COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 15 décembre 2021
La séance est ouverte à neuf heures trente.
La commission examine le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) sur les groupements hospitaliers de territoire (MM. Marc Delatte et Pierre Dharréville, rapporteurs).
Il s'agit ce matin de la dernière évaluation structurante que la MECSS présentera à la commission des affaires sociales durant la présente législature. J'en profite pour remercier, avec mon collègue Jean-Carles Grelier, l'ensemble des commissaires de la MECSS qui se sont engagés à nos côtés pour des évaluations structurantes mais aussi pour la nouveauté de cette MECSS, le Printemps social de l'évaluation, un bel exercice que nous apprécions tous.
Chers collègues, nous examinerons ce matin les travaux de nos rapporteurs Marc Delatte et Pierre Dharréville sur les groupements hospitaliers de territoire (GHT). Ces travaux ont été engagés en mai dernier. Je salue la volonté de nos deux rapporteurs de produire un rapport consensuel avec des approches différentes. Faire des évaluations objectives et transpartisanes constitue l'exigence de la MECSS. C'est un gage de sérieux pour notre mission.
La MECSS avait décidé de lancer ces travaux sur les GHT dès le début de l'année 2020. Ils ont été un peu décalés du fait de la crise sanitaire mais, finalement, ce décalage a accru l'intérêt de cette mission en lui donnant un nouveau prisme, consistant à examiner l'apport des GHT dans la réponse de notre système de soins face à une crise sanitaire de grande ampleur.
La mission a eu pour objectif de dresser un premier bilan de la création des GHT, réforme majeure engagée en 2016 pour mieux structurer et coordonner l'offre de soins publique sur le territoire. Depuis lors, la loi d'organisation et de transformation du système de santé de 2019 est venue renforcer la mise en œuvre de certaines de ces dispositions ; plusieurs de ses mesures entreront en vigueur le 1er janvier 2022. Ce sont autant d'évolutions sur lesquelles nos rapporteurs ont été amenés à se pencher.
Ils se sont également appuyés sur les premiers travaux de la Cour des comptes et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), tout en restant autonomes dans leurs évaluations.
La MECSS a tenu vingt-cinq auditions dans le cadre de ce rapport. Elle a procédé à plusieurs déplacements afin de recueillir les informations au plus près du terrain et d'apprécier les modalités et conséquences pratiques de la réforme, dans des configurations variées et pour des territoires très différents. Elle s'est ainsi rendue à Soissons et à Château-Thierry, à Marseille et à Martigues, à Gentilly et à Villejuif ainsi qu'à Rouen et à Darnétal.
Avant de laisser la parole à nos rapporteurs, je voudrais vous donner mon sentiment personnel sur les travaux de cette mission. Avec toutes les rencontres que nous avons faites, nous avons eu à la fois l'impression d'une très grande diversité des situations et le sentiment d'une réforme globalement inaboutie, dont les objectifs en termes d'intégration des soins n'ont pas été complètement atteints et qui a rencontré des freins de différentes natures. Nous avons rencontré des acteurs à la fois très engagés dans cette réforme et un peu déconcertés, voire déçus, face aux résultats produits.
Je crois donc que la question que nous nous posons aujourd'hui, à laquelle nos rapporteurs apporteront des éléments de réponse, est bien : qu'attendons-nous des GHT pour les années à venir ? Que devons-nous changer pour qu'ils soient en mesure de répondre aux enjeux parfois critiques de notre système de santé ? Comment, par exemple, peuvent-ils mieux accompagner la problématique de la désertification médicale ?
Vous le voyez, mon point de vue est assez mitigé mais, malgré tout, plutôt optimiste car nous avons vu dans les territoires de beaux projets, des initiatives fructueuses qui suggèrent tout de même qu'une dynamique vertueuse a été enclenchée et est appelée à produire des effets dans les années à venir.
Je me félicite à mon tour, après Annie Vidal, que la MECSS soit sortie de ses murs au cours de ce mandat. Sous l'impulsion d'Annie Vidal et de Gilles Lurton dans un premier temps, puis avec la poursuite du travail que nous effectuons en tant que co-présidents avec Annie Vidal depuis maintenant quelques mois, nous avons pu donner à la MECSS la vraie mission qui est la sienne, c'est‑à‑dire d'être effectivement le bras armé de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale en matière d'évaluation, notamment d'évaluation des dépenses de la sécurité sociale. C'est sa fonction première.
Je voudrais aussi me féliciter que, dans les différents rapports qui ont pu être conduits, la MECSS n'ait pas été exclusivement la chambre d'écho des grands organes de contrôle de l'État, comme cela pouvait être le cas lors des précédents mandats. Elle a réussi à s'autonomiser par rapport aux rapports de la Cour des comptes et de l'IGAS, à avoir sa propre doctrine, ainsi que des investigations qui lui sont propres. C'est ce qui rend encore plus pertinents les rapports qui nous sont présentés.
S'agissant de pertinence, je veux à mon tour souligner le formidable travail réalisé par Pierre Dharréville et Marc Delatte. Ils ont creusé ce sujet complexe de l'organisation territoriale de notre système de santé avec, après les agences régionales de santé (ARS), les GHT.
Nous nous apercevons à chaque fois que notre système de santé bute sur la même difficulté, cette volonté très forte, poussée par l'État, depuis de très nombreuses années, d'organiser des structures de plus en plus grosses, de plus en plus importantes. « Big is beautiful » dit-on souvent ; or, en matière de santé, nous nous rendons finalement compte que cela ne fonctionne pas souvent et que la proximité devrait continuer à guider nos interventions.
Le moment est venu, me semble-t-il, de réfléchir à cette dichotomie entre une offre de soins proposée sur les territoires à l'ensemble de nos concitoyens et ce que devrait être une demande en santé, qui est un autre paradigme selon lequel nous pourrions analyser nos questions de santé et imaginer l'avenir de notre système de santé. Ce n'est pas aux Français de s'adapter à l'offre de soins que leur propose l'État. C'est peut-être désormais à l'État de s'adapter aux besoins en santé de nos concitoyens.
Ce rapport étant un travail collectif, collaboratif, je souhaite en préambule remercier les services de la commission et avoir une pensée pour Gilles Lurton. Pierre Dharréville et moi-même sommes très heureux et honorés d'avoir conduit ces travaux sur les GHT et de vous présenter aujourd'hui ce rapport, qui sera le dernier de la MECSS sous cette législature.
S'il est le dernier, ce rapport n'est pas le moindre et il correspond à une attente réelle des Français. La santé est leur première préoccupation, c'est un truisme de le rappeler, surtout dans cette période d'inquiétude liée à la cinquième vague de covid-19. La crise sanitaire est au cœur de ce système de santé et ce rapport est aussi dédié à tous les soignants qui ont montré leur savoir-faire depuis deux ans face à cette crise. Mais nous n'oublions pas l'ensemble des forces de la Nation, les personnels administratifs, les préfectures qui ont aussi montré leur engagement et leur compétence. Cela montre ce que nous aimons de la France.
Notre système de soins est confronté à de grands enjeux avec l'accélération des connaissances, les nouvelles technologies, le virage ambulatoire mais aussi le vieillissement de notre population, avec l'augmentation de la prévalence des maladies chroniques. Nous sommes par ailleurs mis au défi de développer enfin une culture de la prévention et de la santé publique.
J'aimerais m'attarder sur la raison pour laquelle le législateur en est venu à créer les GHT en 2016. Il faut avoir en mémoire que la situation était à l'époque très éclatée avec historiquement des hôpitaux gérés localement, sans coordination nationale. À partir des années 1970, des groupements inter-hospitaliers ont été créés pour mieux structurer l'offre de soins. Par la suite, les groupements de coopération sanitaire (GCS) ont été mis en place, dans lesquels il était possible d'inclure des établissements privés. En 2009, sont arrivées les communautés hospitalières de territoire (CHT).
L'objectif de la création des GHT était de rendre cette coopération obligatoire. En réalité, leur mise en place en 2016 s'est faite un peu dans l'urgence et dans l'improvisation : il a fallu très rapidement arrêter les périmètres de ces groupements et élaborer, pour chacun d'entre eux, un projet médical partagé. Il existe aujourd'hui 136 GHT.
La réforme des GHT a été conçue comme un mélange de prescriptions normatives assez contraignantes, avec parfois un fonctionnement très vertical, et un semblant de liberté laissée aux acteurs de terrain. Les GHT devaient obligatoirement mutualiser certaines fonctions support – achats, systèmes d'information, information médicale – dans des délais très brefs. Ils devaient mettre en place une gouvernance assez étoffée, avec tout de même six instances imposées par la loi, d'où la lourdeur du système. Mais par ailleurs, les acteurs hospitaliers étaient censés avoir la liberté de s'organiser eux-mêmes et la loi ne prévoyait pas de personnalité juridique pour les GHT, avec l'idée que ces structures seraient essentiellement fonctionnelles.
La mise en œuvre n'a finalement pas été si simple et, très rapidement, des tensions – prévisibles – sur la vocation des GHT sont apparues, en raison d'une réflexion insuffisante sur toutes les implications de ce modèle.
En 2016, entre l'objectif d'efficience et celui d'accès aux soins pour tous, il n'était pas évident pour les GHT de savoir lequel devait être poursuivi en priorité. L'accès à des soins sûrs et de qualité pour tous aurait évidemment dû primer, mais finalement c'est la mutualisation des fonctions support qui a concentré les efforts.
Ce flou sur la finalité a contribué à faire que les GHT se sont structurés à des échelles très hétérogènes. Il existe de très grosses structures comme le GHT des Bouches-du-Rhône, qui couvre deux millions d'habitants, tandis que le GHT Saphir, qui rassemble les hôpitaux de Soissons et de Château-Thierry, en couvre dix fois moins. Le général de Gaulle disait qu'il est difficile de gouverner avec 246 fromages, mais je peux vous dire que ce n'est pas simple avec 136 GHT aussi différents !
Nous avons rédigé ce rapport avec modestie et humilité. Nous ne pouvons pas et ne voulons pas vous présenter un modèle unique de GHT. Chaque groupement doit avant tout privilégier la proximité, selon une logique populationnelle.
Une autre tension est apparue à l'usage, entre l'objectif de recomposition de l'offre de soins assigné aux GHT et les leviers opérationnels à leur disposition pour le faire. Dans notre rapport, nous montrons que les GHT n'ont en fait guère d'outils pour inciter les établissements à coopérer. Parfois, il existe même des incitations à ne pas coopérer. La tarification à l'activité (T2A), en particulier, est un puissant facteur bloquant.
J'évoquais aussi la tension entre le caractère normatif de la réforme et la liberté laissée aux acteurs de terrain. Nous avons le sentiment que le côté normatif l'a finalement emporté. D'une part, les délais impartis pour la rédaction des PMP étaient trop brefs pour pouvoir réellement associer des acteurs de terrain. Il faut savoir que ces PMP représentent 17 400 pages et 1 902 filières décrites – 15 par établissement. C'est l'équivalent des travaux d'Hercule en six mois !
Finalement la gouvernance des GHT, organisée autour d'un hôpital support, s'est avérée plus propice aux projets centralisateurs qu'aux initiatives sur le terrain et, alors que nous étions partis d'une réforme qui se voulait pragmatique, avec une approche populationnelle, nous avons raté le virage médico‑social.
Nous nous retrouvons avec une gouvernance très lourde, rigide, plutôt verticale, peu ouverte sur les acteurs du soin, qui a créé de la souffrance à l'hôpital, parce que les soignants veulent travailler dans de bonnes conditions et avoir du temps médical. Nous avons cherché à améliorer les choses sur ce plan depuis cinq ans et nous avançons, mais nous ne sommes pas encore au bout du chemin.
Voici donc le bilan de ce tour de France que nous avons effectué ensemble sur l'action des GHT. Mais il faut continuer ; nous sommes au milieu du gué et la situation est hétérogène. Nous avons vu de belles réalisations. Je pense que nous devons ne pas rater la rédaction des PMP de deuxième génération et nous donner le temps d'évaluer les premiers.
Je m'associe aux remerciements déjà formulés aux deux co-présidents et aux services de la commission, ainsi qu'à celles et ceux qui ont accepté d'échanger avec nous et nous ont reçus au cours de cette mission.
Marc Delatte vous a exposé sa vision d'une réforme non dénuée de bonnes intentions mais qui s'est révélée globalement assez inopérante quant aux enjeux de l'accès aux soins et de l'amélioration des conditions de travail. Je partage l'essentiel de ses observations sur les tensions qui s'expriment à travers la mise en œuvre des GHT.
Mais je ne suis pas très surpris qu'il en soit ainsi et je pense que c'était même inéluctable, s'agissant d'une réforme qui s'accompagnait d'un grand plan d'économies, imposé par le vote d'un objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) toujours plus contraint jusqu'en 2021. Cette réforme accompagnait également une amplification du virage ambulatoire qui a débouché sur la suppression de près de 20 000 lits durant cette période. Elle devait être mise en œuvre dans le cadre d'une pénurie croissante de médecins et d'une montée en charge des maladies chroniques.
Nous avons rencontré un hôpital en crise, une crise conjoncturelle et structurelle. Cela nous a sauté aux yeux à chacune des visites que nous avons faites. Établis et pensés comme une pièce maîtresse dans la réponse aux besoins de santé, les GHT n'ont hélas rien changé à cette trajectoire de crise. Ils ont plutôt accompagné un certain nombre d'orientations déjà à l'œuvre.
Je pense que les GHT, tels qu'ils ont été imaginés, se fondent sur un paradoxe, comme nous l'ont dit de nombreux médecins et soignants rencontrés. Je cite une formule que nous avons entendue : « Pour mutualiser, encore faut-il avoir quelque chose à partager. »
Sans surprise, le bilan des GHT déçoit donc, cinq ans après leur mise en œuvre. Pour les différents acteurs rencontrés, il est difficile de dire que les GHT ont amélioré de manière significative l'accès aux soins de nos concitoyennes et concitoyens.
Des coopérations médicales entre établissements ont bien vu le jour, d'ailleurs pas toujours liées aux GHT – nous avons même observé des efforts pour raccrocher à un GHT des coopérations qui s'étaient épanouies en dehors. Il semble que, pour les coopérations médicales, le GHT ne soit pas toujours la bonne échelle, en particulier lorsqu'il s'agit de créer des parcours de soins pour la prise en charge des personnes en proximité. Cela dépend d'ailleurs de la taille des GHT concernés puisqu'il existe tellement de cas de figure différents. Il en va de même pour l'interaction avec la médecine de ville, le médico‑social et l'ensemble des acteurs de soins des territoires.
Les GHT ont eu tendance à se concentrer sur la mutualisation des fonctions support, qui était inscrite dans la loi comme obligatoire. C'est parfois un prérequis nécessaire pour coopérer, notamment pour les systèmes d'information, qui permettent de parler le même langage.
Cette mutualisation des systèmes d'information est un outil indispensable pour construire des parcours de soins coordonnés pour les patients, avec également le défi de renforcer la sécurité informatique des établissements. Cette nécessité s'étend, au-delà de l'hôpital public, à tous les acteurs du parcours de soins. Sur cette question, les GHT ont effectué un travail certain et n'ont pas tous avancé de la même façon. Nous constatons qu'il reste encore beaucoup de chemin à parcourir et que les aides financières pour soutenir cette convergence sont insuffisantes. Il faut noter la réticence des petits établissements – et des plus gros – qui doivent abandonner leur système d'information au profit de celui de l'établissement support. Cela suscite des difficultés particulières pour les établissements psychiatriques, qui doivent parfois renoncer à des systèmes mono-activité plus performants.
En revanche, la mutualisation des achats a bien avancé au sein des GHT. Tous ont désormais une direction des achats unique, gérée par l'établissement support. Pour autant, nous n'avons pas été en mesure d'identifier une amélioration du service rendu du fait de cette mutualisation, en particulier pour les médecins et soignants des établissements concernés.
Dans tous les GHT où nous sommes allés, on nous a dit combien la mutualisation des achats était source d'une complexité accrue, parfois de délais, voire d'une perte de qualité, notamment lorsque certains établissements doivent renoncer aux prestataires locaux qu'ils connaissent bien, avec lesquels ils ont une relation ancienne, avec lesquels la patientèle peut également avoir une relation privilégiée. Cela peut avoir des effets économiques et sociaux plus larges, au-delà de l'hôpital public, notamment lorsque le GHT conduit à recourir à de très grandes entreprises plutôt qu'aux fournisseurs locaux.
La formation faisait aussi partie des fonctions support que les GHT devaient mutualiser. Nous voyons bien, au stade où nous en sommes, le caractère crucial de cet enjeu sur lequel les GHT auraient sans doute pu trouver une utilité un peu plus forte que cela n'a été le cas.
La mise en place des GHT a permis une multitude d'échanges, comme cela nous a beaucoup été dit lors des auditions. Lorsque nous avons échangé avec les directions des établissements, nous avons constaté leur engagement très fort dans la construction des réponses à l'échelle du GHT, avec beaucoup de temps et d'énergie consacrés à mettre en place cette réforme. Lorsque nous interrogions les médecins, le principal apport qu'ils voyaient au GHT était l'organisation de ces rencontres, de ces échanges autour de projets pour les patients dans les territoires. Nous avons entendu parler de soignants qui découvraient leurs collègues d'autres hôpitaux, qui échangeaient sur leurs pratiques, de médecins de plus en plus nombreux à être tentés par un exercice médical à temps partagé sur plusieurs sites, dans une logique gagnant-gagnant. Il faut considérer que c'est un acquis de cette réforme.
Toutes ces dynamiques sont positives. Pour autant, pouvons-nous considérer que le résultat est à la mesure du chantier pharaonique qu'a été la mise en œuvre des GHT ? La Cour des comptes estime que la seule rédaction des projets médicaux partagés des GHT, dont les effets semblent modestes, a mobilisé entre soixante‑quatorze et cent vingt‑quatre directeurs, médecins et cadres de santé à temps plein pendant un an, durant la période de crise que nous avons traversée.
Au quotidien, la réforme se traduit par des instances de gouvernance supplémentaires, des déplacements, de longues heures de discussion dans le cadre de groupes de travail multiples pour discuter de projets qui, lorsqu'ils font consensus, se heurtent quand même parfois, voire souvent, à des problèmes de financement.
Je veux évidemment saluer, avec Marc Delatte, l'ensemble de la communauté hospitalière, qui n'a pas compté son temps et son énergie pour mettre en œuvre les obligations imposées par la loi. Je voudrais vous dire combien j'ai été marqué par une rencontre avec une soignante d'un hôpital de proximité qui, à la question de savoir ce que le GHT avait concrètement changé pour elle, nous a répondu qu'elle ne voyait plus sa cadre de santé, toujours mobilisée dans les instances et pour des réunions diverses.
Au terme de ce bilan, la question que nous posons dans notre rapport est la suivante : les GHT sont-ils l'outil adéquat pour faire face aux enjeux les plus urgents de notre système de soins ?
La direction générale de l'offre de soins (DGOS) estime que la mutualisation des achats s'est traduite par des gains sur les achats. Cela semble quand même être un concept un peu étroit, qui ne permet pas de prendre en compte les coûts complets associés à cette mutualisation, sans parler des coûts d'opportunité, de l'appréciation de la qualité du service rendu ou même du coût écologique de cette mutualisation, avec la multiplication des déplacements entre les sites des GHT. J'ai posé la question de savoir si nous avions un bilan carbone de la mise en place des GHT. Pour l'heure, nous n'en disposons pas, alors que je pense que la question serait intéressante.
Il faudrait aussi mesurer l'impact en matière de sous-traitance de la mise en œuvre des GHT et vérifier que cela permet bien un développement du service public. Un certain nombre d'interrogations nous sont parfois remontées à ce sujet. Nous devons disposer d'une évaluation plus précise, à l'échelle nationale, de ce qu'ont permis les GHT.
Nous pensons aussi qu'il serait utile de recenser les modalités de coopération hors GHT qui se sont mises en place avec la crise sanitaire, afin d'avoir un peu de recul sur ce qui fonctionne bien dans chaque territoire.
Je crois finalement qu'il nous faut interroger la logique intégrative des GHT et le risque de fuite en avant dans cette voie, pour peut-être mieux saisir les atouts d'une logique coopérative à laquelle les GHT peuvent fournir un cadre. Ils trouveront leur pleine utilité s'ils permettent le déploiement du service public et la réponse aux besoins de proximité.
Nous pensons qu'il sera impératif de corriger les dysfonctionnements constatés dans les GHT et de modifier en conséquence leur fonctionnement pour ne pas avoir des structures uniquement tournées sur elles-mêmes. Il faudra démocratiser et alléger la gouvernance, imposer un principe de subsidiarité dans l'action des GHT et faire en sorte que leur centre de gravité soit déplacé pour donner la priorité à la proximité. En effet, loin des tentations de centralisation qui ont pu se manifester, nous devons restaurer les moyens d'actions des établissements, qui doivent, à mes yeux, demeurer la cellule de base. Le GHT ne doit pas être le lieu du pouvoir concentré mais l'espace de la coopération et du partage, toujours au service du patient. Il conviendra de ne pas forcer les choses mais de prendre le meilleur de l'expérience qui a été vécue ces dernières années.
Nous avons besoin d'une réforme du système de santé et non, comme cela a été conçu en 2016, d'une réforme de l'hospitalisation publique. Il est évident que, pour la réussir, il nous faut prendre un virage médico‑social, en privilégiant une approche populationnelle de proximité.
Je pense que, depuis cinq ans, nous n'avons jamais autant fait. C'est une bonne chose mais cela ne suffit pas, parce que les conditions de travail, surtout avec le surcroît de travail lié à la pandémie, nécessitent de renforcer les effectifs et de travailler sur l'organisation.
Par exemple, les directeurs d'hôpital sont jugés sur les résultats financiers de leur propre établissement, et non sur la mission première des GHT, c'est-à-dire l'accès aux soins sur un territoire. Il faut s'interroger sur ce sujet.
De même, les médecins sont, de par leur statut, affiliés à un établissement, et pas à un GHT. Cela peut induire des rigidités importantes si vous voulez développer des pratiques médicales partagées. Il faut aussi faire évoluer la prime d'exercice territorial. La situation est la même pour les internes, qui sont internes d'un établissement et non d'un GHT. Il existe donc de nombreux leviers sur lesquels nous pourrions travailler à court terme.
Certains GHT sont plus mûrs que d'autres sur le plan de l'intégration. Je crois qu'il faut respecter le cheminement de chacun et faire confiance aux équipes médicales. Dans certains endroits, l'ancienneté des projets, les liens forts entre communautés médicales ont permis la création d'un établissement de santé unique, par un processus de fusion.
Ainsi, dans les Ardennes, un groupe hospitalier fusionné a vu le jour, ce qui fait qu'aujourd'hui, l'hôpital de Sedan s'occupe de l'ambulatoire et le centre hospitalier de Charleville-Mézières s'occupe de l'activité de médecine-chirurgie-obstétrique (MCO) : c'est une solution intelligente. Ailleurs, il existe de belles réalisations, comme à Soissons, où la filière « télé-AVC » permet, si vous faites un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique à Château-Thierry, de disposer d'une équipe formée sur place pour effectuer des thrombolyses, ainsi que d'avoir une imagerie par résonance magnétique (IRM). Cela pose d'ailleurs la question du maillage territorial des IRM pour l'accès à la sécurité et aux soins pour tous, dans cette notion de perte de chances. Ces exemples structurants comptent parmi les belles réalisations des GHT.
L'IGAS a finalement conclu qu'en trois ans d'existence, les GHT avaient permis plus de coopérations que pendant les vingt années précédentes : ils ont donc eu un impact positif. Ils ne sont pas toujours perçus positivement par les équipes parce que, sur le terrain, au dernier kilomètre, sur l'investissement au quotidien, les personnels disent ne pas en voir la couleur. Il reste un problème d'organisation.
Il faut amplifier l'approche populationnelle et conduire certaines adaptations juridiques. La T2A est un puissant facteur bloquant qui va à l'encontre de la coopération des établissements. Il faut laisser beaucoup de souplesse aux établissements.
Lorsque nous sommes allés à Rouen, nous avons vu que l'hôpital de Darnétal avait l'habitude de travailler avec des ambulanciers locaux. À la suite de l'appel d'offres conduit par le GHT, ceux-ci ont été remplacés par des ambulanciers de Rouen. Or, les ambulanciers locaux connaissaient bien les patients, avaient l'habitude de les prendre en charge et le faisaient avec humanité. Dans cette situation, nous perdons en proximité et en humanité, cela appelle des changements.
Je tiens à remercier au nom du groupe La République en Marche nos collègues Pierre Dharréville et Marc Delatte pour les travaux qu'ils ont menés au nom de la MECSS. Votre rapport est essentiel car il permet d'associer notre commission à l'évaluation de la réforme des GHT et de dresser un bilan d'étape très instructif des avancées issues de la loi de 2016 sur la modernisation de notre système de santé et, surtout, des efforts à poursuivre.
Vous faites le constat que la mise en place des GHT n'a que partiellement atteint ses objectifs et que les bénéfices tirés de l'intégration des établissements pour améliorer l'offre de soins sur tous les territoires apparaissent encore aujourd'hui modestes. En créant les GHT, la loi avait en effet prévu un conventionnement obligatoire entre les établissements publics de santé pour assurer une meilleure coordination de l'offre de soins hospitaliers, la qualité et la sécurité des soins en tout lieu.
Je voudrais m'attarder plus spécifiquement sur l'enjeu de la collaboration entre les secteurs public et privé. À la lumière des premiers enseignements de cette crise, je m'interroge notamment sur les conditions d'une meilleure intégration de l'ensemble du système hospitalier, public comme privé, dans la coordination territoriale de l'offre de soins. Pensez-vous qu'il soit opportun de systématiser l'intégration des offreurs de soins privés dans la structuration des GHT, en généralisant les conventions de partenariat par exemple ? Comment faire pour que les GHT constituent les interlocuteurs de référence pour les groupes privés structurés à l'échelle des territoires ?
Je salue à mon tour l'excellent travail de nos collègues Pierre Dharréville et Marc Delatte. Ce très bon rapport légitime, s'il en était encore besoin, les travaux de la MECSS et son utilité dans le cadre du travail parlementaire.
Cinq ans après la mise en œuvre de cette loi, il semble que les résultats ne sont pas à la hauteur des objectifs assignés en 2016, alors que la mise en place des GHT a exigé du temps, des réunions et beaucoup de moyens pour avancer. L'idée de créer un projet médical unique entre les établissements de santé d'un même territoire me paraît être néanmoins utile. Il me semble que c'est un moyen de répondre aux besoins de santé.
J'ai cru comprendre en lisant votre rapport que vous êtes d'avis de ne pas modifier la donne, même si les résultats ne sont pas à la hauteur aujourd'hui, et de laisser du temps au temps en privilégiant un travail d'évaluation ultérieur pour s'assurer que l'objectif posé par la loi était bon. Par ailleurs, vous semblez préférer travailler à améliorer le fonctionnement des GHT. Vous parlez d'améliorer la démocratie sanitaire et j'aimerais que vous nous en disiez un peu plus. Vous évoquez plus de souplesse, de la subsidiarité. Concrètement, comment proposez-vous de l'appliquer ?
J'ai relevé également des entraves à la réforme des GHT. Est-ce l'idée même de coopération qui peut encore poser difficulté pour certains ? Est-ce davantage la verticalité, c'est-à-dire la méthode des autorités de santé, qui peut poser difficulté ? La finalité d'un GHT est-elle d'améliorer l'offre de soins ou les GHT ont-ils été créés uniquement pour rationaliser la dépense budgétaire ? Au bout de cinq ans, avez-vous un regard et un avis sur cette question ?
Enfin, je considère que vos travaux éclairent ce que certains affirment au sein de cet hémicycle, à savoir que notre système hospitalier public est en fin de cycle ou à bout de souffle et que, en tout état de cause, il est vraiment temps de revenir sur un système bureaucratique qui est très loin de l'objectif de soigner de la population.
À mon tour, je souhaite souligner que Pierre Dharréville et Marc Delatte ont réalisé un excellent travail et que cela honore le Parlement que d'avoir des travaux transpartisans. Nous ne pouvons pas laisser à la seule Cour des comptes le soin d'apporter un jugement de valeur. Ce ne peut pas être le seul jugement.
Notre collègue disait : « La MECSS est sortie hors des murs. » Oui, et elle le doit d'autant plus que, à l'heure actuelle, le problème de l'accès aux soins est une priorité majeure pour les Français, un problème sur lequel nous constatons des échecs réitérés au fil des ans. J'ai bien aimé cette expression : « Quels sont les besoins de soins et comment y répondre ? »
J'ai vécu de l'intérieur la mise en place des GHT, de ces 136 GHT dont parlait Marc Delatte et de ces « machins » qui ont été constitués. Chez nous, cela a été assez douloureux, je dois le dire.
Ce qui est essentiel pour moi est l'efficience apportée sur le terrain. Je ne suis pas persuadé que la verticalité mise en place se traduise par une offre de soins de proximité plus importante. J'ai même vécu le contraire dans un département de 450 000 habitants à 80 kilomètres de Paris.
Je voudrais revenir rapidement sur quatre de vos recommandations. Vous proposez, dans la recommandation 7, de renforcer la place des soignants dans la gouvernance des GHT. Cela me paraît essentiel tant ils en ont été écartés. Avez-vous des propositions plus concrètes ?
Dans la recommandation 9, vous dites de veiller à associer étroitement les élus du territoire. Cela me rappelle les discussions que nous avons eues ici, non sans mal, pour que les parlementaires puissent faire partie des conseils d'administration des hôpitaux.
Dans la recommandation 15, vous conseillez de faire des hôpitaux de proximité la priorité d'action des GHT. Cela pose le problème de la labellisation, pour le moment très en retard. Je sais que la pandémie est là mais elle n'explique pas tout. Il ne peut pas exister de GHT fonctionnel si les hôpitaux de proximité ne sont pas labellisés et si nous ne savons pas parfaitement ce que nous ferons. C'était d'ailleurs à l'époque un engagement d'Agnès Buzyn.
Enfin, ma quatrième question porte sur la pertinence de la revalorisation de la prime d'exercice territorial dont vous proposez l'évaluation. Il le faut car, sinon, la mobilité des professionnels de santé n'est pas assurée. Je pense qu'il faut aller plus loin qu'évaluer et la mettre vraiment en place.
La création des GHT en 2016 partait d'une intention louable. En effet, l'objectif poursuivi et annoncé par le législateur était d'encourager la coopération hospitalière afin de construire une approche populationnelle de l'offre de soins et, ainsi, d'améliorer l'accès aux soins des Français. Or, cinq ans plus tard, force est de constater que cet objectif n'a pas été rempli, comme le souligne justement votre excellent rapport.
L'autonomie laissée aux hôpitaux a engendré une hétérogénéité bien trop forte entre les différents GHT. Certains regroupent des dizaines d'établissements quand d'autres n'en regroupent que deux ou trois, ce qui accentue d'autant plus les inégalités territoriales.
Cependant, tout n'est pas à jeter dans l'idée même des GHT. Les acteurs de terrain reconnaissent tous que ces GHT leur ont permis de se rencontrer et donc de davantage travailler ensemble. Il faut les relancer en les adaptant aux retours d'expérience et, en ce sens, je rejoins les recommandations des rapporteurs.
Il faut revoir le périmètre des GHT ; cela permettrait notamment de créer des GHT de taille équivalente, qui seraient mieux à même de répondre aux enjeux sanitaires et territoriaux.
Il faut en repenser la gouvernance qui, aujourd'hui, ne permet pas une démocratie sanitaire. La multiplication des échelons constitue un frein à leur efficience. Sur ce dernier point, les rapporteurs préconisent de donner la personnalité juridique aux GHT. Cette solution semble satisfaisante, si toutefois elle est applicable. Par ailleurs, les médecins de ville et les acteurs du médico‑social participent au parcours de soins et devraient donc être associés à la gouvernance des GHT.
Pour conclure, nous pensons que les GHT n'ont pas répondu aux enjeux de la désertification médicale, les hôpitaux en territoires ruraux étant souvent désavantagés dans les différentes décisions prises par rapport aux plus grosses structures auxquelles ils sont rattachés. Mieux répartir les personnels des GHT en fonction des besoins des différents territoires demeure le seul moyen d'assurer des soins de qualité pour tous. Nous devons nous battre dans ce sens.
Je m'associe aux remerciements et félicitations de mes collègues pour l'excellent travail de Pierre Dharréville et Marc Delatte et je me félicite également du rôle joué par la MECSS durant cette mandature. Je crois important de le souligner car ce n'était pas évident voici quelques années.
Je pense que nous partagions tous l'idée de base de la création de ces GHT. Force est de constater, comme vos travaux le montrent et comme nous le ressentons tous sur le terrain, que l'objectif dévolu aux GHT avec le mot « territoire » n'est pas atteint : la proximité qui devait être celle des GHT n'a pas atteint son but, d'abord du fait de l'hétérogénéité de ces GHT, démontrée par vos chiffres et par les statistiques. Ils sont encore plus hétérogènes que les ARS, et ce n'est pas peu dire ! Nous voyons bien qu'ils ne remplissent pas le rôle qui leur a été assigné.
Ma première question concerne la coordination avec le privé. Les GHT ne comportent pas d'établissement privé et la crise sanitaire a montré que le rôle de coordination qu'ils doivent avoir en termes de santé ne peut pas être assuré si une partie du privé – et de la médecine de ville aussi d'ailleurs – n'est pas intégrée dans ces GHT.
Ma deuxième question porte sur vos recommandations 16 et 17 concernant le rôle des ARS en matière de pilotage de ces GHT. Quelles améliorations pouvons-nous apporter afin que cette coordination et ces coopérations soient meilleures, que le rôle des GHT ne se limite pas uniquement à une mutualisation des achats ? C'est certes un beau progrès mais ce n'est pas suffisant.
Ces GHT avaient aussi pour but de rendre le système plus efficient et de lutter contre les déserts médicaux. Or, nous voyons bien qu'ils ont plus mobilisé nos cadres de santé qu'ils ne les ont rendus disponibles. Quelles préconisations pouvez-vous faire ?
Comme mes collègues, je tiens à remercier nos collègues Pierre Dharréville et Marc Delatte pour leur travail très en profondeur, qui montre bien l'importance de la MECSS.
Cette évaluation montre toute la complexité des différents établissements et leur difficile mutualisation. Je remarque encore une fois que la mutualisation conduit souvent à un éloignement des publics ou tout au moins des politiques de terrain. C'est toute la difficulté que nous avons lorsque nous commençons à mutualiser des établissements.
En regardant les recommandations, je rejoins mon collègue Philippe Vigier sur l'importance de travailler avec une gouvernance associant les élus du terrain, sur l'importance de travailler aussi avec les soignants et sur la place du soignant. Nous voyons bien dans votre rapport que la part administrative est importante et qu'il faut peut-être redonner une plus grande place aux soignants dans la gouvernance.
J'ai vu que vous parliez d'introduire plus de prévention dans les GHT. Comment imaginez-vous le travailler ?
Enfin, comme le disait ma collègue Agnès Firmin Le Bodo, il est indispensable pour structurer l'offre de soins sur un territoire de considérer à la fois l'hospitalisation publique et l'hospitalisation privée. Ces deux offres de soins sont présentes sur le terrain et il faut les inclure dans la même évaluation.
Je suis très inquiète pour l'hospitalisation à domicile (HAD), qui a été vraiment le parent oublié. À l'aune d'une nécessaire prise en compte de l'autonomie, qu'en est-il de cette HAD ?
Je remercie Pierre Dharréville et Marc Delatte pour la qualité de ce rapport, qui est objectif et s'appuie sur des faits. Je le trouve équilibré : il ne raye pas d'un trait de plume les GHT mais nous voyons bien au travers de ce rapport les difficultés rencontrées lors de la mise en place des GHT et leurs conséquences sur les territoires.
Je salue d'abord leur prise de position, différente des divers rapports rendus notamment par la Cour des comptes, sur la personnalité morale du GHT. J'ai vécu, lors la précédente mandature pendant laquelle nous avons voté ce texte, la montée au créneau de la Fédération hospitalière de France (FHF), qui tenait absolument à ce que le GHT ait la personnalité morale. Au travers d'une loi de finances, elle était plus tard revenue à la charge et nous nous y étions opposés de façon très forte. Les amendements avaient été rejetés tout simplement parce que cela permettait aussi aux élus d'avoir une prise sur ce qu'il se passe sur leur territoire.
En effet, donner la personnalité morale aux GHT faciliterait la vie des directeurs mais ferait aussi en sorte qu'il ne reste qu'une commission de surveillance, qu'une seule commission médicale d'établissement, ce qui n'était pas acceptable pour les élus, qui voulaient continuer à avoir leur mot à dire dans le fonctionnement des hôpitaux de proximité. Je vous remercie donc pour cette proposition.
Je souhaite poser une question sur la révision de la carte hospitalière et la remise en cause des périmètres de certains GHT. Pensez-vous, au travers des travaux que vous avez conduits, que ce sujet peut être réétudié ou préconisez-vous plutôt le maintien de la situation actuelle, en continuant à travailler dans les périmètres existants ?
Les patients veulent les bons soins, au bon moment et au bon endroit. Nous pourrions penser que les GHT permettent justement de répondre à cette attente et, pour nos problématiques de désertification médicale, de prendre en compte les besoins de regroupement de moyens médicaux, d'avoir un effet de levier pour aménager les territoires de santé et d'offrir des parcours de soins mutualisant les ressources à une échelle dépassant le cadre de l'établissement.
Nous attendions une grande réforme mais nous voyons que la constitution des GHT a été difficile, que les fonctions support obligatoires ont d'abord primé sur les logiques médicales et qu'avec les contestations actuelles sur leur périmètre, rien n'est achevé.
Les amalgames entre directions communes, fusions et structurations de GHT ont été légion et un effet de clarification paraît nécessaire, sans ériger ce modèle en modèle unique. Il est perfectible et je pense comme vous qu'il doit rester évolutif.
Que proposez-vous notamment pour contrer le déficit d'image, améliorer les périmètres parfois peu cohérents, réduire les écarts sensibles entre les plus petits GHT et les plus grands ainsi que les variations majeures de leur échelle d'intégration et pour favoriser la difficile construction de véritables équipes médicales territoriales ?
L'IGAS évoque ces 136 groupements hospitaliers de territoire concernant 850 établissements et en dresse un bilan plutôt positif en qualifiant ce modèle de prometteur. Sa conclusion est positive sur les instances de gouvernance de GHT mais l'IGAS admet – ce que je partage – l'échec du comité territorial des élus locaux.
Peu actif, ce comité se limite globalement à une instance de partage d'informations. Les élus doivent donc être davantage associés pour partager les enjeux sensibles du GHT, notamment la recomposition de l'offre de soins, qui nécessite à la fois une pédagogie active et une connaissance du terrain pour asseoir une réelle logique territoriale. Je partage votre objectif de prise en charge des besoins de proximité. La tarification des filières de soins territorialisées et l'organisation de la gradation de l'offre de soins passent par une meilleure implication des élus locaux dans la gouvernance des regroupements hospitaliers.
Enfin, je voudrais vous demander si la mission note, lorsque les établissements se regroupent, que les GHT les plus avancés sont ceux déjà les plus intégrés. Faut-il ou non créer un établissement territorial public de santé se substituant en une fois aux établissements parties ? Cela mériterait une étude de faisabilité approfondie. Qu'en pensez-vous, messieurs les rapporteurs ?
Je salue la qualité de votre travail sur les GHT, qui sentent encore la peinture fraîche, si j'ose dire, car créés en 2016. Ils couvrent tout notre territoire et votre rapport vient à point nommé, à un moment où la crise sanitaire met en évidence les difficultés que connaît notre système de santé mais aussi les opportunités qui s'offrent à nous et que nous devons travailler.
J'ai deux questions concernant la territorialisation de l'accès aux soins que les GHT doivent permettre. La première est relative au rôle des collectivités locales et à leur implication dans l'investissement en santé. C'est d'ailleurs un projet largement débattu dans le cadre du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et la simplification (« 3DS »). Quel regard les élus que vous avez rencontrés portent‑ils sur le GHT en tant que garant d'investissements efficaces, équitables et transparents sur le territoire ?
Ma seconde question porte sur le rôle des GHT pour mieux diffuser la technicité des CHU pour la prise en charge des pathologies ou les actions de prévention en santé. Je pense notamment à la prise en charge de l'obésité lourde via les centres spécialisés en obésité concentrés dans les CHU, qui méritent d'être mis à disposition des personnes jusque sur le pas de leur porte. Je pense également au cancer du sein, pour lequel nous demandons que la chirurgie du sein soit davantage concentrée, pour des raisons de qualité et de sécurité, entre les mains des professionnels de santé.
Sur la question de la prévention en santé, nous voyons avec la crise covid et la campagne de vaccination l'importance d'aller vers les personnes les plus éloignées du système de santé.
Sur le dépistage du cancer du sein, le taux de participation en France est de 50 %, très en dessous des taux observés chez nos voisins européens. Là aussi, une présence au plus près de nos concitoyens est nécessaire.
Qu'avez-vous pu observer, messieurs les rapporteurs, comme bonnes pratiques inspirantes à l'occasion de votre tour de France des GHT et de vos travaux ?
Je vous remercie pour ce rapport sur les GHT, qui ont vocation à aménager le territoire de santé. Vous montrez une grande hétérogénéité dans leur mise en place. Il paraît effectivement indispensable, ou au moins nécessaire, de redéfinir le périmètre de certains de ces GHT.
Votre rapport confirme, comme les rapports de l'IGAS et de la Cour des comptes le constataient, que nous sommes vraiment au milieu du gué dans la mise en place des GHT. Cela prend beaucoup de temps aux soignants, aux directions et le coût n'en semble pas neutre d'après votre rapport, même s'il est difficile d'estimer précisément combien coûte la création des GHT.
Vous proposez de laisser du temps pour améliorer les coopérations. Or, vous montrez aussi – et cela avait déjà été relevé par ailleurs – que les GHT les plus intégrés sont ceux qui permettent d'améliorer l'accès aux soins. Pourquoi ne pas aller dans ce sens, pourquoi attendre ?
Ce rapport est destiné à alimenter le débat pour essayer de prendre les meilleures décisions et je pense effectivement que le fardeau mis sur les épaules des GHT est un peu lourd. Même si ce n'était pas inscrit ainsi dans la loi, nous avons au fil du temps fini par penser qu'ils constituaient la solution ; ce n'est peut‑être pas tout à fait le cas en réalité. Les GHT peuvent être une partie de la solution mais peut-être faut‑il être un peu plus mesuré dans les objectifs que nous leur assignons, ne pas tout faire passer par eux.
Stéphane Viry demandait s'il s'agissait d'améliorer l'offre de soins ou de rationaliser. Dans la loi, les deux objectifs sont inscrits mais mon sentiment est que les logiques de rationalisation prennent le dessus. La rationalisation conditionne finalement la réponse en termes d'accès au soin.
D'après l'étude d'impact, que fallait-il attendre des GHT ? Il est indiqué en tout premier lieu que « la dynamique renforcée de coopération devrait se traduire par des économies à hauteur de 400 millions d'euros sur trois ans, notamment par le biais d'une réduction des fonctions techniques, administratives et logistiques ». Nous en attendions également « la réduction du recours à l'intérim médical » et « la réduction du nombre de gardes et astreintes ». En matière d'impacts sociaux, l'étude d'impact indiquait que « les incidences sur les organisations de travail sont de nature à améliorer la qualité des conditions de travail, l'efficience et la productivité du service public ». Vous voyez bien que nous sommes quand même assez loin du compte au vu de la situation actuelle de l'hôpital public.
Ma réponse – c'est une appréciation politique – à partir de l'expérience que nous avons vécue et des auditions que nous avons menées est que le cadre budgétaire et la tendance fixés par les ONDAM ont beaucoup pesé sur l'orientation même des groupements hospitaliers de territoire et la philosophie avec laquelle ils ont été mis en œuvre.
Belkhir Belhaddad et Agnès Firmin Le Bodo demandent comment favoriser la coopération entre public et privé. Dans la loi, le choix a été fait de manière délibérée de créer des groupements hospitaliers publics et de ne pas créer de mélange, j'allais dire de confusion, car ce sont des établissements qui ne sont pas de même nature.
Il n'empêche que, pour répondre aux besoins de soins, il faut évidemment s'appuyer sur l'ensemble des acteurs disponibles. Des solutions se mettent donc en œuvre. Dans la loi proposée par Stéphanie Rist se trouvent des dispositions qui vont dans le sens d'un meilleur dialogue entre les différentes parties.
Je pense tout de même, pour répondre plus précisément à la question du rôle que peuvent jouer les GHT de ce point de vue, que des discussions sont possibles avec des structures dont les échelles territoriales ne recoupent pas exactement les territoires des GHT mais que, sans discussion à l'échelle locale, tout cela n'aura aucun effet ou seulement des effets très limités. Nous avons pu constater, notamment pour le lien avec la médecine de ville, que cela ne se joue pas à l'échelle du GHT mais à l'échelle de l'établissement. Je ne préconise donc pas d'organiser des mélanges, mais je pense qu'il faut organiser la discussion avec les autres acteurs du système de soins.
Concernant les remarques de Philippe Vigier et Jeanine Dubié sur la proximité et l'association des élus, il me semble que nous avons des efforts à faire. Des actions sont en cours à l'échelle des GHT. Les élus ont eu du mal à trouver leur utilité dans les instances sanitaires telles qu'elles existaient. Ils ont eu le sentiment que, en réalité, tout était déjà décidé et se passait sans eux, il faut le dire. La manière dont les coordinations continueront à se nouer, le respect accordé aux établissements eux-mêmes et aux élus locaux qui s'investissent en proximité dans la gestion de ces établissements par le biais des conseils de surveillance conditionneront leur investissement à une échelle plus élevée. Je ne crois pas qu'il faille remplacer l'existant ; il ne faut pas sauter l'échelon local pour que les élus puissent participer correctement.
Nous avons constaté effectivement des phénomènes d'aspiration d'un certain nombre d'activités par les établissements support qui ont créé des tensions et des difficultés concrètes dans l'accès aux soins. Cela nous a été rapporté lors de certaines auditions.
Comme Bernard Perrut l'a dit, il existe sans doute une ambiguïté dans les objectifs fixés aux GHT, dans la manière dont ces objectifs ont été formulés, dans l'amalgame « intégration-fusion-coopération » J'ai eu le sentiment que l'intégration était au bout de la ligne d'arrivée, que c'était l'étape suivante et je pense que cela a contribué à installer un trouble et des résistances. À mon sens, tel ne doit pas être l'objectif.
L'objectif doit être la coopération entre les établissements et c'est pourquoi nous n'avons pas préconisé de substituer la personnalité morale des GHT à celle des établissements. Lors des auditions, certains l'ont demandé, mais pas tous, et ce sujet faisait débat. Nous ne pensons pas que ce soit une solution, en tout cas pas une solution à généraliser. Je penche plutôt pour l'organisation de meilleures coopérations.
Pour terminer, même s'il n'existe pas de modélisation et que la variété est telle que la modélisation pourrait être discutée, la loi a fixé des cadres et il faut que nous puissions nous adapter aux besoins et aux demandes pour ne pas ajouter des difficultés aux personnels dans la réalisation de leur travail, déjà suffisamment difficile. Au stade où nous en sommes, il ne faut pas nous engager dans une sorte de course en avant mais prendre le temps de regarder ce qui a fonctionné, ce qui est utile pour le renforcer. Il ne faut pas écrire sur le papier des objectifs qui nous emmèneraient très loin des nécessités du quotidien.
Face à de nombreuses questions pertinentes qui témoignent de votre activité de parlementaires de terrain, je répondrai de façon plus globale en rappelant d'abord les deux objectifs des GHT, qui sont la stratégie d'égalité d'accès aux soins dans la sécurité et la qualité, d'une part, et la rationalisation des modes de gestion avec la mise en commun des fonctions support et les transferts d'activité entre établissements, d'autre part.
La gouvernance des GHT a ses instances, que sont le comité stratégique, le collège médical, la commission de soins infirmiers, dont l'IGAS préconise d'ailleurs la fusion avec le collège médical, le comité des usagers, qu'il ne faut pas surtout oublier, et le comité territorial des élus locaux. Il faut savoir qu'à partir du 1er janvier 2022, nous aurons des commissions médicales de groupement (CMG) qui permettront que chacun des acteurs trouve sa place dans une vision territoriale.
Cette gouvernance est lourde : dans le GHT Limousin, par exemple, il faut consulter quatre‑vingt‑dix instances pour modifier le projet médical partagé. Dans des GHT de grande taille comme celui des Bouches-du-Rhône, trente‑neuf personnes se retrouvent autour de la table. Dans notre rapport, nous sommes plutôt favorables à la CMG, mais encore faut-il que cette CMG aux pouvoirs élargis laisse toute sa place à la gouvernance médicale, sans centraliser encore cette gouvernance aux dépens des hôpitaux de proximité
Cela rejoint notre recommandation 11, qui vise à étudier les modalités d'une personnalité juridique très souple et limitée pour faciliter le portage de projets au sein des GHT, à condition qu'elle ne se substitue pas à la personnalité juridique des établissements parties.
Nous avons parlé de la T2A, qui est un facteur bloquant dans la structuration et la coopération des établissements. Cela provoque un système gagnant-perdant et des distorsions de concurrence entre établissements. C'est une puissante incitation à ne pas coopérer. Le ministre le réaffirme d'ailleurs : il faut que ce système de T2A évolue pour aller dans une logique de parcours de soins en amont et en aval, ce qui nécessite d'impliquer le secteur privé, les établissements médico‑sociaux et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
Nous avons eu une audition très intéressante avec le représentant des CPTS. Elles sont actuellement au nombre de 670 et se multiplient rapidement. Elles s'organiseront en inter-CPTS qui seront plus à même d'interagir avec les GHT.
Nous pourrions dire que la solution serait de fusionner les budgets des établissements des GHT, mais ce n'est pas toujours adapté. Cela dépend de la maturité des coopérations. Il faut ainsi respecter le tempo de chacun et s'adapter à la dimension des projets. C'est ainsi que nous pouvons avancer et susciter la reconnaissance des personnels.
Encore faut-il leur donner les moyens nécessaires, comme nous l'avons vu avec l'« article 51 », dont les soignants se sont emparés : il a eu un succès fou, qui a dépassé les budgets, et cela montre qu'il est possible de combattre l'amertume et les souffrances des soignants en leur donnant des moyens.
Je parlais précédemment des directeurs, qui sont acteurs de leur établissement avant d'être acteurs du GHT. Ils sont évalués par les ARS en fonction des résultats financiers de leur établissement et, de ce fait, le problème est plus facile lorsque les établissements du GHT sont en direction commune. Toutefois, ce n'est pas toujours souhaitable, notamment quand les GHT sont pléthoriques ou que les établissements sont éloignés de l'hôpital support. Je pense à l'exemple de Gournay-en-Bray, qui se situe à une heure de route du CHU de Rouen.
Nous avons parlé aussi de l'évolution de la prime d'exercice territorial. Il faut voir l'effet structurant qu'il y a à employer des praticiens en temps partagé. Je ne pense pas du tout au « médecin sac-à-dos » pour pallier les manques et « boucher des trous » mais je le conçois une logique de GHT et une logique populationnelle. Pour le moment, pour employer un médecin sur plusieurs sites, il faut signer une convention avec chaque établissement concerné ; je crois qu'être médecin de GHT éviterait des redondances et permettrait des procédures plus souples. Ceci est un élément très structurant.
Vous avez parlé d'autorisations sanitaires. La Cour des comptes le dit : c'est le principal outil permettant de structurer l'offre de soins sur le territoire. Il faut essayer d'accorder le projet régional de santé (PRS) avec le PMP mais il faut que le régime juridique de ces autorisations évolue car il ne s'y prête pas. L'idée serait de disposer d'autorisations sanitaires collectives.
La DGOS préconisait plutôt une procédure de demande d'avis du comité stratégique pour toute demande d'autorisation sanitaire déposée par un établissement partie, de façon à s'assurer de la cohérence entre le PMP et le PRS. En tout cas, il faut absolument aller plus loin que ce que prévoit l'ordonnance du 12 mai 2021 sur ce point.
Vous avez judicieusement parlé de la HAD dans l'approche populationnelle. Elle en fait partie intégrante, avec la médecine de ville, les cliniques privées, le secteur médicosocial. Dans la réforme de 2016, ces aspects étaient très secondaires et la fédération de l'hospitalisation privée dit d'ailleurs qu'il s'agit d'une réforme de l'hospitalisation publique, et non d'une réforme de la santé.
La loi donne la possibilité d'associer des établissements privés aux GHT. Or, en 2019, d'après le rapport de l'IGAS, moins de 50 % des GHT avaient passé des conventions de partenariat avec un établissement de santé privé d'intérêt collectif ou avec un établissement privé à but lucratif. C'est une revendication forte de la Fédération des cliniques et hôpitaux privés de France et de la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés. J'espère qu'elle sera entendue.
Vous avez parlé d'une focalisation sur le champ sanitaire au détriment du médico‑social et vous avez souligné la différence entre l'acte et le parcours. Finalement, même si les PMP ont englobé la thématique du médico‑social, le sujet est resté en marge de la réforme. Au 1er janvier 2020, d'après la Cour des comptes, seulement 7,5 % des établissements médico‑sociaux (EMS) étaient associés aux GHT, indépendamment des établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) hospitaliers. Cela signifie que seuls 78 EMS autonomes étaient membres de 28 GHT sur 136.
Nous constatons donc un cloisonnement, avec une absence de politique financière globale qui nous permettrait d'avoir un outil fonctionnel.
Sur la HAD, la Cour des comptes souligne effectivement qu'il s'agit d'une occasion manquée : un tiers de la HAD n'a pas été associée à l'élaboration des PMP. Luttons donc contre cette vision trop hospitalo-centrée et développons les équipes mobiles, que ce soit en gériatrie, en soins palliatifs ou en chimiothérapie par exemple. Je crois qu'il faut nous adapter. C'est une plus-value, c'est progresser vers une stratégie de l'« aller vers » face aux réalités d'aujourd'hui.
Les PMP n'ont pas toujours associé le personnel soignant et ne sont pas à la hauteur de leurs espérances. Nous le voyons avec cet exemple du centre hospitalier de Martigues, dont le PMP soulignait le déficit de lits en psychiatrie et prévoyait l'ouverture de 25 lits supplémentaires ; à ce jour, il n'a pas eu l'autorisation nécessaire pour les ouvrir. Les GHT n'ont d'avenir que s'ils partent du terrain, dans une logique ascendante.
D'après la Cour des comptes, la réforme des GHT a eu un coût brut évalué à 140 millions d'euros, auxquels il faut ajouter les dotations accordées dans le cadre du fonds d'intervention régional. La mutualisation des fonctions support doit être évaluée à l'aune du service rendu au patient, de la qualité de vie au travail et de l'impact social et environnemental. Vous retrouvez dans nos recommandations le souhait de plus d'écoute, de confiance et de souplesse.
Sur la fonction achats, il faut savoir que la mutualisation permet effectivement des économies de coûts tarifaires et une meilleure sécurité juridique mais, en même temps, les établissements parties nous disent qu'il faut former un délégué achats et les accompagner davantage. Ils se plaignent aussi de perdre leurs fournisseurs locaux, d'avoir des produits moins spécifiques et de ce que les délais augmentent. Par exemple, à Château‑Thierry, où ils souhaitaient acheter des fauteuils adaptés, cela prend du temps – et même beaucoup trop de temps.
Il faut donc renforcer l'évaluation de la mutualisation des achats et en apprécier les effets macroéconomiques. La différence entre les gains théoriques et les gains budgétaires tangibles est difficilement contrôlable, comme le dit la Cour des comptes. De plus, entre 2015 et 2018, la dépense budgétaire liée aux achats a augmenté, même en neutralisant l'évolution des prix. Pour savoir où nous en sommes aujourd'hui, une évaluation est nécessaire.
La question des systèmes d'information (SI) est très importante. Nous avons parlé de la sécurité informatique et des cyberattaques mais il faut aussi développer des schémas directeurs de SI communs pour une convergence, avec un dossier patient informatisé commun, une identification unique commune. C'est assez ardu parce que l'hétérogénéité est importante. Nous avons finalement mobilisé des financements en faveur de la convergence mais de façon non spécifique et, surtout, des financements régis par la règle du financement à l'usage, c'est-à-dire octroyés une fois que le système a été mis en route.
Le programme HOP'EN doit évoluer ; 465 millions d'euros ont été ajoutés lors du Ségur numérique pour le volet « équipement » et 260 millions d'euros pour le volet « usage ». Cela va dans le bon sens pour la mise en œuvre du référentiel socle pour l'interopérabilité mais, d'après la Cour des comptes, il faudra ajouter au budget environ 250 millions d'euros pour les charges d'exploitation.
Sur les périmètres dysfonctionnels, je crois qu'il faut procéder à des audits, comme cela a été fait pour le GHT Saphir : finalement, le divorce n'a pas été prononcé car les parties sont reparties en « mode projet » et que des moyens leur ont été donnés pour le faire. Je n'ai pas de réponse générale mais je ne pense pas qu'il faille trancher à la hache les périmètres. Cela ne paraît pas pertinent.
Dans le cadre des PMP de deuxième génération, il importera de recentrer les projets des GHT sur quelques filières prioritaires. Il faudra rationaliser, en se donnant d'abord le temps d'évaluer les premiers PMP.
Il est grand temps de tenir compte de la dimension de santé publique et de la prévention. Je rappelle toujours que 12 000 décès de personnes âgées sont liés chaque année à des chutes qui, dans la majeure partie des cas, pourraient être évitées. Si nous ne développons pas en amont la prévention, nous continuerons d'alimenter nos hôpitaux avec les complications des maladies chroniques. Il est urgent de s'en occuper, avec la problématique de vieillissement que nous connaissons.
La démographie médicale reste un facteur bloquant mais il existe des solutions. Les temps médicaux partagés ne sont pas la seule réponse ; le numerus clausus a été remplacé par un numerus apertus mais il faut du temps pour que cela produise ses effets.
Nous ne préconisons pas de remettre l'ensemble de la carte des périmètres sur le métier. Ce serait un nouveau big bang et, avec tous les efforts produits jusqu'ici, ce n'est pas imaginable. En revanche, il faut regarder de près quelques GHT qui semblent dysfonctionnels pour lesquels, peut-être, il serait bon de revoir le périmètre. Nous envisageons plutôt le sujet ainsi.
Agnès Firmin Le Bodo a évoqué le rôle des ARS et elle a raison : c'est une partie de la réponse sur les relations entre les GHT, les établissements publics et le reste des acteurs de santé. Il ne faut pas oublier que les ARS ont un rôle central à jouer dans l'articulation et dans l'agencement des différents pans de l'offre de soins. Nous pensons que les GHT ne peuvent pas vouloir jouer le rôle des ARS. Les ARS doivent donc prendre en compte l'existence des GHT et de leurs projets mais elles ne doivent pas pour autant passer uniquement par les GHT et ne plus discuter avec les établissements. Il y a une dialectique à trouver, que certaines ARS ont d'ailleurs sans doute déjà commencé à mettre en œuvre.
Enfin, l'introduction de la prévention peut sans doute se faire à l'échelle des GHT par le biais du PMP.
Je vous remercie, messieurs les rapporteurs, et vous félicite pour l'ensemble de ce travail de grande qualité sur un sujet important.
En application des dispositions de l'article 145, alinéa 7, du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d'information.
La séance est levée à dix heures cinquante-cinq.
Informations relatives à la commission
La commission a désigné :
– M. Gérard Leseul rapporteur sur la proposition de loi visant à augmenter le salaire minimum interprofessionnel de croissance et à ouvrir une conférence nationale sur les salaires (n° 4782) ;
– M. Guillaume Garot rapporteur sur la proposition de loi d'urgence contre la désertification médicale (n° 4784).
Présences en réunion
Réunion du mercredi 15 décembre 2021 à 9 heures 30
Présents. – Mme Stéphanie Atger, M. Joël Aviragnet, M. Didier Baichère, M. Belkhir Belhaddad, M. Philippe Chalumeau, M. Sébastien Chenu, Mme Josiane Corneloup, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, Mme Cécile Delpirou, M. Pierre Dharréville, Mme Jeanine Dubié, Mme Catherine Fabre, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Guillaume Garot, Mme Carole Grandjean, M. Jean-Carles Grelier, Mme Véronique Hammerer, Mme Myriane Houplain, Mme Monique Iborra, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, M. Gérard Leseul, Mme Geneviève Levy, Mme Monique Limon, M. Sylvain Maillard, M. Didier Martin, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, M. Bernard Perrut, Mme Bénédicte Pételle, Mme Claire Pitollat, Mme Stéphanie Rist, Mme Valérie Six, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, M. Boris Vallaud, Mme Laurence Vanceunebrock, Mme Michèle de Vaucouleurs, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Stéphane Viry
Excusés. - M. Thibault Bazin, Mme Justine Benin, M. Gérard Cherpion, M. Paul Christophe, Mme Audrey Dufeu, Mme Caroline Fiat, Mme Pascale Fontenel-Personne, Mme Perrine Goulet, Mme Claire Guion-Firmin, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, Mme Marie-Pierre Rixain, Mme Nicole Sanquer, M. Nicolas Turquois
Assistait également à la réunion. - M. Jean-Luc Warsmann