Jeudi 30 janvier 2020
La séance est ouverte à dix heures vingt-cinq.
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La commission procède à l'examen la proposition de loi de Mme Jeanine Dubié portant diverses mesures de justice sociale (n° 2550) (M. Yannick Favennec Becot, rapporteur).
Mes chers collègues, nous examinons ce matin une des propositions de loi que le groupe Libertés et Territoires a souhaité inscrire à l'ordre du jour qui lui est réservé en séance publique, le jeudi 13 février : la proposition de loi de Mme Jeanine Dubié et plusieurs de ses collègues portant diverses mesures de justice sociale. Je remercie le groupe Libertés et Territoires et le rapporteur d'avoir permis que cet examen se déroule dès ce jeudi, ce qui permettra de ne pas interrompre, la semaine prochaine, les travaux de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite.
Madame la présidente, je vous remercie de m'accueillir dans votre commission afin que je vous présente cette proposition de loi.
Mes chers collègues, s'il y a bien un enseignement que nous pouvons tirer des manifestations qui se sont succédé au cours de ces derniers mois dans notre pays, c'est celui de l'aspiration profonde de nos concitoyens à davantage de justice sociale. Nous avons tous entendu, dans nos circonscriptions, les difficultés croissantes que traversent les plus fragiles d'entre nous. Ces mobilisations sociales, ces témoignages nous ont rappelé avec force que les mesures en faveur des plus vulnérables ne peuvent rester de vagues promesses sans cesse remises au lendemain. Il y a donc urgence, dans le contexte que je viens de décrire, à proposer des mesures concrètes en faveur des plus fragiles d'entre nous. Telle est l'ambition de la proposition de loi que je vous présente aujourd'hui.
Ce texte de ma collègue Jeanine Dubié, porté par le groupe Libertés et Territoires et que j'ai l'honneur de rapporter, vise en particulier à améliorer la situation des personnes en situation de dépendance ou de handicap. Dans une société vieillissante, la question de la prise en charge de nos aînés et des personnes dépendantes est évidemment essentielle. Or les différentes aides publiques ne permettent pas toujours à ces personnes de vivre dans la dignité. Les personnes âgées notamment sont souvent contraintes, en raison de leur état de santé, de quitter leur domicile pour être accueillies en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Trop souvent, des soucis financiers viennent s'ajouter aux difficultés liées à la dégradation de leur état de santé : malgré les différentes aides publiques, les frais de séjour restant à la charge des personnes âgées dépendantes demeurent particulièrement élevés. Aujourd'hui, après prise en compte des différentes allocations et aides publiques, le reste à charge moyen s'élève à près de 1 800 euros. Ce reste à charge est supérieur aux ressources courantes pour plus d'un résident sur deux. Est-il normal que les personnes hébergées en EHPAD soient contraintes de mobiliser leur épargne ou de solliciter l'aide de leurs familles pour financer ce reste à charge ?
Cette situation est particulièrement préoccupante pour tous ceux qui ne peuvent compter sur l'aide financière de leurs proches. Elle est d'autant plus inacceptable que la prise en charge de la perte d'autonomie doit relever à titre principal de la solidarité nationale. C'est pourquoi l'article 1er du texte que nous vous présentons transforme en crédit d'impôt la réduction d'impôt au titre des frais de séjour des personnes accueillies en établissement ou service spécialisé. Je précise qu'il s'agit d'une proposition que notre collègue Christine Pires Beaune a présentée lors de la discussion du précédent projet de loi de finances, et que nous reprenons. Cette mesure de justice sociale permet d'étendre le dispositif actuel de réduction d'impôts aux personnes non imposables, c'est-à-dire à celles dont les revenus sont les plus faibles.
La présente proposition de loi a également pour ambition d'améliorer la situation des personnes handicapées, qui sont plus que les autres exposées à la pauvreté. La moitié d'entre elles à un niveau de vie inférieur à 1 540 euros par mois, soit près de 200 euros de moins qu'une personne valide. Ces personnes cumulent d'ailleurs les difficultés car leur invalidité les empêche souvent de s'intégrer durablement dans le monde du travail. Souvenons-nous de ces mots de René Lenoir, secrétaire d'État auprès de la ministre de la santé Simone Veil, sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing, en 1974, lorsqu'il défendait la création de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) dans le cadre de la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées : « La dignité de tout homme dépend de son degré d'autonomie et l'autonomie suppose des ressources suffisantes. »
Or la situation des bénéficiaires de l'AAH demeure préoccupante. Alors qu'un peu plus d'un million de personnes perçoit cette prestation, un quart vit en dessous du seuil de pauvreté. Dans ce contexte, les modalités de calcul et d'attribution de l'AAH sont particulièrement dénoncées. En effet, aujourd'hui si le bénéficiaire est en couple, les revenus de son conjoint sont pris en compte dans le calcul et le plafonnement de l'AAH. Cette situation est regrettable à double titre.
Premièrement, elle institue une inégalité financière entre bénéficiaires selon leur situation personnelle, inégalité qui s'est manifestée avec évidence à l'occasion des revalorisations successives de l'AAH en novembre 2018 et 2019. Parallèlement aux revalorisations de l'allocation, dont le taux plein est passé à 900 euros, la majoration du plafond de ressources prévu pour les allocataires en couple a été abaissée, privant environ 100 000 allocataires du bénéfice de la réforme.
Deuxièmement, ce mode de calcul et de recouvrement de l'AAH est problématique en ce qu'il contrevient à l'autonomie des allocataires. Plusieurs associations soulignent par exemple la situation alarmante de certaines femmes handicapées victimes de violences et qui, privées de l'AAH, se retrouvent dépendantes des revenus de leur conjoint ! Les articles 2 et 3 suppriment ainsi la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'AAH, ainsi que dans son plafonnement. Cette mesure attendue permettrait aux publics éligibles à l'AAH de bénéficier d'une véritable autonomie financière, et ainsi d'une plus grande dignité. Elle répond à une revendication historique des associations de défense des droits des personnes handicapées déjà relayée l'année dernière dans cette commission par notre collègue Marie-George Buffet.
Il est essentiel de réaffirmer encore une fois le principe de solidarité nationale et de répondre à une aspiration plus globale de nos concitoyens à l'individualisation des droits.
La proposition de loi entend également améliorer l'accès à la prestation de compensation du handicap, quinze ans presque jour pour jour après l'adoption de la grande loi sur le handicap, le 11 février 2005. Si, à l'époque, cette loi a constitué une grande avancée pour les personnes handicapées, force est de constater qu'elle n'a pas tenu toutes ses promesses. Je pense en particulier à la question des barrières d'âge. Comme vous le savez, il en existe deux : une première à 60 ans – il s'agit de l'âge limite pour solliciter le bénéfice de la prestation de compensation du handicap (PCH) – et une seconde à 75 ans puisque la PCH peut en réalité être sollicitée jusqu'à 75 ans, sous réserve que le handicap du demandeur soit survenu avant l'âge de 60 ans. Cette barrière d'âge de 75 ans devrait disparaître dans les prochains mois, grâce à l'adoption de la proposition de loi d'origine sénatoriale rapportée à l'Assemblée nationale par notre collègue Nathalie Elimas et adoptée en séance publique le 15 janvier dernier. Si l'on ne peut que saluer l'adoption de cette disposition, il ne s'agit à nos yeux que d'un premier pas.
En effet, le maintien de la barrière d'âge de 60 ans est particulièrement injuste. Si le handicap survient au-delà de cet âge, seule l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) peut être demandée. Cette situation aboutit à traiter différemment des personnes présentant des niveaux d'incapacité et des besoins de compensation identiques.
Ajoutons que le vieillissement de la population rend ces seuils de plus en plus difficiles à justifier. Dès 2005, le législateur avait prévu que la distinction entre les personnes handicapées en fonction des critères d'âge disparaisse dans un délai de cinq ans… Force est de constater que rien n'a été fait.
La loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement est revenue sur cette question en prévoyant la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur l'impact des seuils de 60 et 75 ans pour l'attribution de la PCH. Ce rapport devait être remis dans un délai de six mois. Nous l'attendons toujours. Pourtant, la suppression de la barrière d'âge fait l'objet d'une demande unanime, là encore, des associations. C'est aussi une préconisation des spécialistes qui ont étudié le domaine du handicap, qu'ils soient universitaires ou praticiens. L'article 4 de la proposition de loi y répond enfin.
Soucieuse d'améliorer la situation des personnes les plus vulnérables, la proposition de loi que je vous présente porte enfin une attention particulière aux jeunes, envers lesquels nous avons une importante responsabilité. Trois évolutions caractérisent aujourd'hui la jeunesse et me semblent mériter toute notre attention.
Premièrement, la précarité semble être de plus en plus la règle en matière d'insertion des jeunes sur le marché du travail. Dans ce contexte, la multiplication des stages me semble particulièrement frappante : les jeunes sont ainsi de plus en plus nombreux à accepter des offres de stage, même après l'obtention de leur diplôme, et à contrecoeur, car ils peinent à trouver un premier emploi et ne peuvent rester sans activité.
Deuxièmement, et ce constat est lié au premier, l'entrée dans la vie professionnelle et le fait d'exercer un emploi stable surviennent de plus en plus tard. L'âge moyen d'entrée dans la vie active se situe aujourd'hui entre 21 et 22 ans, contre 18 ans dans les années 1970 ; il s'élève à 24 ans pour les diplômés de l'enseignement supérieur.
Troisièmement, on observe une diminution de plus en plus marquée du nombre de trimestres cotisés à l'âge de 30 ans : ils correspondent à trois ans de moins au cours des vingt dernières années.
Face à ces données, de nouveaux dispositifs ont été instaurés ; nous souhaitons les renforcer afin de rétablir la confiance de la jeunesse envers notre système social, et en particulier notre système de retraite par répartition.
Depuis 2014, les étudiants peuvent demander à racheter jusqu'à deux trimestres de stages rémunérés, c'est-à-dire verser des cotisations d'assurance vieillesse au titre de ces expériences professionnelles. Ce dispositif nous paraît néanmoins trop restrictif : la demande de validation de stage doit intervenir dans un délai de deux ans, ce qui est beaucoup trop court dans la mesure où les stages sont souvent effectués à des âges où les jeunes se soucient d'autre chose que de leur retraite et manquent de moyens financiers, surtout pour effectuer ces rachats. L'article 5 de la proposition de loi propose de porter de deux à dix ans ce délai de validation de stage.
Nous souhaitons également améliorer les modalités de validation des stages qui, elles aussi, nous apparaissent trop restrictives. Pour l'heure, le rachat de stage peut simplement faire diminuer la décote qui s'applique à la pension de l'assuré lorsque celui-ci n'a pas validé suffisamment de trimestres pour disposer d'un taux plein. Nous souhaitons que les trimestres validés au titre des stages soient également pris en compte au titre de la durée d'assurance et non seulement dans le taux de décote.
Ces dispositions, plus protectrices et plus adaptées à la réalité de la jeunesse, ont vocation à être intégrées au sein du futur système des retraites, si la réforme prévue vient à être adoptée.
Cette proposition de loi, vous l'avez compris, n'a d'autre but que d'améliorer la situation des personnes en situation de dépendance ou de handicap ainsi que celle des jeunes. Il s'agit de mesures de justice sociale concrètes et attendues depuis de longues années par les associations et nos concitoyens. Elles ne nécessitent pas d'attendre une fois de plus le lancement d'une nouvelle concertation ou la présentation sans cesse retardée d'un grand projet de loi. Il nous incombe de corriger ces situations qui reflètent nos manquements, nos insuffisances. En apportant ces réponses de bon sens, nous donnerons simplement aux personnes en situation de dépendance ou de handicap ainsi qu'aux jeunes la possibilité de davantage s'épanouir dans une société durable, porteuse d'avenir et de bien-être. C'est pourquoi je vous invite à adopter ce texte qui permettra d'apporter une première pierre à une réforme plus ambitieuse en faveur des personnes les plus vulnérables.
Le groupe La République en Marche salue l'initiative du groupe Libertés et Territoires, plus particulièrement celle de Mme Jeanine Dubié et du rapporteur, et leur volonté de mettre en débat différentes mesures d'amélioration de notre protection sociale.
À la lecture de cette proposition de loi, on ne peut qu'être d'accord avec les objectifs avancés : réduction du reste à charge pour l'hébergement des personnes âgées, amélioration des conditions d'attribution de l'allocation aux adultes handicapés, meilleure articulation entre la PCH et l'APA, meilleure prise en compte des stages dans le calcul des futures pensions de retraite.
Si la volonté est louable, ce que je reconnais fort volontiers, les propositions de notre collègue se heurtent à mon sens à deux écueils. Tout d'abord, les mesures proposées dans le cadre de cette proposition de loi arrivent de manière un peu anticipée, sans évaluations sérieuses ou informations concernant son financement et les modalités de celui-ci. De plus, elles font toutes l'objet de réflexions déjà engagées par le Gouvernement et la majorité dans le cadre de concertations qui, elles, sont bien avancées, notamment avec les représentants des collectivités territoriales, les partenaires sociaux, le Conseil national consultatif des personnes handicapées, les associations et les citoyens.
Ces questions, complexes et exigeantes, doivent à notre sens être traitées de manière plus exhaustive lors de futures grandes réformes que nous discuterons dans les deux prochaines années : le projet de loi instituant un système universel de retraite, dont les auditions viennent de commencer cette semaine et qui sera discutée en commission dès la semaine prochaine, le projet de loi instaurant un revenu universel d'activité, qui sera présenté l'année prochaine au Parlement, la réforme sur le grand âge et l'autonomie.
L'efficacité suppose la cohérence. Je le répète, cette proposition de loi pose les bonnes questions, mais pas au bon moment. J'invite donc M. le rapporteur ainsi que tous les membres du groupe Libertés et Territoires à venir travailler avec la majorité sur les mesures contenues dans cette proposition de loi lors de l'examen des projets de loi portant ces réformes pour pouvoir dégager des solutions concrètes, efficientes et pérennes pour les Françaises et les Français.
Pour les raisons que je viens d'énoncer, le groupe LaREM est défavorable à cette proposition de loi et votera contre l'ensemble des articles examinés. J'aurai l'occasion d'y revenir plus précisément lors de la discussion de chacun de ces articles.
Je tiens tout d'abord, au nom du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, à saluer le travail de qualité réalisé par nos collègues du groupe Libertés et Territoires sur des sujets très importants pour les personnes âgées, pour les personnes en situation de handicap ou encore les jeunes qui débutent dans la vie active.
J'aborderai plus particulièrement ce matin le sujet de la prestation de compensation du handicap, qui me tient à coeur et que nous avons tout récemment abordé lors de la discussion de la proposition de loi visant à améliorer la PCH, dont j'étais rapporteure et qui a été adoptée le 15 janvier dernier à l'unanimité par notre assemblée. Ce texte prévoit déjà la possibilité d'octroyer une prestation sans limitation de durée, avec la création d'un droit à vie, des mesures sur les contrôles d'effectivité de la PCH ainsi que des dispositions qui permettront enfin la parution du décret sur les fonds départementaux de compensation.
La PCH était jusqu'alors régie par deux barrières d'âge : ce texte permettra de franchir une première étape en supprimant la limite d'âge de 75 ans au-delà de laquelle il n'est plus possible de demander la PCH. Cette limite d'âge était injuste, puisqu'elle pénalisait ceux qui n'avaient pas jugé utile de présenter leur demande avant 75 ans mais qui, passé cet âge, se trouvaient mis en difficulté par un changement survenu dans leur environnement, comme la disparition d'un proche aidant. Cette mesure a donc répondu à un souci d'équité, ainsi qu'à l'allongement de l'espérance de vie des personnes concernées. Elle permettra d'améliorer le droit à la compensation d'environ 8 000 personnes handicapées vieillissantes.
J'avais indiqué à cette occasion qu'il me semblait aussi pertinent de nous interroger sur la barrière d'âge de 60 ans. C'est un sujet dont nous n'avions pas débattu parce que les amendements avaient été déclarés irrecevables, ce que je regrette. La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui nous offre donc l'occasion d'en débattre, ce dont je vous remercie, monsieur le rapporteur.
La proposition de loi déposée par notre collègue Jeanine Dubié vise à apporter une réponse parlementaire à la crise sociale que traverse notre pays depuis maintenant un an et demi. Elle porte principalement sur le pouvoir d'achat des personnes en perte d'autonomie et elle invite le législateur à se pencher sur la question du reste à charge des personnes dépendantes hébergées en EHPAD ou en service spécialisé. Ce texte s'intéresse également à la situation des personnes relevant de l'allocation aux adultes handicapés et de la prestation de compensation du handicap.
L'article 1er nous paraît essentiel. Le reste à charge moyen en EHPAD s'élève de nos jours à près de 1 800 euros. Afin de remédier à cette situation, notre collègue Christine Pires Beaune proposait, dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2020, de réduire le reste à charge des personnes accueillies en établissement, en transformant la réduction d'impôt pour frais d'hébergement en crédit d'impôt, qui profite à tous et non aux seuls contribuables payant l'impôt sur le revenu. C'est ce que propose l'article 1er, auquel le groupe Socialistes et apparentés ne peut que souscrire.
Si le Gouvernement a revalorisé l'AAH dès 2018, cette revalorisation s'est accompagnée d'une régression. Une personne handicapée atteinte d'un handicap lourd l'empêchant de pouvoir travailler est désormais privée de l'intégralité du montant de l'AAH dès lors que son conjoint perçoit un revenu de 2 250 euros par mois au moins. En effet, le Gouvernement a abaissé le plafond de ressources pour les allocataires en couple. Ainsi, 100 000 bénéficiaires de l'AAH vivant en couple n'en bénéficient plus. Nous connaissons tous ici, pour les recevoir dans nos permanences, des bénéficiaires de l'AAH qui ont dû renoncer à leur allocation en raison de cette mesure. Ce texte propose donc de supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'AAH afin de rendre aux allocataires un peu de pouvoir d'achat et surtout davantage de dignité, ce qui nous semblait fondamental.
Les associations nous le demandent depuis longtemps : il est temps d'individualiser le bénéfice de l'AAH. C'est ce que propose aussi la proposition de loi de notre collègue que je vous invite à voter.
Enfin, concernant la prestation de compensation du handicap, Mme Dubié propose de repousser de 60 à 65 ans l'âge limite permettant d'accéder à cette allocation. C'est une proposition de bon sens : elle reprend une recommandation de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans un rapport de 2016 et une préconisation de notre collègue Nathalie Elimas dans son rapport. C'est une mesure de justice à laquelle nous devons faire droit, pour permettre aux personnes dont le handicap interviendrait après 60 ans, mais avant l'âge de départ à la retraite, de toucher une aide sociale d'une grande importance.
Pour toutes ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés votera cette proposition de loi.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour votre rapport très étayé, qui apporte des éléments objectifs à l'appui des mesures que nous présentons.
Cette proposition de loi ne prétend pas répondre à l'enjeu plus grand qu'est l'avenir de notre modèle social face aux défis du vieillissement de la population et de la dépendance. Elle nous invite simplement à nous interroger sur la pertinence de dispositifs existants et, si possible – j'en garde encore espoir –, à les améliorer.
L'article 1er prévoit d'améliorer le pouvoir d'achat des personnes âgées dépendantes résidant en EHPAD en transformant la réduction d'impôt en crédit d'impôt car celui-ci profite à tous, notamment à ceux qui ont de faibles retraites, contrairement à la réduction d'impôt dont seuls bénéficient ceux qui payent l'impôt sur le revenu. Le crédit d'impôt permet à la personne de recevoir une contribution des finances publiques, ce qui évite le recours à l'aide sociale à l'hébergement, avec toutes les conséquences familiales et patrimoniales que cela implique, tout en renforçant le droit à l'autonomie des personnes.
Je tiens à saluer tout particulièrement ma collègue Christine Pires Beaune, qui a fait cette proposition lors de la discussion du dernier projet de loi de finances, pour la qualité de ses travaux, et je la remercie de son soutien.
En vue d'assurer la neutralité budgétaire de cette mesure, nous proposons que le droit au crédit d'impôt soit ouvert seulement lorsque les revenus du ménage sont inférieurs à 42 000 euros.
S'agissant des personnes en situation de handicap, nous proposons de supprimer la prise en compte des revenus du conjoint lors du calcul de l'AAH. Je rappelle que l'AAH est une prestation compensatoire du handicap pour les personnes ne pouvant pas exercer une activité professionnelle. Cette disposition figurait déjà dans la proposition de loi présentée par notre collègue Marie-George Buffet en 2018, que j'avais cosignée et qui a malheureusement été rejetée.
L'article 4 propose de relever le critère d'âge pour bénéficier de la PCH, de 60 ans à au moins 65 ans. 60 ans, c'est une barrière d'âge entre handicap et vieillesse. Un handicap survenu après 60 ans sera traité au titre du vieillissement, c'est-à-dire de l'aide sociale aux personnes âgées, tandis que s'il survient avant cet âge, il relèvera de l'aide sociale aux personnes handicapées. Il faut faire évoluer cette première barrière, comme cela a déjà été fait grâce à Mme Nathalie Elimas, dont je salue le travail, pour la deuxième barrière d'âge, c'est-à-dire celle de 75 ans. Tout le monde demande de repousser la première barrière d'âge pour l'accès à la PCH à 65 ans, afin de tenir compte de l'allongement de l'espérance de vie.
Enfin, nous demandons l'amélioration de la prise en compte des stages dans le calcul des pensions de retraite. J'espère que ce dispositif trouvera sa place dans le futur système universel à points.
Le groupe Libertés et Territoires vous propose aujourd'hui des mesures concrètes rapidement applicables pour avancer vers un système de protection sociale adaptée à la réalité de la situation des Français.
Je remercie les différents intervenants.
Madame Hammerer, c'est dommage : votre propos partait si bien que j'ai cru un instant que le groupe La République en Marche allait voter notre proposition de loi…
Vous avez mis en avant deux écueils, et d'abord l'absence d'évaluations. Or celles-ci ont eu lieu : je pense à la grande concertation sur le grand âge et l'autonomie, au rapport Libault, fruit d'un travail très sérieux, et au rapport de l'IGAS sur la PCH qui a fait l'objet d'un véritable chiffrage. Si personne ne peut nier que les rapports et les évaluations sont nécessaires, il faut bien en arriver, à un moment, à des mesures concrètes, comme celles que nous proposons au travers de cette proposition de loi.
Vous nous demandez d'attendre le grand projet de loi promis par le Gouvernement. Mais quand sera-t-il présenté ? Cette année ? L'année prochaine ? Avant la fin du quinquennat ? Il faut l'espérer ! Les « niches parlementaires » sont des initiatives qu'il serait bon que le Gouvernement entende aussi pour faire avancer des sujets concrets qui sont espérés par bon nombre d'associations et qui répondent à une véritable urgence sociale – le grand débat qui a eu lieu l'an dernier nous l'a rappelé avec suffisamment de force.
Madame Nathalie Elimas, je vous remercie pour vos précisions concernant la barrière d'âge de 75 ans. J'ai rappelé dans le rapport et tout à l'heure dans mon intervention le rôle éminent que vous avez joué pour la faire disparaître.
Merci, Monsieur Aviragnet, pour votre soutien. Vous avez raison, la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'AAH est source de difficultés morales et financières et va même à l'encontre du principe de l'AAH : garantir l'autonomie du bénéficiaire. Dans un couple dont l'un des membres touche au moins 1 126 euros par mois, l'allocation diminue, voire disparaît, si le conjoint gagne 2 200 euros par mois. Certaines personnes en arrivent même à renoncer à se marier pour ne pas perdre le bénéfice de cette allocation, ce qui est particulièrement injuste.
Il y a quinze jours, j'ai reçu dans ma permanence parlementaire, en Mayenne, un artisan, marié, père de deux enfants. Il a contracté une maladie qui l'a rendu invalide à 80 % et il vit désormais avec une AAH de moins de 600 euros alors qu'il aurait pu prétendre à 800 euros si les revenus de sa conjointe n'avaient pas été pris en compte. Vous imaginez à quel point cet homme est physiquement et moralement affecté.
Enfin, chère Jeanine Dubié, c'est moi qui devrais vous remercier puisque c'est vous qui êtes à l'origine de cette belle proposition de loi. C'est une initiative sociale attendue, espérée par nombre d'associations, notamment les associations de personnes handicapées, et tout simplement par nombre de nos concitoyens, c'est-à-dire les familles des personnes concernées.
La commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.
Article 1er : Transformation de la réduction d'impôt au titre des frais de séjour des personnes accueillies en établissement ou service spécialisé en crédit d'impôt
La commission rejette l'article 1er.
Article 2 : Suppression de la majoration du plafond de cumul de l'allocation aux adultes handicapés et de la rémunération garantie en établissement et service d'aide par le travail lorsque le bénéficiaire est en couple
La commission rejette l'article 2.
Article 3 : Suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'allocation aux adultes handicapés et de la majoration de son plafonnement
La commission examine l'amendement AS1 du rapporteur.
Il s'agit de préciser les dispositions de l'article 3 afin de s'assurer que la majoration du plafond de revenus pour les allocataires ayant des enfants à charge est bien maintenue. La rédaction initiale de l'article 3 pouvait paraître à cet égard un peu ambiguë : il me paraît donc important de sécuriser le dispositif, qui concerne simplement l'individualisation de l'AAH vis-à-vis du conjoint et ne vise en aucun cas à pénaliser les personnes handicapées qui ont des enfants.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle rejette l'article 3.
Article 4 : Report de la barrière d'âge de 60 ans pour solliciter le bénéfice de la prestation de compensation du handicap
La commission rejette l'article 4.
Article 5 : Allongement du délai durant lequel un étudiant peut demander la validation d'un stage en entreprise par le régime général d'assurance vieillesse et prise en compte des périodes de stages pour la durée d'assurance
La commission rejette l'article 5.
Article 6 : Gage financier
La commission rejette l'article 6.
L'ensemble des articles de la proposition de loi ayant été rejeté, le texte est considéré comme rejeté par la commission.
La séance est levée à onze heures.————
Présences en réunion
Réunion du jeudi 30 janvier à 9 heures 30
Présents. - M. Joël Aviragnet, Mme Delphine Bagarry, Mme Christine Cloarec-Le Nabour, Mme Nathalie Elimas, M. Yannick Favennec Becot, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Albane Gaillot, Mme Véronique Hammerer, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, Mme Fiona Lazaar, Mme Mireille Robert, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, Mme Annie Vidal
Excusés. - Mme Justine Benin, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Josiane Corneloup, Mme Claire Guion-Firmin, M. Patrick Mignola, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, Mme Isabelle Valentin, M. Olivier Véran
Assistait également à la réunion. - Mme Jeanine Dubié