Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Réunion du jeudi 18 avril 2019 à 11h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à onze heures cinquante-cinq.

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En cette fin de matinée, nous recevons les responsables de la Fédération des services énergies environnement (FEDENE), qui est une organisation professionnelle représentative rassemblant un grand nombre d'entreprises opérant dans le spectre des activités de l'efficacité énergétique.

Les responsables de la FEDENE présents devant nous sont : M. Pascal Roger, qui préside l'organisation depuis 2016 ; M. Frédéric Gharbi-Mazieux, responsable des affaires institutionnelles, juridiques et territoriales de la FEDENE, et M. Nicolas Trouvé, conseiller.

Messieurs, votre organisation intéresse la commission d'enquête car nombre de vos adhérents sont, par leurs activités, directement impliqués dans les énergies renouvelables (EnR), même lorsqu'ils ne sont pas directement producteurs.

Les entreprises que vous représentez ont, pour la plupart, une taille importante. Certaines d'entre elles sont présentes sur tout le territoire, comme Cofely, filiale d'Engie qui est l'entreprise d'origine du président Roger, ou encore Dalkia, filiale d'EDF, à laquelle appartient M. Kieffer, qui n'a pu être parmi nous.

La commission d'enquête souhaite ainsi mieux connaître les développements actuels des technologies mises en œuvre par vos entreprises dans le soutien aux différentes filières d'EnR.

Outre les spécialisations traditionnelles de vos entreprises, notamment dans les générations successives de pompes à chaleur ou encore dans la gestion de réseaux de chaleur ou de froid, quelles grandes orientations vous paraissent constituer de véritables marchés solvables, dans les domaines du biogaz, de la biomasse, de la géothermie, voire de l'hydrogène, mais aussi de la récupération d'énergies déjà produites comme la récupération de la chaleur des data centers ou centres de données , dans la langue de Molière, ou encore de celle produites par de grands sites industriels ?

En quoi les deux piliers des EnR que sont l'éolien et le photovoltaïque représentent-ils des marchés porteurs pour les entreprises membres de la FEDENE ?

Diriez-vous que les entreprises françaises sont à la pointe, en Europe, en termes de solutions d'efficacité énergétique dédiées à la production des EnR, comme, par exemple, dans les solutions de stockage ? Disposez-vous d'exemples probants ?

Concernant l'effort financier des pouvoirs publics en faveur des EnR, quel est l'état des réflexions et propositions de la FEDENE ? Selon vous, à destination de quels types d'EnR faudrait-il accentuer cet effort ?

Pour ce que nous savons des orientations de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), quels points vous semblent essentiels à retenir, et certaines orientations de la PPE vous déçoivent-elles ?

Enfin, considérez-vous que « tout est bon à prendre » pour vos entreprises dans les EnR, ou bien qu'il existe des impasses ou des fausses routes dans lesquelles s'engouffrent néanmoins certaines entreprises, parce qu'elles bénéficieraient d'un effet d'aubaine du fait des soutiens financiers publics à telle filière ou à telle technologie, empêchant ainsi une optimisation à la fois de vos prospects et des finances publiques ?

Messieurs, nous allons, dans un premier temps, vous écouter au titre d'un exposé de présentation de quinze minutes. Puis, les membres de la commission vous interrogeront à leur tour, en commençant par Mme Meynier-Millefert, en sa qualité de rapporteure de la commission d'enquête.

S'agissant d'une commission d'enquête, il me revient, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, de vous demander de prêter serment.

(Les personnes auditionnées prêtent successivement serment.)

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, merci de nous écouter sur ce sujet important pour nous. Si vous le permettez, je n'aborderai pas toutes les questions que vous avez listées, préférant mettre l'accent sur la partie finale de votre questionnaire, avant de revenir peut-être ensuite sur certaines questions.

J'ai prévu de faire une intervention liminaire en trois points. Je rappellerai, d'abord, les domaines de compétence et de contribution de la FEDENE au regard des sujets que vous avez évoqués, mettant ainsi en perspective des messages que nous portons sur ces sujets depuis plusieurs années. J'indiquerai, ensuite, quels éléments nous tirons de ce moment charnière de préparation de la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) en réponse aux questions qui intéressent la commission d'enquête. Enfin, je ferai un focus sur la composante économique et financière, aspect clé de la problématique de la transition énergétique qui provoque un certain nombre de difficultés.

Les adhérents de la FEDENE sont des entreprises de services qui assemblent des solutions, montent des projets pour lesquels elles doivent trouver un équilibre financier. De ce fait, elles ont une compétence particulière en matière de conditions économiques, financières, contractuelles, commerciales et techniques de nature à permettre l'émergence de projets contribuant à la transition énergétique.

Nos domaines de compétence et de légitimité couvrent deux grands domaines : les économies d'énergie dans les bâtiments et la chaleur renouvelable et de récupération. Nous ne sommes pas compétents en matière de production électrique, à l'exception de la cogénération. Nous n'avons pas d'avis autorisé sur les questions relatives aux problématiques énergétiques électriques, mais nous sommes amenés à nous interroger sur la cohérence d'ensemble des dispositifs.

Puisque vous avez rappelé que nous sommes une filiale de deux grands groupes, je préciserai que plus de la moitié de nos entreprises adhérentes ont moins de dix salariés. Les grandes sociétés qui appartiennent à ces grands groupes faisaient partie de la FEDENE bien avant d'être filiales de groupes énergétiques. La FEDENE s'inscrit dans un développement logique, car ces grands producteurs d'énergie considèrent la partie services comme un développement naturel de leurs activités. C'est dans ce contexte qu'ils ont rejoint, au travers d'acquisitions ou de fusions, les sociétés que vous avez mentionnées dans votre introduction.

Sur les sujets que vous avez évoqués, nous avons formalisé un certain nombre de d'analyses et de contributions avec les moyens limités qui sont ceux d'une petite fédération. Nous ne réalisons pas des analyses macroéconomiques fouillées, nous reprenons les chiffres qui nous sont fournis pour les mettre en perspective et réaliser des calculs de coin de table. Veuillez nous excuser si nous réfléchissons sur des ordres de grandeurs plutôt que sur des chiffres précis. Nous nous appuyons sur les données publiées par Datalab, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), c'est-à-dire les grands acteurs du domaine.

Nous avons publié, il y a un peu plus de trois ans, un livre blanc qui reprend beaucoup des sujets abordés aujourd'hui. Nous y invitions clairement à considérer la photographie du domaine de l'énergie en termes de consommation finale, à savoir qu'un peu de moins de la moitié est représenté par la chaleur, un peu moins d'un tiers par les carburants et un peu plus de 25 % par les usages spécifiques de l'électricité. Que l'importance accordée à ces sujets soit inversement proportionnelle à leur volume ne manque pas de nous interpeller depuis de nombreuses années.

Nous appelions aussi l'attention sur l'aspect économique. Pour voir des projets se réaliser, il faut en trouver les moyens économiques. Cela s'applique de façon générale aux études réalisées dans notre pays. Beaucoup de scenarios sont construits sans prévoir un euro. Cela est en train de changer. J'y reviendrai dans mes commentaires sur la PPE. Nous l'avons vu encore récemment, la prise en compte de la dimension économique est importante. J'y reviendrai.

Dans ce contexte, nous produisons régulièrement des contributions. Dans le livre blanc, donc, nous avons formulé des propositions d'actions concrètes, par segment de marché et par domaine d'activité. Dans le cadre de la préparation de la PPE, nous avons rédigé, dans les « cahiers d'acteurs », d'importants documents de synthèse, formatés sur quatre pages. Nous avons également contribué à la création du Club de la chaleur renouvelable. Face au constat que le sujet de la chaleur, dont le potentiel très important portait, à l'époque, la majorité des objectifs EnR de la France, était, sinon oublié, du moins insuffisamment soutenu, nous avons jugé utile que tous les acteurs de la filière parlent d'une voix commune. À la fin de l'année dernière, nous avons organisé une semaine de la chaleur renouvelable. Nous continuons à prendre des initiatives dans ce domaine afin de faire connaître les éléments constitutifs de cette filière et en quoi elle constitue une véritable opportunité.

Ces analyses et ces conclusions étaient partagées par nombre d'autres acteurs. Je citerai la Cour des comptes, dans son rapport d'avril 2018, la direction générale du Trésor (DGT), dans un rapport de juin 2018 relatif à l'allocation des ressources, et le rapport de l'équipe du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), sur les systèmes d'aide au développement de la chaleur, publié à la même époque. Plus récemment, dans le cadre des réactions à la PPE, le Conseil national de la transition écologique (CNTE) et le Conseil économique, social et environnemental (CESE) ont lancé des messages identiques à ceux que nous portons depuis plusieurs années.

Ces messages étaient les suivants. Les deux grands leviers de la transition énergétique sont les économies d'énergie et le verdissement des énergies. Par rapport à l'objectif de la PPE de 8 millions de tonnes d'équivalent pétrole (TEP), la chaleur en représentait 4,9, soit 60 %. À l'époque, nous étions déjà en retard sur ces deux grands leviers au regard des engagements internationaux de notre pays et de nos engagements nationaux. Il y avait globalement un manque de cohérence dans l'allocation des soutiens financiers pour l'ensemble de ces politiques publiques. Cela reste malheureusement d'actualité.

Dans ce moment charnière, nous faisons un point d'avancement après cinq ans avant le démarrage d'une nouvelle période. Nous notons avec satisfaction dans les pages introductives de la nouvelle PPE qu'une inflexion est enfin donnée dans le sens que nous souhaitions et qui a malheureusement révélé son actualité dans les mouvements sociaux récents. Les deux grandes priorités affirmées sont la décarbonation et la maîtrise des coûts collectifs. En effet, des pistes visent à prioriser les économies d'énergies les plus carbonées et à substituer aux énergies fossiles des énergies décarbonées. Cela signifie concrètement que l'accent doit être mis sur la chaleur et les transports, dont les sources d'énergie sont carbonées, l'électricité en France étant, comme chacun le sait, décarbonée à plus de 90 %.

Le second nouveau point important est la maîtrise des coûts collectifs, non seulement pour les collectivités, les clients individuels et le pouvoir d'achat des ménages, mais également pour la compétitivité des entreprises, sujet majeur qui figure enfin en première ligne. On voit resurgir assez logiquement la chaleur renouvelable et la rénovation des bâtiments, non en fonction du discours traditionnel sur la rénovation globale en label bâtiments basse consommation (BBC), mais en prenant appui sur les leviers technologiques et comportementaux, leviers les plus économiquement efficients. C'était l'une de propositions de la FEDENE, via le Syndicat national de l'exploitation climatique et de la maintenance (SNEC), spécialisé dans ce domaine.

Les moyens d'atteindre ces grands objectifs environnementaux et économiques sont ceux que nous préconisons depuis un certain temps : le développement de la chaleur renouvelable et de récupération, et une démarche séquencée de rénovation énergétique déclinée par segments. Le paradoxe, voire la dichotomie, de cette PPE est la contradiction entre cette inflexion « politique » et la déclinaison chiffrée, un grand écart qui s'explique par la lourdeur et la difficulté de l'exercice. Une inflexion a été donnée à la fin de l'année dernière, à la suite des événements intervenus, mais on ne refait pas un exercice comme celui de la PPE d'un claquement de doigts. Au vu de la réaction de la DGEC, l'exercice n'est pas conclu, et nous estimons qu'il nécessite des aménagements bien plus importants que ceux aujourd'hui envisagés.

La déclinaison chiffrée révèle un scénario très fortement électrique. Je le répète, les deux grands objectifs sont la décarbonation et la maîtrise des coûts collectifs. Or aujourd'hui ces éléments n'émergent pas naturellement de la réflexion. Par suite des retards accumulés dans les deux actions, entre 2015 et aujourd'hui, les courbes ont été recalées. Dans cette programmation, on constate une translation homothétique des objectifs : dans une première période de cinq ans, sont proposés des efforts atteignables, l'accélération des efforts devant s'opérer dans la seconde période, c'est-à-dire dans seulement cinq ans. Nous pensons qu'on devrait agir à plus court terme pour recoller aux objectifs.

La contribution électrique aux EnR, qui représentait un gros tiers des objectifs de la première PPE, en représente aujourd'hui plus de la moitié. En valeur absolue, les objectifs pour la chaleur renouvelable sont sensiblement modifiés. L'électricité renouvelable rattrape le retard et devient un vecteur important d'orientation, ce qui n'est pas évident à la première lecture du document. La contribution de la partie « transports » aux EnR, est bien plus faible, puisqu'elle passe de 13 % ou 14 % à 7 %.

Le sujet étant la décarbonation, nous nous attendions à trouver une analyse carbone. Or, on ne trouve pas de chiffres globaux ni d'évaluation de la part carbone liée à la production électrique. Ce sujet suscite pourtant des discussions techniques sur les coefficients primaires d'énergie et sur les facteurs d'émissions. Pour mesurer le contenu carbone de l'électricité, il convient de prendre en compte la saisonnalité. Les chiffres publiés à ce sujet révèlent des émissions de carbone d'environ 210 grammes de CO2 par kilowattheure (KWh) en hiver, incluant la partie chauffage, contre une moyenne annuelle de 80 grammes. Le regard diffère quand on examine les sujets sous l'angle de la décarbonation.

Concernant les économies d'énergie, il est question de milliers de logements, alors qu'il nous semblerait plus simple de parler de térawatts-heures économisés. Cela ne serait pas sans conséquences sur le déploiement des plans d'action concrets.

À ce jour, une grosse partie de la PPE n'est pas financée. Elle avait été construite sur la base d'une trajectoire carbone aujourd'hui suspendue dans le cadre de la contribution climat énergie (CCE). Cette valeur carbone qui était reflétée au travers d'une taxe continue d'impacter les deux leviers. Elle impacte de façon évidente la chaleur renouvelable et de récupération, puisqu'elle entre en concurrence directe avec le prix des énergies fossiles, et de façon indirecte tous les projets d'économies d'énergie, puisque la première source de financement des investissements d'économies d'énergie est la valeur même des économies d'énergie. Si elle ne progresse pas, sa valeur est moindre et les équilibres économiques des projets d'économies d'énergie sont bouleversés.

Le dernier point est d'ordre psychologique. L'anticipation sur l'évolution future des coûts est un élément important dans la prise de décision de nos clients, collectivités, personnes physiques ou industriels. Dans les énergies fossiles, le scénario est devenu flat, alors qu'il y a quelques années, nous étions dans un scénario haussier, à cause des fameux pics gaziers et pétroliers, qui ne sont plus d'actualité ou qui ne le sont plus de la même façon. La suspension de cette trajectoire n'offre plus de perspective d'accroissement de prix de ces énergies, ce qui représente un frein pour les clients qui anticipent les évolutions. Les questionnements sur les moyens alloués sont partagés par les rapports du CESE et du CNTE que j'évoquais tout à l'heure.

J'en viens aux aspects économiques et financiers, élément majeur dans le domaine de la chaleur renouvelable. Tous les projets de chaleur renouvelable sont en compétition avec des projets d'énergies fossiles. Ce que j'ai dit sur le coût relatif des uns et des autres et l'anticipation d'une perspective de croissance représente des leviers essentiels. Au sujet de l'arrêt de la contribution climat énergie, nous avons réalisé un graphique que nous tenons à votre disposition. Nous sommes partis d'un prix du gaz pour un ménage ayant un niveau moyen de consommation. En 2014, le prix de base de la molécule D3, c'est-à-dire pour les clients qui consomment plus de 50 mégawattheures (MWh), était d'environ 60 euros, plus 1 euro de taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN). En 2018, par suite du fameux décrochage du prix des énergies fossiles, ce prix est passé à 48 euros. Dans la première partie de cette phase, la contribution climat énergie comptait pour 8 euros le MWh, de sorte qu'on est passé de 61 à 56 euros. Ainsi, les solutions de chaleur renouvelable sont aujourd'hui 5 euros moins compétitives qu'elles ne l'étaient en 2014. C'est le cas depuis 2015 et 2016. Depuis cette époque, nous appelons l'attention des pouvoirs publics sur un déficit de compétitivité non compensé. Quand les pouvoirs publics ne répondent à cette question qu'au travers du doublement du fonds chaleur, ils ne disent pas comment rétablir un niveau de compétitivité suffisant pour les projets de chaleur renouvelable.

Il en est de même pour les projets d'économies d'énergie, mais le temps me manque pour aborder le sujet dans mon exposé liminaire.

Enfin, l'équilibre économique est une condition indispensable à l'émergence des projets, et il faut s'inscrire dans une perspective dynamique. Les projets d'économies d'énergie, comme les projets de chaleur renouvelable, sont des leviers de croissance verte. Notre loi est intitulée « loi de transition énergétique pour la croissance verte », ce qui sous-entend d'injecter de l'argent dans l'économie. Chaque fois qu'on réalisera un projet d'économie d'énergie ou de chaleur verte, on remplacera des importations d'énergies fossiles par des investissements, la mobilisation de ressources locales comme la biomasse, le solaire ou la géothermie, et la création d'emplois.

La politique actuelle est strictement budgétaire et statique. Nous passons notre temps à regarder les ressources du budget de l'État. Il faut s'inscrire dans une perspective dynamique. Il vaudrait la peine de faire des calculs. J'ai le sentiment que les moyens injectés dans les projets de chaleur renouvelable ou d'économies d'énergie, à travers les emplois induits et la TVA qui en découle, produiront un retour sur investissement à une échéance que je ne sais pas mesurer mais qui ne doit pas être très longue. On pourrait donc envisager de s'engager dans cette logique. Mme Parly, aujourd'hui ministre des armées, rappelait que tout euro injecté dans la dépense militaire a des retombées économiques. C'est sans doute le cas.

Je vous remercie de votre attention, tout en ayant conscience d'avoir été parfois un peu rapide, voire caricatural.

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. C'était passionnant.

Vous mettez l'accent sur l'intérêt à réduire la dépendance aux énergies fossiles, mais elle n'a guère baissé, ces dernières années, représentant, bon an mal an, 40 à 50 milliards d'euros. Parallèlement, on a injecté des milliards d'euros en certificats d'économie d'énergie. Estimez-vous que la volonté de se substituer aux énergies fossiles a été opérante ?

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

. Notre première réponse, c'est : non. J'ai dit que l'on n'avait pas injecté suffisamment d'argent pour les leviers que sont la chaleur renouvelable, notamment pour combler le déficit de compétitivité, et la partie technique et comportementale des économies d'énergie. Les mécanismes n'ont pas été conçus comme cela.

Le sujet, c'est notre système de soutien. En tant qu'entrepreneurs, nous sommes des gens à courte vue, un peu basiques. Nous travaillons sur des business plans, nous regardons comment réaliser les équilibres, mais nous ne sommes pas en mesure de proposer des grandes politiques. Il nous semble néanmoins que ce côté pragmatique et paysan, et quelques règles de bon sens, mériteraient d'être un peu mieux pris en compte dans la définition des stratégies. À l'issue d'une période de mise en œuvre, on doit constater de ce qui s'est passé et ce qui ne s'est pas passé, puis se demander pourquoi. C'est d'ailleurs la question que vous posez. Je reconnais que cela ne s'est pas passé, puisque les retards se sont accumulés. En matière de chaleur renouvelable, on a peu réduit nos importations d'énergie fossile. Je ne dispose pas des chiffres précis, mais les ordres de grandeur sont bien ceux que vous indiquez. Dans le même temps, des moyens financiers considérables ont été mobilisés à travers différents mécanismes.

Avec un objectif d'EnR fixé à 60 % de chaleur renouvelable et à un tiers d'électricité renouvelable, nous regrettons depuis des années l'insuffisance du soutien et on nous répond qu'il n'y a pas d'argent. Or nous constatons que de l'argent, il y en a quand même. Selon les chiffres de la PPE, on a injecté environ 95 milliards d'euros d'engagements de dépenses pour développer la filière EnR électrique, contre 3 milliards d'euros pour le fonds chaleur. Si l'on ajoute les autres aides estimées entre 2 et 3 milliards d'euros, cela représente au total 5 à 6 milliards d'euros.

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. Vous estimez que le fonds chaleur est insuffisant et qu'il serait plus efficace, pour différentes raisons, d'inverser la priorité de la dépense. Puisque l'objet de cette commission d'enquête est de déterminer où va l'argent et s'il est bien dépensé, si l'on prenait cette direction, que faudrait-il faire concrètement pour développer la chaleur, quels outils faudrait-il mettre en place, quels montants ou volumes estimeriez-vous utile de mettre en œuvre ?

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

. Je rappellerai le bon fonctionnement du mécanisme de soutien à la chaleur renouvelable à travers le fonds chaleur, lequel a d'ailleurs été salué comme étant le plus efficace en termes d'euros par tonne de CO2 évitée.

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

. Tous les rapports, celui de la Cour des comptes et ceux de l'ADEME, disent que le prix en euro par tonne de CO2 ainsi évitée est bien inférieur à celui d'autres solutions. Le mécanisme fonctionne bien. Il s'agit d'une subvention à l'investissement, ce qui est sans doute une faiblesse psychologique du dispositif, car certains pensent que c'est de l'argent donné aux investisseurs capitalistes, alors que c'est exactement l'inverse. C'est le travail quotidien de l'ADEME de calculer les aides au titre du fonds chaleur. Pour qu'un projet de chaleur renouvelable soit compétitif, le prix pour le client final doit être 5 % moins élevé qu'avec l'énergie fossile de référence qui est aujourd'hui le gaz.

Lorsque le prix des énergies fossiles a chuté, le niveau des aides de l'ADEME a été « capé » par le « plafond de verre », des règles européennes fixant un niveau d'aide maximum par rapport aux montants d'investissements. L'ADEME a légèrement renforcé le niveau des aides, mais elle a été bloquée par ce plafond. À l'époque, nous avions mis en place avec l'ADEME un mécanisme d'avances remboursables visant à compléter le dispositif et à rétablir la fameuse compétitivité relative. Cela s'est finalement retourné contre nous, car les avances remboursables sont devenues une partie de la subvention, et la disposition a été supprimée l'année dernière. Finalement, la question se pose sous forme de dotations budgétaires. Quand on raisonne en dotations budgétaires, on ne raisonne pas en fonction des critères que vous évoquez mais en fonction de l'argent disponible. Le traitement n'est pas de même nature selon les différents types de support. Nous constatons seulement la différence des chiffres. La méthodologie doit-elle primer sur l'objectif ?

Puisque la trajectoire pluriannuelle de taxation carbone a été abandonnée, nous sommes conduits à rétablir l'équilibre compétitif de 2014 en 2021. Nous avions un déficit de 5 euros, mais comme cela croissait, nous nous attendions à retrouver des conditions économiques équivalentes en 2021. Ce n'était pas un problème car les projets de chaleur mettent plusieurs années à émerger. Comme nous nous situons aujourd'hui dans une trajectoire flat, le déficit de compétitivité se maintient et nos clients n'anticipent plus de hausse. Ce double effet complique le passage à l'acte et le développement de projets de chaleur renouvelable, notamment de réseaux de chaleur. Tout le monde en est conscient. Nous comprenons que le sujet taxation est extrêmement sensible.

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. Vous dites qu'il faudrait augmenter le prix des énergies fossiles ?

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

. Il y a deux façons de rétablir la compétitivité : augmenter le prix des énergies concurrentes ou apporter plus d'aide.

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. Mais vous dites que les aides sont « capées » au niveau européen.

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

. Nous en sommes sortis. Elles étaient « capées » en 2014. Entre 2014 et aujourd'hui, nous avons récupéré une partie de la courbe.

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. Structurellement, si demain le prix du gaz devait baisser, vous retomberiez exactement sur le même sujet.

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

. Vous avez raison, nous ne sommes pas dans un scénario de nouvelle baisse du prix du gaz.

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. L'aide maximale que nous pouvons vous apporter est limitée. Vous avez commencé en disant qu'on ne donne pas assez d'argent au fonds chaleur.

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

. Pas au fonds chaleur, aux projets chaleur !

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. Même si on en triplait le montant, vous seriez « capé » par l'Europe.

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

. Sous réserve que le prix du gaz ne s'effondre pas, nous pensons être en mesure d'agir.

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. Quelle est la différence entre le fonds chaleur et les aides chaleur ?

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

. Avec le fonds chaleur, on donne une enveloppe et les autorités françaises doivent se débrouiller, ce qui a une incidence immédiate sur le mode de gestion. On considère le niveau d'aide à attribuer en fonction de la dotation budgétaire, alors qu'il vaudrait mieux déterminer le niveau d'aide nécessaire pour voir les projets émerger. Puisqu'on veut développer X projets pour atteindre la courbe de transition, pourquoi ne pas se demander de façon pragmatique de quel montant financier on a besoin ? On veut faire tant de millions de tep d'économie sur la chaleur renouvelable par an. Pour favoriser ces projets et les rendre compétitifs, il faudrait mettre tant d'euros par MWh produit en chaleur renouvelable, et le niveau d'aide devrait en résulter. C'est d'ailleurs ce qui se passe en matière d'électricité renouvelable : on fixe un tarif et on regarde combien de projets sortent.

Nous étions dans la logique d'un système « capé ». Compte tenu de la remontée du prix des énergies fossiles et de la TICGN, nous pensons que le plafond de verre européen n'est plus un obstacle, car nous n'aurons pas besoin de remonter à un niveau tel que nous risquions d'y être confrontés.

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Qu'est-ce qui vous a empêché de rendre des projets chaleur éligibles aux financements actuels comme l'éolien ou le solaire ?

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

. Le mécanisme en place reposant sur des aides à la subvention au travers de dotations budgétaires à l'ADEME. Les projets électriques ont été fondés sur des tarifs de rachat sur une durée donnée. On fixait un tarif de rachat et on regardait combien de projets devenaient éligibles. Il n'y avait pas de limite en volume total. On faisait un calcul et on cherchait à ajuster.

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. On ne peut pas appliquer de tarif de rachat pour la chaleur ?

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

. On le pourrait tout à fait. C'est une question de volonté politique.

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. C'est la question que je pose. Vous dites qu'on dépense 95 milliards d'euros pour l'électrique et que vous êtes « capés » par l'Union européenne qui interdit les subventions.

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

. Nous avons été capés !

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. Mais quand l'État décide d'injecter des milliards d'euros dans l'éolien ou le photovoltaïque…

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

. Ce n'est pas une décision budgétaire…

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. Mais cela aurait pu être requalifié en aide d'État. Il se trouve que l'Europe a décidé que ce ne sont pas des aides d'État. Dès lors, pourquoi n'a-t-on pas inclus la chaleur, au même titre que d'autres types d'énergie ? Vous auriez partagé le volume et cela ne vous aurait pas singularisés. La chaleur, ce n'est pas exactement identique à la production électrique. Quelque chose m'aurait-il échappé ?

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

. Non ! Je ne pense pas qu'on se soit posé les questions en ce sens. Le mécanisme du fonds chaleur était intrinsèquement efficace. Le moteur fonctionnait bien mais à un moment donné, il a manqué de carburant, c'est-à-dire d'aide par projet pour rétablir la compétitivité. Plutôt que de se demander comment ajouter du carburant, on s'est demandé comment changer le moteur. On ne suit pas du tout la même logique. Nous ne sommes pas en situation de pouvoir influer sur le sujet. Nous approuvons ce qui est fait pour l'électricité. Nous l'évoquons parce qu'on affirme qu'il n'y a pas assez d'argent pour la chaleur renouvelable.

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. Vous dites qu'en termes de rendement à l'euro de la tonne de CO2, vous avez une approche carbone. Vous décrivez tous les bienfaits de la chaleur. Les certificats d'économies d'énergie (CEE) ne sont pas centrés sur le CO2, mais avez-vous envisagé un fléchage visant à un abaissement de l'investissement dans la chaleur par un subventionnement par des CEE ?

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

. Des groupes de travail ont été constitués sous l'égide de la commissaire générale au développement durable, notamment au sujet des réseaux de chaleur, auxquels la PPE fixe des objectifs spécifiques. Mais le rythme de développement de production de la chaleur verte à travers les réseaux est aujourd'hui d'environ 70 000 tep par an, alors que pour rejoindre la trajectoire prévue, ce chiffre devrait être multiplié par 2,5. Jusqu'à une date récente, nous pensions être en mesure, en agissant sur la trajectoire carbone, d'améliorer la compétitivité relative des projets et de recoller au sujet. Or, même si nous avons toujours demandé une augmentation du niveau d'aide dans les méthodes de calcul de l'ADEME, ce scenario ne fonctionnait qu'avec une trajectoire. À partir du moment où il n'y en a plus, nous devons trouver collectivement le moyen de multiplier par 2,5 le rythme de développement de la chaleur renouvelable. Nous nous demandons si on ne pourrait pas utiliser une partie du mécanisme des CEE, dont on voit aujourd'hui le prix s'envoler et qui représentent une ressource financière. Il est sans doute nécessaire de stabiliser les prix des CEE. Nous y réfléchissons. Nous espérons que ces sujets seront abordés dans ces groupes de travail.

(M. Vincent Thiébaut remplace M. Julien Aubert à la présidence.)

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Un certain nombre de dispositifs CEE incitent au remplacement des chaudières à fioul peu vertueuses par d'autres modèles. Quelle est la place de la chaleur renouvelable dans cette évolution ? Ce qui est fait aujourd'hui est-il satisfaisant ?

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

. La nouvelle inflexion de la PPE devrait avoir des impacts, dont celui de favoriser l'installation des chaudières à plus hautes performances. Les professionnels sont d'accord pour dire que les algorithmes de calcul des CEE sont fixés une fois pour toutes, quelle que soit la valeur des CEE, alors que pour subventionner le remplacement d'un émetteur de chaleur par un émetteur de chaleur plus performant, il convient de définir une somme d'argent et non un nombre de MWh « cumulés actualisés » (CUMAC) multiplié par un certain facteur. Ce mécanisme présente l'inconvénient d'avoir été entièrement conçu en fonction des obligations et aucunement en fonction des gisements d'économies.

Un des gisements d'économies qui a bien fonctionné jusqu'en deuxième période, reconnu comme étant le plus efficient en termes de délai de retour sur investissement, est ce qui est appelé dans la nouvelle PPE les leviers technologiques et comportementaux. Ils sont parfaitement représentés dans une analyse de l'observatoire des contrats de performance énergétique qui montre que les actions de modernisation technique des équipements, de pilotage et de sensibilisation permettent un délai de retour sur investissement de dix à douze ans et des niveaux d'économie de 20 % à 25 %.

Par conséquent, la rénovation énergétique comporte plusieurs pavés dont les logiques ne sont pas exactement comparables. Ce levier, qui est presque d'économie circulaire, a été fortement impacté à la baisse à cause de l'effondrement du prix des CEE et parce que les niveaux d'aide par types de projets de cette nature ont été divisés par deux, il y a quelques années.

À travers les CEE, on va d'abord subventionner des changements de chaudières. Se pose alors la question du mix énergétique ou de l'énergie disponible. Quelle est la bonne solution pour changer une chaudière ? Est-ce une chaudière fioul, une pompe à chaleur, de la géothermie, du solaire thermique, du gaz ou de la biomasse ? Toutes ces solutions sont alors envisageables pour le remplacement de l'émetteur de chaleur. Il n'y a pas une solution unique. Le changement des chaudières fioul donnera sans doute lieu au développement de chaudières biomasse, mais pas uniquement. Les autres solutions technologiques auront leur place.

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

. Il faut avoir en tête les ordres de grandeur. S'agissant d'EnR thermiques, les grandes ressources sont, d'abord, la biomasse, ensuite, la récupération de chaleur, dont les potentialités ne sont pas, à notre sens, suffisamment prises en compte dans la PEE, et, enfin, à un degré moindre, la géothermie et le solaire. Le choix dépend du régime de température de fonctionnement du bâtiment et d'autres facteurs. Ces solutions ne sont pas à la même échelle : certaines représentent 50 % des enjeux, quand d'autres en représentent 3 % à 5 %.

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

. Oui.

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J'ai appris avec intérêt que si les réseaux de chaleur ne représentent que 5 % en France, il en va très différemment, dans d'autres pays souvent cités en exemple en matière de transition énergétique : 60 % au Danemark, 95 % en Islande, 52 % en Pologne, 50 % en Suède et en Norvège. En France, ce sont encore de petits pourcentages, et on peut en déduire que les marges de manœuvre sont considérables.

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. Il existe de très importants gisements de réseaux de chaleur. Dans le cadre des réflexions conduites pour la préparation de la première PPE, nous avions travaillé sur ces gisements, conjointement avec la DGEC, l'ADEME et les différents acteurs de la filière. Nous envisageons la multiplication par cinq de la quantité de chaleur renouvelable délivrée par les réseaux. Ceux-ci ne représentent aujourd'hui que 5 % de la vente de chaleur alors que le potentiel est beaucoup plus important. Cela passera par deux leviers. Le premier, dont la mise en place a commencé, est le verdissement des réseaux existants. Le second, qui nécessitera plus d'aide car il est moins directement économiquement viable, est l'extension, la densification et le développement de nouveaux réseaux. Il y a trois ou quatre ans, nous avons fait réaliser une étude par un bureau d'études spécialisé, montrant, ville par ville, les potentiels de développement de réseaux de chaleur.

Ces réseaux se sont beaucoup plus développés dans les pays du Nord, parce que, quand un réseau de chaleur passe au pied de leur maison, les habitants s'y raccordent systématiquement. En France, le raccordement à un réseau de chaleur est un choix individuel et l'on en compare d'abord la compétitivité par rapport aux autres solutions. C'est une liberté que nous ne contestons pas. De plus, dans les pays du Nord, les prix de l'énergie fossile étant sans commune mesure avec les nôtres, on entre mécaniquement dans un cercle vertueux. C'est la solution économiquement la plus vertueuse et la plus individuellement la moins coûteuse, en sorte que tout le monde s'y rallie. En France, on est plutôt dans un cercle vicieux.

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Pourriez-vous nous faire parvenir un document écrit sur l'écart de compétitivité de 5 euros ?

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

. Volontiers.

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Des travaux sont engagés en vue de récupérer la chaleur fatale de différentes origines – industrielle, incinération de déchets ménagers, data centers -, source d'énergie qui s'évapore. Quelles sont les perspectives dans ce domaine ? La récupération de la chaleur fatale éviterait d'importer des énergies fossiles, notamment pour le chauffage. Vous disiez que selon les périodes de l'année, le contenu carbone variait beaucoup en fonction des importations hivernales.

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

. La pointe électrique se produit en hiver et correspond à des besoins de chaleur. Les énergies fossiles prennent alors le relais.

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Lesquelles sont carbonées ! Le chauffage électrique en hiver crée des pics qui doivent être compensés par le fonctionnement des centrales carbonées.

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Je partage cette analyse, même si c'est sans doute plus compliqué et si le gestionnaire du réseau électrique doit faire face à d'autres contraintes.

Il existe plusieurs gisements de chaleur fatale.

Le premier est la chaleur fatale industrielle, dont le volume, considérable, est estimé par l'ADEME à 50 térawattheures (TWh). On appelle fatale la chaleur perdue et renvoyée à plus de cent degrés. Elle peut être plus ou moins bien réutilisée en fonction de son régime de température.

Un autre gisement est celui des unités de valorisation énergétique. Il résulte, d'une part, du fait que les unités de valorisation énergétique sortent des obligations de tarifs de rachat et auront, de ce fait, plus intérêt à produire de la chaleur que de l'électricité. D'autre part, un certain nombre d'unités de valorisation énergétique peuvent être optimisées en termes de récupération de chaleur et surtout être connectées à un réseau. Ces solutions de chaleur fatale nécessitent un réseau de récupération. Au cours des dernières années, d'importants travaux d'interconnexion d'unités de valorisation énergétiques avec des réseaux de chaleur ont été financés par l'ADEME. Ces solutions sont réalistes, comme l'attestent d'autres projets.

Les projets industriels se heurtent à une difficulté sur laquelle nous travaillons également avec l'ADEME. Un industriel vend généralement de la chaleur à un ou plusieurs industriels dans le cadre d'une réalisation amortissable sur une durée de quinze ou vingt ans. Si plus personne ne produit ou ne consomme de chaleur, qui rembourse l'investissement dans la réalisation de ce tuyau ? Depuis plusieurs années, nous soutenons la création d'un fonds de garantie, parce que nous pensons que s'il est mutualisé, le risque global n'est pas très élevé, alors que pris individuellement, il est insoutenable. Nous trouvons d'ailleurs que, sur ce gisement, l'ambition de la PPE n'est pas aussi grande qu'elle pourrait l'être. De tels projets peuvent voir le jour assez rapidement et, contrairement aux autres systèmes de chaleur renouvelable, à condition d'être financés dans de bonnes conditions, ils peuvent être compétitifs.

La récupération de chaleur en basse température, comme celle produite par les data centers, celle des eaux usées ou la géothermie, peut être utile, par exemple, pour l'exploitation d'une piscine. Les data centers doivent répondre à une problématique particulière. Produisant de la chaleur toute l'année, il faut trouver un consommateur de chaleur pendant l'été. Ces projets ne sont pas toujours faciles à monter mais ils ont un vrai potentiel. Toutefois, au regard des objectifs en millions de tep de la PPE, leur contribution n'est pas massive. L'arbre ne doit pas cacher la forêt.

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. À l'écoute de votre audition et à la lecture des documents que vous avez produits pour le grand débat national, il apparaît que vous faites souvent état d'aides et de subventions. Or l'un des sujets de la commission d'enquête est l'acceptabilité sociale. À qui faire supporter ces impôts et taxes supplémentaires pour alimenter les subventions ? Je veux bien que l'État favorise l'émergence des énergies renouvelables mais, à un moment donné, elles doivent pouvoir vivre sans subvention, comme c'est déjà le cas dans certains pays. Est-ce envisageable en France et, si oui, à partir de quand ? Quels sont les freins à l'atteinte de l'autofinancement ?

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

. Nous sommes des entreprises privées. Compte tenu de la magnitude du sujet de la transition énergétique, nous sommes spontanément partisans de la mobilisation maximale des moyens du marché. C'est d'ailleurs ce que nous faisons. Les projets d'économies d'énergie ou de chaleur renouvelable que nous montons sont avant tout financés par de l'investissement privé. Nous avons toujours dit que le premier levier est constitué par les équilibres de marché, lesquels dépendent du prix relatif des énergies. Nous ne demandons pas des aides pour demander des aides, nous ne demandons pas des taxes pour demandes des taxes, nous disons qu'il y a des énergies pour lesquelles il faut rétablir un équilibre économique. Mettons-nous d'accord sur l'équilibre économique à rétablir puis demandons-nous comment, sachant que le décisionnaire n'est pas nous mais l'État. Nous pouvons apporter des idées sur le « comment ». Avec le doublement du fonds chaleur, on n'a rien réglé. La question est plutôt de savoir comment rétablir l'équilibre économique qui permettra l'émergence de solutions d'économies d'énergie.

Quant à l'acceptation sociale, il convient de regarder quelles sont les solutions qui, en dehors de tout système d'aide, offrent le meilleur coût global à la tonne de CO2 évitée, car ce sont celles qui pèseront le moins sur le portefeuille des clients ou des contribuables. En considérant le problème sous cet angle, les études que j'ai citées montrent clairement que certaines solutions ont un coût collectif plus compétitif que d'autres en termes d'euros par tonne de CO2 économisée, que ce soit sous forme d'économies d'énergie ou d'EnR. Je ne reviendrai pas sur ces deux pistes que j'ai déjà évoquées. Si l'on veut se soucier du portefeuille du contribuable-client, il faut travailler sur le coût global de ces solutions et les mettre en œuvre.

Nous réclamons depuis des années de favoriser les solutions le plus efficientes dans l'environnement économique et nous constatons que ce ne sont pas celles qui sont aidées. Ce n'est pas un discours de quémandeur d'aides, c'est la position d'un contributeur qui connaît bien les règles et le fonctionnement du marché et qui sait ce qui incite les clients à se décider ou à ne pas se décider. Nous vous donnons la recette. Vous y croyez ou vous n'y croyez pas, vous la prenez ou vous ne la prenez pas, ce n'est plus notre responsabilité. Nous avons des convictions personnelles que nous défendrons de façon parfois passionnée. Je crois beaucoup aux enjeux de transition énergétique et climatique.

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Dans votre contribution au grand débat nationale, vous appelez à activer fortement le grand levier comportemental et celui de l'amélioration de l'efficience des bâtiments. La France présente la particularité d'avoir encore des tarifs régulés par l'État. Vous souhaitez obtenir un subventionnement comparable à celui de l'électricité, mais ce tarif régulé n'oblige-t-il pas à prévoir de fortes subventions ? Le gain obtenu sur la facture d'électricité ou de gaz est payé par l'impôt et les taxes et peut-être pas encore assez. Le tarif régulé n'est-il pas un blocage ?

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

. La réponse est oui. Que ce soit par une taxe ou par une subvention, in fine, c'est toujours le Français qui paie. C'est la raison pour laquelle nous considérons que nous ne sommes pas légitimes à préconiser telle ou telle solution et que cela relève clairement du domaine de l'État. C'est pourquoi nous nous positionnons toujours sur l'équilibre économique, quel que soit le mécanisme de subvention.

Le mécanisme du fonds chaleur est bon. La question est de savoir si l'on aboutit aux équilibres économiques permettant l'émergence des projets. Aujourd'hui, la réponse est non.

Concernant l'évolution attendue des tarifs régulés dans le domaine de la chaleur, l'absence de prévisibilité, qui était considérée comme un obstacle et qui avait conduit les gouvernements précédents et celui-ci à donner une valeur au carbone, dans un projet environnemental partagé par la population, ne signifie pas que cet argent soit consacré à la dépense publique. Donner une valeur au carbone est une façon de prélever de l'argent destiné à rééquilibrer économiquement des mécanismes. Ce n'est pas parce qu'on capte de l'argent à un endroit qu'on est obligé de le dépenser. Une des causes du rejet de la taxe carbone c'est qu'elle a été perçue comme une taxe de plus. On n'a pas expliqué que cet argent serait rendu sous la forme d'un allégement d'impôt par ailleurs, ce qui aurait facilité son acceptabilité. Nous sommes bien conscients qu'aujourd'hui, les gens ne peuvent plus supporter cette augmentation. Le tarif est aujourd'hui à 42 euros. D'ailleurs, la PPE prévoit un scénario d'augmentation du prix de l'électricité de 42 à 56 euros. Là où le sujet est inabordable sur la partie chaleur, il n'est pas abordé sur la partie électrique. On a toujours le sentiment, depuis plusieurs années, de traitements différenciés. D'un côté, on voit une politique de bulldozer et, de notre côté, nous travaillons à la petite cuillère.

Les projets se feront avec plus de lisibilité et de prévisibilité. C'est vrai pour tout projet d'investissement. Il n'y a pas de transition énergétique sans investissement, il n'y a pas d'économie d'énergie sans investissement, il n'y a pas de chaleur verte sans investissement, il n'y a pas d'EnR électrique sans investissement. Parmi les différentes solutions, certaines sont plus ou moins matures. Il faut en aider certaines à devenir matures, ce qui explique les politiques engagées dans les dernières années. D'autres, comme la biomasse ou le photovoltaïque, sont plus matures. La politique publique intervient pour accompagner les différents sujets en fonction de leur degré de maturation, de leur coût global, de leur contribution en termes de ressources et surtout de leur adéquation aux objectifs. Si la priorité est la décarbonation, ce qui ne veut pas dire que les autres objectifs tels que la sécurité d'approvisionnement, la réduction de la part du nucléaire ou la biodiversité n'existent pas, il y a un certain nombre de conclusions à en tirer. Tel est notre message.

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Toujours dans votre contribution au grand débat national, vous abordez la politique des territoires. En tant qu'élu du Bas-Rhin, je suis convaincu qu'il faut rendre les grandes politiques nationales moins contraignantes et laisser les territoires faire le choix de leurs propres politiques énergétiques en fonction de leurs spécificités et de leurs problématiques. En Alsace, nous avons plus intérêt à faire de la géothermie profonde que du solaire. Que faut-il améliorer dans le dispositif fonds chaleur pour permettre aux territoires et aux collectivités de se saisir du sujet ?

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

. Les fiches de la FEDENE sont peut-être arrivées un peu tard dans le grand débat national. En participant à des discussions sur le terrain, nous nous sommes aperçus que les gens avaient assez peu d'informations pour nourrir leur réflexion. Pour éviter de tomber dans des discussions de café du Commerce, il nous semblait important d'apporter un éclairage. Ce ne sont donc pas des fiches de position FEDENE, mais des synthèses d'information que nous avons voulues les plus objectives possible pour éclairer le débat. Nous avons fait preuve de prudence car nous ne sommes pas certains de détenir la vérité.

La partie territoriale est insuffisamment abordée dans la PPE. Dans le cadre de la loi NOTRe, la stratégie énergie-climat relève désormais de la responsabilité des régions, les grands objectifs étant fixés au niveau national. Cette évolution de la responsabilité a été saluée par notre fédération. Par nature, nos projets de chaleur ou d'économies d'énergie sont des projets locaux. La chaleur ne se transporte pas sur des kilomètres, contrairement aux grandes énergies pour lesquelles il convient de gérer à la fois des problèmes d'approvisionnement, de stockage et de distribution. Nos problématiques sont strictement locales. Il est clair que les ressources, non seulement par région mais aussi par ville ou par communauté urbaine, ne sont pas les mêmes et que les solutions ne sont pas identiques d'un endroit à l'autre.

La philosophie de nos adhérents est bien de proposer des solutions qui descendent dans les territoires et qui devraient déjà y être descendues. Mais la somme des objectifs individuels déclinés au niveau régional atteint-elle l'objectif national ? À ce jour, nous avons plus que des doutes. Les objectifs régionaux seront définis en fonction des impulsions macroéconomiques de facilitation et de promotion. Tous les signaux sur le niveau et la forme de soutien ou la prévisibilité doivent être lancés au niveau national. À défaut, ils se déclineront au niveau régional avec une ambition un peu différente. Cela ne pourra se déterminer uniquement en affectant des ratios aux uns et aux autres.

Enfin, un mécanisme intéressant, proche de celui que vous évoquiez tout à l'heure, avait été défini pour les projets industriels et tertiaires de biomasse. Il s'agissait de l'appel à projets national biomasse chaleur industrie agriculture tertiaire (BCIAT), piloté par l'ADEME. Les industriels ayant des chaufferies alimentées par des énergies diverses et variées qui voudraient passer à un projet biomasse, pouvaient présenter un projet et demander une aide. Le principal critère d'adjudication des aides de l'ADEME était le nombre d'euros d'aide demandé par tonne de CO2 évitée. Cela répondait à la logique de recherche d'optimisation économique globale que vous évoquiez. C'est un exemple intéressant. Nous réfléchissons à la façon de le décliner pour des appels à projets de rénovation énergétique des bâtiments. Pourquoi ne pas lancer des appels à projets sur la rénovation tertiaire des bâtiments ? Des mécanismes de ce type peuvent contribuer à ouvrir des pistes nouvelles.

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Monsieur Roger, merci pour cette audition et pour la clarté de vos propos.

La séance est levée à treize heures cinq.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Réunion du jeudi 18 avril 2019 à 11 h 50

Présents. - M. Julien Aubert, Mme Sophie Auconie, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Vincent Thiébaut

Excusés. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Christophe Bouillon, M. Vincent Descoeur, M. Nicolas Turquois