La commission entend M. Benoît Cœuré, président du comité chargé de veiller au suivi de la mise en œuvre et à l'évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l'épidémie de covid-19.
Je remercie monsieur Benoît Cœuré, président du comité de suivi du plan d'urgence, d'être présent parmi nous. Un amendement parlementaire au premier collectif budgétaire pour 2020 a conduit à la création de ce comité, qui s'est régulièrement réuni et a assuré le suivi de la consommation des crédits, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. D'ici quelque temps, il est amené à évoluer aux fins de réaliser une évaluation du plan de relance. Plusieurs rapports sont prévus dans cette optique. Je rappelle que j'ai régulièrement transmis les tableaux de bord et les éléments d'information élaborés par ce comité aux membres de la commission des finances.
Je vous remercie pour votre invitation. Je viens faire état des travaux du comité et écouter vos suggestions, recommandations et besoins pour la suite des travaux du comité, qui est amené à se transformer. Sous sa forme actuelle, centrée sur les mesures d'urgence, il se réunira jusqu'au mois de juillet.
Le comité a été créé en mars 2020 par l'article 6 de la loi du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020. Le président, le rapporteur général, des sénateurs, des représentants des collectivités territoriales, des organisations paritaires représentatives, de la Cour des comptes, de la direction générale des finances publiques et de la direction du trésor en sont membres. Un comité de pilotage technique a été créé afin d'informer le comité sur les aspects relatifs à l'analyse des données. Il accueille la Banque de France, le conseil d'analyse économique, l'OCDE et plusieurs experts.
Depuis le printemps 2020, le comité s'est en moyenne réuni une fois par mois. Toutes les semaines, puis tous les quinze jours, un point mis à jour sur le recours aux dispositifs est publiquement mis en ligne sur le site de France Stratégie. La phase de suivi est en cours de finalisation. Certaines données graphiques relatives au recours aux différents dispositifs seront publiées dans les jours qui viennent. Un rapport d'étape présentant les premiers éléments d'évaluation sera publié dès mars 2021, alors que le rapport final sera disponible en juillet. Ce comité a commencé à entreprendre un travail de suivi, de compréhension et de pédagogie sur les avantages, les inconvénients et les obstacles pratiques et administratifs liés à chaque mesure, avec l'intervention des administrations concernées. Il convient désormais de passer à la phase d'évaluation.
Le dispositif était centré sur quatre mesures principales de soutien aux entreprises : l'allocation versée aux employeurs au titre de l'activité partielle, le fonds de solidarité, le prêt garanti par l'État et les reports des contributions sociales. Il manque néanmoins les données complètes, qui seront transmises par Bercy et qui figureront dans le rapport final. Ces dispositifs ont constamment évolué depuis que le comité a commencé à se réunir, ce qui a permis de mieux s'adapter aux besoins économiques des entreprises. Il a néanmoins fallu expliquer les évolutions successives des dispositifs.
Une base de données unique des entreprises a été constituée, entreprise par entreprise, ce qui est, à ma connaissance, une démarche unique en Europe. Les informations relatives à l'utilisation des quatre dispositifs y sont présentées, ainsi que des informations relatives aux caractéristiques des entreprises (bilan, masse salariale, activité...). Ces données sont en train d'être complétées par des données relatives à la trajectoire économique des entreprises après la première phase de confinement en termes d'activité grâce aux données de TVA et en termes d'emploi grâce au croisement avec les données de Pôle Emploi. Elles permettront de réaliser une comparaison entre les entreprises selon qu'elles ont bénéficié ou non de ces dispositifs. Grâce au comité de pilotage, des simulations ont été réalisées par la direction du trésor, par la Banque de France ou par le conseil d'analyse économique sur l'impact de certaines mesures. Ces regards croisés se retrouveront dans le rapport d'évaluation, qui sera complété par une série d'entretiens menés avec des responsables d'entreprises, notamment de PME, afin de comprendre comment ils ont recouru aux dispositifs et les obstacles qu'ils ont rencontrés.
Les données établies sur la base des informations recueillies seront publiées dans les prochains jours. La vue d'ensemble des quatre dispositifs ne vous surprendra pas. En termes de montants globaux, le dispositif relatif au prêt garanti par l'État domine, mais il est difficile de comparer ces différents dispositifs, puisqu'on parle dans un cas d'un dispositif de prêts et dans un autre de subventions, pour le fonds de solidarité ou pour l'activité partielle. Ce n'est donc pas du tout comparable. Il est préférable d'étudier ces données de manière plus fine, secteur par secteur ou entreprise par entreprise.
Par secteur, il apparaît que le secteur du commerce représente 15 % de l'emploi total mais 23 % de l'activité partielle, et les chiffres sont comparables pour le PGE, et 16 % des reports de cotisations sociales, ainsi que du fonds de solidarité. Le secteur de l'hébergement et de la restauration représente 4 % de l'emploi total mais 25 % de l'activité partielle et 20 % du fonds de solidarité. La première conclusion, qui est positive, c'est que l'intensité du recours aux aides est proportionnée à l'intensité du choc, puisqu'il s'agit des secteurs les plus affectés par les confinements. Cette analyse est en cours d'affinement avec l'aide de la Banque de France et de l'INSEE, en construisant des mesures du choc économique secteur par secteur, à un niveau très fin. L'objectif est de déterminer si l'intensité du recours aux aides est proportionnée à l'intensité du choc qu'ont subi les entreprises. Le résultat est déjà plutôt positif.
Quand on examine les données plus finement, par entreprise, il apparaît que le montant par salarié décroît fortement avec la taille des entreprises. Autrement dit, proportionnellement et par salarié concerné, les TPE et les PME ont reçu davantage que les grandes entreprises. Cela permet de dissiper l'impression que ces dispositifs n'ont bénéficié qu'aux grandes entreprises, et pas aux petites entreprises. Au contraire, les grandes entreprises disposaient spontanément de plus de ressources pour faire face au choc et ont été moins demandeuses des différents dispositifs. Les PME ont reçu, par employé, 2,5 fois plus s'agissant de l'activité partielle que les entreprises de plus de 250 salariés, 1,3 fois plus de PGE et 20 fois plus en matière de report des cotisations sociales. Un dispositif comme le report de cotisations sociales a, en proportion, fortement bénéficié aux TPE et aux PME, et beaucoup moins aux grandes entreprises.
Par territoire, les données sont disponibles par département et par bassin d'emploi. À titre d'exemple, en avril, le recours à l'activité partielle dans le secteur du commerce a été uniforme dans les différents territoires, avec une forte proportion d'entreprises y recourant. Au fur et à mesure du déconfinement, le recours à l'activité partielle a diminué, mais de manière hétérogène selon les territoires. Le recours est resté fort en juin en Île-de-France et dans le sud de la France. La grille de lecture n'est pas uniquement territoriale. Il existe toutefois une corrélation entre les territoires et les secteurs : il y a plus d'hôtellerie-restauration dans le Sud de la France que dans le Nord par exemple. Il convient de distinguer les effets sectoriels des effets purement territoriaux, ce que nous sommes en train de faire pour le rapport final.
Le recours aux aides selon la cote de crédit de la Banque de France, qui reflète la situation financière des entreprises, a également été calculé. Il apparaît que le recours aux aides culmine pour les entreprises dont les cotes de crédit se situent aux alentours de 4 à 5, soit une note correcte selon la notation établie par la Banque de France. Ce taux de recours diminue pour les entreprises ayant de très bonnes cotes de crédit, ce qui est logique, mais il diminue aussi pour les entreprises enregistrant de très mauvaises cotes de crédit. Le taux de recours à l'activité partielle, par exemple, est inférieur à 45 % pour les entreprises ayant des cotes de 5 à 9, c'est-à-dire faibles ou compromises. Ce constat permet de nuancer le débat sur les entreprises « zombies » qui émerge aujourd'hui. Est-ce que ces dispositifs ont aidé les entreprises fondamentalement peu profitables à rester à flot alors que dans un environnement de marché normal, ces entreprises auraient dû disparaître ? Sans doute en partie, mais ce phénomène n'est pas visible sur ces chiffres. Les aides n'ont pas profité de manière démesurée à de « mauvaises » entreprises et n'ont pas été captées par ces entreprises « zombies ».
Il faut confronter ces éléments aux informations disponibles sur les procédures collectives : s'agissant des procédures collectives recensées entre janvier et décembre 2020, elles ont décroché à partir du mois de mars, en raison de la fermeture des tribunaux de commerce pendant le premier confinement. Il s'agit donc d'une raison administrative. Leur nombre aurait pu croître fortement après le déconfinement faisant suite à la première vague. Il y a une petite inflexion, un rattrapage, certes, mais on ne note pas d'explosion du nombre de procédures collectives – redressements et liquidations judiciaires. Les mesures de soutien mises en œuvre n'ont pas protégé des entreprises qui étaient destinées à une procédure collective : les chiffres relatifs aux procédures collectives engagées après l'été l'auraient montré. Le diagnostic est plutôt positif, puisqu'il n'y a pas eu d'effet d'aubaine.
Enfin, s'agissant du recours croisé à l'ensemble des dispositifs, il s'avère que seul un nombre très limité d'entreprises recourt à l'ensemble des dispositifs. De nombreuses grandes entreprises ne recourent qu'à un ou deux dispositifs. Selon l'enquête INSEE du mois de décembre, 84 % des entreprises de plus de dix salariés ont recouru à au moins un dispositif. 16 % de ces entreprises n'ont donc eu recours à aucun dispositif. Ce chiffre est plus élevé pour les TPE. Il y a un nombre significatif de l'ordre de 20 à 25 % des entreprises de moins de dix salariés qui n'ont recouru à aucun dispositif, alors que ces dispositifs sont accessibles à tous. Elles peuvent avoir été mal informées ou avoir rencontré des difficultés administratives, mais ce n'est pas ce qui nous est dit dans les entretiens ou par les fédérations professionnelles. Il semble que ces entreprises qui n'ont recouru à aucun dispositif n'en éprouvaient pas le besoin. Les chefs d'entreprise ont en effet préféré suspendre leur activité ou ne pas recourir aux dispositifs pour des raisons économiques, par exemple en ne sollicitant pas le PGE pour éviter d'accroître leur endettement et de réduire leur possibilité d'obtenir des crédits ordinaires auprès des banques. Ce graphique démontre que les effets d'aubaine sont plutôt bien contenus. Le nombre d'entreprises bénéficiant de tous les dispositifs reste assez faible.
En conclusion, je rappelle que l'analyse qui vous a été présentée est similaire à celle qui sera présentée dans le rapport d'étape de mars 2021.
Je vous remercie. Le travail réalisé est souvent départementalisé. Or nos collègues sont intéressés par une vision portant sur leur département.
Il sera également intéressant de préciser comment le comité sera amené à articuler son rôle avec celui des comités de suivi déjà mobilisés sur les questions de relance.
Cette présentation me semble extrêmement utile, car ces outils d'aide d'urgence existent maintenant depuis neuf mois. Il est utile de savoir comment le suivi est effectué, afin de contrer certaines idées reçues, notamment sur la taille des entreprises qui ont bénéficié de ces dispositifs. Il est utile de démontrer que les TPE et PME sont les premières bénéficiaires des aides d'urgence.
J'ai une première question de forme sur le comité. Après neuf mois d'expérimentation de ces dispositifs, il serait intéressant de dresser un bilan du mode de suivi et d'évaluation de l'action publique en temps de crise. Pourriez-vous dépeindre votre bilan après neuf mois ?
Vous avez nourri une production permanente et régulière. J'ai le souvenir de contributions et d'échanges très utiles. Sans dévoiler le contenu du rapport, pouvez-vous nous préciser les principaux enseignements relatifs à l'efficience des mesures que vous avez évaluées ? Les cibles ont-elles été atteintes ? Qu'en est-il sur le plan qualitatif ? Selon vous, le comité a-t-il su faire évoluer la décision publique au cours de la crise ? Le comité a été créé par la LFR 1 et a suivi le rythme des LFR successives en 2020. Les échanges au sein du comité ont-ils permis de nourrir des évolutions de décision de la part du Gouvernement et de la majorité ? Convient-il de poursuivre certaines adaptations à l'avenir, puisque la situation d'urgence persiste ? À vos yeux, le comité a-t-il davantage vocation à réaliser un travail de parangonnage avec les autres pays ? Savoir comment les autres pays se sont comportés en termes de réponse publique face à la crise est très utile. Il conviendrait de trouver des éléments de comparaison pour mesurer l'efficience des différents outils utilisés.
Quant à la poursuite du travail d'évaluation, les modalités de sortie des dispositifs d'urgence doivent être mentionnées. Après le rapport de mars, une prolongation de la réflexion est-elle prévue pour constater comment l'État va progressivement supprimer les aides ?
La qualité des travaux menés par les administrations mobilisées est absolument remarquable. Les comparaisons sont, pour la plupart, effectuées dans le périmètre des pays européens. Il serait opportun de l'élargir à la réalité d'autres continents.
Vous êtes revenu sur certaines idées reçues, comme celle relative aux entreprises « zombies ». Sur le terrain, de nombreux acteurs économiques pouvaient en effet avoir le sentiment que de l'argent aurait pu être déployé à perte par l'État au profit d'entreprises qui auraient d'ores et déjà dû être en faillite.
Les dispositifs évoluant extrêmement vite au gré de l'action des parlementaires, il est difficile de procéder à une évaluation qualitative dans un laps de temps aussi court. Je pense aux brasseurs et aux distributeurs de boissons qui bénéficient désormais de dispositifs auxquels ils n'avaient jusqu'alors pas accès. Nous allons constater des évolutions dans ces secteurs.
Ma question porte davantage sur l'industrie manufacturière. Dans vos tableaux d'analyse, vous avez identifié la réalité de cette industrie manufacturière française pour le PGE et pour l'activité partielle. Avez-vous constaté une capacité de redémarrage dans les secteurs automobile et aéronautique, et ainsi la possibilité de réduire leur dépendance au dispositif d'activité partielle ? Cette question se situe à la croisée de deux préoccupations, l'aide durant la crise et la relance. Nous savons que notre industrie française est une locomotive importante pour le reste de l'économie.
En premier lieu, les quatre dispositifs d'aide ont fait l'objet d'un état des lieux. Disposez-vous d'éléments quant aux délais de paiement existant dans le cadre du fonds de solidarité ? Si oui, quelles sont les évolutions à ce jour ?
En deuxième lieu, concernant la répartition géographique, vous nous avez fourni quelques éléments sur l'activité partielle par département. Disposez-vous d'éléments similaires pour le PGE, en termes de montants déclinés sur les territoires ?
En troisième lieu, le comité de suivi pourra-t-il dresser un état des lieux de la mise en œuvre de la mesure instituant un crédit d'impôt pour les bailleurs en contrepartie de la réduction des loyers des locaux commerciaux ?
Enfin, le comité de suivi fera-t-il état des éventuelles difficultés rencontrées et de pistes d'amélioration susceptibles d'être retenues si les mesures devaient être prolongées ?
Je tiens à saluer le travail mené par le comité d'évaluation des mesures de soutien aux entreprises. Parmi les dispositifs présentés, il n'a pas été question des reports d'échéances fiscales. Or certaines entreprises en difficulté ont eu recours à ces reports d'échéances fiscales. Il faudra en tenir compte.
Je souhaite évoquer les entreprises fermées administrativement. A-t-on évalué le risque de défaillance de ces entreprises fermées depuis un an ? Avez-vous estimé le montant des PGE qui ne seront pas remboursés si ces entreprises venaient à disparaître ? Je crains que les entreprises fermées administrativement aient besoin de cantonner l'ensemble de leurs dettes. Ne pourrions-nous pas envisager de leur permettre de cantonner ces dettes ou prévoir une subvention pour ces entreprises ?
Concernant les travailleurs non-salariés, le ministre Olivier Dussopt a indiqué que des réflexions étaient en cours pour prendre en compte la perte de rémunération de ces travailleurs, qui sont un peu les oubliés des mesures d'urgence. Avez-vous estimé le coût que représenterait la prise en charge de cette perte de rémunération ?
Les plans de soutien aux entreprises sont très coûteux, avec un recours au chômage partiel massif et un fonds de solidarité qui a permis de combler les pertes de chiffre d'affaires d'une partie de ces entreprises. Il y a quelques jours, le Gouvernement a annoncé vouloir conserver le credo du « quoi qu'il en coûte » tant que la crise durera. Il souhaite renforcer l'accompagnement des activités touchées par les épidémies. Ces ajouts devraient représenter quatre milliards d'euros par mois.
Alors que la crise sanitaire a quasiment fait doubler le déficit de l'État en 2020, ce qui est inédit depuis la Seconde Guerre mondiale, quel avis portez-vous sur l'efficience de ces dispositifs d'aide, notamment pour le secteur du tourisme, de l'hébergement et de la restauration, au regard de leur impact significatif sur les finances publiques ? En dépit de ces aides, je crains qu'on assiste demain à de nombreuses fermetures définitives, notamment en raison du coût important des loyers.
S'agissant de la multiplicité des aides, de la diversité des situations particulières et de l'évolution quasi mensuelle des dispositifs, les entrepreneurs des TPE et PME ne connaissent parfois pas les aides auxquelles ils peuvent prétendre ou ne savent pas à qui s'adresser pour se renseigner. Considérez-vous que ces aides profitent efficacement aux entreprises qui en ont le plus besoin, notamment les TPE ?
Mon intervention porte sur les entreprises nouvellement créées. Avez-vous des données sur ce sujet ?
Pouvez-vous nous offrir un panorama sur les antiquaires, qui sont des indépendants et dont on parle peu ? Ils subissent une double peine, puisqu'ils dépendent de la clientèle étrangère qui ne peut plus circuler aujourd'hui. Qu'a-t-on fait pour cette profession particulière ?
Sur l'endettement des entreprises, quels sont les outils mobilisés pour permettre le rebond des entreprises ? Comment anticiper une disparition progressive des aides, lorsque la situation le permettra ?
La question sur la répartition territoriale que je souhaitais poser a déjà été abordée. Ce sont en effet des données importantes. Dans le prolongement de cette question, et puisque nous connaissons l'impact du soutien à l'économie sur le territoire, ces dispositifs ne contribuent-ils pas à accentuer les fractures territoriales déjà existantes ?
Je souhaitais mettre en avant le rapport d'Oxfam, qui met en exergue un enrichissement des grandes fortunes détenant des parts importantes dans de grandes sociétés grâce aux aides versées. Que pouvez-vous en dire ?
Les données présentées me semblent vraiment intéressantes et contribuent à l'approfondissement de la réflexion. Ma question porte sur les entreprises nouvellement créées, qui traversent des difficultés particulières, puisqu'elles n'ont pas vraiment généré de chiffre d'affaires sur l'année précédente. Elles se retrouvent ainsi dans des situations délicates.
Il faut aussi prendre en considération les difficultés des autoentrepreneurs. Je pense notamment aux personnes travaillant dans le secteur des événements culturels ou des marchés de Noël. Êtes-vous en mesure de leur apporter des réponses ? Quelles sont-elles ?
Les chiffres communiqués reflètent la consolidation de données régionales et locales. Ces dernières m'intéressent, afin de connaître la situation région par région, territoire par territoire.
Le secteur de l'hôtellerie et de la restauration est l'un des secteurs les plus touchés par la crise, avec celui de l'événementiel. Lors de la réouverture, ces secteurs resteront tributaires de l'activité touristique et de la venue d'étrangers, qui sont susceptibles de ne pas revenir immédiatement. Sans les aides, comment voyez-vous l'évolution de la situation ?
Je tiens à souligner la qualité de votre synthèse, qui est d'une clarté remarquable. Je constate que 181 milliards d'euros ont été attribués aux entreprises sous forme de prêts, d'avances, d'exonérations ou de subventions. Vous avez présenté le montant des aides par taille d'entreprise, et le montant médian reçu par salarié. Pourriez-vous nous présenter chaque dispositif en volume selon la taille des entreprises ? Je souhaiterais connaître la répartition des sommes versées dans le cadre des PGE, de l'activité partielle, du fonds de solidarité et des reports de contributions sociales par taille d'entreprise.
Je souhaite vous interroger sur le suivi quotidien des dépenses exceptionnelles engagées pendant la crise sanitaire. Entre les documents budgétaires fournis au Parlement, les avis du Haut conseil des finances publiques et les rapports de la Cour des comptes, nous ne sommes pas dépourvus d'informations relatives aux mesures budgétaires engagées. Toutefois, la multitude d'informations et de supports ne facilite pas le suivi de nos dépenses. Les commissaires aux finances n'ont certes pas de difficulté à recouper ces informations, mais il n'en va pas de même pour nos concitoyens. Il convient d'être attentif à la transparence des décisions prises et des outils mis à disposition des citoyens ; en effet, l'acceptation d'une décision, quelle qu'elle soit, dépend du degré d'information.
Le débat financier se réduit à un débat d'experts dans lequel les citoyens se sentent perdus, ce que la Cour des comptes rappelait dans son rapport de novembre 2020. Ne serait-il pas judicieux de déployer un outil destiné au grand public afin de lui permettre de suivre l'évolution de nos dépenses publiques et ainsi répondre à la recommandation de la Cour des comptes sur le fait de rétablir une vision globale des dépenses publiques ?
Je m'interroge sur la question des marges dégagées par les grandes et moyennes surfaces et par le e-commerce pendant la période de confinement. Disposez-vous de données intéressantes sur cet aspect ? Nous avons besoin d'objectiver la réalité économique de ces deux secteurs. En effet, nous rencontrons parfois des craintes et des a priori sur la réalité de cette activité économique pendant le confinement.
Ma deuxième question concerne le secteur de l'habillement et du prêt-à-porter pour certains indépendants gérant des magasins de taille importante, c'est-à-dire dépassant le million d'euros de chiffre d'affaires. Ces structures ont bénéficié du PGE, de l'activité partielle, mais peu des autres mesures. Or les méventes sont fortes dans ce secteur, alors que ce sont des activités à cycle relativement long. Les stocks sont devenus très conséquents et ont été dévalorisés, puisque les perspectives de vente sont aléatoires. Avez-vous identifié des difficultés dans ce secteur ? Est-il envisagé de proposer des mesures spécifiques à ce secteur, comme la prise en compte de la dépréciation de leur valeur de stock, afin de soulager ces établissements pendant une période compliquée ?
Mes collègues ont évoqué certains oublis. Je souhaite ainsi soulever le problème des EPIC, établissements publics industriels et commerciaux, qui exercent une activité commerciale s'apparentant à celle des établissements privés. Ces structures n'ont pas droit aux aides publiques et aux différents dispositifs. Que représente cette activité dans le contexte actuel ? Ces établissements seront-ils éligibles à certaines aides ? Quel en serait le coût par rapport aux dépenses publiques ?
Avez-vous analysé le statut juridique des entreprises qui recourent aux dispositifs d'aide et les risques susceptibles d'être pris par les dirigeants au titre des cautions qu'ils ont pu donner ? Si certaines entreprises ne peuvent pas rebondir et sont conduites à la liquidation, est-il possible de réfléchir à des mesures de sauvegarde pour éviter des drames humains ?
Je souhaite mettre en avant la situation des entreprises multiservices, parfois partiellement fermées, qui du fait de leur code APE, ne sont pas éligibles aux aides. Avez-vous évalué le nombre d'entreprises de cette nature ? Que leur répondre face à cette iniquité ?
Monsieur Benoît Coeuré, vous avez la parole pour répondre aux questions posées, sachant que certaines d'entre elles ne relèvent pas de la compétence du comité, puisque ce dernier a pour rôle le suivi des dispositifs en place.
Je ne vais pas répondre à toutes les questions, car certaines nécessitent un examen spécifique, en particulier les questions sectorielles. Cependant, soyez assurés que toutes vos questions feront l'objet d'un suivi. C'est mon engagement.
Je vous propose de commencer par répondre aux questions générales. Sur la méthodologie suivie par ce comité, je pense que l'existence de ce dernier a été très utile comme lieu d'échange d'informations. Les dispositifs ont parfois pu évoluer rapidement, ce qui pouvait susciter des problématiques d'information et de compréhension, mais les administrations elles‑mêmes n'étaient pas toujours informées clairement de ce qui était mis en œuvre. Ce comité a servi à faire remonter certaines questions, à échanger, à les transmettre aux administrations concernées, pour accélérer les réponses. La présence des partenaires sociaux, que ce soit les représentants du patronat ou les représentants des salariés, a permis de faire état de certaines préoccupations émanant du terrain. Ce format d'échange s'est donc avéré utile.
Par ailleurs, plusieurs comités d'évaluation de la crise ont été institués. La France peut en effet être considérée comme le pays des comités, ce qui nécessite une forte coordination, mais ces structures s'avèrent utiles pour échanger et mettre la pression sur les administrations gestionnaires. Les données présentées sont tout à fait uniques. Si le comité n'avait pas existé, chaque administration aurait constitué ses propres données en silo, les publiant ou non. Il manquerait ainsi une vision d'ensemble des dispositifs.
Ce comité sera également utile pendant la phase de relance. Concernant son évolution, vous avez voté un article en loi de finances pour 2021 aux fins de transformer ce comité en comité d'évaluation de la relance. Il s'agira de conserver le même esprit, mais la discussion sera de nature différente. De même, la méthodologie et les enjeux politiques seront différents. Les mesures d'urgence ont fait l'objet d'un consensus national, ce qui a permis au comité de travailler à l'abri de toute discussion politique. Ce sera plus difficile concernant le plan de relance, qui est un objet politique. Il faudra veiller à ce que le comité puisse remplir son rôle technique et ne soit pas un lieu de débats politiques, ce qui n'est pas son rôle.
Par ailleurs, le champ du plan de relance est différent, puisqu'on parle de mesures dans des domaines très variés. Les effets des mesures d'investissement ne seront mesurables que sur plusieurs années. Le plan de relance a pour objectifs explicites non seulement le soutien à l'activité et à l'emploi, mais aussi l'efficacité énergétique et climatique. En conséquence, la composition du comité, la méthodologie suivie et la collecte des données seront un peu différentes. Jusqu'en juillet, il conviendra de poursuivre le travail mené sur les mesures d'urgence, afin de disposer du recul suffisant pour établir le rapport final.
Le rapport n'est pas encore écrit, mais, selon les premiers éléments, l'approche retenue par le Gouvernement, qui est universelle et large, peut certes susciter des effets d'aubaine. Elle a néanmoins été très efficace pour protéger les entreprises et leurs salariés pendant ce choc et permettre un rebond rapide de l'économie après le premier confinement. On verra ce qu'il en est au terme de la deuxième vague, mais cette approche générale et universelle a globalement été efficace. Je ne pense pas qu'il y aura une critique forte de la structure des mesures mises en œuvre, qui sont globalement similaires, dans l'esprit, dans les pays européens, même si la répartition et les montants peuvent différer.
Il y a déjà eu un parangonnage au niveau européen. Un second parangonnage est prévu, couvrant les pays européens, mais aussi d'autres pays avancés. L'attention sera portée sur le volume d'aides, mais aussi sur leur nature. Les coûts fixes feront ainsi l'objet d'une attention particulière : la France a découvert la question assez tardivement alors que l'Allemagne avait pris en compte ce critère dès le début. Il conviendra cependant de faire preuve de grandes réserves méthodologiques, dans la mesure où les autres pays ne se sont pas dotés du même dispositif de suivi. Ainsi, si les chiffres annoncés et votés existent, les chiffres en matière d'exécution et de montants réellement dépensés sont limités.
La structure du dispositif français était donc globalement bonne, même s'il reste quelques lacunes sur le plan sectoriel. Le Gouvernement a cependant su être réactif et faire évoluer son dispositif pour combler ces lacunes au fur et à mesure des lois de finances rectificatives. Il n'y a toutefois pas de miracle : plus l'on recourt à des dispositifs sur mesure, plus ils deviennent complexes. Initialement, la structure des aides était très simple et aisément compréhensible, même si des questions pratiques subsistaient, comme trouver le bon guichet. Mais plusieurs dispositifs sectoriels ont progressivement été ajoutés : ils étaient nécessaires, mais cela a complexifié les aides, par exemple le fonds de solidarité. Ce dispositif, initialement uniforme, est devenu très hétérogène, selon les secteurs, mais aussi selon les zones géographiques. Cela a conduit à la constitution des listes S1 et S1 bis relatives aux secteurs affectés ou indirectement affectés par les mesures sanitaires. Cette évolution peut être compliquée à comprendre pour les entreprises et conduire à des erreurs ou à des oublis. On peut citer l'exemple des chocolateries dans les stations de ski, affectées par les mesures sanitaires. Cela illustre la difficulté de faire la différence entre les deux listes. Le suivi opéré a permis de faire remonter les problèmes et de les signaler aux administrations et au Gouvernement, et dans certains cas de faire évoluer les dispositifs.
Il reste néanmoins quelques angles morts. Le principal angle mort est lié à l'évolution même de la crise, puisqu'il tient au passage d'une problématique de liquidité à une problématique de solvabilité. Nous avons aidé beaucoup d'entreprises et leur avons permis de survivre à la crise, mais ces mesures ne permettent pas de traiter les problèmes structurels auxquels elles font face. Dans un certain nombre de cas, elles peuvent conduire à masquer une accumulation de passif (le PGE, les reports de charges sociales et fiscales et, dans certains cas, des arriérés de loyer).
En réalité, nous n'avons pas une idée claire de la situation financière des entreprises françaises. Nous connaissons les aides qu'elles ont reçues, ainsi que leur situation financière avant la crise, et nous savons bien mesurer leur activité et leur trajectoire d'emploi pendant la crise, grâce aux instruments de mesure mis en place par la DARES, la DGEFP, la direction du trésor et l'INSEE, mais nous avons peu de choses sur la situation financière réelle des entreprises. Nous connaissons mal l'ensemble de leur passif et leur situation de trésorerie. Par exemple, une grande partie du PGE (80 %) n'est pas dépensée et se retrouve dans la trésorerie des entreprises, auprès des banques. Ce constat cache une diversité très grande de situations, et c'est un chiffre qui peut masquer la situation dramatique de certaines entreprises, qui sont toujours vivantes mais qui ont accumulé des passifs importants et qui n'ont plus de trésorerie.
Nous travaillons avec la Banque de France pour dégager une image plus fine de la situation financière nette des entreprises, afin de calibrer la sortie de crise pour ces mesures. Quelle est la bonne stratégie de sortie ? Ces mesures doivent être maintenues tant que la situation sanitaire l'exige, pour permettre aux entreprises de survivre, et en dépit du coût pour les finances publiques. La situation des taux d'intérêt est telle que ce coût de court terme n'est pas un problème pour la soutenabilité des finances publiques. Cette situation peut devenir insoutenable à long terme, mais pas dans un délai de trois à six mois. Le Gouvernement ne doit pas hésiter à maintenir le « quoi qu'il en coûte » en fonction de la situation sanitaire. Ces mesures devront évoluer lors de la sortie de crise, mais pour les faire évoluer, il faut mieux connaître la situation financière réelle des entreprises, par secteur, si possible par territoire, et en savoir plus sur leur passif.
Une question a été posée sur le crédit d'impôt bailleur. Cette nouvelle mesure vise à mieux appréhender la problématique du passif des entreprises. Le crédit d'impôt bailleur a été intégré dans le champ des travaux du comité, mais nous n'avons pas encore de données chiffrées permettant d'évaluer et de suivre ce crédit. Nous évoquerons néanmoins ce point dans le rapport final.
Les questions sectorielles relatives aux secteurs du prêt-à-porter et des antiquaires ont été notées, mais je ne suis pas en mesure d'y répondre en l'état.
Un cahier graphique plus détaillé sera prochainement publié, intégrant notamment les aides accordées par taille d'entreprises en montant, et pas seulement par salarié.
Quant à l'interrogation relative à la transparence, nous avons essayé dans le cadre de ce comité de l'assurer en mettant en ligne les informations, dans le respect du secret statistique. Mais nous ne pouvons pas entrer dans un niveau de détail trop fin sans commettre de violation du secret statistique.
Concernant la question relative au suivi territorial du PGE, il y a une difficulté qui est que ce dernier est connu au niveau du groupe, et non au niveau des bassins d'emplois. Il n'est pas ventilé entre un groupe et ses filiales. Il est donc relativement difficile de donner des éléments sur la répartition territoriale du PGE, comme c'est le cas pour l'activité partielle, parce qu'on ne connaît pas les mouvements de trésorerie entre filiales et établissement principal après l'octroi du PGE.
Plusieurs questions ont été posées sur les personnes qui se situent à la marge, qu'il s'agisse de non-salariés ou de personnes évoluant dans des entreprises nouvellement créées, mais l'appareil statistique reste assez limité. Il faut croiser les informations en provenance des entreprises dont dispose le comité avec les informations portant directement sur la situation financière des salariés. Je signale à ce titre que le conseil d'analyse économique réalise un travail tout à fait remarquable à partir de l'exploitation de données issues de cartes de crédit et de comptes bancaires, communiquées par certaines banques. Des travaux sont en cours du côté des jeunes salariés, pour déterminer les catégories socioprofessionnelles qui ont le plus souffert de la crise, du point de vue des salariés, et non des entreprises.
Enfin, s'agissant du commerce électronique, les données relevant de ce secteur ne sont pas réellement accessibles au comité. Il convient de solliciter les administrations pour obtenir des éléments sur l'évolution des marges, qui est en effet une question importante afin d'objectiver la réalité de l'activité économique de ce secteur, mais aussi de tirer les leçons de la crise sur les inégalités de marge et les inégalités salariales qui en découlent entre les entreprises. Lors de son audition au Sénat américain pour devenir ministre des Finances, Madame Yellen a indiqué que le risque était que la reprise ne se fasse pas en forme d'U ou de V, mais en forme de K. Une partie de la population en profitera fortement, alors qu'une autre partie de la population est susceptible de décrocher. C'est une réalité, aussi bien pour les salariés que pour les entreprises. La crise peut créer une dynamique de concentration du pouvoir de marché et des marges, notamment au profit des entreprises bénéficiant du commerce électronique et de la dématérialisation. Ces dernières ne seront pas forcément bien taxées par l'État et pas forcément redistribuées aux salariés. La question de l'évolution des marges dans les différents secteurs est importante pour établir un diagnostic sur les inégalités à la sortie de la crise, mais nous n'avons pas forcément les instruments pour l'établir au sein de ce comité. Nous en parlons néanmoins aux administrations.
Une question avait été posée par monsieur Mattei sur les cautions des petites entreprises face aux prêteurs. Que pouvez-vous en dire ?
Cette question est intéressante sous l'angle plus général de la situation financière des entreprises, mais nous n'avons pas d'information à ce sujet. Nous dialoguons cependant avec la direction du trésor, la Banque de France et le conseil d'analyse économique, qui réfléchissent aux mesures de soutien au bilan des entreprises, au delà des prêts participatifs, par exemple pour prévoir une consolidation en fonds propres d'une partie des PGE. Ce débat est sur la place publique depuis longtemps. Nous partageons nos données avec la Banque de France et la direction du trésor, qui y travaillent et ont mandat pour agir. La question de la caution du dirigeant fera partie de la solution, mais il faut d'abord établir un diagnostic.