La commission examine le rapport de la mission d'information sur l'assurance-crédit (Mme Dominique David, rapporteure).
Chers collègues, notre commission a créé au mois de mai dernier une mission d'information relative à l'assurance-crédit, dont la rapporteure est Mme Dominique David. La crise sanitaire avait en effet mis en exergue le rôle des assureurs crédit, mais le comportement de certains d'entre eux a également suscité alors des interrogations.
En outre, nous avions voté lors des collectifs successifs de réponse à la crise des dispositifs de soutien à l'assurance-crédit. Ces dispositifs ont trouvé à s'appliquer en 2020 et 2021 et ont, pour une partie d'entre eux, été prolongés en 2022, même si les montants d'encours couverts par les garanties publiques sont finalement restés relativement modestes – 1,76 milliard d'euros couverts par les dispositifs ligne à ligne à la fin de l'année, alors que la garantie de l'État était accordée à hauteur de 15 milliards d'euros.
Le rapport que nous présente Mme David permet d'établir un bilan de ces dispositifs de complément d'assurance et de réassurance publics. Il ouvre également à une réflexion sur le bon fonctionnement et l'équilibre du marché de l'assurance-crédit, qui est bienvenue, même s'il faut sans doute faire preuve de prudence dans les modifications que l'on souhaiterait apporter à cet équilibre – on peut notamment souligner que les prix sur le marché de l'assurance-crédit sont significativement moindres que sur des marchés étrangers comparables.
J'ai effectivement l'honneur de vous présenter aujourd'hui les conclusions des travaux de la mission d'information relative à l'assurance-crédit, dont le groupe majoritaire avait, à mon initiative, proposé la création au printemps dernier.
Rappelons tout d'abord de quoi il s'agit.
Lorsqu'une entreprise accorde à une autre entreprise un délai de paiement, elle lui accorde ainsi un crédit. L'assurance-crédit vise à permettre à cette entreprise de se prémunir du risque d'impayés. L'économie française est particulièrement perméable à l'assurance-crédit car nos entreprises sont faiblement capitalisées et n'ont pas toujours la trésorerie nécessaire pour financer leur fonds de roulement. Elles se financent donc au travers du crédit inter-entreprises, en jouant parfois, par-dessus le marché, sur des délais de paiement à rallonge. La France est en effet championne dans ce domaine où la moitié des grandes entreprises ne respectent pas le délai légal de 60 jours.
Et lorsque je vous dirai que l'assurance-crédit garantit près de la moitié des 652 milliards d'euros que représente le crédit interentreprises et que nous avons voté ici même, à la sortie du premier confinement, pour une réassurance publique de ces encours bénéficiant d'une garantie de l'État à hauteur de 15 milliards d'euros, j'espère que vous aurai convaincu que le sujet n'est pas anecdotique.
Très différente des assurances dommages classiques, cette forme d'assurance offre, en somme, une triple prestation : une prestation de conseil, qui consiste à orienter les assurés vers des clients solvables ; des garanties portant sur l'ensemble du flux d'affaires entre l'assuré et le client agréé par l'assureur, en d'autres termes entre un fournisseur et son acheteur ; enfin, le cas échéant, un service de recouvrement des impayés.
Les garanties accordées sont en outre susceptibles d'être modifiées ou résiliées en fonction de l'évolution du risque que représente son client pour l'assuré. Ce risque est effectivement évalué et suivi par l'assureur-crédit, grâce à d'importantes bases de données et au travail de ses analystes. Précisons d'emblée que, dans le cadre d'une convention passée le 17 juin 2013 avec la médiation du crédit et le ministère chargé de l'économie, les principaux assureurs-crédit se sont engagés à ne prendre aucune décision de résiliation ou de réduction des garanties sur une base sectorielle ou départementale sans tenir compte de la situation particulière et des performances propres de l'entreprise évaluée – il est important d'avoir cette convention à l'esprit.
Si notre attention a été appelée par cet objet spécifique, c'est avant tout en raison de la période que nous avons traversée.
Dès le début de la pandémie, les députés du groupe majoritaire membres de la commission des finances ont constitué des groupes de travail pour surveiller les conséquences économiques de la pandémie et assurer un suivi des dispositifs de soutien. Nous avons eu de nombreux échanges sur tous les sujets avec de multiples interlocuteurs, et un certain nombre d'entre eux se sont fait l'écho des difficultés rencontrées par les entreprises dans leurs relations avec les assureurs-crédit.
Notre commission elle-même, précisément en raison de ces difficultés, et, plus largement, des craintes de « mur de faillites » ou d'assèchement du crédit inter-entreprises qu'inspirait la situation, a eu à examiner dès le premier projet de loi de finances rectificative pour 2020 des dispositions ayant pour objet le renforcement, la réactivation ou l'instauration de dispositifs publics de compléments d'assurance ou de réassurance publiques.
Ces dispositions portaient sur deux dispositifs ligne à ligne, CAP et CAP+, offrant des garanties complémentaires ou de substitution pour soutenir le crédit interentreprises domestique, en cas de réduction ou de résiliation des garanties primaires, qui ont pris fin le 31 décembre 2021, ainsi que sur deux dispositifs ligne à ligne, CAP Francexport et CAP Francexport +, offrant des garanties du même type pour les flux à l'export, prorogés jusqu'au 30 mars 2022, et enfin, à partir de l'été 2020, sur un dispositif global – c'était une nouveauté – de réassurance de portefeuille, CAP Relais, qui a pris fin le 30 juin 2021.
Au delà de l'examen de ces dispositifs, dont le rapport que je vous propose récapitule les modalités et les évolutions, notre commission, je vous le rappelle, a procédé il y a un an presque jour pour jour – c'était le 10 février 2021 – à l'audition des responsables des trois principaux assureurs-crédit du marché national : Euler Hermes, Coface et Atradius.
Il m'a paru opportun d'approfondir et de prolonger ces travaux sur un outil qui reste méconnu, même si c'était déjà l'un des objets d'un rapport remis par l'inspection générale des finances en 2013, sur la couverture du poste clients. C'est pourquoi le groupe majoritaire a proposé, à mon initiative, au printemps dernier, que soit constituée cette mission d'information dont je vous présente les conclusions.
Ces travaux parlementaires me semblent d'autant plus importants qu'ils sont les seuls travaux publics actualisés sur le sujet. Le Gouvernement n'a en effet pas remis le rapport prévu par l'article 34 de la troisième loi de finances rectificative pour 2020. Il s'était pourtant prononcé en faveur de l'amendement dont cet article est issu – j'en étais l'auteur –, sous-amendé par le rapporteur général. Et nous savons que l'inspection générale des finances a mené l'an dernier des travaux sur l'assurance-crédit dont les conclusions ont dû être remises au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Malgré des demandes réitérées, le rapport de l'inspection générale des finances ne m'a pas été communiqué.
Les travaux menés ont principalement consisté en vingt-quatre auditions, avec les acteurs les plus divers de l'assurance-crédit : les principaux représentants de la profession, la direction générale du trésor, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, le médiateur du crédit, des fédérations d'entreprises « utilisatrices » de l'assurance-crédit, des courtiers, dont le rôle est essentiel sur ce marché très intermédié. Se sont ajoutés à ces auditions de nombreux échanges écrits avec les uns et avec les autres, qui ont permis de collecter des témoignages d'entreprises, tirés de leur expérience– le rapport en livre quelques-uns, bien sûr anonymisés.
D'emblée, la mission d'information a souhaité articuler ses travaux autour de deux axes : d'une part, un bilan des dispositifs de complément d'assurance ou de réassurance publics ; d'autre part, et surtout, une réflexion sur l'équilibre et le fonctionnement du marché de l'assurance-crédit en général et sur l'équilibre des relations contractuelles entre assureurs et assurés en particulier.
Je dresserai un bilan plutôt positif des dispositifs CAP.
Les dispositifs ligne à ligne ont permis d'accompagner des situations particulières tout au long de la crise, mais présentaient sans doute deux défauts. D'une part, leur gestion était complexe : l'assuré devait faire une demande spécifique pour chaque décision de résiliation ou de réduction des garanties, et chaque garantie accordée dans ce cadre impliquait la réémission d'avenants. D'autre part, le prix initial des garanties était jugé élevé. Les dispositifs en question permettaient donc de répondre à des besoins ponctuels mais leurs inconvénients n'en faisaient pas, à eux seuls, une réponse suffisante en période d'arrêt brutal de l'économie. Leur prorogation en 2021 a donné lieu à un ajustement de leurs paramètres qui les a rendus plus attractifs.
En outre, et surtout, la mise en place du schéma de réassurance globale CAP Relais, reposant sur des traités de réassurance de portefeuille conclus entre la Caisse centrale de réassurance (CCR) et les principaux assureurs-crédit, a permis de maintenir ou de restaurer un climat de confiance entre les entreprises, alors que la mise en place des dispositifs ligne à ligne ne semblait pas suffire à enrayer la vague des résiliations et réductions de garantie.
Au terme de l'année 2020, la contraction de l'activité de l'assurance-crédit paraissait donc réelle mais modérée. Selon les données collectées par la Banque de France, sur l'ensemble de l'année 2020, l'activité de l'assurance-crédit en France a diminué de 10 % alors qu'elle n'avait cessé de croître les années précédentes, progressant notamment de 6 % en 2018 puis de 4 % en 2019. Surtout, le « mur des faillites » initialement craint ne s'est heureusement pas réalisé, loin de là, puisque la mise en place de toute une palette de dispositifs a conduit à une chute de 38 % des défaillances d'entreprise en 2020.
Il convient toutefois de relever une difficulté méthodologique au moment de faire le bilan de ces dispositifs, car, en réalité, c'est toute une palette de dispositifs qui a été mise en place pour soutenir, avec le « quoi qu'il en coûte », notre économie et nos entreprises et sauver nos emplois. Selon le comité de suivi et d'évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l'épidémie, les quatre principales de ces mesures – activité partielle, fonds de solidarité, prêts garantis par l'État et reports de cotisations sociales – mobilisaient 230 milliards d'euros à la fin du mois de juin 2021, soit 10 % du produit intérieur brut. Ces différents outils, que la mission d'information n'avait évidemment pas pour objet d'évaluer, ont eu un effet positif sur la trésorerie des entreprises, contribuant ainsi à limiter considérablement ces impayés contre les conséquences desquels l'assurance-crédit a précisément pour objet de prémunir les entreprises. Il peut donc être difficile de mesurer avec exactitude l'impact spécifique des différents dispositifs publics de complément d'assurance ou de réassurance.
J'en viens au deuxième axe de travail de la mission : l'équilibre du marché de l'assurance-crédit et l'équilibre des relations entre assureurs et assurés, voire entre assureurs et acheteurs.
La crise a révélé un certain nombre de dysfonctionnements ou confirmé certaines limites. Ces dysfonctionnements et ces limites procèdent essentiellement de deux facteurs : d'une part, le caractère procyclique – j'en suis convaincue – de l'assurance-crédit, et, d'autre part, un relatif déséquilibre des relations contractuelles, dans le cadre d'un marché oligopolistique. Ces deux facteurs peuvent d'ailleurs se conjuguer ou se renforcer l'un l'autre. En témoigne la vivacité de la réaction des assureurs-crédit face à la crise, pour ne pas dire la brutalité de leurs décisions de résiliation ou de réduction de garanties. Les informations et témoignages recueillis par la mission d'information témoignent d'un effet ciseau subi par certains assurés en raison d'une diminution des montants garantis et d'une augmentation simultanée du taux des primes.
Par sa rapidité, par ses formes et par sa durée, le désengagement des assureurs-crédit, qui se poursuivait jusqu'à la fin du printemps 2020 en dépit des mesures de soutien à l'activité, a alimenté un sentiment d'incompréhension de la part des assurés, les fournisseurs, et de leurs clients, les acheteurs. Ces derniers ont ainsi pu considérer que le comportement des assureurs-crédit ne faisait qu'aggraver les difficultés dans un contexte où le maintien des couvertures aurait, au contraire, pu réduire les incertitudes.
L'importance des mouvements a pu être constatée aussi bien par le comité de crise sur les délais de paiement mis en place dès le 23 mars 2020 que par les courtiers ou les fédérations professionnelles. Il me paraît donc nécessaire de mieux encadrer les possibilités de réduction ou de résiliation des garanties, notamment en veillant à donner une plus grande effectivité à certaines dispositions de la convention du 17 juin 2013 ; je songe notamment à celles qui proscrivent les décisions prises sur une base purement sectorielle ou géographique ou imposent le respect de certains délais de prévenance.
Au terme de ses travaux, la mission formule des recommandations – je ne citerai que les principales – qui visent notamment quatre objectifs.
Le premier objectif est de rééquilibrer les relations contractuelles. Un rééquilibrage des relations contractuelles pourra être de nature à faciliter la concurrence, à favoriser l'arrivée de nouveaux acteurs et, in fine, à limiter l'impact sur les entreprises – qu'il s'agisse des entreprises assurées ou des acheteurs – de certaines pratiques dont la crise a pu confirmer le caractère procyclique ou nocif.
Même si, comme le relève la direction générale du trésor, les pratiques en la matière sont peu documentées, des clauses dites d'exclusivité tendent à empêcher l'assuré de recourir à un assureur de deuxième rang pour souscrire une couverture dite de top up, y compris lorsque son assureur se désengage. Je préconise au contraire d'ouvrir à l'assuré la possibilité de souscrire une assurance-crédit supplémentaire, soit sous la forme d'une solution de top up qui viendrait s'ajouter à une garantie primaire, soit sous la forme d'une garantie complémentaire portant sur les créances sur lesquelles un assureur primaire a réduit à zéro le montant de l'encours garanti. L'idée est de ne pas laisser ces entreprises sans aucune solution. Je note d'ailleurs que les traités de réassurance qui régissent CAP Francexport comportent précisément une clause qui spécifie que « dans le cas où un assuré se voit opposer un refus, une résiliation ou une réduction de garantie sur un de ses acheteurs, [l'assureur-crédit] ne s'opposera pas à ce que l'assuré sollicite un autre assureur crédit pour se substituer sur ledit acheteur ». Ne croyez-vous pas qu'une disposition analogue mériterait d'être gravée dans le marbre de la loi ?
Un autre type de clause défavorable à l'assuré est celui des clauses qui prévoient un minimum de prime garanti. Ce minimum consiste en une prime calculée en proportion de celles facturées l'année antérieure, due par l'assuré à l'assureur, nonobstant les réductions ou résiliations de garantie auxquelles ce dernier procédera. De telles pratiques pourraient être mieux encadrées, par exemple par un code défini d'un commun accord par les assureurs-crédit et les fédérations d'entreprises.
Il serait également judicieux d'ouvrir aux assurés des possibilités de résiliation infra-annuelle pour les contrats d'une durée d'un an et de résiliation à la date anniversaire du contrat pour les contrats pluriannuels.
Un deuxième objectif est de renforcer la transparence et l'information. Alors que les assureurs‐crédit se sont engagés, par la convention du 17 juin 2013, à permettre aux acheteurs d'accéder à leur note et au montant de l'encours garanti dont ils font l'objet pour chaque assuré, le portail mis en place pour faciliter cette information semble insuffisamment connu des entreprises. Nous proposons donc, entre autres, de systématiser l'inscription des entreprises sur ce portail et de garantir l'identification par les assureurs-crédit d'un point de contact auprès des clients de leurs assurés afin de pouvoir notifier auxdits clients toute réduction de leur notation et toute diminution de leur couverture.
Un troisième objectif est de clarifier les modalités d'intervention de l'État. L'État ne peut accepter de réassurer de manière régulière et illimitée le risque de contagion des défauts. En tant qu'assureur en dernier ressort, il aurait tout intérêt à se doter d'une doctrine lui permettant de gérer efficacement son action à tout moment, quelles que soient les conditions macroéconomiques. La Caisse centrale de réassurance le relève : l'assureur en dernier ressort doit connaître l'ampleur des risques supportés, leur nature et les secteurs concernés.
Un quatrième objectif est d'élargir l'accès à des solutions de couverture complémentaire. Il nous semble que le développement d'outils complémentaires à l'offre privée d'assurance-crédit telle que nous la connaissons mériterait d'être encouragée. Je songe notamment au recours à des contrats de filière – suggestion déjà formulée par l'inspection générale des finances dans son rapport de 2013 –, qui pourrait notamment faciliter le recours à l'assurance-crédit des petites entreprises. Je pense également à la syndication, laquelle permet un partage des risques entre assureurs. Je songe également à la possibilité d'une incitation fiscale à l'auto-assurance, notamment à l'intention des PME.
En outre, les défaillances du marché de l'assurance-crédit invitent à s'interroger sur la possibilité d'une offre publique ciblée et complémentaire de l'offre privée, par exemple sur des dossiers importants et sensibles à fort enjeu social. Elle pourrait également se justifier dans le cas d'acheteurs non garantis, à la suite d'accords entre les assureurs et la CCR.
Enfin, au regard de la complexité de l'assurance-crédit et de la nécessité d'une meilleure diffusion de l'information à son propos, il pourrait être envisagé de créer un service spécifique, par exemple auprès de la Banque de France, dont le rôle serait de répondre aux interrogations des entreprises ou organisations professionnelles désireuses de se doter d'une solution de protection qui leur soit propre. Elles pourraient y trouver conseils et assistance technique.
Cette situation fragilise l'ensemble des chaînes de valeur.
Nos entreprises se protègent en faisant appel à l'assurance-crédit, mais les assureurs-crédit sont également faiblement capitalisés, ce qui, en cas de risque systémique, crée une situation véritablement explosive. Songeons qu'aux États-Unis, pareille situation est tout simplement inimaginable, les clients payants comptant leurs fournisseurs. Le renforcement des fonds propres de nos entreprises s'avère donc une priorité de nos politiques économiques.
La lecture de votre rapport nous en persuade en effet : ce sujet n'est pas anecdotique, les encours garantis par l'assurance-crédit représentant un peu moins de la moitié du crédit interentreprises. Que 40 % des faillites résultent de « l'effet domino » des impayés souligne encore cette importance. En outre, ce marché, comme vous l'avez dit, est très concentré autour de quelques intervenants importants.
Je voulais vous interroger sur plusieurs sujets. Tout d'abord, j'aurais aimé savoir les bénéfices de ces quelques entreprises oligopolistiques.
Par ailleurs, s'il faut promouvoir un peu plus de concurrence, il faudrait également savoir quelles sont les marges de manœuvre dont pourraient bénéficier les entreprises assurées.
Quant au caractère procyclique de l'assurance-crédit, que la crise a confirmé, pouvez-vous nous l'expliquer ? Le rôle d'une assurance est plutôt d'être contracyclique…
Vous avez développé de manière assez détaillée des propositions pour remédier au véritable déséquilibre qui règne dans ce secteur entre assurés et assurances. Plusieurs propositions sont très intéressantes, mais pouvez-vous simplement nous parler des bases de données qui pourraient améliorer l'information des entreprises et les sécuriser ?
Cette possibilité de résiliation unilatérale qu'ont les assureurs-crédit pose également la question du déséquilibre. Votre travail est intéressant, très important, et mériterait qu'en soit dégagée une proposition de loi.
Merci, madame la rapporteure, pour le travail effectué. Je souhaite aborder trois points.
Vous évoquez, à la page 23 du rapport, « un reporting jugé satisfaisant en temps ordinaire ». On entend bien que vous n'abordez pas ici la période de crise qui est particulière. Cependant, vous indiquez ensuite qu'un « tel suivi ne permet cependant pas d'apprécier l'opportunité économique du maintien d'une couverture ». Pouvez-vous nous en dire plus ? Le reporting est-il satisfaisant ou non ?
Ma deuxième question porte sur votre deuxième recommandation, qui est d'ouvrir le marché à la concurrence, puisque vous constatez que le marché est dans les mains de quelques assureurs-crédit. C'est cependant un métier particulier qui nécessite une expertise et présente des spécificités. Par conséquent, cette recommandation n'est-elle pas un vœu pieux, puisque l'ouverture du marché ne se décrète pas ?
Quant à votre sixième recommandation, aux termes de laquelle il s'agirait de doter une instance de régulation de la faculté d'encadrer ou de restreindre les possibilités de réduction ou de résiliation des garanties par un assureur-crédit, ne risque-t-elle pas de se retourner contre le dispositif, dans la mesure où elle serait trop susceptible de dissuader de s'engager dans l'assurance-crédit ? Et cette recommandation n'est-elle pas de nature à entraîner des difficultés au moment où une entreprise voudrait s'engager et obtenir une couverture ?
Je remercie tout d'abord notre collègue pour la qualité de son travail et la pertinence de ses propositions.
L'assurance-crédit est un outil méconnu mais indispensable à nos entreprises, notamment dans leur développement à l'international. Je tiens à le souligner d'emblée : les défaillances et le grand crash tant redouté ont été évités grâce à la politique de « quoi qu'il en coûte », comme vous l'avez également souligné, madame la rapporteure. Le rôle de cet outil était d'autant plus déterminant au cours des premiers mois de la crise de la covid-19 que certains fournisseurs ont alors pu être mis en difficulté par les impayés de leurs clients, en France comme à l'international.
Je souhaite vous questionner sur le cadre prudentiel de l'assurance-crédit. Vous soulignez que les entreprises d'assurance-crédit sont soumises à de nombreux reporting statistiques, que ce soit auprès de la direction générale du trésor ou de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) au titre de la centralisation des risques. Les assureurs-crédit doivent de plus déclarer auprès de la Banque de France les encours garantis d'un montant supérieur à 25 000 euros et les sinistres d'un montant supérieur à 5 000 euros. Vous soulignez toutefois la nécessité d'un suivi mensuel par la Banque de France des encours garantis de crédit par les assureurs-crédit. Ne faudrait-il pas cependant centraliser le contrôle de ces institutions auprès de l'ACPR ? En plus d'un suivi mensuel, ne convient-il pas de soumettre les assureurs-crédit à certains dispositifs prudentiels qui existent dans d'autres secteurs financiers, à l'instar de stress tests ?
Vous soulignez en outre la nécessité de développer l'autoassurance, en ayant par exemple recours à des dispositifs fiscaux. Nous saluons cette piste ; toutefois, il faudrait peut-être accompagner ce mouvement par le développement d'autres moyens permettant de garantir la trésorerie des entreprises, comme l'affacturage ou l'affacturage inversé. Quel regard portez-vous sur ces dispositifs ?
Je veux moi aussi saluer en préambule les travaux de notre collègue. Ce rapport d'information est essentiel car l'État a pallié les défaillances des assureurs-crédit au cours de la crise, et un contrôle parlementaire de l'utilisation des deniers publics et de l'assurance-crédit est le bienvenu.
Si les assureurs n'ont aucune difficulté pour jouer leur rôle afin de faire face au risque de non-paiement à l'échéance fixée contractuellement lorsque l'économie va à son rythme de croisière, votre rapport montre bien que le caractère procyclique de l'assurance-crédit nécessite l'intervention de l'État. Ce caractère pourrait avoir un « effet domino » et fragiliser les relations commerciales, affectant inégalement les différents secteurs d'activité. La crise sanitaire l'a montré : un soutien public a été indispensable, en raison d'un effet ciseau et du désengagement d'une partie des assureurs-crédit. L'État a été au rendez-vous et continue à l'être – pour un temps seulement, évidemment.
Toutefois, ces dispositifs sont provisoires et des solutions viables doivent être apportées. Votre rapport plaide pour un rééquilibrage des relations contractuelles et un meilleur encadrement des désengagements, ainsi que pour une clarification de l'intervention de l'État en tant qu'assureur de dernier ressort. C'est sur ce dernier point que je voudrais insister.
Vous souhaitez notamment engager une réflexion sur la possibilité de créer une offre publique d'assurance-crédit. Cela me semble intéressant pour deux raisons. Tout d'abord, les crises se succèdent depuis plusieurs années et chaque tension dans le monde a des conséquences économiques concrètes. L'État assureur de dernier ressort ne saurait être autre chose que l'exception ; pourtant, il doit intervenir de plus en plus régulièrement. Ensuite, le marché de l'assurance-crédit est oligopolistique : si un niveau de concurrence acceptable est maintenu, le rapport appelle à un renforcement de la diversité de l'offre.
La création d'une offre publique serait en mesure, à la fois, d'atténuer le caractère procyclique de l'assurance-crédit, d'éviter les difficultés dans la relation commerciale, de limiter le coût pour les finances publiques en période de crise et de renforcer la diversité de l'offre. Quelles pistes de réflexion seraient à privilégier selon vous pour y parvenir ?
Je voudrais remercier Mme la rapporteure pour son travail, d'une grande qualité, et la présentation, très claire, qu'elle vient de nous livrer ce matin.
L'assurance-crédit est très importante pour le fonctionnement de notre économie, tant dans les échanges domestiques qu'internationaux. C'est un sujet qui a pris de l'ampleur lorsque les échanges ont été fortement affectés par les restrictions sanitaires. Je suis certaine, madame la rapporteure, que les conclusions de votre rapport, qui ne comporte pas moins de vingt-quatre propositions, permettront d'avancer sur la voie d'une meilleure couverture des entreprises, notamment les petites entreprises, et d'une meilleure information – vous avez relevé quelques lacunes de ce point de vue.
Je partage la philosophie de votre rapport et y ai trouvé beaucoup de similitudes avec ce que l'on peut dire du marché de l'assurance emprunteur. En ce sens, je voudrais saluer votre volonté de favoriser la concurrence entre les assurances dans un marché français oligopolistique, afin de faciliter l'information et les modalités de souscription et de résiliation des entreprises. C'est la direction que j'ai moi-même suivie en déposant la proposition de loi n° 4624 pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur. Je constate que nos vues convergent.
Avez-vous identifié un allongement des délais de paiement et une tension sur le marché de l'assurance-crédit en raison des difficultés récentes d'approvisionnement en matières premières, notamment liées à la faiblesse des stocks ?
Par ailleurs, vous préconisez d'engager une réflexion sur la possibilité de créer une offre publique d'assurance-crédit, qui pourrait être portée par Bpifrance. C'est une piste tout à fait intéressante mais pouvez-vous nous en dire davantage, et, à ce stade, avez-vous identifié quels seraient les effets positifs et les risques ?
Comme les précédents orateurs, je salue ce rapport qui aborde ces sujets d'importance que sont le financement de l'entreprise et, surtout, celui de la perte de créances, qui entraîne beaucoup de difficultés.
J'ai quelques questions. Quelle est la typologie des entreprises qui ont aujourd'hui recours à l'assurance-crédit et quelle est son évolution au cours des dix dernières années ?
La recommandation n° 24 a particulièrement retenu notre attention : créer une offre publique d'assurance-crédit, qui pourrait être portée par Bpifrance. Avez-vous pu échanger à ce propos avec Bpifrance, dont les missions sont déjà nombreuses ? Savez-vous également comment les entreprises privées réagiraient à l'arrivée d'un acteur public sur le marché ?
En outre, Bpifrance a déjà pris une initiative, en participant au capital d'une entreprise de ce secteur. Est-ce ainsi que vous voyez les choses se faire, c'est-à-dire sous la forme non d'une intervention publique directe mais de prises de participation ?
J'aimerais à mon tour remercier Mme la rapporteure pour cette présentation et son travail de qualité. La pandémie de covid-19 a souligné les failles du marché du crédit interentreprises et plus particulièrement de l'assurance-crédit, rendant d'autant plus nécessaire votre mission d'information. L'État a su apporter une réponse efficace mais il reste encore du chemin à parcourir pour établir un climat de confiance. Ce qui surprend le plus, c'est la forte asymétrie contractuelle entre l'assureur et l'assuré. Je vous rejoins donc sur le constat : la priorité doit être donnée au rééquilibrage. Les obligations qui pèsent sur les assurés sont lourdes. Je pense notamment aux clauses d'exclusivité, qui empêchent tout assuré de recourir à un autre assureur. On pourrait comparer ces clauses avec ce qui est pratiqué dans les autres pays européens et se demander si elles sont une spécificité française.
À l'inverse, les assureurs disposent d'une large liberté, notamment pour se retirer d'un contrat, avec la faculté d'appliquer des hausses de taux ou de diminuer le niveau d'indemnisation. On a parfois l'impression que les assurés sont un peu pris au piège. Les principaux assureurs nous répondent que rien n'empêche les assurés de refuser une modification du contrat et d'aller voir ailleurs chez un concurrent. Comment percevez-vous ces déclarations ?
Dans votre rapport, vous jugez que la concurrence fonctionne bien. Pourtant, force est de constater que les assurés disposent de peu de marges de manœuvre pour négocier. Concrètement, quels sont les leviers du législateur pour accroître la concurrence dans le secteur ?
Mon propos sera un peu à la marge ou, du moins, abordera le sujet sous un angle un peu particulier, et je ne sais pas si Mme la rapporteure pourra apporter des éléments de réponse. Depuis des années, les activités polluantes bénéficient du service d'assurance-crédit mis en place par la puissance publique, notamment par Bpifrance Assurance Export. Près de 10 milliards d'euros de garanties publiques ont été délivrés sous la forme d'assurance-crédit pour des projets liés aux hydrocarbures, des activités aux conséquences néfastes pour l'environnement.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour l'année 2021, le Gouvernement a introduit un amendement visant à verrouiller jusqu'en 2035 les subventions françaises aux projets gaziers, notamment sous la forme de garanties export. Il a été retiré, mais réintroduit ensuite à l'identique par la majorité. Ne considérez-vous pas que de tels projets ne devraient pas avoir accès à des dispositifs publics d'assurance-crédit ?
Merci, madame la rapporteure, pour ce travail sur un sujet complexe et méconnu, même si l'assurance-crédit a été un enjeu majeur de la crise économique que nous venons de vivre.
Vous évoquez trois modèles différents concernant l'assurance-crédit : un modèle asiatique public, un modèle européen hybride, avec quelques acteurs privés assez concentrés et un secteur public malgré tout très présent, et, enfin, un modèle anglo-saxon totalement privé et très concurrentiel. Sauriez-vous expliquer l'origine du modèle hybride, dans lequel le secteur public se concentre sur des segments quasi inassurables comme la catastrophe naturelle ou les exportations les plus importantes ?
De prime abord, je serais tenté de dire que les acteurs privés récupèrent les activités facilement assurables où les risques de pertes sont limités, tandis que l'assurance publique supporte les risques les plus lourds. Comment donc ces segments difficilement assurables comme les catastrophes naturelles ou l'export sont-ils assurés dans le cadre du modèle anglo-saxon ? Et pourquoi ne pas passer à un système entièrement public ? Un basculement est-il logistiquement impossible ou alors d'autres spécificités légitiment-elles un modèle hybride ?
Madame la rapporteure, je trouve inacceptable qu'on vous ait refusé le rapport de l'inspection générale des finances. Le secret en matière de rapports d'inspection n'est pas opposable aux rapporteurs spéciaux. Vous auriez donc pu demander à votre collègue rapporteur spécial des crédits concernés de le réclamer, même si je sais bien que ce sont des choses trop sérieuses pour la haute fonction publique que de donner des informations à des parlementaires – c'est le petit peuple... C'est inacceptable !
Par ailleurs, qu'en est-il du coût ou du bénéfice pour les finances publiques du système d'assurance-crédit, puisque, pendant des années, il existait des reversements au budget général. Pourriez-vous nous éclairer ?
En ce qui concerne vos recommandations, comment voyez-vous l'ouverture à la concurrence, objet de votre deuxième recommandation ?
Quant à votre sixième recommandation, existe-t-il des exemples d'instance de régulation à l'étranger dont on pourrait s'inspirer ?
En ce qui concerne la huitième recommandation, le refus d'assurance est scandaleux. Il faut absolument adopter une disposition contre ces pratiques dont je ne suis pas certain qu'elles ne sont pas contraires à l'ordre public. Je ne sais pas s'il y a eu des recours, mais comment peut-on interdire à quelqu'un dont on a refusé d'être l'assureur le droit de s'assurer ? C'est incroyable !
Enfin, en ce qui concerne votre vingt-deuxième recommandation, une incitation fiscale à l'autoassurance vous paraît-elle vraiment utile ? Le cas échéant, préconisez-vous un crédit d'impôt au taux de 20 % ou 25 % des montants mobilisés dans une perspective d'autoassurance ? Et combien cela coûterait-il ?
Merci à tous pour la qualité de vos questions qui montre l'intérêt de ce rapport sur un sujet complexe. J'en ajouterai une : madame la rapporteure, le médiateur du crédit a-t-il eu un rôle important au cours et en dehors de cette période de crise ?
M. Lauzzana m'interroge sur les bénéfices des sociétés d'assurance-crédit : elles sont rentables. Des chiffres sont publics mais ils ne distinguent pas les bénéfices réalisés sur marché français. Je peux toutefois vous dire qu'Euler Hermes a réalisé un chiffre d'affaires de 2,913 milliards d'euros en 2019, en croissance de 7 % par rapport à l'année 2018, tandis que le résultat annuel d'Atradius pour l'année 2019 connaissait une hausse de 12,4 % par rapport à 2018, pour atteindre 227,7 millions d'euros, les primes d'assurance augmentant de 6,7 %. Coface, troisième acteur du marché, a réalisé la même année un chiffre d'affaires de 70 millions d'euros par trimestre pour l'Europe de l'Ouest, soit 294 millions d'euros pour cette zone géographique, sur un total de 1,481 milliard d'euros au total. Effectivement, ce sont des activités économiquement intéressantes et rentables.
La procyclicité de l'assurance-crédit est relativement simple à comprendre. Les entreprises qui accordent un délai de paiement à leurs acheteurs se font assurer sur cette forme de crédit. Lorsque l'assureur refuse d'assurer ce crédit et se retire, le client de l'assureur-crédit, c'est-à-dire le fournisseur de l'acheteur, n'a pas d'autre solution que de demander un règlement comptant. Il y a donc un problème de source de financement, des fonds de roulement que l'on tarit. Dans une période de crise où les entreprises ont des difficultés à commercialiser leurs produits et à avoir une activité normale, l'exigence d'un règlement comptant ajoute une contrainte supplémentaire. Cette situation crée des phénomènes de panique : les assureurs se sont retirés car ils ne sont pas capitalisés à la hauteur des encours qu'ils assurent. Ainsi, dès qu'il y a un risque systémique, ils « retirent leurs billes ». Un mouvement de panique assez brutal s'est donc transmis tout au long de la chaîne de valeur. C'est en ce sens que le mécanisme d'assurance-crédit est totalement pro-cyclique car il amplifie la crise.
Au sujet des bases de données, le portail d'information créé dans le cadre de la négociation de la convention de 2013 est trop méconnu des entreprises, et trop peu utilisé par elles. Or il offrirait une visibilité sur l'assurance-crédit qui fait défaut aujourd'hui. Je rappelle également qu'il y a une règle toute simple que les entreprises pratiquant l'assurance-crédit pourraient s'appliquer à elles-mêmes : regarder les informations de la Banque de France, notamment la cotation des entreprises, concernant leurs acheteurs. Il y a d'ailleurs une information sur les délais de paiement réellement pratiqués dans l'entreprise qui est prévue prochainement.
En fait d'autoassurance, les entreprises françaises auraient tout intérêt à monter en compétence en matière de gestion de leurs transactions. L'assurance-crédit étant peu chère, les entreprises se déchargent du sujet sur l'assureur-crédit en se disant qu'elles sont de toute façon assurées. La puissance publique doit donc encourager les entreprises à s'intéresser à ce sujet parce qu'elles pourraient imaginer une forme d'autoassurance, sorte de réserve interne, qui leur permettrait de gérer une partie de leurs relations client et d'éviter d'aller vendre à des clients totalement insolvables et très peu couverts.
Par ailleurs, cher collègue Lauzzana, il est un peu tard dans la législature pour examiner une proposition de loi mais je vais essayer d'en déposer une qui puisse être le cas échéant reprise lors de la prochaine législature.
Chère collègue Louwagie, le reporting est trimestriel en période de croisière mais a été mensuel pendant la crise. Je recommande qu'il conserve ce rythme mensuel.
La réduction des garanties est effectivement une liberté que doit garder l'assureur-crédit, puisque c'est le sens même de la mutualisation des risques et de l'arbitrage. Je recommande seulement de se conformer à l'esprit de la convention de 2013 par laquelle les assureurs-crédit ont pris l'engagement de ne pas procéder à des résiliations globales, c'est-à-dire par zone géographique ou par secteur d'activité. Une approche insuffisamment invidualisée comporte un risque pro-cyclique.
M. Zumkeller, le recours à l'assurance-crédit diffère selon les secteurs. Ainsi, les fournisseurs du bâtiment y recourent. D'autres secteurs ne connaissent, à l'inverse, pas ce mécanisme. Les très petites entreprises recourent assez peu à l'assurance-crédit. Je relève d'ailleurs que le portail mis en place en 2013 est très bien connu par certaines filières et très mal par d'autres ; il faut donc y travailler. La promotion de l'assurance-crédit est nécessaire car élargir le marché permettrait de desserrer le verrouillage oligopolistique de ce marché.
Un nouvel acteur sur le marché de l'assurance-crédit s'est effectivement déclaré la semaine dernière Cartan Trade. Je m'en félicite. Ce serait le seul assureur-crédit français sur notre marché. Bpifrance participe à son capital, comme investisseur minoritaire, même s'il participe aussi au capital de Tinubu Square, opérateur qui fournit les bases de données aux assureurs-crédit et autre actionnaire de Cartan Trade. Bpifrance n'aura donc pas un rôle actif même si sa participation est une bonne chose ; il se positionne plutôt comme un investisseur à long terme. Il faut effectivement être attentif à la façon dont Cartan Trade va évoluer mais aussi innover. Compte tenu du caractère extrêmement oligopolistique de ce marché, les assureurs-crédit innovent très peu et ne sont pas tellement à l'écoute de leurs clients. J'espère donc que cette ouverture du marché pourra aussi encourager l'innovation.
Il conviendra de voir comment ce nouvel acteur va se présenter sur le marché français : offre, contrat… Si cette plus grande concurrence du secteur peut permettre de desserrer assez naturellement cet oligopole, il ne sera plus utile, chère collègue Pires Beaune, d'avoir un opérateur public.
Je recommande de regarder ce que peut provoquer l'ouverture à la concurrence, puis de faire monter en compétence les entreprises sur ce sujet. Elles devraient plutôt renforcer leurs fonds propres et leur capacité de financer elles-mêmes leurs fonds de roulement et moins faire appel à l'assurance-crédit, sauf à l'export – dans ce cas, c'est assez indispensable.
Chère collègue Patricia Lemoine, l'allongement des délais de paiement est une maladie française. En 2019, ils étaient estimés à quarante-neuf jours, avec une tendance à la baisse. En 2021, l'Observatoire des délais de paiement constate une forte hétérogénéité selon les secteurs. La moitié des grandes entreprises ne respecteraient pas le délai légal de soixante jours. Le médiateur du crédit nous a indiqué que les entreprises françaises avaient un retard énorme mais je n'ai pas connaissance d'un allongement des délais de paiement lié aux tensions sur les marchés. Les délais atteignent presque des niveaux records.
Quant aux règles prudentielles, cher collègue Laqhila, la centralisation du contrôle des assureurs-crédit auprès de l'ACPR semble tomber sous le sens. Et, en effet, les assureurs ne sont pas capitalisés à hauteur des encours ; il faudrait donc leur imposer de s'en rapprocher… mais si nous allons trop loin, l'augmentation des coûts ôtera tout intérêt à l'assurance-crédit pour les petites entreprises. Le risque serait en outre de se heurter à la réglementation européenne.
Le médiateur du crédit a été un acteur de cette fameuse convention de 2013 qui fait date en matière d'assurance-crédit et a largement servi de référence pour la préparation de ce rapport. Le médiateur est très attentif à l'assurance-crédit ; il est saisi de nombreux litiges avec les assureurs-crédit et se charge de trouver des solutions. Dans le cadre de notre rapport, nous proposons de renforcer ses prérogatives sur ce sujet puisque nous pensons qu'il peut être un bon interlocuteur pour mener une réflexion globale et conduire un dialogue entre les assureurs-crédit et les fédérations professionnelles ainsi que les courtiers, un dialogue qui manque cruellement dans ce système.
En application de l'article 145 du Règlement de l'Assemblée nationale, la commission autorise la publication du rapport d'information.
Information relative à la commission
La commission a reçu en application de l'article 14 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) un projet de décret d'annulation de crédits d'un montant de 186 662 051,11 euros en autorisations d'engagement (AE) et 125 064,50 euros en crédits de paiement (CP).
Ce mouvement, à caractère exclusivement technique, est destiné à régulariser, en fin de gestion, les rattachements de crédits de fonds de concours et d'attributions de produits, afin d'assurer leur parfaite cohérence avec les recouvrements effectivement constatés.
Il vise également, dans le cas d'opérations d'investissement cofinancées ayant donné lieu à ouverture d'AE en application du décret n° 2007-44 du 11 janvier 2007 modifié, à annuler les AE excédentaires constatées à la suite de la réduction ou de l'annulation d'ordres de recouvrer.
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 9 février 2022 à 9 heures 30
Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. Julien Aubert, M. Fabrice Brun, M. Alain Bruneel, Mme Émilie Cariou, M. Michel Castellani, M. Philippe Chassaing, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, Mme Jennifer De Temmerman, M. Benjamin Dirx, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, Mme Valéria Faure-Muntian, M. Romain Grau, M. Brahim Hammouche, M. Patrick Hetzel, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, Mme Patricia Lemoine, M. Fabrice Le Vigoureux, M. Patrick Loiseau, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, Mme Lise Magnier, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Hervé Pellois, Mme Christine Pires Beaune, M. François Pupponi, Mme Muriel Roques-Etienne, M. Xavier Roseren, Mme Sabine Rubin, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Michel Zumkeller
Excusés. - M. Damien Abad, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Marc Le Fur, M. Ludovic Mendes, Mme Valérie Rabault, M. Laurent Saint-Martin, M. Olivier Serva, M. Éric Woerth