Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 12 mai 2021 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission examine, pour avis, un projet de décret d'avance en application de l'article 13 de la loi organique relative aux lois de finances (M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général)

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Cette réunion fait suite à celle d'hier, au cours de laquelle M. Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, a présenté le contenu du projet de décret d'avance qui nous a été notifié par le Gouvernement le 6 mai.

Notre commission doit se prononcer par un vote sur le projet d'avis, destiné à accompagner le texte soumis à l'avis du Conseil d'État. Je remercie le rapporteur général pour son projet rédigé dans l'urgence et transmis hier soir aux membres de la commission.

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Je vous présenterai ce projet d'avis en trois parties : d'abord, la situation de la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire, la seule concernée par le projet de décret d'avance, et ses conséquences sur les mouvements de crédits ; ensuite, la conformité du projet de décret d'avance aux conditions fixées par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ; enfin, l'évolution passée et à venir, dans les prochaines semaines et les prochains mois, du fonds de solidarité et de l'activité partielle, les deux grands outils qui ont été au cœur de la politique de protection du Gouvernement en faveur de notre économie et de nos salariés.

Rappelons que la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire, dont Éric Woerth et moi-même sommes rapporteurs spéciaux, est la seule concernée par ce projet de décret. Le mouvement de crédit assez simple, présenté hier par le ministre, prévoit 6,7 milliards d'euros de crédits ouverts au titre du fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire et 500 millions au titre de la prise en charge de l'activité partielle, soit 7,2 milliards. Ce projet de décret tend, en contrepartie, à annuler 7,2 milliards pour le programme 358 Renforcement exceptionnel des participations financières de l'État dans le cadre de la crise sanitaire, doté, en 2020, dans le cadre de l'adoption des lois de finances rectificative (LRF), de 20 milliards. Par la suite, un report de crédits avait été effectué sur l'année 2021, dont il est proposé d'annuler 7,2 milliards afin de recréditer à la fois le fonds de solidarité et le programme destiné à la prise en charge de l'activité partielle.

Avant d'évoquer le décret d'avance proprement dit, je vous propose de regarder dans le rétroviseur l'exécution des programmes de l'année 2020 et les crédits ouverts en 2021, en loi de finances initiale et par les reports.

Pour 2020, les exécutions sont les suivantes : pour le programme 356relatif à l'activité partielle, 17,8 milliards ; pour le fonds de solidarité pour les entreprises, 11,8 milliards ; pour le programme 358, celui concerné par les annulations de crédit proposées aujourd'hui, 8,3 milliards, à quoi s'ajoutent les compensations à la sécurité sociale des allégements de prélèvement, à hauteur de 3,9 milliards. J'intègre ainsi le programme 360 dans ce regard arrière, concerné par les reports sur l'année 2021, car il existe deux séquences : l'exécution pour 2020, les reports des crédits pour 2021, y compris sur ce programme 360.

Par la loi de finances pour 2021, 5,6 milliards avaient été votés pour le fonds de solidarité, ­ auxquels se sont ajoutés 14,5 milliards d'euros de reports issus de plusieurs programmes, ­ et 528 millions d'euros pour le programme 366, relatif au matériel sanitaire. Les reports ont permis de financer à hauteur de 2,5 milliards la prise en charge de l'activité partielle d'urgence et à hauteur de 11,7 milliards le programme 358. En résumé, 20 milliards pour le programme 358 votés dans le projet de loi de finances rectificative pour 2020 deviennent, par voie de reports, 11,7 milliards, dont on retirerait 7,2 milliards par le décret d'avance.

Ainsi, avant le décret d'avance, la situation est la suivante : 2,5 milliards d'euros pour le programme 356, Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire, 20 milliards pour le programme 357, Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire, et 11,7 milliards pour le programme 358, Renforcement exceptionnel des participations financières de l'État dans le cadre de la crise sanitaire. Selon le système d'information Chorus, à la date du 11 mai, le niveau de consommation est d'environ 70 %, pour les programmes 358 et 357, ce qui justifie le caractère d'urgence et la nécessité du décret d'avance. Il ne reste plus, à ce jour, que 717 millions pour l'activité partielle et 6,2 milliards pour le fonds de solidarité, ce qui montre le rythme élevé de consommation des crédits ouverts et reportés. À l'inverse, le programme 358, concerné par les annulations, a fait l'objet d'un très faible décaissement qui peut s'expliquer par le fait que l'État n'a pas eu besoin de recapitaliser des entreprises à hauteur de ce qui avait été anticipé. La force de frappe des prêts garantis par l'État (PGE) a permis, pendant l'année 2020 et la première partie de l'année 2021, de maintenir la trésorerie des entreprises sans puiser dans ce matelas de sécurité qui avait été voté et qui permet aujourd'hui de financer les autres programmes.

Deux tableaux présentent les niveaux de crédits résultant directement du projet de décret d'avance. À gauche figurent l'ensemble des crédits ouverts pour les trois programmes par la loi de finances initiale, les reports et le décret d'avance ; à droite, les crédits disponibles, y compris après décret d'avance. On passe de l'un à l'autre en déduisant la consommation effective au 11 mai. Après la prise du décret d'avance, si vous acceptez cet avis, 1,2 milliard sera consacré à la prise en charge de l'activité partielle au titre de la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire.

Le ministre a précisé hier que le Gouvernement avait utilisé des crédits de la mission Plan de relance pour financer la prise en charge de l'activité partielle d'urgence. J'y reviendrai au moment du vote, parce qu'au sein de la commission, nous devrons nous assurer que les crédits de la mission Plan de relance ne sont pas utilisés pour la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire et seront compensés par la loi de finances rectificative. À ce 1,2 milliard s'ajoutent donc 12,9 milliards disponibles pour le fonds de solidarité et 3,9 milliards pour les participations financières de l'État.

En résumé, après le décret d'avance, seront disponibles : 1,2 milliard d'euros pour l'activité partielle au titre de la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire, 12,9 milliards pour le fonds de solidarité et 3,9 milliards pour les participations financières de l'État.

S'agissant de la conformité du projet de décret d'avance, les quatre conditions fixées par la LOLF sont remplies. La première, fixée par l'article 13 de la loi organique, est l'équilibre budgétaire. Il est facile de constater que l'annulation est strictement égale en montant aux deux ouvertures. Je rappelle que l'article 13 de la LOLF prévoit que les annulations et ouvertures de crédits doivent être inférieures respectivement à 1,5 % et à 1 % du montant des crédits ouverts par la loi de finances. C'est le cas, même si, reconnaissons-le, nous n'avons jamais connu un tel niveau de décret d'avance, puisque nous tangentons le 1 % : 0,933 % en autorisations d'engagement et 0,995 % en crédits de paiement. Historiquement, jamais un décret d'avance n'avait utilisé la possibilité d'ouvrir des crédits pour 1 % du budget initial. C'est un fusil à un coup, puisqu'après avoir pris ce décret d'avance, il ne sera plus possible d'en faire d'autres. C'est pourquoi nous aurons très probablement besoin d'un projet de loi de finances rectificative avant l'examen du projet de loi de finances pour 2022.

Par ce décret d'avance, nous autorisons le Gouvernement à utiliser toute la possibilité offerte par la loi organique. Le plafond est pratiquement saturé mais ce décret d'avance peut être qualifié de sincère : Il n'est pas destiné à combler des sous-budgétisations mais à recréditer des programmes d'urgence qui ont fait leurs preuves et qui, chacun en conviendra ici, restent nécessaires pour nos entreprises et nos salariés.

Je rappelle que ce pourcentage d'ouverture est calculé non seulement sur les crédits du budget général, mais aussi sur ceux des budgets annexes et des comptes spéciaux. Il est donc proposé d'ouvrir 7,2 milliards d'euros, au regard des un peu plus de 720 milliards du budget général de l'État, des budgets annexes et des comptes spéciaux.

La loi organique fixe une dernière condition, celle de l'urgence. Les crédits décaissés au mois de mai, pendant que nous parlons, résultent notamment des demandes faites au titre du mois d'avril. La temporalité de ces processus valide l'hypothèse d'une possible rupture de trésorerie en juin, avancée par le ministre, et remplit la condition d'urgence imposée par la LOLF.

Plus largement, ce décret d'avance doit être pris parce qu'au moment du vote de la loi de finances et des reports de crédits, n'apparaissait pas dans la vision collective de la crise la nécessité d'un troisième confinement et de la poursuite, au deuxième trimestre 2021, de mesures urgentes identiques ou encore augmentées. Malgré des reports très élevés, il est nécessaire de poursuivre l'augmentation des crédits.

L'évolution des caractéristiques du fonds de solidarité et de l'activité partielle explique la nécessité d'augmenter ces crédits.

Les évolutions importantes du fonds de solidarité en 2021 méritent d'être rappelées, puisque nous n'avons pas eu l'occasion de nous retrouver autour d'un texte sur ce sujet. Le coût de la couverture des charges fixes était estimé, le 14 janvier 2021, à 1,3 milliard. Des aides sectorielles spécifiques ont été décidées par le Gouvernement, notamment pour les stations de ski et les commerces des stations de ski, par le décret du 30 décembre dernier, pour 700 millions d'euros. Une mesure spécifique de 200 millions a été annoncée le 2 avril pour les commerçants affectés par la problématique des stocks saisonniers. Ces dispositions étant prolongées jusqu'au 30 juin, le « quoi qu'il en coûte » fait boule de neige et il est nécessaire de créditer le programme.

Concernant les évolutions de l'activité partielle, il convient de noter une aide exceptionnelle de prise en charge de l'équivalent de dix jours de congés payés, pour un coût estimé à environ 200 millions. La prime exceptionnelle de 900 euros aux « permittents », entre novembre et mars, pour un coût de 1,5 milliard, est également prolongée jusqu'au 30 juin. Tout cela justifie davantage de crédits budgétaires.

En soumettant cet avis à votre vote, j'appelle votre attention sur deux points, qu'il me semble important de signifier au Gouvernement.

En premier lieu, la situation financière du fonds de solidarité et de l'activité partielle reste incertaine, en sorte que, malgré ce décret d'avance, et nous en avons parlé ouvertement avec le ministre, un projet de loi de finances rectificative reste nécessaire à court terme. Celui-ci devra, ouvrir de nouveaux débats, nous l'espérons tous, sur l'après-crise sanitaire, en vue de faire évoluer les aides d'urgence, afin d'accompagner la sortie de crise pour nos entreprises et de préparer la suite. Il devra faire le point sur la situation financière des entreprises, des ménages, mais aussi des collectivités.

En second lieu, le PLFR doit être l'occasion de clarifier le financement de l'activité partielle d'urgence, imputé tantôt dans la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire, tantôt dans la mission Plan de relance. Il faudra veiller à ce que chaque euro du plan de relance soit affecté in fine aux objectifs et aux actions du plan de relance. Si, de façon temporaire, des crédits du plan de relance ont été utilisés pour la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire, cela doit être corrigé par un projet de loi de finances rectificative.

En conclusion, le projet de décret d'avance qui nous est soumis opérerait une simple réallocation de crédits au sein d'une même mission. C'est clair, lisible, et c'est important dans ces temps budgétairement très complexes. L'urgence de ces besoins me paraît avérée par un risque de rupture de trésorerie dès le mois de juin et de ne pas pouvoir financer les aides aux entreprises dans un moment critique. Les conditions fixées par la loi organique sont respectées. Si, en théorie, la prévision des besoins par le Gouvernement aurait pu être plus pertinente, en pratique, il est compréhensible que l'incertitude de la situation sanitaire que nous connaissons depuis des mois et depuis plus d'un an ait complexifié l'exercice d'anticipation. Au moment où nous votions, à l'automne, nul ne savait comment la situation sanitaire évoluerait. Tout cela justifie amplement que nous puissions collectivement donner un avis positif à ce projet de décret d'avance.

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Merci pour votre présentation claire de ce projet de décret d'avance, lui-même assez clair.

Le ministre ayant dit qu'il restait environ 10 milliards d'euros pour l'activité partielle, je lui en ai demandé le détail, car il y avait au moins 4 milliards que je ne retrouvais pas, hors UNEDIC. Vous avez formulé la question autrement, mais nous nous sommes tous interrogés sur ce point.

Dans le décret d'avance, on confond urgence et relance. Quand vous dites que la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire est seule concernée, c'est vrai dans le décret d'avance, mais en fait la mission Plan de relance est concernée. Dans l'optique du Gouvernement, il existe une fongibilité budgétaire entre relance et urgence pour le financement de l'activité partielle, alors que la relance porte sur le financement de l'activité partielle de longue durée (APLD), ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Il existe trois types d'activité partielle : l'APLD, l'activité partielle de droit commun et l'activité partielle d'urgence, qui est celle dont on devrait parler.

La somme globale indiquée par le ministre couvre plusieurs missions, ce qui pose un problème de principe en matière de spécialisation budgétaire. Il ne doit pas y avoir de fongibilité entre des dispositifs différents, sinon on ne peut suivre et interpréter la consommation des crédits. Pourquoi le Gouvernement agit-il ainsi ? Votre tableau montre qu'il sature le recours au décret d'avance à 1 % et ne peut pas trouver d'autres crédits disponibles pour financer d'éventuels besoins supplémentaires pour les crédits d'aide à l'activité partielle.

Je ne sais pas quelles seront les nécessités de consommation de crédits d'activité partielle dans les mois qui viennent, je ne sais pas si le Gouvernement remettra tout cela au clair dans la loi de finances rectificative. Sans être essentiel, ce point n'est pas négligeable dans un décret d'apparence simple mais qui peut conduire à confondre relance et urgence. Je le dis d'autant plus que lorsqu'on s'est aperçu que la crise du covid se poursuivait et qu'il fallait plus de crédits d'urgence face à l'explosion du fonds de solidarité, j'avais suggéré, pour ne pas trop recourir à l'endettement, de recourir en partie aux crédits de relance pour financer les crédits d'urgence. Mais j'avais une vision claire d'affectation des dépenses là où elles devaient l'être, alors qu'il s'est agi là de financer des dépenses d'urgence par des crédits de relance sans le dire vraiment, ce qui n'est pas un bon principe et surtout ne permet pas un suivi efficace. Cela figure en filigrane dans votre avis.

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Ce décret d'avance est d'un montant rarement atteint, le Gouvernement utilisant au maximum cette possibilité. Je le disais hier en présence du ministre, une nouvelle loi de programmation des finances publiques (LPFP) est nécessaire. Elle nous est annoncée pour 2022, mais il y a urgence. La Cour des comptes a pointé que les dépenses de l'État, hors crise, avaient augmenté de 6,7 milliards d'euros en 2020, soit une hausse de 2 %. Nous constatons une augmentation structurelle des dépenses de fonctionnement sans lien avec la crise. Les dépenses de l'État dites pilotables ont dépassé leur cible de 15,4 milliards d'euros prévue dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, ce qui n'est pas de bon augure pour les générations futures.

Le Gouvernement a choisi de recourir au décret d'avance et de reculer l'examen d'un projet de loi de finances rectificative, alors que celui-ci devient urgent. Des entreprises attendent, parce que des annonces ont été faites sur la prolongation de la faculté de solliciter un PGE et la prime Macron. Comme le disait le Président de la République, il y a des moments pour l'urgence et des moments pour la relance. Ce PLFR est très attendu pour donner de la visibilité aux entreprises et les sortir de l'incertitude. Ne serait-ce que sur le PGE, elles n'ont pas encore de visibilité sur la manière dont cela va pouvoir s'opérer.

Bien évidemment, le groupe Les Républicains est favorable à ce décret d'avance, parce qu'il importe de restituer les fonds nécessaires pour les dispositifs de chômage partiel et pour le fonds de solidarité.

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Je félicite le rapporteur général pour son explication quant à la position à prendre vis-à-vis de ce décret d'avance. Bien que d'un niveau exceptionnel, il reste dans l'épure, comme le disait hier M. Gilles Carrez, et n'excède pas 1 % du montant des crédits de la loi de finances initiale, s'élevant à 723,5 milliards d'euros.

Il prévoit un redéploiement du programme support de l'Agence des participations de l'État (APE) dans des entreprises stratégiques, pour une partie des crédits qui n'a pas été utilisée. J'espère qu'on n'en aura pas besoin plus tard.

En tant que parlementaires, nous sommes satisfaits d'apprendre que nous allons examiner le premier PLFR pour 2021 tenant compte des ajustements. Comme Véronique Louwagie, nous nous interrogeons sur l'organisation des PGE et de la prime Macron.

Ne pourrait-on s'interroger, en écho de ce que nous entendons dire sur le terrain, sur le remboursement de toute cette dette ? Des réflexions seront-elles engagées pour trouver des recettes complémentaires ? Je n'emporte pas l'adhésion de beaucoup en évoquant le sujet, mais il faudra se poser les bonnes questions, le moment venu. Des prémices de pistes doivent être explorées pour trouver des recettes complémentaires.

Bien entendu, nous sommes favorables à ce décret d'avance indispensable. Vous avez évoqué l'urgence, qui en permet l'acceptation.

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De fait, à moins de 1 % des crédits ouverts initialement, les règles de la LOLF sont respectées. Toutefois, puisque cela fait partie des études que je mène, en tant que rapporteure spéciale, dans le cadre du printemps de l'évaluation, je rappellerai que 20 milliards d'euros avaient été votés pour le programme de l'Agence des participations de l'État, sur lequel portent toutes les annulations. Sur ce montant, 11 milliards ont déjà été utilisés et, sur les 9 restants, vous en annulez 7, c'est-à-dire qu'il ne reste plus grand-chose, alors que des recapitalisations sont d'ores et déjà annoncées.

Bien entendu, nous soutiendrons aussi ce décret d'avance, afin que le fonds de solidarité puisse être versé aux entreprises.

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Notre groupe soutiendra ce décret d'avance, en dépit de son montant élevé. Toutes les conditions, dont l'urgence, sont réunies pour justifier son adoption. Le fonds de solidarité a démontré son efficacité et les entreprises ne doivent pas subir de rupture de prise en charge. Nous partageons toutefois le point de vigilance souligné par le rapporteur général, qui devra être clarifié dans le cadre du PLFR pour 2021.

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Nous comprenons les impératifs de la situation et le recours au décret d'avance. Le ministre a d'ailleurs justifié ce besoin de crédits par l'état d'urgence. Cependant, nous sommes réservés sur ce choix technique, alors que l'on pouvait recourir de nouveau au collectif budgétaire. C'est une façon d'écarter notre point de vue, puisque notre avis n'est que consultatif, ce qui est regrettable. Le ministre a indiqué que ce choix était lié à l'impossibilité de prévisions. Or le fonds de solidarité ayant déjà été hautement sollicité en décembre 2020, le Gouvernement aurait pu anticiper et éviter d'agir par décret d'avance.

Par ailleurs, s'agissant d'une somme considérable, il est regrettable de ne pas disposer d'une présentation plus fine. Au rythme actuel de consommation des crédits du fonds de solidarité, plus de 3 milliards d'euros par mois depuis janvier, cette ouverture risque d'être insuffisante. Ce projet ignore tout des coûts des prochaines mesures sanitaires, comme des concours de la loi de finances rectificative qui ne tardera pas à intervenir.

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S'agissant de la première condition, vous avouerez, monsieur le rapporteur général, que le montant du décret d'avance a été calculé à rebours, au regard du plafond de 1 %. Dans votre projet d'avis, vous faites l'historique des décrets d'avance, et nous découvrons que le plafond de 1 % est calculé en incluant la mission Remboursements et dégrèvements comprenant de la TVA brute. Vous ajoutez les comptes de concours financiers, pour 129 milliards d'euros, pour calculer le plafond. Êtes-vous sûr de votre interprétation ? N'y a-t-il jamais eu de recours devant Conseil d'État ?

L'urgence est relative, puisqu'en partie liée à des décisions gouvernementales prises postérieurement à la loi de finances. Vous avez d'ailleurs l'honnêteté de rappeler les décisions. Prenez le fonds de solidarité. Décider, le 14 janvier, peu après le vote de la loi de finances, de couvrir les charges fixes à hauteur de 1,3 milliard, puis, le 2 avril, des mesures spécifiques pour les commerçants, c'est très bien, mais la logique parlementaire, c'est de revenir devant le Parlement pour un collectif budgétaire. Vous ne vouliez pas de collectif budgétaire, parce que cela aurait fait désordre avant les élections régionales et cantonales. Il aurait pourtant été adopté à la quasi-unanimité. Nous l'avons fait l'année dernière en votant plusieurs collectifs d'ajustement, tous les mois et demi ou tous les deux mois. Utiliser le décret d'avance plafonné au maximum du 1 % en fonction de bases de calcul contestables, saturé à 7,2 milliards, puis dire qu'on en consacrera l'essentiel au fonds de solidarité et 500 millions d'euros au reste, c'est plus que limite du point de vue du respect des droits du Parlement.

Sur le fond, vous indiquez qu'au rythme actuel, la prise en charge du chômage partiel serait saturée courant juin et celle du fonds de solidarité début juin. On voit l'explosion à partir de mars, liée aux décisions prises postérieurement, voire juste après le vote de la loi de finances pour 2021. Cela n'est pas respectueux des droits du Parlement. Avez-vous une idée de la consommation après décret d'avance et de quand on arrivera à saturation ? D'après mon calcul grossier, après décret d'avance, on arriverait à saturation courant août pour le fonds de solidarité et fin juillet pour la prise en charge du chômage partiel.

Je poserai une dernière question à laquelle personne ne veut répondre, l'affaire étant trop sérieuse pour que le Parlement en soit saisi. Quand on ouvre 11 milliards de crédits pour les participations de l'État, pour l'essentiel grâce à des reports, et qu'on prélève 7,2 milliards, il reste 3,9 milliards. Or il y a quand même des engagements gouvernementaux, notamment envers Air France-KLM, peut-être Airbus et la SNCF. Peut-on tenir face aux besoins ? Pourrait-on enfin considérer que la représentation nationale est responsable et lui dire où l'on en est pour les dotations en capital ?

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Le groupe La République en Marche votera ce projet d'avis dont le principal enjeu est de se donner le temps de voir comment les entreprises abordent la reprise. Alors que nous constatons la décroissance de la pandémie, que les commerces et notre économie vont rouvrir, ce décret d'avance permet d'observer le déroulement des choses et de déterminer les outils à mettre en place dans le PLFR.

Monsieur de Courson, je vous trouve un peu dur. Lors de l'examen du projet de loi de finances, nous avions eu des discussions sur l'aide apportée aux entreprises pour leurs charges fixes. Si le dispositif inédit a été mis en place trois mois plus tard, c'est parce qu'il a nécessité un peu de travail de tuyauterie de la part de Bercy. Ce décret d'avance est une bonne chose pour nous donner le temps d'adapter les dispositifs pour accompagner, dans le cadre du plan d'urgence, la reprise d'activité de nos entreprises.

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Les 10 milliards d'euros destinés à l'activité partielle sont bien composés des 2,5 milliards figurant dans la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire, des 4 milliards issus de la mission Plan de relance, et du tiers financé par l'UNEDIC. Nous sommes d'accord sur la nécessité de garantir que les 4 milliards d'euros issus de la mission Plan de relance financeront bien des projets d'activité partielle de longue durée. Comme je l'indiquais au ministre hier, l'APLD est différente de l'activité partielle de droit commun et de l'activité partielle d'urgence, dans la mesure où elle consolide le dialogue social en entreprise et dans les branches et où elle est, de ce fait, structurante. C'est une démarche de partenariat que la crise permet d'accélérer au sein du monde économique et qu'à titre personnel, je souhaite voir se développer. Je souhaite donc que les crédits de la mission Plan de relance soient conservés à ces fins. Nous y veillerons dans le prochain projet de loi de finances rectificative. La fongibilité entre l'urgence et la relance évoquée par le président de la commission a été une réalité et il nous faudra veiller à ce qu'elle soit corrigée.

Vous connaissez mon point de vue sur les LPFP. J'y suis favorable mais je considère qu'une LPFP ne peut être soumise au Parlement que si l'horizon est dégagé. Or pour cela, la crise sanitaire doit être franchement derrière nous. Depuis plus d'un an, nous espérons, de façon cauchemardesque, que chaque trimestre de crise sanitaire soit le dernier, mais celle-ci se prolonge. J'espère sincèrement qu'à la rentrée, nous aurons plus de visibilité pour notre projet de loi de finances pour 2022. J'ignore si le Gouvernement souhaitera soumettre un projet de LPFP au Parlement, mais souhaitons au moins pouvoir de nouveau dégager des trajectoires et avoir une vision de plus long terme de nos finances publiques, à la fois sur la partie exceptionnelle liée au covid et sur la partie structurelle. Je souhaite aussi qu'à l'occasion de l'examen de la proposition de loi organique qu'Éric Woerth et moi-même allons présenter au Parlement, nous ayons une discussion sur l'investissement et le fonctionnement, la pluriannualité et l'équilibre de nos finances publiques, lequel doit constituer un pacte pour notre pays afin de permettre la soutenabilité de notre dette.

Permettez-moi d'attendre quelques semaines pour entrer dans les débats sur le PLFR, notamment au sujet des nouvelles recettes. Nous ne pourrons échapper à ce débat, mais vous connaissez la fermeté de ma position sur la non-augmentation des prélèvements obligatoires en réponse à la crise.

Monsieur Castellani, je vous remercie pour votre propos.

Dans le rapport annuel de performance est détaillée l'utilisation des crédits du programme 358. Il révèle, pour l'année 2020, un peu plus de 4 milliards pour la SNCF, un peu plus de 3,6 milliards pour Air France-KLM et, au titre des achats et souscriptions, 1 milliard d'euros pour les OCEANEs d'EDF. Pour le « paquet 2021 », on arrive pour Air France-KLM aujourd'hui à un peu plus de 600 millions d'euros de crédits de paiement. Je n'évoque pas les fonds de modernisation automobile et aéronautique à hauteur de 105 millions décaissés pour 2021.

Cela rejoint la question de Charles de Courson : quid des 3,9 milliards restants ? Ils doivent permettre, sur l'année 2021, de réaliser des augmentations de capital ou des rachats et des souscriptions si le besoin se présentait. Mais pour Air France-KLM, c'est fait. Il y aura peut-être d'autres opérations, mais pour celles annoncées, c'est effectué. Je ne sais pas si ces 3,9 milliards seront utilisés d'ici la fin de l'année 2021. Ils feront peut-être eux-mêmes l'objet de reports sur l'année 2022. L'avenir le dira.

La méthode du 1 % s'agissant du dénominateur, c'est-à-dire le budget général de l'État, plus les budgets annexes et les comptes spéciaux, est celle reconnue par la Cour des comptes en application de la LOLF. Je rappelle que la LOLF autorise des ouvertures jusqu'à 1 % des crédits ouverts et des annulations jusqu'à 1,5 %.

Je rejoins vos prévisions quant à la date de saturation de nos deux outils, fonds de solidarité et activité partielle. Le rythme mensuel de consommation du fonds de solidarité, d'un montant d'un peu plus de 4,7 milliards, nous conduit à la mi-août, et celui de l'activité partielle, de 400 millions, à fin juillet ou début août. D'où l'importance de faire promulguer un projet de loi de finances rectificative d'ici la pause estivale. J'essaie de vous rassurer ainsi que Michel Castellani en disant que collectif budgétaire il y aura de toute façon, parce que techniquement, ces transferts de crédits ne suffiront pas pour continuer à accompagner le monde économique tel que nous le faisons depuis un an et demi.

Le ministre de l'économie est tenu d'informer les présidents et rapporteurs généraux de la commission des finances des deux chambres avant les plus importantes opérations d'augmentation de capital. Cela avait été le cas pour Air France-KLM, nous avions été informés un peu avant. Une communication obligatoire est prévue depuis la loi PACTE.

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Je fus, il y a quarante ans, chef de bureau à la direction du budget, où je m'occupais notamment des crédits des dotations en capital. Nous connaissions le détail de l'utilisation de ces crédits. Devenu parlementaire, je trouve insupportable que jamais aucun gouvernement n'ait voulu nous dire le détail prévisionnel, en fonction des mêmes arguments : ce sont des affaires trop sérieuses pour en parler avec les parlementaires et cela pourrait nuire aux marchés pour des entreprises publiques cotées. C'est insupportable !

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C'est insupportable, mais on peut le comprendre car il faut mesurer les conséquences de ces opérations. C'est pourquoi à l'occasion des opérations de capital, comme l'a rappelé Laurent Saint-Martin, le ministre informe les présidents de commissions et rapporteurs quelque temps avant.

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Du point de vue du respect du Parlement, c'est insupportable ! S'il y a un montant, c'est qu'il y a eu des discussions sur le montant à consacrer à telle ou telle opération. Que le président et le rapporteur général ne soient même pas au courant du détail de ce qui est prévu, c'est une marque de mépris à l'égard du Parlement.

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Je mets aux voix le projet d'avis sur le projet de décret d'avance.

La commission adopte le projet d'avis.

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L'avis positif sera donc transmis au Premier ministre.