M. Gabriel Attal, Mme Géraldine Bannier, Mme Valérie Bazin-Malgras, Mme Aurore Bergé, M. Philippe Berta, M. Pascal Bois, M. Pierre-Yves Bournazel, Mme Marine Brenier, M. Bernard Brochand, Mme Anne Brugnera, Mme Marie-George Buffet, Mme Céline Calvez, Mme Danièle Cazarian, Mme Sylvie Charrière, Mme Fannette Charvier, M. Stéphane Claireaux, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Béatrice Descamps, Mme Jacqueline Dubois, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Frédérique Dumas, Mme Nadia Essayan, Mme Elsa Faucillon, M. Alexandre Freschi, M. Grégory Galbadon, M. Laurent Garcia, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, Mme Valérie Gomez-Bassac, M. Pierre Henriet, Mme Danièle Hérin, M. Régis Juanico, M. Yannick Kerlogot, Mme Anne-Christine Lang, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, Mme Brigitte Liso, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, Mme Sandrine Mörch, Mme George Pau-Langevin, M. Guillaume Peltier, Mme Maud Petit, Mme Béatrice Piron, Mme Cathy Racon-Bouzon, M. Pierre-Alain Raphan, M. Frédéric Reiss, Mme Cécile Rilhac, Mme Marie-Pierre Rixain, M. Cédric Roussel, M. Bertrand Sorre, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Agnès Thill, Mme Michèle Victory
Excusés. – M. Lénaïck Adam, Mme Ramlati Ali, Mme Fabienne Colboc, Mme Josette Manin, M. Franck Riester, Mme Stéphanie Rist, M. Patrick Vignal
Assistait également à la réunion. - M. Joël Aviragnet