COMMISSION D'ENQUÊTE relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intÉRÊts privés et ses conséquences
Lundi 7 juin 2021
La séance est ouverte à seize heures.
(Présidence de Mme Mathilde Panot, présidente de la commission)
La commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences, procède à l'audition de M. Xavier Cordoval, ancien directeur de cabinet du président du Syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG)
Mes chers collègues, nous poursuivons les auditions de notre commission d'enquête.
Nous recevons à présent M. Xavier Cordoval, ancien directeur de cabinet du président du SIAEAG, M. Amélius Hernandez, que nous venons d'entendre.
Bonjour à tous. Je n'étais pas directeur de cabinet de M. Amélius Hernandez, mais de M. Laurent Bernier, qui lui a succédé.
Très bien.
Je vais vous donner la parole pour une intervention liminaire, qui précèdera notre échange sous forme de questions et réponses. Je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
M. Xavier Cordoval prête serment.
Afin de contextualiser mon propos, je souhaite préciser que M. Laurent Bernier a été réélu maire de la ville de Saint-François en mars 2014. Dans un premier temps, il a siégé au conseil syndical du SIAEAG en qualité de conseiller municipal, puis il a été élu président du SIAEAG en mai 2014.
Pour ma part, j'ai été nommé directeur de cabinet de M. Laurent Bernier le 2 juin 2014. À notre arrivée, le service public de l'eau et de l'assainissement était assuré par la Générale des eaux Guadeloupe, avec des contrats de prestations de services.
Une consultation en vue d'une délégation de service public a été relancée, à laquelle la Générale des eaux n'a pas répondu. Seule la Nantaise des eaux a proposé une offre, avec une réduction de plus de 40 % des effectifs, afin de réduire les charges salariales jugées trop importantes.
L'offre de la Nantaise des eaux n'a pas été jugée recevable par le conseil syndical et son président, qui voulaient préserver l'équilibre social et économique de la Guadeloupe.
Pour autant, le personnel de la Générale des eaux, ayant constaté que son employeur n'avait pas répondu à ce marché, a déclenché un mouvement social d'importance, privant bon nombre de foyers guadeloupéens d'eau potable.
Pour rétablir le service public de l'eau, des négociations ont conclu à un protocole d'accord le 21 décembre 2014, signé par les collectivités en présence de l'État.
Ce protocole engageait le SIAEAG à reprendre le personnel de la Générale des eaux dans le cadre d'une régie publique, faisant passer les effectifs de la collectivité de 34 à 153. Les régies du SIAEAG créées en 2008 ont alors été réactivées, permettant le transfert des 119 salariés de la Générale des eaux vers le SIAEAG.
Durant ce temps, la Générale des eaux a poursuivi sa prestation via des conventions de trois mois concernant l'eau et l'assainissement, et de six mois pour la clientèle. Le transfert du personnel s'est opéré en trois phases : la production et l'assainissement le 1er mars 2015, les autres salariés en avril et le support clientèle en juillet.
Depuis 1963, la Générale des eaux assurait l'intégralité des prestations sur les 13 communes du périmètre du SIAEAG, via des contrats d'affermage renouvelés sans mise en concurrence jusqu'en 2008.
À partir de 2008, ce sont Amélius Hernandez et ses équipes qui sont passés en marché de prestations de services.
Nous sommes arrivés au milieu du transfert, dont la brutalité a entraîné dès 2015 de vraies difficultés de gestion du service public et de la clientèle, ainsi que des difficultés avec les partenaires sociaux concernant les éléments de rémunération acquis avant le transfert.
Certains des usages qui avaient cours à la Générale des eaux ont toutefois fait l'objet de conflits et de négociations entraînant leur rétablissement. Il faut noter que les perturbations de la distribution ont perduré jusqu'à décembre 2019, au départ de M. Laurent Bernier.
Simultanément, j'ai été démis de mes fonctions de directeur de cabinet, puisque le contrat est lié à la fonction. Je rappelle enfin que je suis quotidiennement confronté à des difficultés de notoriété publique.
Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question, car lorsque nous sommes arrivés, la prestation débutait, et la délégation de service public (DSP) avait échu le 31 décembre 2013. Pour autant, nous avons relancé une consultation, à laquelle la Générale des eaux n'a pas répondu.
Vous avez parlé à l'instant de brutalité dans le cadre des transferts. Pouvez-vous préciser les conditions de départ de la Générale des eaux ? Quel état l'état des finances d'une part, et du réseau d'autre part ?
On peut parler de brutalité du transfert, car la Générale des eaux a décidé de quitter la Guadeloupe.
De plus, ce départ n'a pas été annoncé au personnel de la Générale des eaux, qui y travaillait depuis des décennies et qui s'est retrouvé sans attache, ne sachant pas où ni dans quelles conditions il allait se retrouver.
Il en a résulté une grève très importante, qui a eu lieu début décembre 2014 et qui a pris fin avec le protocole d'accord. Celui-ci a acté le transfert de personnel au SIAEAG à partir du 1er mars 2015.
N'avez-vous pas connaissance de l'état des finances et du réseau de la Générale des eaux ?
Je ne suis pas certain que grand-monde soit en mesure de le déterminer.
À cette période, les recettes du SIAEAG étaient collectées par le régisseur du SIAEAG. Ce dernier était un agent de la Générale des eaux. Le SIAEAG n'a pas vocation à exercer un service public.
Il s'agit d'une autorité de contrôle et d'étude, qui constitue également un support pour des investissements forts relatifs à la révision des stations d'épuration. C'est le fermier qui a la charge de la gestion du réseau.
Les finances sont transférées au SIAEAG après que le fermier a collecté les sommes sur 13 communes dans un premier temps, et sur six communes par la suite.
En effet, entre temps, le périmètre du SIAEAG s'est réduit. D'autres établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ont récupéré les compétences en eau et assainissement. Cap Excellence a notamment créé sa propre régie.
Pour trois communes de Sud Basse-Terre qui faisaient partie du périmètre du SIAEAG, le Grand Sud Caraïbes a pris la compétence en eau et assainissement. Ces communes sont donc restées dans le périmètre de l'EPCI Sud Basse-Terre.
Il en est de même pour Pointe-à-Pitre et les Abymes, qui ont récupéré leurs compétences au travers de Cap Excellence, en créant la régie Eau d'excellence, ce qui a réduit d'autant le périmètre du SIAEAG.
Lorsque nous sommes arrivés, début 2014, nous nous sommes retrouvés avec un périmètre de six communes, ainsi que des dettes anciennes qui n'avaient pas été transférées.
Par exemple, des investissements ont été consentis pour les stations d'épuration de Baie-Mahault, de Capesterre et du Moule. C'est le SIAEAG qui a porté ces investissements, notamment les prêts bancaires qui ont permis de réaliser les rénovations de ces stations.
Au moment du transfert de l'actif, le passif est resté au SIAEAG, alors que ces EPCI percevaient les redevances en lien avec l'exploitation de ces outils, pour environ 5 millions d'euros de remboursement global par an.
Qui est responsable du fait que 60 % de l'eau en Guadeloupe parte dans les fuites, et que la population s'approvisionne dans des tours d'eau ? Quelle est la responsabilité particulière du SIAEAG dans cette question ?
Si 60 % de la production locale est perdue, c'est parce que nous faisons face à un problème d'approvisionnement. Les réseaux de distribution sont défaillants. L'ancien fermier avait en charge l'entretien du réseau ; or celui-ci n'a pas été réalisé.
Lorsque nous sommes arrivés au SIAEAG, une partie du réseau de distribution d'eau a pu être rénovée, grâce au plan d'urgence qui a été mis en place par le conseil départemental.
Nous avons dû agir dans l'urgence, pour certaines parties du territoire, afin que de l'eau puisse arriver dans les foyers des Guadeloupéens.
Vous affirmez que la Générale des eaux n'a pas assumé sa responsabilité d'effectuer le travail contractuel de rénovation des réseaux. Selon vous, le SIAEAG n'at-il aucune responsabilité particulière dans la situation de l'eau en Guadeloupe ?
La Sogea, qui précédait la Générale des eaux, posait les réseaux ; l'État contrôlait l'action de la Sogea, car avant 2000, il n'existait pas de service technique au sein des collectivités locales.
Vous avez indiqué être arrivé aux affaires en 2014. Ce moment a coïncidé avec le départ de la Générale des eaux en tant que fermier en Guadeloupe.
J'ai l'impression que vous faites un amalgame entre l'arrivée de M. Bernier et ses équipes aux responsabilités, et les dysfonctionnements liés aux tours d'eau.
Comment expliquez-vous qu'à partir de 2014, les tours d'eau se soient intensifiés, et que la population guadeloupéenne ait eu l'impression que le système d'eau dysfonctionnait plus qu'avant ?
Ce n'est pas tant l'arrivée de M. Bernier ni le départ de la Générale des eaux qu'il faut considérer ici, mais surtout le fait que les EPCI, dans leur grande majorité, ont pris la compétence en eau et assainissement.
La mise en réseau qu'effectuait la Générale des eaux permettait de « jongler » sur le réseau. Les Guadeloupéens n'étaient pas au fait de cette gestion de la misère. L'opacité exercée par le fermier n'est pas nécessairement rapportée aux élus, qui n'ont pas connaissance de la situation réelle.
La Générale des eaux agissait sur l'ensemble du réseau. Nous n'avions pas l'information lorsque nous sommes arrivés. Chacun agissait pour le compte de son territoire. Le personnel était réparti sur les différents sites, et la cohérence territoriale a disparu.
Cette mutualisation des moyens qui s'effectuait au sein d'une grande multinationale n'avait plus de raison d'être, puisque chacun intervenait sur un périmètre précis. C'est à ce moment-là que nous nous sommes rendu compte qu'il existait de réels dysfonctionnements.
Sous l'effet de l'ancien sous-préfet de Guadeloupe est apparu le souhait de mettre en place un syndicat unique avec les élus.
Vous affirmez donc qu'en réalité, les carences de l'entretien du réseau d'eau en Guadeloupe étaient masquées par le fait que la Générale des eaux gérait le système de manière globale en Guadeloupe, et qu'à partir du moment où les EPCI en ont chacune eu la responsabilité, les difficultés sont apparues.
Néanmoins, qu'est-ce qui empêchait chaque entité de gérer sa partie et d'assurer les tâches qu'effectuait la Générale des eaux globalement en Guadeloupe ?
La concurrence territoriale sur les questions d'eau s'effectue souvent au détriment de l'interdépendance des réseaux. Le plus souvent, les EPCI et les syndicats d'eau se vendent et s'achètent de l'eau. Cette situation s'est complexifiée dès lors que les opérateurs, qui sont supposés acheter l'eau au SIAEAG, ne payaient pas cette eau.
Je prends pour exemple les grandes difficultés que nous avons rencontrées avec la communauté de Sud Basse-Terre Grand Sud Caraïbes, qui a laissé au SIAEAG une note de près de 23 millions d'euros par an. Il a fallu intervenir juridiquement pour obtenir un remboursement. Une enveloppe a été allouée au SIAEAG, mais celle-ci restait insuffisante.
Vous nous expliquez qu'une fois que les EPCI sont devenues compétentes chacune de leur côté pour la gestion de l'eau, il s'en est suivi une gestion parcellaire, qui a conduit à une concurrence dans la ressource en eau plutôt qu'à une mutualisation intelligente des moyens. Cela n'a donc pas permis de diminuer les tours d'eau en Guadeloupe. Est-ce bien cela ?
Revenons à la relation du SIAEAG avec ses clients fournisseurs. Pouvez-vous détailler les difficultés que vous avez rencontrées avec chaque autorité organisatrice dans la gestion de l'eau ?
Lorsque nous sommes arrivés, nous nous sommes aperçus que la délégation de service public n'allait pas porter ses fruits. Il a fallu se résoudre à lancer une régie. Nous avons tenté de contractualiser l'activité de service public avec les différents présidents des EPCI.
Ces tentatives de contractualisation se sont avérées plus ou moins heureuses. Il en a résulté des difficultés d'exploitation du réseau. À chaque fois qu'il a fallu facturer le Grand Sud Caraïbes, c'était en présence d'huissiers, dans des conditions totalement anormales.
Par ailleurs, le SIAEAG a dû se résoudre à annuler plusieurs millions de titres émis vers les collectivités pour retrouver une cohérence financière des différents budgets à présenter en préfecture.
Pourquoi les discussions avec le Grand Sud Caraïbes étaient-elles particulièrement difficiles ?
Je vous invite à poser la question à Lucette Michaux-Chevry ; ce n'est pas faute d'avoir essayé. Je crois comprendre qu'il était plus simple pour elle de payer l'eau sur la base d'un prix fixé par le tribunal.
L'eau lui était vendue à 0,80 centime d'euros le mètre cube. Le tribunal, en référé provision, a acté le prix de l'eau à 0,35 centime d'euros. Elle nous imposait donc une action juridique systématique, et elle payait l'eau à 0,35 centime d'euros.
Sur quelle base le tribunal a-t-il fixé ce prix de l'eau à 0,35 centime d'euros, alors que vous-mêmes demandiez 0,80 centime ?
Je n'en ai aucune idée. La décision du tribunal n'a aucune motivation.
À partir de quelle date avez-vous décidé d'augmenter le prix de vente en gros de l'eau ? À quel prix est-il passé, et pour quelle raison ?
Nous n'avons jamais augmenté le prix de l'eau en gros, au contraire. Nous avons mis en place des protocoles transactionnels avec différents EPCI afin de sortir de l'impasse.
Le prix de 0,80 centime avait fait l'objet d'une concertation. Le président du conseil général M. Jacques Gillot avait demandé à la société d'audit Espelia de s'intéresser à la situation de la Guadeloupe pour dégager un prix unique référent de l'eau.
Ce prix a servi de base pour établir un protocole transactionnel, avec Cap Excellence, Eau d'excellence, la régie du Nord Grande-Terre et la régie du Nord Basse-Terre. Seule la présidente de Grand Sud Caraïbes n'a pas signé ce protocole transactionnel.
Hormis la communauté d'agglomération du Grand Sud Caraïbes, une fois le protocole transactionnel signé, avez-vous rencontré des difficultés de recouvrement avec les autres communautés d'agglomération ?
Oui, d'énormes difficultés, notamment avec Cap Excellence. Malgré nos diverses tentatives (mensuelles, trimestrielles, etc.), il nous restait toujours des restes à percevoir très importants.
Nous livrions à Cap Excellence entre 12 et 15 millions d'euros de volumes financiers d'eau distribuée par an, et nous terminions régulièrement l'année avec un montant résiduel de 9-10 millions d'euros.
Avec Grand Sud Caraïbes, nous parvenions à recouvrir une partie des dettes grâce à l'intervention du préfet. Nous ne nous trouvons pas dans le même cas de figure avec Cap excellence et Eau d'excellence : le paiement s'effectuait, mais il était difficile et retardé.
Je pense que les comptes de Cap Excellence et d'Eau d'excellence donnent quelques éléments de réponse. La chambre régionale des comptes l'a identifié.
Absolument. Je pense qu'ils se débrouillaient, comme de nombreuses autres collectivités.
Que pensez-vous, concernant la précédente gouvernance de M. Hernandez, du souhait de remise en cause de la délégation de service public ? Était-ce une bonne idée, dans l'intérêt de l'eau en Guadeloupe ?
Il est compréhensible que M. Hernandez ait souhaité que la Guadeloupe jouisse d'une plus grande autonomie en matière de gestion de l'eau. Toutefois, ce projet aurait dû être préparé différemment.
Nous nous sommes retrouvés à agir dans l'urgence. Le bug de 2012 et les difficultés de facturation de la Générale des eaux ont entraîné les pires difficultés pour le SIAEAG.
Les vendeurs d'eau en gros n'étaient pas en mesure de faire face à leur consommation d'eau. Ils ne parvenaient pas à payer au SIAEAG leur consommation. Dans le même temps, les autres recettes financières d'eau du SIAEAG pour les particuliers étaient également bloquées du fait des difficultés du logiciel de facturation de la Générale des eaux.
De ce fait, les difficultés se sont multipliées, pour le syndicat, mais surtout pour le service public de l'eau.
M. Hernandez a indiqué que ce bug était sûrement volontaire de la part de la Générale des eaux, du fait de la remise en cause du contrat initial de DSP. Pensez-vous que ce bug était-il technique, volontaire et intentionnel ?
Nous avons fait face à une situation que nous avons dû contourner pour offrir aux Guadeloupéens un service public viable.
Selon vous, est-il normal qu'une multinationale de la stature de Veolia-Générale des eaux puisse connaître des bugs de facturation ?
Ceux-ci se sont produits sur deux sites : en Alsace-Lorraine et en Guadeloupe. Les défaillances du logiciel ont été réglées relativement rapidement en Alsace-Lorraine. Celles de la Guadeloupe ont pris beaucoup plus de temps.
Nous avons auditionné la direction générale de la Générale des eaux, qui a reconnu ces défaillances sans pour autant leur apporter d'améliorations. Cela a occasionné 32 millions d'euros d'impayés pour la collectivité.
Non. Je crois toutefois que ces bugs se sont produits simultanément, car ils étaient liés à la mise en place d'un nouveau logiciel.
Vous indiquez qu'en réalité, le test de la facturation a été effectué dans deux régions initialement, avant d'être généralisé à toute la France. Est-ce bien cela ?
Je suis désolé, je ne suis pas en mesure de répondre à cette question.
Lorsque nous avons récupéré le support clientèle, six mois après le début du transfert, le SIAEAG a dû facturer en son nom propre.
La base clientèle était en partie erronée. De plus, les adressages n'étaient pas correctement effectués pour 8 500 clients environ. Certains clients ont reçu des rappels alors qu'ils avaient déjà en partie payé. D'autres ont reçu 10 factures de rattrapage en même temps.
Il a fallu y mettre de l'ordre. Les régies du SIAEAG, sous la direction de M. Bernier, ont eu la volonté, pendant trois ans, de mettre à jour ces bases, avec le prestataire JVS, pour relancer une facturation cohérente. Cela a toutefois pris beaucoup de temps.
Vous avez indiqué que vous avez récupéré la base support clientèle six mois après le transfert. Pourquoi ce délai a-t-il été aussi long ?
Je vous rappelle que nous avons dû faire face à une grève des agents de la Générale des eaux en décembre 2014. Les EPCI et les collectivités majeures ont favorisé le transfert de tous les personnels.
Il a fallu que nous réactivions la régie, que nous obtenions les autorisations de la DRFIP, que nous mettions en place les protocoles nécessaires pour facturer les clients, etc.
La remise en ordre des bases a donc effectivement pris au moins six mois.
Comment expliquez-vous qu'une grande multinationale qui exerçait depuis des décennies dispose de bases incomplètes ?
Lorsque la Générale des eaux a décidé de se retirer, des protocoles transactionnels de fin de contrat ont eu lieu avec certains EPCI. Comment jugez-vous ces protocoles ? Étaient-ils à l'avantage de la Générale des eaux, des EPCI, des clients guadeloupéens, ou équilibrés ?
Je ne suis pas en mesure de porter de jugement sur ces protocoles. Sur le moment, l'État a souhaité que les choses se passent au mieux, avec les différents dirigeants politiques et la Générale des eaux, afin de ne pas bloquer le système ni de compromettre davantage le service public de l'eau.
Ces protocoles transactionnels qui devaient se dérouler au mieux n'ont-ils pas été réalisés au détriment de l'intérêt des usagers de l'eau guadeloupéens ?
Cette question est un peu difficile. Suite à la signature de ces protocoles, M. Laurent Bernier a rompu tout contact avec la direction de la Générale des eaux.
Monsieur Cordoval, vous avez indiqué qu'à votre connaissance, deux problèmes de facturation avaient eu lieu pour Veolia, en Guadeloupe et en Alsace-Lorraine. Savez-vous si, en Alsace-Lorraine, ce problème de facturation a lui aussi duré trois années ?
Non, le problème a été réglé très rapidement.
Je ne suis pas en mesure de vous répondre. Nous ne disposons pas de compétences locales relatives à la facturation. Étant donné que celle-ci s'effectue en métropole, peut-être que la problématique était plus simple à gérer depuis l'Alsace-Lorraine que depuis la Guadeloupe.
En 2018, 67 % des plus importantes stations de traitement de Guadeloupe n'étaient pas aux normes, contre 61 % en 2017, soit une dégradation du traitement des eaux usées en un an. Comment expliquez-vous cet état de fait ?
Il faut distinguer les parties privées et la partie publique. Concernant les parties privées, nous ne sommes pas en mesure d'intervenir sur le traitement des eaux usées.
S'agissant de la partie publique, notamment les stations d'épuration, des travaux ont été entrepris dans un grand nombre d'entre elles afin de les remettre aux normes. Le SIAEAG, malgré ses difficultés financières, a consenti un investissement majeur pour la station d'épuration de Goyave.
Le conseil départemental a œuvré dans son plan d'urgence pour accompagner les stations d'épuration des autres collectivités, notamment Nord Grande-Terre et Cap Excellence.
Pour autant, au SIAEAG, nous avons investi sur une station d'épuration neuve, à nos frais, à Goyave, et nous avons rénové la station d'épuration majeure de Petit-Bourg.
Le modèle des stations d'épuration n'est peut-être pas totalement adapté aux caractéristiques locales. Il demeure un delta non favorable au déroulement de l'activité dans les meilleures conditions.
Les outils dans lesquels ils ont investi ne correspondaient pas à ce qu'il fallait pour assurer un assainissement de qualité et efficient en Guadeloupe.
Vous affirmez que ce n'était pas tant un problème de montant d'investissement que de choix d'investissements.
Les outils n'étaient pas fondamentalement adaptés.
C'est un vœu que caressait M. Bernier à son arrivée. Le syndicat unique de l'eau est presque devenu aujourd'hui une réalité. Il avait été demandé par le Liyannaj Kont Pwofitasyon (LKP) en 2019, et avait fait l'objet de revendications de la part des Guadeloupéens.
Si le syndicat unique de l'eau voyait véritablement le jour et devient un support important de la distribution de l'eau en Guadeloupe, ce serait une très bonne chose.
Les investissements pourront être portés avec un regard général, ce qui permettra d'augmenter l'efficacité du service public.
Je vous remercie, M. Cordoval, d'avoir pris le temps de répondre à notre audition. Je vous invite à compléter vos déclarations par écrit.
L'audition s'achève à dix-sept heures.