La séance est ouverte à onze heures trente.
Je vous propose de commencer cette audition, la première de la mission d'information sur l'incendie de Lubrizol à Rouen, qui a été décidée en conférence des présidents. Je vous rappelle que l'objectif que nous poursuivons est de comprendre l'événement, d'en tirer toutes les conclusions, les retours d'expérience et bien évidemment, à partir de cette analyse, de faire des propositions. C'est le rôle du législateur : à la fois contrôler l'action du gouvernement, mais aussi légiférer, s'il y a matière et si besoin, pour pouvoir avancer.
Nous avons prévu, avec M. le rapporteur et l'ensemble des membres de la mission, un certain nombre d'auditions sur plusieurs mois, qui doivent nous mener vers ce chemin de vérité, parce que c'est l'objectif que nous poursuivons : apporter des réponses aux nombreuses questions qui se posent suite à cet incendie à Lubrizol, à Rouen.
Nous accueillons aujourd'hui M. Eric Schnur, le Chief Executive Officer (CEO) de Lubrizol Corporation, qui est aujourd'hui à Paris. Nous avons saisi cette occasion de l'entendre au sein de notre mission d'information. Je lui rappelle bien évidemment que notre audition est retranscrite, qu'elle est publique et qu'elle a un caractère tout à fait solennel.
Je voudrais, avant de céder la parole à mon collègue M. le rapporteur Damien Adam, commencer, monsieur le CEO, par vous poser quelques questions.
La première est importante, même si elle viendra sans doute par la suite, de la part de mes collègues et même si elle doit être traitée postérieurement. Elle concerne les indemnisations. Nous aimerions savoir où vous en êtes, aujourd'hui, s'agissant des indemnisations évoquées en direction des collectivités, des agriculteurs, de la population, mais également des commerçants qui ont eu à souffrir des suites de cet événement.
Dans un autre ordre d'idée, avez-vous toujours la conviction que vous avez pu exprimer dans la presse, que l'incendie se soit déclaré à proximité du site, voire hors de l'enceinte ? Et à partir de là, sur quel élément fondez-vous cette conviction, et plus largement, quels sont les moyens de détection des incendies que vous avez sur le site ? Pour prolonger cette question, disposez-vous d'un système de vidéosurveillance couvrant l'ensemble du site et par ailleurs, avez-vous déjà connu, dans les années précédentes, des intrusions sur le site ou des événements de cette nature ?
Un certain nombre d'événements ont eu lieu sur le site de production de Lubrizol :
- 1975 : fuite de mercaptan ;
- 1989 : nouvelle fuite de mercaptan ;
- 2013 : nouvelle fuite de mercaptan ;
- 2015 : fuite de 2 000 litres d'huile dans la Seine ;
- 2019 : l'événement qui nous réunit aujourd'hui.
J'aimerais savoir si vous avez connu sur d'autres sites, à la fois en Europe et dans le monde, une telle succession d'événements ? Les sites français seraient-ils plus perfectibles, d'une certaine façon, que ceux du reste du monde ? J'aimerais aussi savoir ce qui se passe dans l'intervalle entre ces événements. En termes de retour d'expérience, qu'est-ce qui se passe au sein de vos équipes lorsque vous vivez ce type d'événement ? Y a-t-il des travaux, des changements dans les procédures, des investissements qui sont consentis et réalisés pour en tirer l'expérience ?
Je vois que dans le code éthique de Lubrizol Corp., figurent un certain nombre d'obligations de sécurité. Je cite : « Lubrizol s'attache à protéger ses collaborateurs, les clients et les communautés au sein desquelles l'entreprise opère. Notre but est d'empêcher la survenance d'accidents et de blessures en fiabilisant fortement tous les aspects de notre protection. » Est-ce que vous pouvez être plus précis sur les actions que vous avez mises en oeuvre, notamment en termes de prévention et d'information à l'échelle du territoire où vous êtes implantés, et notamment des collectivités locales ? Je crois que c'est un élément important.
Enfin, les deux dernières questions que je me permets de poser en introduction.
La première concerne la fameuse fiche Seveso. Il est indiqué que le risque incendie, lors d'une inspection récente, est de 1 sur 10 000 ans. Sur quelle base méthodologique cette probabilité est-elle indiquée ? Quel est le modèle ? Qu'est-ce qui permet d'affirmer cela, et plus largement, lorsque l'on regarde dans le Plan de Prévention des Risques Technologiques (PPRT) tout ce qui concerne le tableau des phénomènes dangereux et leur probabilité, s'agissant des bâtiments A4 et A5 qui sont ceux qui ont brûlé, la probabilité d'un incendie dans ces bâtiments est indiquée comme étant E, c'est-à-dire extrêmement improbable. Comme on sait que c'est à partir de ces probabilités qu'on établit un certain nombre de mesures, pouvez-vous nous indiquer si la mesure par rapport à ce risque a finalement été pertinente ? À partir du moment où la probabilité est faible, on imagine que la mesure face à cette probabilité n'est sans doute pas à la hauteur. À partir de là, est-ce que vous pensez qu'il faut revoir l'appréciation que nous pouvons avoir de la nature même et de la probabilité de ces risques ? Est-ce qu'il y a un large éventail de scénarios que vous imaginez, au regard de la nature des risques qui peuvent toucher à la fois la partie qui relève du stockage et celle qui relève de la production, sur le site de Lubrizol ?
Je m'arrête là, je vais donner la parole à notre rapporteur, nous vous laisserons répondre à ces premières questions et ensuite nous prendrons une série de questions. Je souhaite prendre plusieurs questions à la suite. Je vous propose, pour rendre cette audition dynamique, que l'on s'intéresse dans une première série à l'événement en tant que tel, ensuite, aux suites de l'événement et bien évidemment à toutes les questions de transparence, sachant que toutes les questions sont possibles, mais il s'agit de rythmer l'audition qui nous occupe aujourd'hui. Je cède sans plus tarder la parole à notre rapporteur.
Vous le rappeliez en introduction, cette mission d'information s'installe officiellement aujourd'hui à travers cette première audition et il nous semblait légitime que nous puissions entendre directement le PDG de Lubrizol, qui est une entreprise de rang mondial, implantée en France depuis 1954 et qui fait aujourd'hui l'objet de cette mission d'information. Vous avez déjà abordé, M. le Président, un certain nombre de questions auxquelles M. Schnur devra répondre. J'en ajoute quelques autres avant de lui laisser la parole.
La première question que j'ai à vous poser, monsieur Schnur, est : de quand datent les derniers exercices et les simulations d'accidents majeurs dans l'entreprise ? Le scénario d'un incendie de stockage a-t-il été envisagé par votre entreprise et a-t-il fait l'objet d'exercices ? Quels étaient les moyens humains et matériels internes mis en oeuvre dans l'entreprise en cas d'incident ? Est-ce que ces moyens humains et matériels étaient bien présents dans la nuit du 26 septembre, où a eu lieu le sinistre ? Qui a donné l'alerte sur cet incendie ? Menez-vous une enquête interne pour mieux comprendre l'événement et si oui, avez-vous des conclusions à nous communiquer à ce stade ? Pouvez-vous également nous détailler ce qu'il y avait précisément dans les bâtiments A4 et A5, qui ont brûlé ? Pouvez-vous également nous indiquer comment ces bâtiments A4 et A5 sont protégés d'un incendie qui pourrait venir de l'extérieur ainsi que les protections qui existaient à l'extérieur de l'enceinte du site Lubrizol, pour protéger le site Lubrizol d'événements qui peuvent venir de l'extérieur ?
Enfin, sur l'importance du sinistre : selon vous, s'agit-il du plus important sinistre d'un de ses sites, jamais connus dans l'histoire de Lubrizol, dès lors qu'il s'agit d'un incendie ayant intégralement détruit l'appareil de production ?
Voilà déjà plusieurs lots de questions, entre M. le Président et moi-même, auxquelles vous aurez à répondre en premier lieu.
Bonjour, je suis Eric Schnur, président et CEO de The Lubrizol Corporation. Merci beaucoup de me donner l'occasion de m'entretenir avec vous aujourd'hui. Au nom des 8 700 employés de Lubrizol dans le monde, je voudrais tout d'abord adresser mes plus sincères excuses à toutes les personnes qui ont été touchées par l'incendie du 26 septembre, qui a détruit nos équipements d'enfûtage et nos installations de stockage à Rouen. Nous sommes profondément désolés pour les perturbations et les préoccupations que cela a occasionné au cours des jours et des semaines qui ont suivi. Nous considérons que Lubrizol fait partie de la famille rouennaise. Cela fait maintenant plus de six décennies que nous appartenons à cette région. Des centaines d'employés de Lubrizol à Rouen et leurs familles appartiennent également à ce territoire. Les résidents de ces communes sont nos voisins et nos amis ; nous souhaitons les aider et leur apporter notre soutien. Nous exploitons aujourd'hui soixante sites dans le monde et notre objectif a toujours été de le faire en toute sécurité ainsi que d'éviter des accidents. Toutes les informations dont nous disposons indiquent que l'incendie s'est déclenché à l'extérieur de nos installations, mais nous attendons d'en connaître exactement la source et la cause. Nous participons pleinement à l'enquête en cours et nous devons tirer les leçons de ce qui s'est produit à Rouen. Dès les premières heures de l'incendie et pendant les jours et les semaines qui ont suivi, nous avons privilégié une communication ouverte. Nous continuerons à soutenir tous les efforts mis en oeuvre afin d'apprendre et de communiquer avec les autorités et la population. Nous avons eu énormément de chance qu'il n'y ait aucun blessé et nous en sommes très heureux.
Cela étant dit, nous devons savoir ce qu'il s'est passé. C'est pour moi d'une importance capitale. Il s'agit de la sécurité de ma famille, la famille Lubrizol, dont je suis responsable, ici à Rouen et dans l'ensemble de nos soixante sites à travers le monde, dont un grand nombre sont équipés d'installations d'entreposage. J'ai passé personnellement beaucoup de temps avec nos employés français au cours des trois ou quatre dernières semaines. Leur dévouement envers leurs voisins, leurs collègues et leur entreprise est vraiment impressionnant. Beaucoup d'entre eux travaillent sur le site rouennais de Lubrizol depuis de nombreuses années, parfois depuis plusieurs décennies. Le site est leur deuxième maison, une partie de chez eux a brûlé, l'émotion est très forte, mais ils sont plus que jamais déterminés à reconstruire ce qui représente le moyen de subsistance de leurs familles et à aider leurs voisins et amis. Ma détermination à les aider, eux et les populations locales, est tout aussi inébranlable. Je sais que de nombreuses questions relatives à la santé et à l'environnement ont été soulevées. Je le comprends parfaitement et je vous prie de bien vouloir m'en excuser à nouveau. Nous savons précisément quels produits Lubrizol ont brûlé dans nos entrepôts et dans ceux de Normandie Logistique. Nous pouvons affirmer que ces substances ne portent aucune menace sur la santé, ni à court terme ni à long terme, en dehors de l'irritation passagère normalement provoquée par la fumée, le jour de l'incendie. Cela a été validé par les analyses environnementales effectuées à ce jour, mais nous comprenons que des préoccupations persistent.
Nous soutenons pleinement la décision de mener des analyses complémentaires et de poursuivre la surveillance pour apaiser les inquiétudes de la population. Chez Lubrizol, rien n'est plus important que de préserver la santé, la sûreté, l'environnement et la sécurité de nos employés et des collectivités. Notre site rouennais satisfait entièrement à toutes les exigences réglementaires, y compris à la réglementation Seveso. Dans le cadre des normes Seveso et de notre propre culture de sécurité, nous effectuons fréquemment des évaluations et des exercices à l'aide de scénarios de risques potentiels, qui impliquent notamment de collaborer et de partager nos connaissances avec les autorités. D'ailleurs, nous avons récemment mis à jour notre analyse officielle des risques concernant la zone de l'entrepôt qui a brûlé et nous l'avons transmise aux autorités, le 18 septembre, cette année. Cette analyse indique également qu'il n'y a pas de conséquences immédiates ou permanentes sur la santé, mis à part une irritation initiale due à la fumée.
Cela fait plus de soixante ans que nous sommes implantés à Rouen. Durant toute cette période, nous avons toujours cherché à être de bons voisins et nous avons l'intention de continuer à l'être, en aidant dès maintenant notre territoire à revenir à une situation normale. Au cours des dernières semaines, nous avons collaboré avec les autorités locales et nationales, ainsi qu'avec les parties prenantes pour identifier le soutien à fournir dans l'immédiat pour une efficacité maximale et ensuite les aides à apporter dans la durée. Nous nous sommes engagés à apporter notre soutien aux agriculteurs qui ont enregistré des pertes, comme conséquences de l'incendie. Nous nous sommes également engagés à soutenir la population plus largement, notamment en finançant les petits commerces et entreprises qui ont été touchés, et à participer aux efforts de nettoyage qui sont déjà en cours.
Nous souhaitons veiller à ce que l'activité touristique de la région ne subisse pas d'interruption et nous octroierons des fonds pour promouvoir la belle ville de Rouen ainsi que la belle région normande.
En outre, nous apporterons également des fonds pour contribuer aux analyses environnementales, comme je l'ai évoqué plus tôt, afin d'apaiser les inquiétudes de la population. Cette initiative est aussi en cours.
Par ailleurs, nous continuerons à soutenir nos employés. Nous avons informé tous nos salariés du site rouennais qu'ils conserveront leur emploi et qu'ils percevront intégralement leur salaire pendant toute notre reconstruction. Ces résidents de Rouen et leurs familles continueront de faire l'objet du plein soutien de Lubrizol. Leurs salaires, les taxes qui y sont associées et l'investissement de Lubrizol sur le site de Rouen représentent plus de 200 millions d'euros injectés dans l'économie française, chaque année.
Le monde compte sur Lubrizol et cela depuis plus de quatre-vingt-dix ans. La moitié des véhicules de la planète utilisent nos additifs, notre objectif constant étant de réduire les émissions et de diminuer l'impact environnemental. Environ la moitié des consommateurs mondiaux comptent chaque jour sur Lubrizol, en utilisant nos produits qui servent à la fabrication d'appareils médicaux, d'équipements de sport, de soins de la peau et bien d'autres choses. Nous prenons très au sérieux nos responsabilités envers ces milliards de consommateurs. Notre métier est d'apporter de l'efficacité et de la valeur en relevant les défis. C'est exactement ce que nous avons l'intention de faire à Rouen.
Le site rouennais de Lubrizol ne sera plus jamais le même. Nous ne reconstruirons pas ce que nous avons perdu, mais nous espérons pouvoir faciliter un retour à la normale pour nos voisins, aussi rapidement que possible. Nous souhaitons sincèrement continuer à faire partie intégrante du territoire rouennais, accompagnés du soutien de chacun d'entre vous, des représentants des autorités locales et de la population voisine. Nous espérons pouvoir reprendre nos activités dans l'usine de production qui n'a pas été détériorée par l'incendie. Cela est primordial dans l'intérêt de nos milliers d'employés et de leurs familles, ainsi que pour nos clients et fournisseurs, qui dépendent de notre site.
Je vais maintenant passer aux questions qui ont été posées par M. le Président.
J'ai essayé d'évoquer la question des indemnisations dans mon propos liminaire, mais je suis bien sûr prêt à en parler davantage. Nous nous sommes engagés auprès des autorités locales, de la préfecture, mais également des autorités nationales, pour pouvoir aider. Nous souhaitons pouvoir identifier les personnes qui en ont le plus besoin et nous souhaitons les aider le plus rapidement possible. C'est une des raisons pour lesquelles je suis à Paris cette semaine et c'est aussi la raison pour laquelle j'irai à Rouen un peu plus tard dans la semaine, pour m'assurer que tout ceci se fasse.
Pour ce qui est de la détection des incendies, bien sûr, nous avons un système d'alarme incendie. Nous savons à quel moment ces alarmes ont été déclenchées. Nous avons également une surveillance vidéo du site. Toutes ces informations sont disponibles et sont utilisées, j'en suis sûr, dans l'enquête en cours. J'ai pu voir deux vidéos après l'incendie qui nous portent à penser que l'incendie a démarré hors de notre site, mais j'insiste sur le fait qu'il faut que nous connaissions la source et la cause de l'incendie. Je voudrais que vous compreniez bien cela, nous souhaitons apporter toute l'aide qui est possible pour pouvoir déterminer les causes de l'incendie. Dans notre secteur, mais c'est vrai dans tout secteur industriel, il faut que nous tirions les enseignements de ce type d'accident, pour pouvoir les éviter à l'avenir. Nous avons encore plus envie de savoir que quiconque.
Pour ce qui est des intrusions potentielles sur le site, je n'en sais rien, je ne crois pas qu'il y ait eu d'intrusions sur le site, par le passé.
Vous avez évoqué les incidents passés. Évidemment, nous souhaitons tirer des enseignements de tous ces incidents. En 1975, 1989 et 2013, le problème était une fuite de mercaptan. Je voudrais vous rappeler que le mercaptan est une substance qui n'est pas nocive. C'est un gaz qui n'est pas nocif, mais qui dégage une odeur très incommodante. En 1975 et en 1989, il y a eu une fuite de mercaptan qui a eu un impact sur la population et une autre fuite en 2013.
Je ne sais pas exactement ce qu'il s'est passé en 1975 et en 1989, mais je pourrais certainement vérifier. Par contre en 2013, je sais que nous avons pris cela très au sérieux. À chaque fois qu'un incident se produit, il faut bien comprendre les causes. Nous savons pourquoi il y a eu une fuite de mercaptan en 2013 et je pense que nous avons fourni les informations à ce sujet-là, de manière très détaillée. Suite à cela, nous avons partagé l'information avec l'ensemble du secteur, pour que chacun puisse en tirer les enseignements. Nous avons investi 20 millions d'euros pour nous assurer que cela ne puisse plus se produire sur le site de Rouen. Nous sommes confiants, nous pensons que nous avons vraiment tiré les leçons de ces fuites de mercaptan.
En 2015, il y a eu une fuite d'huile. Pour régler le problème, nous avons revu la conception d'un équipement, tout cela a été contenu pour ne pas avoir d'impact sur l'environnement.
Quant à l'événement dont nous parlons aujourd'hui, en 2019, nous ne savons pas encore ce qu'il s'est passé, il faut que nous arrivions à le savoir pour en tirer les conséquences. Nous cherchons toujours à connaître les causes de tout incident. Rien ne compte plus pour nous que la sécurité de nos salariés, la sécurité de notre exploitation, la sécurité de nos sites et des populations.
Après l'incident de 2013, nous avons fait des investissements et tout comme pour cet incident-là, nous ferons ce qu'il faut pour faire face à la situation. Nous avons travaillé de manière très active avec les autorités locales, avec la population. Nous avons de longue date de bonnes relations avec la préfecture. Nous effectuons des simulations régulières et nous partageons nos informations avec les autorités locales.
Quant au risque d'1 sur 10 000 ans, cela vient d'une base de données du secteur industriel. Nous pourrons vous donner ces informations pour vous expliquer d'où provenait ce chiffre.
Je vais maintenant passer aux questions portant sur la dernière analyse des risques. J'en ai parlé dans mon propos liminaire, nous procédons à des analyses de risques dans le cadre des normes Seveso, qui sont mises à jour fréquemment. Les résultats de ces mises à jour sont transmis aux autorités locales. Comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, l'analyse incendie la plus récente a été transmise aux autorités le 18 septembre, pour la zone qui a pris feu. Le personnel qui était identifié lors de ces exercices et qui devait savoir faire face au type d'incident que nous avons eu le 26 septembre, était présent. Notre Directrice générale était à la préfecture de 4 h 30 du matin jusqu'à minuit ce jour-là et tous les jours d'après. Nous avons un centre de contrôle commun avec les autorités locales. Nous avons travaillé avec la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) représentée sur notre site lors de la situation d'urgence. Tous les salariés qui pouvaient donner des informations nécessaires pour faire face à la crise ont été impliqués.
Le site de Lubrizol à Rouen fabrique des additifs pour, par exemple, des huiles moteur ou des fluides hydrauliques. C'est ce qui se trouvait dans ces bâtiments de stockage A4 et A5. Il y a des questions qui se posent autour de ce qu'il se passe lorsque ces produits brûlent. Nous avons simulé cela, nous savons que l'essentiel de ces matériaux sont de nature organique. C'est essentiellement du carbone hydrogéné. Nous avons des systèmes d'alarme incendie, nous savons que les sprinklers ont bien fonctionné tel que cela est prévu sur le site, mais l'ampleur de l'incendie a dépassé la capacité des sprinklers, en tout cas pour autant que nous sachions pour le moment.
Voilà les informations dont nous disposons aujourd'hui, mais nous en saurons plus évidemment lorsque l'enquête sera arrivée à son terme et nous faisons toute confiance à l'enquête pour déterminer ce qu'il s'est véritablement produit. Il est clair qu'il s'agit du plus grave accident sur le site de Lubrizol. Il n'y a pas eu de blessés et nous en sommes très heureux, comme je l'ai dit. C'est le plus grand accident que nous ayons connu, en termes de dégâts matériels.
Quid de l'analyse des risques sur le site ? Vous nous avez demandé comment nous procédons à l'analyse de risques et comment nous décidons d'investir dans des équipements pour lutter contre les risques. Nous menons des analyses de risques régulièrement, avec des mises à jour. Le risque de départ d'incendie dans un stockage est très faible. Sur un site chimique, c'est dans l'unité de production que les risques incendie sont les plus grands. Comment se fait-il que notre site de production n'ait pas été impacté par cet événement ? Il y a des systèmes pour lutter contre l'incendie dans le stockage. Il y a également du stockage à l'extérieur de l'entrepôt, mais là, il n'y a pas de système de protection contre l'incendie. Encore une fois, le risque est très faible dans un entrepôt. Nous analysons le risque et dans toute opération, nous fixons des priorités face au risque le plus élevé. C'est ainsi que nous investissons, c'est ce que nous avons fait pour le site de Rouen.
Je me suis efforcé de répondre à toutes vos questions. Est-ce que j'en ai oublié certaines, monsieur le Président ou monsieur le rapporteur ?
À ce stade, je ne pense pas, mais nous aurons l'occasion de revenir dessus.
Je vais donner la parole sans plus tarder à nos collègues qui l'ont demandée.
Merci pour les explications que vous nous avez déjà apportées dans vos premières réponses.
Votre entreprise Lubrizol est implantée sur notre territoire depuis plus de soixante ans. L'usine de Rouen est un acteur économique majeur de notre territoire. Cependant, son implantation au coeur même des villes de Rouen et de Petit-Quevilly constitue un risque important pour la population. Suite à cet incendie, quelles mesures votre entreprise peut-elle prendre pour garantir la sécurité des citoyens avant la reprise complète de l'activité sur le site de Rouen ?
Monsieur le Président, avez-vous prévu de mettre en oeuvre des modalités de prise en charge de l'impact de l'incendie pour toutes les activités professionnelles : artisanat, commerce, restauration, entreprises, à l'identique du soutien prévu aux agriculteurs ? Si oui, intégrez-vous l'ensemble des communes touchées, donc les 110 communes en Seine-Maritime et les 206 communes au total avec les cinq autres départements ? Pouvez-vous nous donner un premier chiffrage ou une première enveloppe que vous avez prévu de mettre en oeuvre à cette fin ?
Merci pour les explications communiquées ce matin. Je voudrais me placer du point de vue des salariés, monsieur le Président, et vous demander quelles sont les rencontres que vous avez organisées avec eux : sont-elles régulières, leur transmettez-vous des informations sur la suite des événements, l'enquête, la manière dont les choses se sont passées ? J'aimerais surtout replacer le CHSCT de l'entreprise au coeur de nos interrogations et savoir si vous avez régulièrement des contacts avec lui.
On pourrait faire un parallèle avec les commissions locales d'information (CLI) des centrales nucléaires qui existent en France. Je suis moi-même président d'une CLI depuis un certain nombre d'années et ces structures sont composées de membres du personnel, de syndicats, d'élus et permettent aussi une certaine transparence concernant la vie interne de l'entreprise, et notamment des incidents qui peuvent s'y produire.
Est-ce qu'il ne serait pas souhaitable de mettre en place au niveau des entreprises comme la vôtre le même type de structure que dans le secteur nucléaire ?
J'ai deux questions à poser à M. le Président.
La première porte sur Normandie Logistique. Plus de 4 000 tonnes de produits ont brûlé dans les entrepôts de Normandie Logistique, situés à côté de votre établissement classé Seveso, dont elle est sous-traitante. Plus de 1 600 tonnes appartenaient à Lubrizol. Je voudrais savoir pourquoi ces substances de Lubrizol étaient stockées chez Normandie Logistique, dont le site n'est pas classé Seveso ?
Deuxième question : quels risques représentaient ces substances et quelles étaient-elles ? Cette question est liée à celle des sous-traitants. Un article du Monde publié ce matin s'appuie sur un rapport de 2010 sur le Club Maintenance Normandie, représentant 500 contacts et 1 400 salariés de sous-traitants de sites Seveso, pas seulement celui de Lubrizol. Le journal parle d'un tableau apocalyptique. La moitié des entreprises utilisatrices reconnaissent ne pas en savoir assez en termes de sécurité, un quart des sociétés explique taire des dysfonctionnements par crainte de représailles. 98 % des salariés ne savent pas ce que sont les principes généraux de la conduite à tenir face à des produits dangereux. C'est absolument terrible en termes de sécurité. On nous dit qu'en 2010, un représentant de Lubrizol, M. Gérard Renoux, assistait à la réunion de restitution de cette étude. Je voudrais savoir quelles mesures ont été prises depuis lors par Lubrizol à l'égard de ses sous-traitants.
Bonjour monsieur le Président-directeur général, j'aurais trois questions.
Je voulais savoir combien d'exercices incendie se sont déroulés au sein de l'enceinte de Lubrizol, au cours de ces cinq dernières années ?
J'aurais également souhaité savoir combien d'exercices en réel, avec les services de l'État, avaient été organisés, depuis ces cinq dernières années ?
L'alerte des populations après l'accident m'ayant interpellé, je souhaiterais savoir si les services de l'État vous ont imposé une sirène, afin d'alerter les populations en cas d'événement grave sur le site, notamment en matière d'incendie ?
Première question : vous avez rendu hommage à vos salariés, ce qui semble être la moindre des choses ; quelle est leur prise en charge en ce moment ? Est-ce que, selon vous, l'expertise des salariés dans le cadre des CHSCT peut être de nature à éviter des catastrophes comme celle-ci ?
Deuxième question : avez-vous été associé, dès le moment de l'incendie, à la gestion de crise, y compris aux informations susceptibles d'être données aux élus du territoire ? Quand je parle du territoire, cela s'étend de Rouen jusqu'à Forges-les-Eaux, dans ma circonscription.
Troisième élément : les ministres se sont succédé, on ne peut pas dire que nous n'avons pas eu de visite ministérielle après cette catastrophe écologique, environnementale et sanitaire. Ils ont, les uns et les autres, fait des annonces. Parmi les annonces, le déclenchement d'un fonds d'indemnisation via le Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnement (FMSE) en direction des agriculteurs, qui devait être abondé par Lubrizol à hauteur de 50 millions d'euros. Lorsque j'ai posé la question à votre représentant à la Commission de transparence en préfecture, j'ai eu du mal à avoir confirmation de combien, quand, comment ? Or aujourd'hui, les agriculteurs ont mis en place un mécanisme de solidarité interprofessionnelle pour l'indemnisation. Par ailleurs, la région Normandie a mis concrètement en place un mécanisme de solidarité. La solidarité nationale et celle de Lubrizol restent en panne : combien, quand, comment comptez-vous intervenir ? Où en est la convention en cours d'élaboration pour indemniser non seulement les agriculteurs, mais les commerces et tous ceux qui ont subi un préjudice ? C'est une question centrale. Comment, quand et pour combien le principe du pollueur-payeur réaffirmé par les différents ministres qui se sont succédé se mettra-il en oeuvre ?
Je vais donner la parole à M. Schnur et nous aurons ensuite une deuxième série de questions, je rassure mes collègues.
Je vais essayer de regrouper certaines questions.
Depuis 1997, nous avons un groupe consultatif avec la population. Nous invitons des résidents de Rouen à venir sur notre site, nous discutons avec eux pour leur dire ce que nous produisons et nous évoquons toutes les préoccupations que les habitants pourraient avoir. Je crois que la dernière réunion avec ces résidents a eu lieu la semaine dernière. C'est quelque chose que nous allons continuer à faire. Nous le faisons depuis longtemps, nous essayons de communiquer de manière efficace avec la communauté des habitants de Rouen. Bien sûr, si nous souhaitons continuer à faire partie de la communauté rouennaise et continuer à mener nos activités, il faut que la population locale soit à l'aise avec cela et ait confiance en termes de sécurité. Il faut qu'ils aient confiance dans l'absence d'incident à l'avenir. Nous allons donc parler avec les populations, nous serons très transparents quant à nos projets. Nous allons leur expliquer ce que nous avons fait pour faire face aux préoccupations en matière de sécurité. Nous allons poursuivre le dialogue à l'avenir pour bien entendre leurs préoccupations et leurs inquiétudes à mesure que le temps passera.
Nous souhaitons poursuivre la communication avec les habitants, nous souhaitons que la population locale comprenne ce que nous faisons, nous souhaitons qu'elle nous apporte son soutien pour les activités que nous menons dans notre usine ; cela a toujours été notre intention.
Plusieurs questions ont été posées au sujet des indemnisations des personnes touchées par l'incendie. J'en ai parlé dans mon propos liminaire. Je dirais que nous sommes sur le point de conclure un accord initial avec le FMSE, car nous allons utiliser ce fonds pour pouvoir identifier les agriculteurs qui ont le besoin le plus urgent. Je n'ai pas de budget spécifique pour cela. Nous souhaitons être de bons voisins, nous souhaitons aider les habitants, nous souhaitons donner des ressources aux personnes qui en ont le plus besoin. J'ai engagé des millions d'euros et je ferai encore plus si c'est nécessaire. Nous allons travailler avec les autorités locales et avec le FMSE pour identifier les personnes qui en ont le plus besoin. Je suis frustré du fait que nous n'ayons pas encore pu verser des fonds aux personnes qui en ont le plus besoin. Je vais essayer de voir comment on peut le faire plus vite. Il ne s'agit pas d'obligations légales, il s'agit d'être de bons voisins. C'est notre intention, nous souhaitons être de bons voisins sur tous les sites sur lesquels nous opérons dans le monde.
Pour ce qui est de nos salariés, nous nous réunissons régulièrement avec eux, ils continuent tous à travailler pour nous. Leurs salaires sont versés intégralement, ils travaillent tous pour que nous nous relevions. Il y a deux semaines, lorsque je suis allé à Rouen, j'ai rencontré trois représentants des salariés. L'un travaillait depuis 31 ans pour Lubrizol, un autre depuis 26 ans et le troisième depuis 12 ans. Deux de ces salariés ont commencé à pleurer. L'une m'a embrassé sur la joue. Nous avons parlé de la manière dont l'entreprise pouvait se relever.
Pour ce qui est de nos sous-traitants, merci de cette question, ils doivent suivre les mêmes protocoles de sécurité que nos salariés à temps plein. Nous les formons, nous nous assurons du fait qu'ils soient qualifiés, qu'ils aient les compétences pour mener les activités qu'ils doivent mener. Si cela n'est pas le cas, nous ne les autoriserons pas à travailler sur nos sites.
J'ai déjà évoqué les exercices incendie. Nous en organisons en moyenne quatre à cinq par an, soit 25 sur les cinq dernières années.
En ce qui concerne Normandie Logistique, nous l'utilisons comme lieu de stockage de produits, depuis de nombreuses années. C'est une pratique courante. Nous ne stockons sur le site de Normandie Logistique que des produits qui ne sont pas dangereux, aux termes des réglementations Seveso. Nous avons des règles et des mécanismes très clairs qui ne nous autoriseraient pas à stocker des matériaux dangereux chez Normandie Logistique. 80 % des matériaux qui ont brûlé chez Normandie Logistique étaient des matériaux solides non dangereux.
Vous m'avez demandé dans quelle mesure j'ai été impliqué depuis le début. Dans le cadre de notre procédure pour faire face aux catastrophes industrielles, l'équipe monde est informée en cas d'urgence et j'en fais partie, bien entendu. Nos collègues à Rouen ont eu accès à toute l'expertise et tout l'appui dont ils avaient besoin. Cette équipe a été contactée dans l'heure après le départ de l'incendie, j'ai été réveillé au cours de la nuit aux États-Unis, j'ai vu une photo de l'incendie à Rouen. Ma première question a bien entendu été de savoir s'il y avait des blessés et cela a été un soulagement d'apprendre que non, mais cela n'a duré qu'un instant, puisque nous avons vite commencé à comprendre l'importance de l'incendie. Personnellement, je n'ai pas été impliqué directement dans les contacts avec les autorités locales. C'est notre directrice générale qui a été en contact direct avec les autorités locales dès 4 h 30 ou 5 h 30 du matin. Elle a apporté avec elle des ressources supplémentaires auprès de la préfecture. C'est ainsi que les informations ont été transmises, par le biais de la directrice générale du site. C'est la manière efficace d'agir.
Je crois avoir répondu à l'ensemble des questions posées dans ce premier tour.
Merci monsieur le Président. Je me permettrai quand même de vous demander de préciser un certain nombre de réponses.
La première concerne le fait de dire que cela n'a aucun risque dans la durée. Vous êtes chimiste de formation, que pouvez- vous nous dire du fameux effet cocktail ? Beaucoup de questions sont en effet venues après coup, du fait que lorsque des produits différents brûlent en même temps, il y a bien évidemment différentes interprétations possibles parmi les toxicologues.
Pour rebondir sur la question posée par notre collègue Sébastien Jumel sur le fonds d'indemnisation, une évaluation autour de 40 à 50 millions a été évoquée. Est-ce que ce sont des chiffres officiels ou officieux ? Est-ce que cela résulte d'une estimation qui a déjà commencé, au regard des échanges que vous avez avec différentes autorités ?
Répondant à une question d'un de nos collègues, vous avez dit ne pas vouloir reconstruire à l'identique, est-ce que vous pouvez préciser ? Est-ce que cela veut dire par exemple que vous n'allez pas reconstruire le lieu de stockage et d'entreposage ? Quelles sont vos priorités et qu'est-ce que vous entendez par reconstruction ?
Enfin, je crois que cette question a été soulevée par deux collègues, nous la partageons avec M. le rapporteur et elle est importante. J'aimerais comprendre quelle est la différence fondamentale entre les produits qui étaient entreposés dans les locaux de Lubrizol qui ont brûlé et ceux entreposés chez Normandie Logistique, appartenant à Lubrizol et qui ont brûlé. J'ai bien entendu que chez Normandie Logistique, il y avait, comme vous venez de l'indiquer, des produits dits inertes, voire des matières servant à la production ; mais apparemment, dans la liste transmise par Normandie Logistique, certes un peu tard, sont indiqués des produits finis. Est-ce que c'est exact ? Quelle est la différence, pour bien comprendre les choses ?
Sur la question de M. Pierre Cordier sur l'existence d'une forme de comité de suivi de site, vous avez évoqué le fait d'avoir réuni, la semaine dernière, un groupe consultatif, notamment avec des représentants de riverains. J'aimerais savoir, avant cette réunion de la semaine dernière, de quand datait la précédente réunion ? Je pense en effet que cette forme de comité de suivi, comme il en existe dans d'autres filières industrielles, est essentielle, à la fois pour diffuser de l'information, mais aussi pour l'échange qui me semble nécessaire à l'échelle du territoire.
Tout d'abord, je peux répondre à votre dernière question, puisque j'ai moi-même rencontré des représentants du comité de riverains. La réunion avait lieu vendredi soir, dans les locaux de l'entreprise Lubrizol. Leurs réunions se tiennent, m'ont-ils dit, de manière régulière. Ils ont une réunion au mois de janvier, puis une en juin. L'appréciation qu'ils portaient était une appréciation convenable. Ils sont six, à leurs dires, à être réunis régulièrement par l'entreprise Lubrizol.
Cela pose peut-être une question de périmètre, en termes de communication. Six riverains, certes, c'est utile, mais est-ce que cela suffit à assurer une communication efficace vis-à-vis d'un tel site ?
En l'absence d'une évaluation environnementale systématique, depuis la loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC), il n'y a pas d'autorisation nécessaire, et vous avez procédé à deux extensions de stockage en janvier et en juin. Le préfet, qui a la faculté d'exiger des évaluations environnementales, l'a-t-il fait auprès de vous à l'occasion de ces deux extensions et l'exploitant, si cela a été le cas, les a-t-il réalisées ? Ces deux extensions de stockage ont été pour l'une en janvier, de l'ordre de 2 800 tonnes de substances inflammables diverses, 36 tonnes de substances de toxicité aiguë et 1 300 tonnes de substances dangereuses au contact de l'eau. Il semblerait que l'extension de stockage de janvier dernier ait correspondu à une simple demande de régularisation d'un stockage déjà réalisé. Est-ce que vous confirmez cette information ? La deuxième extension, en juin dernier, a porté sur 4 800 tonnes au total, sous forme de 240 conteneurs, dont 600 tonnes identiques à celles des matières de janvier dernier. Cette demande était précédée par la démolition d'un bâtiment amianté et plombé. Est-ce que cette démolition préalable au deuxième stockage dans l'année a été faite avant même l'arrêté préfectoral de mise à niveau des risques ?
Enfin, globalement, sur ces deux stockages, admettez-vous que leur total dépasse les seuils prévus par l'autorisation en cours ?
Pouvez-vous nous dire aujourd'hui quel est le montant des garanties financières détenues par Lubrizol vis-à-vis de l'État, puisque comme dans toute entreprise de cette nature, il y a des garanties financières qui sont requises par le préfet et qui doivent être consignées par les entreprises de cette nature, ainsi que le montant de la garantie additionnelle que le préfet a dû demander en cas d'incident technologique ? Si ces garanties financières existent, et elles doivent exister, ont-elles été mobilisées et à quelles fins ?
Je voulais réagir sur une affirmation contenue dans votre propos introductif. Vous nous avez dit « l'ampleur de l'incendie a dépassé les sprinklers. » Si je comprends bien le déroulement de l'incendie, de ce qu'on en sait aujourd'hui, l'essentiel de l'incendie a eu lieu dans des lieux de stockage, que ce soit les vôtres ou ceux de l'entreprise voisine.
Je voulais savoir, d'abord, si les normes de ces sprinklers coïncidaient à ce qui est habituellement demandé dans les deux cas, pour votre usine et pour l'entreprise de stockage. Vous nous affirmez qu'ils ont été dépassés, l'ont-ils été parce qu'ils étaient insuffisants au regard de la réglementation ou, tout simplement parce qu'ils étaient insuffisants par rapport aux informations disponibles. Cela nous importera en vue du retour d'expérience pour la mise à niveau des normes.
Je reviens aussi, comme notre président, sur l'affirmation que vous ne reconstruirez pas comme avant. Cela nous pose question. Est-ce que vous nous dites dès maintenant que vous prendrez en compte un certain nombre de retours d'expérience et que cela va vous aider à mieux travailler ? Ou est-ce tout simplement un choix délibéré d'abandonner une partie de la production sur ce site ?
Comme il s'agit de notre première audition, permettez-moi de revenir sur le déroulement des événements, et notamment sur les premières heures, lorsque l'incendie a été détecté. Est-ce que la détection a été faite par le biais de plusieurs dispositifs de détection incendie ? Vous avez également mentionné le fait qu'il y avait un circuit de caméras vidéo. Est-ce que c'est une personne qui était devant un écran qui a pu communiquer l'alerte ? Qui a communiqué à qui, pendant les premières heures, comment l'alerte s'est-elle transmise et est-elle arrivée jusqu'à la préfecture ? Y a-t-il aussi une alarme déclenchée sur le site de façon automatique ?
Vous avez parlé de vidéos. Est-ce que la mission d'information pourrait y avoir accès ?
Vous avez mentionné que le risque d'incendie en zone d'entreposage était plus faible que dans les unités où se produisent éventuellement les mélanges et les réactions chimiques. Néanmoins, est-ce que vous pouvez expliquer comment sont configurées ces zones d'entreposage ? N'y a-t-il pas des circuits électriques, ne serait-ce que pour l'éclairage, les détecteurs de départ d'incendie ? Quel pourrait être l'impact d'un court-circuit, par exemple, sur les matériaux entreposés ?
Monsieur le PDG, je crois qu'aujourd'hui commence l'évacuation des 1 400 fûts restants. Je crois que les populations ont besoin d'être rassurées sur le process qui va être engagé, d'abord pour protéger les salariés, mais aussi la population, tant sur les odeurs que sur le risque d'explosion si le contenu de ces fûts était explosif.
Monsieur le Président, je voulais vous interroger dans un premier temps sur les délais. D'abord, celui du nettoyage du site ; pour avoir vécu la même expérience dans « une autre vie », le délai peut être très long pour nettoyer le site. Ensuite, le délai pour la reconstruction. Est-ce que ce serait sur le même lieu ? Est-ce qu'un autre site est envisagé ? Est-ce que sur cette durée, et pour l'avoir vécu pendant plusieurs mois, il y a une reconversion, un reclassement des salariés qui ont été peut-être envisagés ? Est-ce que le stress et le doute qui s'installent dans les familles, sachant qu'il y avait sans doute aussi des couples qui travaillaient chez Lubrizol et qui doivent s'interroger sur la pérennité des emplois... Ce côté post-traumatique, pour l'avoir vécu dans une entreprise de 650 salariés, dont 90 couples y travaillaient, mérite d'être évalué.
Monsieur le Président, je vous remercie d'abord d'avoir répondu aux premières questions. Je voudrais revenir sur deux points qui ont été évoqués. Premièrement, vous nous avez déclaré que pour Normandie Logistique, 80 % de ce que vous aviez entreposé étaient des solides non dangereux, quels étaient les 20 % restant ? Vous n'en avez pas parlé ; donc, j'aimerais bien que vous y reveniez.
Deuxième chose, vous n'êtes pas sans savoir, et là je ne mets pas forcément en cause Lubrizol, que les normes environnementales pour l'installation de sites classés Seveso au cours des vingt dernières années ont été abaissées. Nous pensons qu'elles ont été trop abaissées. Vous en avez bénéficié, d'ailleurs, mais comme d'autres industriels. Ne pensez-vous pas qu'à force de baisser le niveau de ces normes, la sécurité de votre entreprise, des salariés et des populations qui sont autour, a été affaiblie ? Est-ce que vous seriez prêt ? si ces normes devaient être relevées un jour, à les accepter et à maintenir vos activités sur le sol français ?
Merci, monsieur Schnur, de répondre à nos questions. En 2014, le tribunal de Rouen avait condamné votre entreprise Lubrizol pour une série, je cite, « d'insuffisances dans la maîtrise des risques de la part de la société. » Qu'avez-vous fait précisément, techniquement parlant, suite à ce procès de 2014, pour répondre à ces insuffisances ? Vous avez parlé de 20 millions d'euros, j'aimerais savoir ce qu'il en est de façon plus précise.
En préambule, avant de poser mes questions, vous est-il possible d'être un peu plus précis dans vos réponses ?
Mon collègue a posé la question des 20 % de produits restant pour savoir exactement quels sont les produits, pas seulement s'ils sont dangereux ou pas. Je pense qu'en tant que parlementaires, nous pouvons en être informés.
Je voulais vous reposer une question que je vous ai posée peut-être un peu rapidement, sur la sous-traitance. J'ai cité un rapport du Club Maintenance Normandie ; ce club travaille avec la Chambre de commerce, c'est donc bien une étude sérieuse. J'ai peut-être été rapide tout à l'heure sur les pourcentages exprimés par les salariés. 98 % ne connaissent pas les principes généraux de la prévention, 92 % ne savent pas ce qu'est le document unique qui recense les risques liés à l'activité d'un site et les mesures mises en place pour les prévenir, 99 % ignorent la liste des travaux dangereux, 95 % sont incapables de dire ce que contient une fiche de données sécurité, 75 % des sous-traitants ne savent pas ce que c'est que la zone ATmospheres EXplosives (ATEX), soit zone à risque d'explosion.
Je repose ma question. En 2010, un représentant de votre société était présent lors de la présentation de ce rapport absolument alarmant. J'entends bien que vous nous expliquez que ce sont les mêmes règles de sécurité pour les sous-traitants, mais qu'est-ce qui a été fait depuis ? Parce que manifestement, les chiffres ne sont pas rassurants.
Vous avez cité la fuite de 2013. Un de mes collègues vient de citer l'incendie de 2014. En 2017, vous avez reçu une mise en demeure du préfet, avec 17 manques relevés dans votre entreprise, d'un point de vue sécurité. Quelles réponses ont été apportées sur ces 17 manques ?
Vous avez dit tout à l'heure que les analyses à court, moyen et long terme sur les produits étaient rassurantes. Je suis un peu étonné parce qu'il y a dix jours, dans le cadre d'un rapport que je suis en train de préparer pour la Commission des finances, j'ai auditionné le directeur général de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) qui m'expliquait qu'à court terme, c'est tout à fait vrai, mais qu'à moyen et long terme, vous ne pouvez pas donner de réponses tout de suite. Je voudrais savoir sur quoi vous vous fondez pour expliquer qu'il n'y a pas de nocivité des produits dans l'atmosphère à moyen et long terme ?
Je vous avais posé diverses questions auxquelles vous n'avez pas encore apporté de réponses. La première était : quelle a été la première information reçue sur la présence d'un incendie, qui a donné l'alerte : est-ce que c'est un salarié, est-ce que ce sont les capteurs et à quelle heure cela s'est-il produit ?
Ensuite, à quelle heure les sapeurs-pompiers sont-ils arrivés sur le site ?
Je repose également ma question sur la protection extérieure des bâtiments, pour empêcher qu'un incendie puisse venir les toucher. Si vous estimez que les bâtiments ne sont pas le lieu de départ du feu, cela veut dire qu'il venait de l'extérieur. Il faut donc savoir comment ils étaient protégés d'un incendie venant de l'extérieur.
Vous ne m'avez pas non plus répondu sur les protections existant entre Lubrizol et Normandie Logistique. Est-ce que c'était du grillage, un mur en béton ?
Je voudrais également revenir sur le sujet du chômage technique, que vous avez abordé. Vous avez indiqué que vos salariés n'étaient pas aujourd'hui au chômage technique. Je voudrais savoir s'il y a eu ou non du chômage technique dans les premiers jours, suite à l'incendie.
J'aimerais également savoir quel aurait été selon vous l'impact de cet incendie si les sapeurs-pompiers n'avaient pas agi comme ils l'ont fait. Est-ce qu'on aurait pu s'attendre à des morts et auquel cas, est-ce qu'on a une estimation de ce que cela aurait pu donner ?
J'ai cru comprendre également que vous aviez des capacités de stockage d'eau sur votre site pour circonscrire un incendie quand il arrive. Pourriez-vous nous indiquer la capacité de stockage en eau de votre site, puisqu'à un moment donné, d'après ce que j'ai compris, il n'y avait plus d'eau sur le site, parce qu'on avait vidé le stock disponible.
Pour éteindre ce type d'incendie, j'ai cru comprendre qu'il fallait un équipement spécifique pour générer de la mousse afin d'étouffer le feu par le dessus. A priori, le site de Lubrizol n'en était pas équipé. Est-ce que vous pourriez nous donner des éléments à ce propos ?
Enfin, je voudrais aborder un point dont nous n'avons pas encore parlé, qui concerne l'amiante. Selon ce qui est relaté, l'un des deux bâtiments A4 ou A5, voire les deux, disposait d'un toit en fibrociment d'amiante. Est-ce que vous étiez au courant de cette information ? Est-ce que vous aviez un protocole pour enlever cet amiante ?
Je reste également un peu sur ma faim sur mon interrogation concernant les salariés et le suivi de leur santé. Est-ce que des informations leur sont transmises régulièrement, est-ce qu'il y a des consultations qu'ils peuvent réaliser auprès de spécialistes, de leur médecin traitant ou de psychologues ? C'est en effet un vrai traumatisme et vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le Président, à propos des personnes que vous avez rencontrées et qui ont pleuré sur l'état de leur entreprise. J'aurais donc voulu davantage de renseignements sur le suivi médical des agents, la manière dont vous le prenez en charge et la manière dont vous communiquez avec eux.
Monsieur le Président, je vous laisse la parole pour répondre à l'ensemble de ces questions.
Je vais essayer de regrouper vos questions du mieux que je pourrais.
Je voudrais commencer par les questions portant sur les salariés. Il est vrai qu'ils connaissent beaucoup de stress et d'incertitude, c'est la raison pour laquelle, lorsque j'ai rencontré les représentants des salariés, je leur ai dit que tous les salariés de Lubrizol continueraient à être rémunérés et à toucher leurs salaires intégralement. Je leur ai également dit qu'ils subissaient déjà un stress suffisant parce que leur deuxième maison avait brûlé, et que je ne voulais pas qu'ils connaissent encore davantage de stress pour eux et pour leur famille et que nous allions donc leur apporter tout notre soutien. Nous avons des réunions régulières, dont une bientôt sur la sécurité. Ils ont accès à toutes les informations et ils peuvent avoir un suivi médical s'ils le souhaitent. Nous n'avons pas de blessures physiques, mais nous encourageons nos salariés à prendre soin de leur santé et à assurer régulièrement un suivi médical et des consultations médicales.
J'en viens aux effets à court, moyen et long terme sur la santé. Je suis ingénieur chimiste, mais n'ai pas compétence pour procéder à ces évaluations. Nous avons des toxicologues qui ont cette compétence. Nous appuyons bien sûr nos toxicologues qui travaillent sur la question, mais également les tierces parties qui travaillent sur la toxicité. Nous savons exactement ce qui a brûlé dans cet incendie, nous savons exactement ce que serait la combinaison des molécules de ces produits, nous savons exactement quels sont les produits de la combustion et les experts en toxicité peuvent faire des estimations à partir de cela, pour savoir ce qu'il en est pour la combustion. Bien sûr, faire des simulations de combustion fait partie des normes Seveso que nous respectons.
Je voudrais maintenant prendre les questions dans l'ordre.
D'abord la question de monsieur le Président sur le Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental, le FMSE, et les chiffres. J'ai vu différents chiffres cités dans divers articles de presse ; la raison pour laquelle nous travaillons avec le FMSE, c'est, peu importe le chiffre annoncé, que les personnes qui en ont besoin doivent recevoir l'aide dont elles ont besoin, et ce rapidement. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous nous sommes engagés à verser des millions d'euros et nous augmenterons le montant si c'est nécessaire. Le plus important pour nous, c'est que cet argent arrive rapidement chez les personnes qui en ont le plus besoin.
Vous avez posé plusieurs fois la question de la reconstruction. Ce que je voulais dire par là, c'est que nous n'avons pas l'intention de remplacer le stockage et la zone d'enfûtage que nous avons perdus dans l'incendie. Pourquoi ? Parce que nous pensons que la population locale ne serait pas à l'aise avec cette idée-là. Pour continuer à être de bons voisins à Rouen et pour pouvoir continuer d'exploiter nos installations, les riverains à Rouen, nos voisins, doivent être en confiance et je ne pense pas qu'ils le seraient si nous reconstruisions cela. Nous allons le faire hors de Rouen. Soit nous allons reconstruire un site d'entreposage nous-mêmes, soit nous allons travailler avec des tierces parties qui pourraient nous proposer du stockage hors de la ville.
Je suis désolé si je n'ai pas été clair sur la question des produits entreposés chez Lubrizol et chez Normandie Logistique. Nous ne stockons pas de matériaux ni de produits dangereux chez Normandie Logistique. Nous y avons stocké des produits non dangereux, dont 80 % étaient des produits solides et 20 % des produits finis, qui ne sont pas considérés comme dangereux aux termes des normes Seveso. Nous sommes très au clair par rapport à ce que nous avons stocké chez Normandie Logistique.
Je vous remercie d'avoir posé la question de la fréquence des comités consultatifs avec les riverains. Quant à savoir si le périmètre est suffisant, ce seront justement les leçons à tirer de la situation. Est-ce ce que nous communiquons assez avec les riverains pour qu'ils comprennent bien ? Si nous pensons que nos voisins ont besoin de davantage d'informations, nous en tiendrons compte et je pense que justement, dans les enseignements à tirer, il faudra que nous travaillions sur la communication. Nous parlons des langues différentes, et ce n'est pas parce que nous parlons français et anglais : ce que je veux dire, c'est que les industriels ont leur propre langage, les autorités locales ont leur langage et la population locale a le sien. Il faut néanmoins que nous arrivions à communiquer de manière efficace.
Merci d'avoir posé également une question sur les extensions de stockage de Lubrizol. Vous avez demandé s'il y avait eu des évaluations d'impact environnemental. L'extension de janvier n'était pas un changement par rapport à ce que nous stockons sur l'installation. Elle avait pour but de faire en sorte que les normes mondiales, pour ce qui est des fiches de données de sécurité (FDS), soient mises à jour par rapport aux normes Seveso. C'est-à-dire que certains des matériaux étaient classés différemment. Cela ne changeait rien à ce que nous faisions sur le site, c'était une régularisation à l'égard des normes des FDS. En juin, nous avons formulé une demande d'extension pour pouvoir stocker des conteneurs sur le site. Pour pouvoir faire cela, il fallait que nous utilisions une partie du terrain à cette fin. Mais c'est une demande qui est en cours, l'extension n'a pas été réalisée. Nous avons fait la demande auprès des autorités locales et celles-ci devaient décider s'il y a lieu de réaliser une évaluation d'impact environnemental ou non. Si j'ai bien compris, la capacité totale de stockage augmenterait de 3 % sur le site et je crois qu'ils ont décidé que dans ce cas, une étude d'impact environnemental n'était pas nécessaire.
Pour ce qui est de la question portant sur la démolition d'un bâtiment, je crois que ce bâtiment ne contenait pas de plomb, mais il y avait de l'amiante et cela a été bien géré. Je voudrais dire quelques mots sur l'amiante, parce que cela a été évoqué plusieurs fois. Je crois qu'en 1997, nous avons interdit l'utilisation de l'amiante. Le bâtiment A5 avait un toit en fibrociment qui contenait de l'amiante. Il a été construit dans les années 90 et c'était tout à fait courant, avant 1997, d'utiliser des matériaux de construction contenant de l'amiante. Lorsque ces bâtiments sont modifiés ou lorsque nous considérons qu'ils ne sont pas de qualité suffisante, il faut que nous gérions l'amiante dans des conditions très particulières. Pour ce qui est de l'incendie, nous avons procédé à des analyses quant à l'amiante le jour de l'incendie et après, nous avons également testé les équipements de protection individuelle (EPI) et les combinaisons de trois pompiers, le jour de l'incident, pour voir s'il y avait de l'amiante. Il n'y a pas eu d'amiante détecté sur le site ni hors du site.
Un numéro vert a été mis en place pour le public, pour les populations, au cas où ils trouveraient un débris qui pourrait contenir de l'amiante. Ils peuvent alors contacter ce numéro vert pour que le débris soit traité comme il convient.
Dans le bâtiment qui a été démoli, il y avait bien de l'amiante, mais toutes les règles ont été respectées.
Quant au montant des garanties financières, je crois qu'il faut uniquement un dépôt de garantie lorsqu'une installation est fermée.
Ensuite, sur les questions concernant la protection incendie. Je ne sais pas si l'on obtiendra des informations suite à l'enquête. En tout cas, je sais que les sprinklers dans le bâtiment 5 ont été déclenchés et cela a protégé le bâtiment pendant des heures. Je ne sais pas par coeur quelle est la capacité de ces sprinklers. Quand vous me demandez la quantité de stockage d'eau sur site, je ne sais pas exactement. Ce que je sais, c'est qu'au bout d'un moment, elle était épuisée.
Le système d'extinction est fait pour protéger le bâtiment en cas de départ de feu dans le bâtiment. Mais ce système n'était pas prévu pour un feu venant de l'extérieur du site, ce qui s'est apparemment produit. Il faut absolument que nous trouvions d'où est parti le feu, pourquoi et nous en tirerons les enseignements.
Pour ce qui est du stockage à l'extérieur, il n'y a pas d'installations électriques qui pourraient provoquer un départ de feu. Nous ne comprenons pas comment il pourrait y en avoir eu un à cet endroit-là.
Quant à la séparation entre Lubrizol et Normandie Logistique, c'est un mur en béton. Aucune des analyses de risques effectuées au cours des années n'a rien révélé. Nous attendons les résultats de l'enquête pour savoir ce qu'il s'est produit.
J'en viens au sujet des fûts sur le site. De nombreux fûts ont été détruits dans l'incendie, certains partiellement. Nous avons mis en place un système de gestion des odeurs parce que certains pourraient potentiellement générer du mercaptan. Mais nous avons fait ce qu'il faut pour gérer cette question. Un robot va manipuler chacun des fûts pour les déplacer. C'est une entreprise extérieure qui a de l'expertise dans ce domaine et qui sait faire face à ce type de situations.
Combien de temps le nettoyage du site va-t-il prendre ? Transférer ces fûts prendra probablement entre un et deux mois, parce que nous ferons cela en respectant toutes les mesures de sécurité. Notre objectif n'est pas la rapidité, mais la sécurité : c'est ce qu'il y a de plus important.
Pour ce qui est des normes Seveso, on pourra en reparler, mais je ne crois pas que ces normes aient été abaissées. Pour autant que je sache, l'idée était qu'il fallait être plus efficace, rationaliser les procédures administratives, mais je crois que l'on n'a pas changé la force des normes Seveso.
Sur les sous-traitants. Je n'ai pas obtenu toutes les informations, mais l'article de presse de ce matin disait qu'ils ne connaissaient pas les normes, etc. Je peux vous dire que ce n'est pas le cas des sous-traitants qui travaillent chez Lubrizol et que ce n'est pas le cas de ceux qui travaillaient le 26 septembre sur nos sites. Nous faisons en sorte que quiconque travaille sur nos sites respecte les mêmes normes de sécurité que nos salariés à temps plein. Je l'ai dit, nos salariés sont notre famille, nous souhaitons qu'ils soient protégés. C'est aussi la raison pour laquelle nous faisons en sorte que nos sous-traitants respectent les mêmes normes.
Il me semble avoir répondu à l'ensemble de vos questions.
Si vous le permettez, je voudrais simplement prendre un instant, parce que je sais que le public nous regarde. Je voudrais remercier, au nom de l'ensemble de l'entreprise Lubrizol, les premiers intervenants sur le site, au moment de l'incendie. Vous m'avez demandé ce qu'il se serait passé si les sapeurs-pompiers n'étaient pas intervenus comme ils l'ont fait. Évidemment, on ne sait pas ce qui se serait passé, mais nous pensons que leur compétence a vraiment permis que l'incendie ne gagne pas d'autres parties du site et a certainement permis de préserver certains autres bâtiments, et surtout les personnes. Je tiens donc à remercier de tout coeur les intervenants, que ce soient les secours ou les riverains qui nous ont aidés.
Encore quelques questions complémentaires. Je vais me permettre d'en ajouter trois.
D'abord, nous avons tout à l'heure demandé si les vidéos qui fondent votre conviction sur la possibilité d'une source extérieure au site peuvent être visionnées par notre mission d'information.
On a vu qu'il y avait une interrogation en ce qui concerne la diffusion et la publication des listes des produits entreposés sur le site de Lubrizol et sur celui de Normandie Logistique. Vous avez dit à la presse avoir confié ces listes aux autorités, dans les premières heures de l'incendie. Qu'est-ce qui explique qu'il ait fallu insister lourdement pour obtenir ces listes et qu'elles n'aient été rendues publiques que le 1er octobre, tard dans la soirée ?
Enfin, selon vous, qu'est-ce qui explique, aujourd'hui encore la difficulté à définir l'origine même de l'incendie ? Je n'ignore pas, pour m'être rendu sur place avec un certain nombre de mes collègues, l'état même du site, la présence d'une sorte de nappe de produits, d'hydrocarbures... mais, au-delà de la conviction qui est la vôtre, si l'hypothèse se vérifie d'une source extérieure à l'incendie, on peut imaginer qu'il soit sans doute plus évident d'en définir l'origine. Qu'est-ce qui, selon vous, rend à ce point compliquée l'investigation en cours ?
Parce que vous n'ignorez pas que l'ensemble des questions que nous nous posons sont les mêmes que celles des habitants du territoire, ceux que vous appelez, pour reprendre votre formule, « vos voisins ». Plus on tarde à apporter des réponses, plus une forme de méfiance s'installe, voire même de défiance.
Je céderai la parole pour une dernière série de questions à Jean Lassalle, à Éric Coquerel et à Hubert Wulfranc, en demandant à chacun d'eux d'être très bref pour permettre au Président de nous répondre avant de conclure notre audition.
Monsieur le Président-directeur général, je vous observe attentivement et je dois dire que je suis, indépendamment de tout ce qui suivra, très agréablement impressionné par le sentiment de solennité, de connaissance et de quiétude que vous laissez transparaître, alors même que vous me paraissez avoir un sens aigu de la responsabilité. Je voulais dire cela, parce que c'est important.
Est-ce que dans la longue vie de votre entreprise, vous avez connu un phénomène similaire ? Ou avez-vous vu un phénomène similaire dans une autre entreprise, qui ait le même niveau de complexité, avec autant de paramètres simultanés. Cela pourrait vous aider, nous aider, à progresser dans la découverte de la vérité puis ensuite, pour trouver les solutions.
J'ai bien noté votre réponse sur les sous-traitants. On peut supposer que depuis 2010, soit tout cela a été rectifié, soit vous n'aviez jamais fait appel aux sous-traitants qui sont visés dans le rapport.
J'ai trois questions brèves, comme il m'a été demandé. La première, pour rappeler que vous ne m'avez pas répondu sur la mise en demeure de 2017 et sur ce qui a été fait pour les 17 manquements relevés à l'époque.
Voici la deuxième. Mon collègue Millienne parlait de la question de l'abaissement des normes Seveso. On sait aussi qu'il y a une baisse du nombre d'inspecteurs en France. En gros, il y a moitié moins de contrôle qu'il y a 15 ans. Est-ce que vous avez senti cet effet à Lubrizol, en termes d'inspection ?
Et ma troisième question est sur le fumoir. Un média en ligne, Konbini, a révélé qu'il y avait un fumoir situé sur le toit d'un bâtiment à une vingtaine de mètres du principal entrepôt incendié, un fumoir non clos, ce qui théoriquement est interdit, à l'air libre, dans un lieu où sont entreposées des matières explosives et inflammables. Des images satellites laissent à penser que ce fumoir a peut-être été déplacé. L'a-t-il été ? Dans ce cas, pourquoi ? Étiez-vous conscient du caractère dangereux que pouvait avoir cette démarche ? Et s'il n'a pas bougé, à quoi correspond alors la zone identifiée par l'enquête de Konbini, qui situe une autre zone un peu plus au nord ? Je dis cela parce que nous sommes tout près, là, du site incendié.
Est-ce que vous pourriez revenir sur la base contractuelle qui vous lie à Normandie Logistique et qui vous permet d'entreposer des produits chez une autre entreprise mitoyenne ? Comment expliquez-vous que la préfecture se soit adressée à Normandie Logistique pour recevoir la liste de vos produits qui a été communiquée plus tardivement que celle que vous auriez transmise à la préfecture ?
Enfin, est-ce que vous pourriez expliciter votre formulation « pour les indemnisations, je n'ai pas de budget » ?
Monsieur le Président, je vous laisse la parole pour répondre à ces questions supplémentaires.
Je vous prie de bien vouloir m'excuser si je ne réponds pas à certaines questions. Ce n'est pas parce que je ne veux pas y répondre, c'est simplement que j'en oublie parfois.
Pour les vidéos, je pense que la police dispose de toute l'information et vous rendra ces vidéos disponibles si vous les demandez. Nous sommes bien sûr prêts à vous donner accès à ces vidéos.
Pourquoi est-il si compliqué de déterminer l'origine du départ de feu ? C'est également une question que nous nous posons. En fait, nous souhaiterions avoir des réponses rapides. Le public souhaite avoir une réponse rapide. Nous sommes très impatients. Nous faisons confiance à l'enquête, nous savons qu'elle sera approfondie, mais nous aussi aimerions savoir le plus rapidement possible quelle est l'origine du feu.
Pourquoi est-ce qu'on ne voit pas cela sur nos vidéos ? Parce qu'il y a une législation en France qui dit que si vous avez une surveillance vidéo pour votre site, on ne peut pas avoir des images du site voisin, ce qui est logique, parce qu'on ne souhaite pas pouvoir filmer ce qui se passe à côté. Sur les vidéos que j'ai vues, on voit simplement un feu qui arrive sur notre site, mais on ne sait pas ce qui se passe de l'autre côté.
Je crois que de nombreuses informations nous amèneront à en tirer les enseignements bientôt, mais effectivement, nous sommes aussi impatients que vous de savoir ce qu'il s'est produit.
Il y avait deux questions sur nos listes de produits, les produits Lubrizol et les produits stockés chez Normandie Logistique.
Pendant les premières heures de l'incendie, nous avons donné une liste des 380 produits qui étaient dans le stockage Lubrizol. Le premier jour, nous avons également donné les FDS pour les 10 produits qui étaient présents dans les plus grandes quantités. Les FDS sont des documents très complets, parfois 20, 40 ou 50 pages, en fonction du matériau. Cela détaille la composition, la manière dont on manipule, les normes de sécurité, etc. Au cours des jours suivants, nous avons fourni les FDS pour ces 380 produits, cela veut dire des milliers de pages, avec de nombreuses informations à digérer.
Nous avons donc répondu le plus rapidement possible. Je suis d'accord, c'était sans doute un défi que d'arriver à mettre tout cela sous une forme qui soit utilisable par l'opinion publique.
Notre responsabilité n'est pas de publier les informations, mais de donner les informations le plus rapidement possible, ce que nous avons fait.
S'agissant de Normandie Logistique, j'aurais dû le dire tout à l'heure, Normandie Logistique stocke des produits et des matériaux pour Lubrizol, mais également pour d'autres entreprises. Le premier jour, les autorités locales ont su que nous stockions des produits chez Normandie Logistique, d'ailleurs la DREAL y était venue en 2017. Nous leur avons rappelé que nous stockions des choses chez Normandie Logistique, nous leur avons fourni toutes les FDS sur les produits Lubrizol stockés chez Normandie Logistique, mais nous ne pouvions évidemment pas donner d'informations sur les autres produits d'autres entreprises qui y étaient stockés.
Est-ce qu'il y a eu des phénomènes ou des événements similaires dans d'autres entreprises ? Pas chez Lubrizol. Mais votre idée d'essayer de voir ce qu'il s'est passé dans d'autres entreprises semblables et d'en tirer des enseignements est une excellente idée. Je vais rencontrer dans une dizaine de jours des représentants américains du secteur de la chimie et je discute avec de nombreux industriels. Je n'ai pas d'exemple d'événements semblables à vous citer là parce que nous sommes vraiment concentrés sur cet événement particulier, mais en tout cas, j'en parlerai à mes homologues.
En effet, je n'avais pas répondu à ce que vous aviez demandé sur 2017 et les 17 manquements. Il y a eu de nombreuses actions menées en 2018. Les 20 millions d'euros d'investissement ont servi à des équipements et nous pouvons vous fournir les informations détaillées, si vous le souhaitez.
Pour ce qui est des inspections concernant les normes Seveso, nous avons trois à cinq inspections par an de la DREAL sur notre site, et je pense que cela correspond à la norme.
Et puis, dernier point, une question sur la fumée. Je ne sais pas très bien à quoi vous faites référence, mais il y a des matériaux qui ont continué à brûler pendant quelques jours chez Normandie Logistique. Je ne sais pas si c'est à cela que vous faisiez référence.
Si vous le permettez, je pense que la question de notre collègue Éric Coquerel évoque un fumoir, un lieu qui permet aux salariés de pouvoir fumer une cigarette, lors des pauses. Je pense qu'il y a peut-être eu un problème de traduction.
Excusez-moi, j'avais en effet mal compris. Je suis désolé, je ne sais pas ce qu'il en est de ce fumoir, mais en tout cas je pourrai vous donner des informations plus tard. Je suis désolé, je ne dispose pas de cette information.
Nous retenons que vous allez transmettre dans les heures qui viennent la réponse à notre collègue Éric Coquerel.
Je voudrais vous remercier, monsieur le Président, en mon nom et au nom de la mission ainsi que du rapporteur, de votre présence et des réponses que vous avez apportées. Sachez que nous n'hésiterons pas, bien évidemment, au cours de notre mission, à revenir, si besoin, auprès de vous-même ou de votre groupe, pour continuer à obtenir des réponses, même si nous n'ignorons pas que l'enquête judiciaire et l'enquête administrative en cours, elles-mêmes, progressent.
Merci de votre présence et merci d'avoir consacré du temps à nos questions.
Bien sûr, nous souhaitons vous donner autant d'informations et d'aide que possible.
Merci à vous.
L'audition s'achève à treize heures cinq.
Membres présents ou excusés
Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à Rouen
Réunion du mardi 22 octobre 2019 à 11 h 30
Présents. - M. Damien Adam, M. Erwan Balanant, M. Xavier Batut, M. Christophe Bouillon, M. Éric Coquerel, M. Pierre Cordier, M. Dominique Da Silva, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Dimitri Houbron, M. François Jolivet, M. Jean Lassalle, Mme Nicole Le Peih, M. Bruno Millienne, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Annie Vidal, M. Hubert Wulfranc
Excusés. - M. Sébastien Leclerc, Mme Sira Sylla
Assistait également à la réunion. - M. Sébastien Jumel