Mission d'information sur l'application du droit voisin au bénéfice des agences, éditeurs et professionnels du secteur de la presse

Réunion du mardi 5 octobre 2021 à 17h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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MISSION D'INFORMATION SUR L'APPLICATION DU DROIT VOISIN AU BÉNÉFICE DES AGENCES, ÉDITEURS ET PROFESSIONNELS DU SECTEUR DE LA PRESSE

Mardi 5 octobre 2021

La séance est ouverte à dix-sept heures.

(Présidence de Mme Virginie Duby-Muller)

La mission d'information auditionne les syndicats de journalistes :

– CFDT, communication, conseil, culture : M. Christophe Pauly, secrétaire national à la F3C CFDT, et M. Laurent Villette, secrétaire national de CFDT Journalistes ;

– Syndicat national des journalistes CGT : M. Pablo Aiquel, secrétaire à la vie syndicale et à l'international du SNJ-CGT, et M. Patricio Arana, membre de la commission journalistes de la SCAM au nom du SNJ-CGT ;

– Syndicat national des journalistes (Solidaires) : M. Olivier Da Lage, membre du Bureau national, chargé du dossier des droits d'auteur.

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la présidente

Virginie Duby-Muller. Nous vous offrons successivement la parole pour présenter vos syndicats et nous donner votre position sur la transposition dans la loi française de la directive européenne sur le droit voisin. Vous pourrez également nous communiquer des éléments de contexte sur la rémunération des journalistes, la répartition entre part fixe et part variable et sur les conséquences de l'activité des GAFAM sur la situation des journalistes. Nous savons que l'arrivée du numérique a profondément modifié le modèle économique de la presse et votre métier.

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Christophe Pauly, secrétaire national à la F3C CFDT

Nous représentons les salariés et notre rôle est de défendre leurs droits. Nous sommes donc favorables aux droits voisins.

Les GAFAM réalisent des profits sur internet, via la publicité, en se servant de contenus qui ne leur appartiennent pas. Les droits voisins peuvent compenser cette situation et doivent être répartis entre les éditeurs et les salariés producteurs de contenus. La clé de répartition doit faire l'objet d'une négociation entre les représentants des éditeurs et les représentants des salariés, par convention collective, par secteur d'activité, même si ces droits peuvent être gérés par des organismes de gestion collective (OGC).

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Laurent Villette, secrétaire national de CFDT Journalistes

. Il existe aujourd'hui des accords de droits d'auteur au niveau des branches ou au niveau des entreprises de presse. Dans ces entreprises, les journalistes sont confrontés au discours des dirigeants qui constatent que les investissements publicitaires, web ou papier, se dirigent de plus en plus vers les géants du web comme Google. Or ces derniers ne font que du référencement. Ils prennent le travail effectué par les journalistes dans les rédactions pour vendre de la publicité.

Nous soutenons la création d'un droit voisin partagé équitablement entre les sociétés éditrices et les journalistes. Les plateformes de diffusion d'œuvres audiovisuelles paient les auteurs pour la diffusion des contenus. Pourquoi les journalistes seraient-ils les seuls à travailler gratuitement ? Nous espérons que le partage de la richesse créée sera à la hauteur du travail des rédactions pour produire des contenus. Les plateformes doivent comprendre que sans les contenus des journalistes, elles n'existent pas.

Ce sont les entreprises de presse qui négocient le montant des droits avec les plateformes et nous voulons que leur répartition soit négociée au niveau des branches, avant d'être déclinée par entreprise.

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Pablo Aiquel, secrétaire à la vie syndicale et à l'international du SNJ-CGT

Nous sommes le deuxième syndicat de journalistes derrière le SNJ et nous sommes membre de la Fédération européenne de journalistes dont une commission suit la question des droits d'auteur en Europe. Je suis membre de ce groupe d'experts et je peux témoigner que nos collègues européens regardent avec beaucoup d'attention ce qui se passe en France. En effet, nous avons été parmi les premiers à transposer la directive sur le droit voisin même si la loi ne produit pas encore d'effets.

Les journalistes sont les grands absents de ce débat. Des éditeurs de presse sont attentifs à ne jamais prononcer le terme de « journaliste ». Quand Pierre Louette a été interrogé, il a clairement répondu qu'il ne discuterait pas de la répartition des droits voisins tant qu'il n'aurait pas reçu d'argent à partager. Cette position est pour nous problématique. Dans plusieurs pays européens, les patrons de presse ont dit qu'ils voulaient affecter une partie de ces droits à la rémunération des journalistes, l'autre étant consacrée au développement des rédactions et à la qualité de l'information.

Depuis la loi de 2009, nous sommes dans un système de forfait Hadopi qui n'est pas très clair. Nous ne savons pas précisément quelles sont les sommes que nous pouvons toucher et qui sont définies par des accords d'entreprise. Ce sont en général des forfaits compris entre 350 et 500 euros, qui n'incluent pas tous les mêmes éléments, comme la cession à des tiers. Les journalistes les plus précaires, ceux qui sont rémunérés à la pige, sont les principaux perdants de ce système. La Société civile des auteurs multimédia (SCAM) a publié il y a trois ans un rapport sur la précarité croissante dans le journalisme. Or, ce type de revenu doit pouvoir pallier les problèmes de précarité.

Par ailleurs, les droits de reprographie sont collectés de manière obligatoire par le Centre français de la copie (CFC) et les droits de reproductions numériques de manière volontaire. La répartition de ces droits est là encore assez opaque. Je suis journaliste à La Gazette des communes, qui appartient au groupe Moniteur, lui-même filiale d'Infopro Digital, le principal groupe de presse français et celui qui reçoit le plus d'argent du CFC. Ce groupe ne veut rien partager avec les journalistes à ce titre, même s'il touche un million d'euros. Par conséquent, nous craignons que les éditeurs de presse conservent l'ensemble des droits voisins, ce qui serait totalement inacceptable.

Enfin, les patrons de presse ont créé un OGC pour négocier directement avec les GAFAM. Ils ont compris qu'il était dans leur intérêt de ne pas éparpiller leurs efforts. Nous estimons que les journalistes doivent avoir la même démarche d'union par rapport aux patrons de presse. Une fois que les éditeurs auront négocié avec les GAFAM, nous souhaitons que la part revenant aux journalistes soit discutée collectivement et non entreprise par entreprise. Une négociation individuelle serait en effet pénalisante pour de nombreux journalistes, notamment les plus précaires rémunérés à la pige.

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Olivier Da Lage, Syndicat national des journalistes (Solidaires), membre du Bureau national, chargé du dossier des droits d'auteur

Je rappelle que depuis le début des discussions sur le droit voisin en 2016, nous sommes confrontés à la même indifférence polie des éditeurs vis-à-vis des journalistes. Ils ne nous ont demandé de les soutenir qu'au moment où ils ont pris conscience de notre réticence par rapport au projet initial, en assurant que les journalistes avaient toute leur place dans le dispositif mais en renvoyant à plus tard toutes les discussions sur cette place.

Dès l'adoption de la directive en avril 2019, ils ont oublié toutes leurs promesses et il a fallu toute notre insistance pour que cette directive mentionne que les sommes collectées feraient l'objet du versement d'une part appropriée aux auteurs et notamment aux journalistes. Heureusement, le Parlement français, à l'initiative de votre assemblée, a rajouté que cette part appropriée devait être équitable. Pour ce faire, la loi que vous avez adoptée précisait que des négociations devaient s'engager et aboutir dans un délai de six mois après la promulgation de la loi, c'est-à-dire avant fin janvier 2020. Aucune proposition de négociation ne nous a été faite et ce retard n'a rien à voir avec la pandémie du Covid-19.

Ultérieurement, nous avons reçu quelques réponses d'éditeurs qui estimaient qu'il était bien trop tôt pour parler des droits voisins avec les journalistes puisque aucune somme n'avait encore été collectée. Cette réponse n'est pas admissible. La loi prévoit un partage. Une fois que la répartition a été définie, elle s'applique quel que soit le montant collecté et il n'est pas nécessaire d'attendre la conclusion d'un accord avec les GAFAM pour ouvrir des négociations avec les journalistes.

Ces manœuvres dilatoires sont à mettre en regard de l'insistance avec laquelle ces mêmes éditeurs ont demandé aux pouvoirs publics et aux instances administratives et judiciaires de mettre Google en conformité avec ses obligations. Ils ont obtenu que l'Autorité de la concurrence force Google à négocier de bonne foi. Nous appuyons leur démarche mais nous aimerions que les éditeurs aient la même attitude à notre égard.

De leur côté, les pouvoirs publics ne nous ont pas aidés puisque le décret instituant la commission prévue par la loi en cas de blocage des négociations n'est paru qu'en avril dernier. Cette commission n'a toujours pas été désignée, ce qui la rend inopérante.

Depuis, les éditeurs, qui semblent désireux de surmonter leurs divisions initiales, ont entrepris de monter un OGC. Je rappelle que le bénéfice d'un tel organisme a été refusé aux journalistes lors de l'adoption initiale de la loi. Compte tenu de cette situation de blocage, je vous appelle à corriger cette disparité et à nous permettre de recourir à la SCAM à laquelle nous faisons appel depuis plus de vingt ans. Il suffit de peu de choses pour adapter la loi !

Enfin, je dispose d'une liste d'une quinzaine de publications de premier plan avec le détail des non-réponses ou des refus de négociation. La plupart des éditeurs ont refusé d'ouvrir des négociations de bonne foi, dont une publication emblématique dirigée par le vice-président de l'Alliance de la Presse d'Information Générale.

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Vous êtes tous favorables à la loi sur le droit voisin mais j'ai relevé des approches différentes sur la manière de mener les négociations. Certains souhaitent des négociations collectives et d'autres des négociations entreprise par entreprise. Or, des négociations entreprise par entreprise prendront beaucoup de temps. Avez-vous en tête un calendrier pour achever ces négociations ? La pénalité infligée à Google par l'Autorité de la concurrence fait l'objet d'un appel et la panne historique que vient de connaître Facebook peut remettre en cause certains aspects des contenus qu'il diffuse. Qu'attendez-vous du législateur pour vous aider à percevoir votre droit juste et équitable ?

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Pablo Aiquel, secrétaire à la vie syndicale et à l'international du SNJ-CGT

Je pense qu'aucun syndicat ne veut de négociations entreprise par entreprise. La loi prévoit que les éditeurs peuvent négocier de manière collective avec les GAFAM et que la part donnée aux journalistes soit négociée dans chaque entreprise. Comme l'a dit Olivier Da Lage, je suis favorable à ce que nous puissions, nous aussi, négocier avec les éditeurs sur la part revenant aux journalistes avec un organisme gestion collective. Cet organisme existe déjà, c'est la SCAM. Christophe Pauly a mentionné des négociations par branches et nous pouvons effectivement envisager des ajustements en fonction des branches.

Si les négociations se déroulent au sein des entreprises, seuls les journalistes des grands médias pourront obtenir une part des droits voisins et les journalistes pigistes des autres supports seront laissés de côté.

C'est un enjeu essentiel pour l'information et pour la survie de ce métier qui dépérit. Le nombre de journalistes professionnels chute année après année. Nous avons besoin que la négociation avec les GAFAM aboutisse pour que l'information, donc la démocratie, obtienne de nouvelles ressources et que les journalistes profitent d'une part équitable de ces ressources.

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Christophe Pauly, secrétaire national à la F3C CFDT

Notre secteur professionnel est soumis à des dispositions légales et à des dispositions conventionnelles. Si une somme d'argent arrive, elle doit être répartie branche par branche, pour consolider la régulation économique et sociale. Aucune entreprise ne doit pouvoir faire de dumping et les négociations sur la clé de répartition doivent être collectives, comme nous avons l'habitude de les conduire au sein d'un secteur professionnel cohérent.

L'OGC existe déjà, c'est la SCAM et notre sujet est de stabiliser le secteur. Si le nombre de cartes de presse diminue, le travail de journalisme ne diminue pas, il est parfois galvaudé, pressurisé, mais il y a toujours énormément de contenus à produire.

Le droit voisin doit s'inscrire dans le cadre de nos négociations habituelles de branche, entre les représentants des employeurs et les représentants des salariés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Certains médias comme Le Monde et l'Express ont choisi de conclure des accords directs avec Google. Avez-vous eu des retours de journalistes de ces deux groupes sur des avancées en termes de rémunération et en sont-ils satisfaits ?

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Olivier Da Lage, Syndicat national des journalistes (Solidaires), membre du Bureau national, chargé du dossier des droits d'auteur

Pour le moment, les négociations au Monde sont au point mort.

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Christophe Pauly, secrétaire national à la F3C CFDT

Je pense que l'Express est dans la même situation.

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Pablo Aiquel, secrétaire à la vie syndicale et à l'international du SNJ-CGT

Je n'ai pas de nouvelles de l'Express et je confirme qu'il n'y a pas de négociation au Monde.

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Comment expliquez-vous la baisse du nombre de cartes de presse ? Par ailleurs, pourquoi la SCAM ne peut-elle pas être intégrée aux négociations ?

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Olivier Da Lage, Syndicat national des journalistes (Solidaires), membre du Bureau national, chargé du dossier des droits d'auteur

La loi actuelle ne le permet pas, elle renvoie les négociations aux entreprises sur le modèle de la loi de 2009. Nous souhaitons un élargissement de la possibilité de négocier à l'échelle de l'ensemble de la profession et avec les sociétés de gestion collective.

La diminution du nombre de journalistes s'explique par la fermeture de rédactions, la baisse de revenus de certains médias. Par ailleurs, les conditions légales pour obtenir une carte de presse sont de moins en moins souvent réunies.

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Pablo Aiquel, secrétaire à la vie syndicale et à l'international du SNJ-CGT

En 2018, la SCAM a publié une enquête sur le métier de journaliste qui montrait déjà une baisse importante du nombre de cartes de presse, je vous invite à la lire. De nombreux emplois fixes mensualisés ont été détruits et le nombre de journalistes précaires a augmenté. Cette augmentation a longtemps caché la baisse du nombre de journalistes occupant des emplois stables mais la chute est vertigineuse et elle ne fait que commencer, d'autant plus qu'une part du marché revient aux GAFAM. Une partie du flux de l'information se déroule en dehors des médias et c'est le sens même de la directive. Le modèle économique des médias était basé sur la publicité. À partir du moment où l'argent part vers les GAFAM, les médias sont appauvris et les journalistes sont en situation de précarité.

Sur les 35 000 journalistes en France, il n'y a que 600 photojournalistes et une soixantaine de dessinateurs. Je tiens également à préciser que nombreux médias gagnent très bien leur vie. Les élus connaissent la Gazette des communes ou le Courrier des maires. Le groupe Moniteur dégage chaque année 25 millions d'euros de bénéfices. Il n'est pas contraint d'aller chercher de l'argent chez les GAFAM pour survivre.

Une meilleure répartition des droits d'auteur est essentielle et elle doit empêcher la précarisation croissante de la profession. La loi de 2009 renvoie vers les entreprises et institue un forfait de 500 euros, qui n'a pas été réévalué, malgré l'explosion des contenus partagés sur internet.

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Christophe Pauly, secrétaire national à la F3C CFDT

La baisse du nombre de cartes de presse ne doit pas être interprétée comme la baisse du volume de travail des journalistes. Certains sites d'information sur internet refusent par principe d'embaucher des journalistes et font appel à des salariés ou à des autoentrepreneurs pour produire de l'information. C'est un signe grave en termes d'éthique, qui illustre la tentative de certains employeurs de déstructurer le métier de journaliste.

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Certains éditeurs de presse nous ont fait part de leurs difficultés à entretenir des contacts réguliers avec les plateformes et ont le sentiment que les GAFAM achètent du temps. D'autres nous ont dit qu'ils étaient très proches d'un accord et qu'une fois celui-ci signé, ils réuniraient les syndicats de journalistes pour négocier le partage de ces droits voisins. Avez-vous ressenti un changement dans les relations entre éditeurs et journalistes depuis l'amende spectaculaire infligée à Google par l'Autorité de la concurrence ?

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Olivier Da Lage, Syndicat national des journalistes (Solidaires), membre du Bureau national, chargé du dossier des droits d'auteur

Cette amende n'a absolument rien changé. La plupart des éditeurs considèrent que l'argent qu'ils obtiendront de Google et des autres plateformes leur est dû. C'est uniquement parce que la directive et la loi les obligent à partager qu'ils envisagent de discuter, mais ils chercheront à en partager le moins possible. Nous éprouvons les mêmes difficultés à les rencontrer que celles qu'ils éprouvent à rencontrer les GAFAM. Nous leur envoyons des lettres recommandées, nous posons des questions en comité social et économique ou de manière informelle mais nous nous heurtons toujours à la même réponse : « ce n'est pas le moment ».

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Laurent Villette, secrétaire national de CFDT Journalistes

Quand nous évoquons le sujet en comité social et économique, les éditeurs nous répondent que rien n'est signé et que nous ne devons pas attendre de miracle. En revanche, ils nous rappellent que les recettes publicitaires sont en retrait et que cette situation leur pose des difficultés. Je n'ai pas observé au sein du groupe Ouest France de volonté de ne pas négocier, mais au préalable les éditeurs ont besoin de connaître le montant de droit voisin dont ils disposeront et comment la collecte sera organisée. La loi pose un principe mais ne précise pas les modalités de son application. Elle doit aller plus loin et donner aux éditeurs les moyens de percevoir réellement les droits.

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Christophe Pauly, secrétaire national à la F3C CFDT

. Je confirme que les négociations n'ont commencé ni au Monde ni à l'Express.

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Je vous remercie pour cette précision importante. Pensez-vous que la rémunération des entreprises de presse par les GAFAM soit de nature à remettre en cause votre indépendance et votre liberté ?

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Olivier Da Lage, Syndicat national des journalistes (Solidaires), membre du Bureau national, chargé du dossier des droits d'auteur

Depuis que la presse industrielle existe, elle vit de publicité. C'est grâce aux recettes publicitaires et à celles des ventes que les salaires des journalistes sont versés. Je ne vois pas, dans la mesure où il n'y a pas de lien direct entre ce qui est dit ou écrit et le versement d'une redevance par les GAFAM aux éditeurs qui en reversent à leur tour une partie aux journalistes, pourquoi il y aurait de compromission.

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Pablo Aiquel, secrétaire à la vie syndicale et à l'international du SNJ-CGT

Google, Amazon ou Facebook ne paieront pas directement les journalistes pour qu'ils publient tel ou tel article. Ce qui poserait un problème, c'est une situation dans laquelle les journalistes seraient payés de manière « uberisée » et les articles achetés sur des plateformes. Si les éditeurs négocient avec les GAFAM et que les journalistes prennent toute la part qui leur revient, via un OGC comme la SCAM, il n'y aura aucun problème d'indépendance ou de conflit d'intérêts.

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Christophe Pauly, secrétaire national à la F3C CFDT

Je partage la position de Monsieur Da Lage et de Monsieur Aiquel. Nous avons souvent été auditionnés par la Représentation nationale sur les aspects monopolistiques de certains grands groupes. Nous avons rarement été complètement entendus. Pour autant, le partage du droit voisin avec les journalistes ne constitue pas une révolution. En revanche, la concentration des médias pose plus de questions.

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Pablo Aiquel, secrétaire à la vie syndicale et à l'international du SNJ-CGT

Par rapport à la question de Madame Victory sur la précarité des journalistes, je tenais à rappeler qu'il existe en France une loi unique en Europe, très importante pour nous, la loi Cressard du 4 juillet 1974. Je vous invite à prendre connaissance des débats du 27 juin 1974. Cette loi a été votée à l'unanimité de la Représentation nationale. Portée par les députés UDF Jacques Cressard, communiste Jack Ralite et socialiste Georges Fillioud, elle permet que tous les journalistes soient des salariés, qu'ils travaillent pour une ou plusieurs entreprises de presse. Elle est unique en Europe car elle offre aux journalistes un filet de sécurité et conforte leur indépendance. Elle leur donne droit à la Sécurité sociale, au chômage, à la retraite. C'est très important et le Parlement l'avait bien compris.

Aujourd'hui, cette loi n'est plus respectée. De nombreuses entreprises de presse passent par des subterfuges, font travailler des autoentrepreneurs et misent sur le fait que personne n'ira devant les prud'hommes. Nous venons pourtant de gagner un procès parce que les droits d'un journaliste pigiste avaient été bafoués sur le numérique. C'est aussi une fraude à l'URSSAF.

Nous avons bien sûr besoin d'une part des sommes qui seront versées par les GAFAM au titre du droit voisin mais nous devons parallèlement combattre la précarité des journalistes. C'est important pour la démocratie. Je vous appelle à lancer des assises du journalisme. Nous avons besoin du soutien de la Représentation nationale pour lutter contre cette précarité.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis complètement convaincue par vos propos. Je ne suis pas dans la majorité mais des assises du journalisme me paraissent être une excellente idée.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci pour votre participation à cette audition, nous sommes preneurs d'éléments complémentaires pour nourrir cette mission d'information.

La réunion se termine à dix-sept heures cinquante.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'application du droit voisin au bénéfice des agences, éditeurs et professionnels du secteur de la presse

Réunion du mardi 5 octobre 2021 à 17 heures

Présents. – Mme Virginie Duby-Muller, M. Laurent Garcia, Mme Michèle Victory