Mission d'information sur l'application du droit voisin au bénéfice des agences, éditeurs et professionnels du secteur de la presse

Réunion du mercredi 29 septembre 2021 à 14h05

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MISSION D'INFORMATION SUR L'APPLICATION DU DROIT VOISIN AU BÉNÉFICE DES AGENCES, ÉDITEURS ET PROFESSIONNELS DU SECTEUR DE LA PRESSE

Mercredi 29 septembre 2021

La séance est ouverte à quatorze heures cinq.

(Présidence de Mme Virginie Duby-Muller)

La mission d'information auditionne M. Jean-Baptiste Gourdin, directeur général des médias et des industries culturelles, M. Alexandre Koutchouk, sous-directeur de la presse écrite à la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), et M. Yannick Faure, chef du service des affaires juridiques et internationales du ministère de la culture.

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la présidente

Virginie Duby-Muller. Notre mission sur le droit voisin s'inscrit dans le contexte particulier de la décision de l'Autorité de la concurrence à l'encontre de Google. Nous vous avons adressé un questionnaire pour préparer cette audition et après vos propos liminaires, nous vous interrogerons si nécessaire.

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Jean-Baptiste Gourdin, directeur général des médias et des industries culturelles

Je suis accompagné d'Alexandre Koutchouk, qui travaille spécifiquement sur le droit voisin au sein de la DGMIC et de Yannick Faure du service des affaires juridiques et internationales qui dépend du secrétariat général du ministère de la culture. En effet, les sujets de propriété intellectuelle relèvent de la compétence du secrétariat général.

Le droit voisin est pour nous au service d'un principe plus général défendu par le ministère de la culture. Ceux qui créent des œuvres de l'esprit et ceux qui financent leur création doivent être rémunérés par ceux qui tirent un profit commercial de leur circulation et notamment de leur circulation en ligne. C'est un principe que nous avons défendu dans les instances européennes au moment des négociations sur la directive portant sur le droit d'auteur. Dans le secteur de la presse, il revêt une importance toute particulière car il apporte une contribution essentielle au pluralisme des idées et à la qualité du débat public, dans un contexte de diffusion de fausses informations ou d'une information « bas de gamme », qui ne repose pas sur les mêmes exigences de fiabilité, de vérification des faits, de profondeur de la qualité d'analyse ou de contextualisation.

Par ailleurs, le modèle économique traditionnel de la presse est basé sur deux piliers, qui connaissent tous les deux une érosion structurelle qui ne date pas d'aujourd'hui. Les ventes, par abonnement ou au numéro, subissent la désaffection croissante d'une partie du lectorat pour la presse papier. Les ventes au numéro généraient un chiffre d'affaires de 6 milliards d'euros en 2000 et de 4 milliards d'euros en 2020. L'essor des modèles payants en ligne est réel mais il ne compense pas la baisse des ventes de la presse papier, en raison de l'effritement du consentement à payer des internautes pour des contenus en ligne dans un contexte d'abondance de l'information gratuite. Parallèlement, les recettes publicitaires sont très attaquées puisqu'elles sont passées de 5 milliards d'euros en 2000 à 2 milliards en 2020, en raison du transfert massif de la valeur des médias traditionnels (presse, télévision, radio) vers la publicité numérique et notamment la publicité personnalisée.

Les outils de régulation conçus pour protéger la presse contre la télévision sont aujourd'hui inefficaces pour les protéger des nouveaux médias dominants que sont internet et les réseaux sociaux. La presse ne capte qu'une part infime de la croissance de la publicité en ligne, presque intégralement accaparée par un duopole de géants du numérique qui disposent de capacités de personnalisation et de ciblage sans comparaison avec celles que peuvent déployer les acteurs de la presse qui reste très dépendante des outils publicitaires de ces géants du numérique.

Cette crise du modèle économique fait peser un risque sur la capacité des éditeurs de presse et des agences à proposer une information de qualité, que ce soit à titre gratuit ou payant. Le ministère de la culture est attaché à la coexistence de ces deux modèles. Le modèle payant parce que la meilleure garantie d'indépendance d'un titre de presse c'est de dépendre de ses lecteurs. Le modèle gratuit, financé par la publicité, parce qu'il est important, pour des raisons évidentes d'accès à l'information, que ces modèles continuent à exister.

Le droit voisin est une des réponses à cette crise du modèle économique de la presse en lui permettant de compléter les revenus perçus des lecteurs et des annonceurs par une troisième source perçue auprès des intermédiaires qui bénéficient de la circulation des contenus en ligne. Cependant, le droit voisin n'est pas la seule réponse à apporter à la crise que traversent les médias traditionnels. En parallèle, il est nécessaire de poursuivre la transition numérique, développer des offres payantes attractives et diversifiées et reconquérir la publicité en ligne. Cette reconquête passe par des outils de régulation qui sont actuellement en discussion au niveau européen dans le cadre du Digital Market Act (DMA) et du Digital Services Act (DSA).

Le droit voisin n'a donc pas vocation à se substituer aux deux piliers de l'économie traditionnelle mais de les compléter, dans un premier temps dans des proportions assez modestes. Les sommes évoquées se chiffrent probablement en centaines de millions d'euros mais restent très inférieures aux milliards d'euros perçus à travers les recettes publicitaires et les ventes au numéro ou par abonnement.

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Yannick Faure, chef du service des affaires juridiques et internationales du ministère de la culture

Le droit voisin est désormais un droit européen, alors que les premières initiatives étaient d'ordre national. La France a porté avec conviction cet enjeu du droit voisin dans le cadre des négociations sur la directive du droit d'auteur d'avril 2019. Son article 15 consacre le droit voisin au bénéfice des éditeurs et agences de presse. C'est un élément important de sécurisation du dispositif.

Par ailleurs, la transposition de ce droit européen est intervenue très rapidement. Le Parlement s'est exprimé avec détermination en faveur d'une meilleure rémunération des éditeurs et des agences. La France a été le premier pays à transposer la directive en droit national, seulement deux mois après son adoption, avec la loi du 1er juillet 2019. C'était un signal très important. En juillet dernier, la commission a adressé une mise en demeure à 23 États membres sur 27 en raison de la non-transposition de ce droit. Seuls l'Italie, l'Allemagne et les Pays Bas ont avancé dans cette transposition.

Sur le plan juridique, les derniers mois ont permis de préciser de nombreux aspects nécessaires à la mise en œuvre de ce droit voisin. La discussion parlementaire a enserré les exceptions susceptibles de fragiliser la portée du droit voisin. Le Parlement a également porté une attention particulière à la question de la gestion collective, expressément ouverte dans la loi. Par ailleurs, les décisions de l'Autorité de la concurrence de 2020 et de 2021 et l'arrêt de la Cour d'appel de Paris d'octobre 2020 ont précisé la cadre juridique du droit voisin. Les recours annoncés contre la dernière décision de juillet 2021 de l'Autorité de la concurrence permettront d'apporter de nouvelles précisions sur trois aspects principaux. Tout d'abord, sur les contenus visés par le droit voisin, la loi impose une interprétation restrictive de la notion de court extrait figurant dans la directive, afin de ne pas vider le droit voisin de toute sa portée. De plus, alors que certains opérateurs avaient contesté cette approche, l'inclusion des agences de presse parmi les bénéficiaires du droit voisin a été clarifiée. Enfin, sur la rémunération due, les obligations de transparence, qui figurent expressément dans la loi et qui sont le préalable indispensable à la négociation, ont également été précisées.

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Jean-Baptiste Gourdin, directeur général des médias et des industries culturelles

Le ministère de la culture a fortement contribué à la construction de ce cadre juridique, au niveau européen puis au niveau national, mais il n'a pas vocation à se substituer aux acteurs dans la mise en œuvre du droit voisin. C'est un droit exclusif, reconnu aux éditeurs et aux agences. Il revient à la négociation entre bénéficiaires et redevables de préciser les conditions de sa mise en œuvre. Pour autant, nous suivons de près ces discussions et nous sommes pleinement conscients des difficultés sur lesquelles buttent les éditeurs et les agences.

Je ne veux pas détailler la chronologie des négociations et des procédures contentieuses qui se sont développées depuis deux ans, puisque les acteurs eux-mêmes vous ont donné toutes les informations, mais je relève que deux ans après l'entrée en vigueur de la loi, très rares sont les éditeurs et les agences qui ont réussi à conclure des accords portant explicitement et spécifiquement sur la rémunération du droit voisin. L'accord-cadre conclu en novembre 2020 entre Google et l'Alliance de la presse d'information politique et générale (IPG) est une étape importante, mais il doit encore être décliné dans des accords avec chaque titre. Par ailleurs, il porte sur une partie du secteur de la presse et laisse de côté la presse qui n'est pas IPG et les agences. Enfin, il n'a été signé qu'avec Google qui n'est, malgré son poids, qu'un redevable parmi d'autres.

Je tiens à souligner le rôle décisif joué par l'Autorité de la concurrence depuis l'entrée en vigueur de la loi pour son application effective. Ce rôle témoigne de l'apport très précieux de l'application combinée des règles de la propriété intellectuelle et du droit de la concurrence. Les injonctions prononcées en avril 2020 et confirmées par la Cour d'appel de Paris, les sanctions en juillet 2021 pour le non-respect de ces injonctions ont permis de rappeler à Google qu'il n'était pas possible de s'asseoir sur les règles juridiques et sur la volonté politique exprimée clairement par le législateur européen puis par le législateur national. Ces décisions précisent la notion de négociation de bonne foi, le périmètre exact du droit voisin, ses bénéficiaires et les contenus protégés.

Google doit désormais accepter de négocier de bonne foi, en fournissant aux bénéficiaires du droit voisin toutes les informations indispensables à une évaluation précise et sérieuse de ce droit et en proposant un mécanisme de rémunération reflétant correctement, par son montant mais aussi par ses règles de calcul et de répartition, la valeur apportée par les contenus de presse. Nous sommes évidemment très attentifs à l'avancement de ces discussions mais aussi aux suggestions par certains acteurs, y compris lors des auditions que vous avez menées.

Sur la gestion collective, qui a été plusieurs fois évoquée dans vos auditions, je rappelle que le législateur a fait le choix en 2019 d'en prévoir la possibilité mais de ne pas l'imposer. Certains pensent qu'il aurait pu le faire sans violer le droit européen. Nous suivons avec attention et bienveillance les efforts d'une partie du secteur de la presse pour se regrouper et créer un organisme de gestion collective. En effet, face au poids d'un acteur comme Google, la presse a des raisons économiques évidentes de ne pas négocier en ordre dispersé. Notre bienveillance s'explique aussi par des raisons plus politiques. L'impératif constitutionnel de pluralisme serait mis à mal si, par des négociations individuelles et bilatérales, le bénéfice du droit voisin était réservé à quelques titres ou si elles aboutissaient à des discriminations injustifiées quant au montant des rémunérations perçues. L'union est non seulement le gage d'un rapport de force plus équilibré mais aussi le gage d'une équité de traitement entre tous les tous les titres de presse.

Sur les appels à compléter le cadre juridique, je rappelle que nous sommes allés très loin dans la transposition du cadre européen. Il n'est pas certain que nous disposions de marges pour aller encore plus loin. Comme l'a rappelé la ministre à l'occasion des débats sur le projet de loi relatif aux offres culturelles à l'ère numérique, il serait dangereux de modifier les règles du jeu alors même que les procédures sont encore en cours. Cette approche pourrait donner des armes à ceux qui essaient de s'exonérer du droit voisin en invoquant le flou supposé du cadre juridique.

Pour autant, nous pouvons continuer à réfléchir à des ajustements pour muscler ce cadre juridique, notamment sur les problématiques d'accès aux données pour corriger l'asymétrie d'information, sur la désignation d'un médiateur ou d'un tiers de confiance. En revanche, à titre personnel, je suis beaucoup plus sceptique sur les propositions tendant à confier à une commission administrative le soin d'adopter un barème. Cette approche nous éloignerait de la philosophie du droit voisin. Le droit voisin est un droit exclusif en gestion individuelle alors qu'un barème administratif nous rapprocherait de ce qu'il n'est pas, c'est-à-dire une taxe ou un droit à rémunération en contrepartie d'une licence légale comme nous le connaissons dans d'autres sphères de la propriété intellectuelle, par exemple avec la musique en radio.

Enfin, je rappelle que la loi a prévu un principe de partage entre les éditeurs et les journalistes des fruits du droit voisin, ces derniers devant percevoir une part appropriée et équitable. À cette fin, une commission chargée de statuer sur les différends entre les éditeurs et les journalistes a été créée par décret. Son président a été désigné et sa composition sera rapidement finalisée. Elle n'a pas vocation à fixer une clé de partage mais à intervenir si les négociations n'ont pas permis d'aboutir à un accord sur le partage du droit voisin.

Notre priorité est que les discussions, qui n'ont que trop duré, entre éditeurs, agences et acteurs numériques aboutissement.

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Le ministère de la culture a-t-il participé à la création de l'Alliance de la presse privée ?

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Jean-Baptiste Gourdin, directeur général des médias et des industries culturelles

L'Alliance est une initiative du secteur. En revanche, la ministre a dit plusieurs fois à quel point elle était favorable à la création d'un organisme de gestion collective (OGC).

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Yannick Faure, chef du service des affaires juridiques et internationales du ministère de la culture

Nous avons eu des échanges avec les porteurs de projet comme nous en avons à chaque projet de création d'un OGC. Nous n'avons pas encore été formellement saisis d'un projet d'OGC. Le code de la propriété intellectuelle prévoit une procédure assez normée : un délai de deux mois ; une liste de pièces à fournir ; des critères que le ministère doit apprécier, comme les moyens réunis, la gouvernance ou les statuts. À l'issue de cet examen, le tribunal judiciaire peut être saisi si ces règles ne sont pas respectées.

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Je comprends que la gestion collective serait volontaire et que vous estimez que la définition d'un barème serait hasardeuse parce que le droit voisin doit être individualisé. Quelle voie pourrait prendre la définition de l'assiette de ce doit voisin ?

Vous avez également indiqué que le droit voisin ne pourrait remplacer les pertes de recettes publicitaires de la presse. Lors des précédentes auditions, nous avons évoqué la manière dont ce droit voisin pourrait être valorisé. Disposez-vous de critères objectifs à nous présenter sur l'évaluation d'un droit voisin ? Quels sont les éléments qui doivent être pris en compte pour le valoriser ?

Certains gros acteurs de la presse nous ont fait part de leurs accords avec Google. Il me semble que ce sont des partenariats commerciaux qui ne traitent pas de la rémunération du droit voisin. Quelle est votre perception de ces démarches ? Ces initiatives peuvent-elles affaiblir la négociation d'un droit voisin ?

Enfin, sur le partage de la valeur entre journalistes et éditeurs, j'ai noté qu'une commission avait été mise en place. J'ai l'impression que les négociations entre les éditeurs et les journalistes n'ont pas vraiment démarré. Comment pouvons-nous favoriser ces négociations ? Au moment de la création du droit voisin, les journalistes avaient fait part de leur appréhension et engager ces négociations en même temps que celles avec les GAFA serait un gage d'équilibre du secteur.

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Jean-Baptiste Gourdin, directeur général des médias et des industries culturelles

Je n'ai pas dit qu'il ne fallait pas de barème. Je suis réservé sur sa définition par une commission administrative. Si nous étions dans un cadre de gestion collective volontaire à laquelle adhéreraient l'ensemble des éditeurs de presse, cette structure serait le seul négociateur avec les redevables du droit voisin et négocierait un barème et une clé de répartition.

Les discussions ont achoppé sur la valorisation du droit voisin. J'estime que toutes les formes d'exploitation des contenus protégés par le droit voisin doivent être prises en compte. Toute la difficulté réside dans la définition de l'exploitation d'un contenu par des services comme ceux de Google, de nature très différente. Google Search n'est pas Google News. Par ailleurs, l'exploitation peut s'appréhender de différentes façons. Il faut déterminer en quoi la part de ces contenus dans le trafic, dans les recherches initiées par les internautes, ce sur quoi ils cliquent, contribuent non seulement aux recettes publicitaires de Google mais aussi indirectement à la captation de données personnelles.

Dans l'économie numérique, cette notion de valeur est particulièrement difficile à appréhender. La loi ne fixe pas de modalités de valorisation et les renvoie à la négociation entre titulaires et redevables d'un droit. Dans ce contexte, on touche très vite à l'asymétrie. Google détient beaucoup d'informations sur ce que représentent les contenus de presse dans son trafic et dans son chiffre d'affaires mais ne distille ces informations qu'avec parcimonie, en choisissant celles qui lui sont favorables et en gardant celles qui pourraient le mettre en difficulté. C'est l'un des difficultés de la négociation et je crois que les décisions de l'Autorité de la concurrence ont apporté une grille de lecture extrêmement intéressante sur laquelle les éditeurs et les agences pourront s'appuyer.

La distinction dans les accords déjà conclus entre partenariats commerciaux et le droit voisin est essentielle. Il existe des accords qui mélangent ce qui relève du partenariat commercial et ce qui relève du droit voisin. Je rappelle que la loi a prévu un partage du droit voisin entre éditeurs et journalistes. Pour qu'il puisse s'opérer, il est nécessaire d'en connaître l'assiette. Les accords doivent être très précis sur la répartition des sommes versées entre ce qui relève du partenariat commercial et ce qui relève du droit voisin. Ce n'est pas toujours le cas. J'ai lu avec intérêt le compte rendu de l'une de vos auditions où un éditeur de presse disait qu'il envisageait de renégocier l'accord pour mieux formaliser cette distinction.

Enfin, je vous confirme que les discussions n'ont pas vraiment démarré sur le partage entre éditeurs et journalistes. Elles doivent être internes à chaque entreprise pour fixer les règles de répartition. Ce n'est qu'en cas de différend que la commission que nous mettons en place pourra être saisie. Je pense que ce retard s'explique par les difficultés des éditeurs de presse à obtenir des rémunérations sérieuses au titre du droit voisin. Avant de parler de partage, il faut d'abord créer le gâteau !

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Yannick Faure, chef du service des affaires juridiques et internationales du ministère de la culture

Les décisions de l'Autorité de la concurrence et leur confirmation par la Cour d'appel de Paris présentent un apport très important. Sur la transparence des informations fournies aux éditeurs et aux agences et sur la rémunération, l'Autorité de la concurrence a donné toute sa portée à la conception large qui avait été retenue lors des débats parlementaires sur la loi de 2019. Les informations transmises doivent également porter sur les revenus indirects que l'opérateur tire de l'exploitation des contenus. Sur la fixation du montant de la rémunération, la loi est très explicite et l'ADLC a confirmé cette approche très extensive. La rémunération doit prendre en compte l'ensemble de la valeur apportée par la présence de contenus d'information sur les sites en ligne.

Sur les accords globaux, l'Autorité de la concurrence a posé une obligation de neutralité sur les négociations en matière de droit voisin. Elles ne doivent pas avoir de conséquences économiques dommageables sur les relations commerciales entre les GAFA et les éditeurs et agences de presse.

De nombreux éléments ont été apportés par ces décisions et nous verrons quel sera le jugement au fond de la Cour d'appel de Paris. Pour l'instant, elle a défini un cadre assez protecteur pour le secteur de la presse.

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Nous avons beaucoup parlé de Google. Pouvez-vous citer les autres débiteurs du droit voisin et nous dire où en sont les négociations ?

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Jean-Baptiste Gourdin, directeur général des médias et des industries culturelles

La loi ne vise pas spécifiquement les moteurs de recherche et concerne tous les acteurs numériques. Les autres moteurs de recherche pèsent assez peu sur le marché français (Bing, Qwant, etc.) puisque Google a dans notre pays une part de marché bien supérieure à celles dont il bénéficie dans d'autres pays. Au-delà des moteurs de recherche, les plateformes de partage de contenus et les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter sont concernés. Des contenus de presse circulent sur ces réseaux. Ils sont partagés par les utilisateurs de réseaux sociaux, mais cela ne doit pas conduire à les exonérer de la rémunération du droit voisin, même si les mécanismes sont différents des moteurs de recherche.

À notre connaissance, des discussions ont eu lieu avec Facebook, mais elles n'ont pas beaucoup avancé. Tous les acteurs sont dans l'attente de la résolution du conflit entre la presse et Google pour se positionner. Des négociations ont également été entamées avec Apple mais je ne dispose pas d'informations précises.

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Yannick Faure, chef du service des affaires juridiques et internationales du ministère de la culture

Le champ d'application de la loi est défini par renvoi à la directive de 2015 sur tous les services de la société d'information. C'est une notion très englobante, appliquée régulièrement en droit européen et qui ne soulève pas de difficulté particulière d'interprétation.

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La décision de l'Autorité de la concurrence a-t-elle augmenté le nombre de négociations en cours ?

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Jean-Baptiste Gourdin, directeur général des médias et des industries culturelles

L'impact très positif des décisions successives de l'Autorité de la concurrence, notamment la dernière, ne porte pas tant sur le nombre de négociations que sur leur contenu et la façon dont elles se déroulent. Le périmètre des bénéficiaires potentiels du droit voisin est connu. Les décisions de l'Autorité de la concurrence donnent des armes à ceux qui se sont heurtés à un refus de négociation de bonne foi de la part de Google pour accéder aux informations dont ils ont besoin pour négocier et valoriser leur droit voisin.

Quelques acteurs, peu nombreux ont signé des accords individuels dont ils sont satisfaits. Ils n'ont pas l'intention de les remettre en cause. Nous savons qu'au sein de la presse d'information politique et générale, une partie de la presse quotidienne nationale et quasiment toute la presse quotidienne régionale n'a pas encore pu aboutir à un accord. La presse non-IPG, notamment la presse magazine, la presse spécialisée et les agences de presse n'ont pas réussi à conclure les négociations.

La décision de l'Autorité de la concurrence donne à tous ceux qui n'ont pas réussi à aboutir à un accord parce que leurs interlocuteurs refusaient de leur fournir l'intégralité des informations nécessaires, de meilleures armes. À la suite de cette décision, assortie d'une astreinte assez dissuasive, Google a indiqué aux bénéficiaires du droit voisin qu'il leur fournirait davantage d'informations.

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À quelle échéance pensez-vous que ces négociations puissent aboutir ?

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Jean-Baptiste Gourdin, directeur général des médias et des industries culturelles

Je ne peux pas répondre à cette question. La fermeté de la décision de l'Autorité de la concurrence, sur le montant de l'amende et sur l'astreinte, laisse penser que les négociations vont s'accélérer. Pour autant, tous les acteurs qui négocient avec Google ne partent pas du même point. Certains ont déjà conclu un accord, d'autres sont en discussion avancées mais ne parviennent pas à conclure et les derniers se sont heurtés à une fin de non-recevoir et n'ont pas vraiment commencé les discussions, parce que Google estimait qu'il n'avait pas à discuter avec eux. Je pense notamment à la presse non-IPG, alors même que la loi ne réserve pas le bénéfice du droit voisin à la presse IPG, même si l'un des critères est la contribution à l'information politique et générale.

Je suis incapable de faire un pronostic sur le calendrier d'aboutissement des discussions. Par ailleurs, la création d'un OGC peut avoir un impact sur le rythme des négociations.

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Si vous souhaitez nous faire parvenir d'autres éléments, n'hésitez pas à nous soumettre une contribution écrite.

La réunion se termine à quatorze heures quarante-cinq.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'application du droit voisin au bénéfice des agences, éditeurs et professionnels du secteur de la presse

Réunion du mercredi 29 septembre 2021 à 14 heures

Présents. - Mme Émilie Cariou, Mme Virginie Duby-Muller, M. Laurent Garcia, Mme Souad Zitouni

Excusé. - Mme Catherine Daufès-Roux