La commission des affaires économiques s'est réunie, en visioconférence, pour entendre le groupe de suivi sur les conséquences économiques du confinement (MM. Stéphane Travert et Julien Dive, co-rapporteurs). La réunion était consacrée aux commerces de proximité.
Les réunions de la commission se tiendront désormais en visioconférence, à l'exception des éventuelles réunions portant sur du travail législatif ou des nominations relevant des attributions constitutionnelles de la commission. La commission renoue avec son usage, développé pendant le premier confinement, de suivre les différents secteurs de sa compétence dans le contexte de crise sanitaire, par l'entremise d'un groupe transpartisan unique, copiloté par MM. Stéphane Travert et Julien Dive, assurant le suivi des différents secteurs. Les travaux de contrôle de la commission se poursuivant, il n'était pas possible de reconstituer les six groupes thématiques mis en place dans le cadre du premier confinement. Le double objectif de ce groupe de suivi est de faire remonter les préoccupations des députés au Gouvernement et de diffuser, le cas échéant, des informations provenant du Gouvernement qui auraient échappées à la vigilance des députés. Le groupe de travail a souhaité traiter de la problématique du commerce pour cette première semaine.
Une situation grave a amené à recréer ce groupe de suivi. La violente accélération de la pandémie et les menaces élevées de saturation des hôpitaux ont, en effet, convaincu le Gouvernement de prendre des mesures plus radicales pour ralentir la contagion. Concernant les commerces, auxquels sont consacrés les premiers travaux de ce groupe, cela s'est traduit par une fermeture, de principe, des magasins sur l'ensemble du territoire dès le 30 octobre, à l'exception des activités relatives aux produits et services de première nécessité ou indispensables à un travail reconfiné.
Les dispositifs d'aides ont néanmoins été réactivés et renforcés par le Gouvernement :
– toutes les entreprises de 50 salariés au plus qui ont été fermées administrativement pourront être indemnisées de leurs pertes de chiffre d'affaires mensuel dans la limite de 10 000 euros, contre 1 500 € la première fois ;
– pour alléger leurs charges fixes, elles bénéficieront également d'une exonération totale de leurs cotisations sociales du mois. Par ailleurs, le Gouvernement a introduit dans le projet de loi de finances pour 2021 un nouveau crédit d'impôt incitant les bailleurs à renoncer à au moins un mois de loyer dû par des entreprises de moins de 250 salariés, fermées administrativement ou appartenant au secteur de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration (HCR) ;
– la baisse de l'indemnisation de l'activité partielle est reportée au 1er janvier 2021. Et jusqu'au 31 décembre 2020, les entreprises les plus impactées bénéficient d'une prise en charge à hauteur de 100 % de l'indemnité d'activité partielle versée à leurs salariés ;
– enfin, la possibilité de contracter un prêt garanti par l'État (PGE) est prolongée de six mois, jusqu'au 30 juin 2021, et son remboursement pourra être étalé sur 5 années supplémentaires, avec des taux pour les PME – négociés avec les banques françaises – compris entre 1 et 2,5 %, garantie de l'État comprise.
Hors prêts garantis, ces aides pourraient représenter une dépense pour l'État de 15 milliards d'euros par mois de confinement.
Les organisations professionnelles reconnaissent que le soutien de l'État est massif. Cela n'empêche pas les acteurs du secteur d'exprimer leurs inquiétudes pour l'avenir. Aussi élevées soient-elles, ces aides ne couvrent pas toutes leurs charges et nombre de petits commerces se voient déjà glisser vers la banqueroute si la situation perdure ; et sans activité leur métier perd de son sens.
De fait, même si la Banque de France table sur un recul de l'ensemble de l'activité économique de 12 % en novembre, soit très en-deçà des 31 % constatés en avril, les fermetures frappent des secteurs fragilisés par le précédent confinement. Une étude menée par U2P et IC Xerfi sur le troisième trimestre 2020 montre que les secteurs du commerce de proximité et HCR accuseraient encore un recul de leurs activités de 18,5 % sur l'année, malgré une réelle reprise pendant l'été. Ce sont les secteurs les plus affectés par le reconfinement. La Banque de France estime que la baisse de ces activités, avec le secteur HCR, pourrait atteindre 40 % sur novembre (contre 46 % en avril). Après seulement 12 jours de fermeture, on ne dispose pas encore de données sur les pertes réelles des commerces de proximité ni sur les éventuelles fermetures définitives.
En tout état de cause, pour renforcer leur résilience, le Gouvernement mise sur le développement de modalités de vente alternatives : la livraison ou la récupération des commandes prises par téléphone ou en ligne (le drive ou le click and collect ) restent autorisées pour les produits non inscrits sur la liste des dérogations à la fermeture des commerces. Certaines ventes alternatives sont directement soutenues : l'État prend ainsi en charge les frais d'envoi de livres depuis le 5 novembre et pendant toute la durée du confinement.
Bien avant le reconfinement, le Gouvernement avait engagé une démarche plus structurante pour accompagner la numérisation des petits commerces : dans le cadre de l'initiative France Num, il a lancé en octobre, en coopération avec les régions, une plateforme commune de ressources, proposant notamment des diagnostics gratuits, des actions-formations et l'accès à un réseau d'« activateurs locaux », afin d'accompagner les PME dans cette évolution ; l'État et Bpifrance garantiront par ailleurs des « prêts numériques », à taux modérés, accordés aux entreprises de moins de 50 salariés pour le développement de leurs outils numériques. Le nouveau confinement rend cette numérisation plus nécessaire et urgente que jamais, dans une situation financière également plus complexe. Entendant les difficultés des commerçants, le ministre de l'économie, M. Bruno Le Maire, vient donc d'annoncer que, dès aujourd'hui, les solutions numériques à prix préférentiels existantes seront référencées sur le site Clique‑mon‑commerce.gouv.fr et que chaque commerce fermé administrativement et non encore numérisé pourrait percevoir une aide de 500 € pour sa numérisation.
Le Gouvernement s'est ainsi encore plus massivement que la première fois engagé à soutenir les entreprises, et les commerces de proximité en particulier, dans les épreuves qu'ils traversent. Mais s'il a également fait montre d'une grande réactivité aux problèmes qui ont émergé depuis le début du reconfinement, certains sujets n'en restent pas moins pendants, qui seront décrits par M. Julien Dive, co-rapporteur du groupe de suivi.
Je me réjouis d'avoir pu auditionner les organisations professionnelles et les associations d'élus locaux, qui sont directement en prise avec les problèmes liés à la fermeture des commerces de proximité. Le fait que les grandes surfaces ont été autorisées à vendre des produits que des petits commerces n'étaient plus en mesure de vendre a suscité chez les petits commerçants un sentiment d'inégalité de traitement. La fermeture de certains rayons dans la grande distribution, décidée par le Gouvernement en réaction à ces contestations, a été saluée par les acteurs du petit commerce comme ayant rétabli l'équité entre les acteurs. Il demeure toutefois une grande incompréhension sur l'utilité de la fermeture de magasins qui s'étaient précédemment activement équipés en vue de la protection sanitaire de leurs clients.
Nous recommandons un effort de pédagogie sur les arbitrages réalisés, et notamment la priorité donnée à la limitation des déplacements. Le besoin de préserver l'activité économique doit être expliqué, tout en justifiant aussi en quoi les fermetures de certaines activités s'imposent de manière temporaire. Il est indispensable de donner un horizon, une date ferme et des précisions sur la possibilité de rouvrir, en présentant les critères objectifs qui permettraient la levée des mesures exceptionnelles. Il faut aussi fixer une stratégie claire pour gérer les prochains pics épidémiques, qui seront inévitables tant qu'un vaccin n'a pas été largement distribué.
Les commerçants et professionnels indépendants ont ressenti une dévalorisation du fait de l'application de l'appellation « caractère non essentiel ». Cette présentation cristallise les amertumes et doit être évitée. Par ailleurs, l'acceptation du reconfinement repose aussi sur la mise en œuvre de règles claires, appliquées de manière équivalente sur tout le territoire. Ainsi divers acteurs ont-ils constaté que certaines grandes surfaces ne respectent pas toutes les nouvelles consignes, par exemple en laissant des rayons ouverts qui devraient être fermés. Il a été rapporté que des astuces sont mises en œuvre afin de contourner la fermeture de certains rayons, notamment la mise en place d'un dispositif de « cliquer-retirer » où le client retire à la sortie du magasin un produit qu'il ne peut avoir au rayon.
Il y a des incertitudes sur la résistance économique des acteurs aux sacrifices exigés par le confinement. L'État mobilise de grands moyens pour accompagner les entreprises, mais des problèmes subsistent. Ainsi, en ce qui concerne les locaux professionnels, le crédit d'impôt pourrait-il ne pas constituer le bon levier pour encourager les bailleurs particuliers à renoncer à leur loyer lorsque celui-ci constitue une grande partie de leurs revenus. Il est cependant légitime que les bailleurs participent dans une certaine mesure aux efforts de lutte contre la crise.
Le groupe de suivi a relevé l'existence de difficultés particulières dans les commerces à stock, comme l'habillement, qui ont des paiements à terme. Ces commerces ont réalisé des commandes pour les fêtes de fin d'année, et se retrouvent avec des volumes importants de marchandises qu'ils ne peuvent pas valoriser pour le moment, tout en devant régler les fournisseurs. Si certains appellent à un moratoire sur ces paiements, il faut cependant considérer qu'il est important de ne pas aggraver les retards des paiements pour les fournisseurs, déjà affectés par la crise. En ce qui concerne les établissements financiers, ont été remontées des interrogations sur le manque de réactivité des banques, qui avaient pourtant fait preuve de discernement à l'occasion du premier confinement, par exemple en gelant les prélèvements mensuels sur les prêts d'investissement. L'État doit poursuivre le dialogue avec les banques et les acteurs de l'assurance, qui jouent un rôle essentiel dans l'irrigation financière de l'activité et la prise de risque.
En ce qui concerne le déploiement des systèmes de vente alternative, avant que tous les commerces puissent en bénéficier, il est nécessaire d'avoir des solutions intermédiaires. Des initiatives sont avancées : la Confédération des commerçants de France (CCF) met à la disposition de ses membres une grande plateforme numérique coopérative, et l'Association des petites villes de France (APVF) a mis en œuvre des dispositifs pour faciliter la vente et le paiement. Ce sont des efforts localement importants, insuffisants à l'échelle nationale mais absolument nécessaires. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance a annoncé une aide accordée aux collectivités qui souhaiteraient développer les plateformes locales d' e -commerce en regroupant tous les commerçants de leur territoire ; l'accompagnement de l'État est bienvenu. La CCF a cependant déclaré que les commerçants indépendants préfèrent développer leurs propres sites. La CCF et l'APVF ont aussi proposé une taxation sur les dépôts des géants du e -commerce, afin de financer les projets des petits commerces. La Fédération du commerce et de la distribution (FCD) s'est montrée plus réticente, au motif qu'une telle taxe n'aurait que peu d'impact sur les acteurs étrangers tout en pesant davantage sur les acteurs français. Le Gouvernement craint également qu'une telle taxe obère le développement des acteurs français. En dépit de ces appréhensions, l'opportunité d'une taxe progressive en fonction de la taille des entrepôts numériques doit être étudiée.
Il convient d'insister sur l'urgence qu'il y a à équilibrer les relations entre le commerce physique et le commerce numérique. Les acteurs auditionnés ont exprimé de vives inquiétudes sur la concurrence déloyale du e -commerce. Les uns craignent que les géants du commerce en ligne s'approprient durablement une partie de leur clientèle. Les autres s'inquiètent du développement trop radical des ventes numériques, qui pourrait accélérer la disparition des petits commerces et la désertification des centres-bourgs, minant par-là les efforts menés à l'occasion des politiques de revitalisation.
Parmi les conditions de la survie économique de nos commerces et des artisans, il y a l'esprit de responsabilité de chacun. Les citoyens doivent respecter les recommandations et limiter leurs interactions. Ils peuvent également jouer un rôle dans la défense des commerces de proximité, en privilégiant les offres alternatives ou en reportant leurs achats. Il est important de mener une campagne active de sensibilisation dans ce sens. Pour leur part, les pouvoirs publics ont un devoir d'exemplarité, et la fronde de certains élus est dangereuse en ce qu'elle fragilise la parole publique et le respect de la norme, et brouille le message envoyé aux citoyens. Cependant, la méthode du Gouvernement n'est pas exempte de critiques, et l'APVF, entre autres, a regretté un fonctionnement très prescriptif, là où les préfets auraient pu consulter les maires et promouvoir ainsi la co-responsabilisation.
Enfin, le groupe de suivi souhaite relayer le besoin des acteurs de pouvoir s'appuyer sur une stratégie stable dans la durée, d'avoir de la transparence et un horizon dans les indications du Gouvernement. Cette crise est appelée à durer et exige de passer à un autre stade de la lutte, en concevant des stratégies plus durables qui pourront être activées dans le cas d'un rebond épidémique. Il faut trouver un équilibre dans la protection sanitaire qui préserve l'économie et les emplois de nos territoires : les adaptations en faveur des commerces de proximité sont à étudier, et les acteurs du secteur aussi bien que les élus locaux ont présenté des idées pragmatiques. Le Gouvernement a déclaré ne pas écarter l'hypothèse d'une ouverture progressive des commerces, avec des règles sanitaires renforcées, si toutefois le nombre de contaminations diminue. Il faut davantage de transparence sur les critères et les conditions de la reprise de l'activité commerciale.
Le reconfinement annoncé par le Président de la République le 29 octobre constituait la seule solution plausible face à la deuxième vague de l'épidémie, qui cause actuellement un décès toutes les quatre minutes dans les hôpitaux. Le reconfinement suscitera un ralentissement des contaminations, qui devraient néanmoins, selon l'Institut Pasteur, connaître un pic à la mi-novembre. S'il est nécessaire pour diminuer les interactions entre les personnes, le reconfinement ne doit cependant pas se faire aux dépens des petits commerçants et des artisans. La revitalisation des centres-bourgs et des centres-villes a constitué une priorité du Gouvernement depuis le début du quinquennat, comme l'ont montré les programmes Agenda rural et Action Cœur de ville et la prorogation de zones de revitalisation rurale jusqu'en décembre 2022. C'est pourquoi, par souci d'équité et pour préserver les petits commerces, le Gouvernement a décidé de fermer certains rayons des grandes surfaces après que les petits commerçants ont fait remonter leurs inquiétudes. À l'approche des fêtes de fin d'année, il faut avant tout rester solidaires pour endiguer l'épidémie et « sauver le Père Noël » pour les tout-petits.
La préoccupation concernant la vente en ligne justifie de rétablir le plus rapidement possible un terrain de jeu équitable pour le commerce de proximité. C'est la raison pour laquelle les drive et le retrait en magasin sont encouragés, et un plan de numérisation à destination de 120 000 petites entreprises leur permettra d'obtenir un soutien financier individuel à hauteur de 500 euros pour les aider dans leurs démarches en vue de la numérisation, qui s'ajoutera aux aides attribuées par les chambres de commerce et d'industrie.
Le soutien financier des commerces de proximité se poursuit, avec le maintien du fonds de solidarité et de l'exonération des cotisations sociales. Cette période est difficile pour les petits commerçants et artisans, touchés humainement et financièrement, et justifie une pleine mobilisation du Gouvernement pour leur venir en aide.
Une préoccupation montante concerne les coûts d'amortissement et les difficultés prévisibles pour les remboursements des prêts. Les bilans des entreprises sont dans une situation désastreuse, bien que cette dernière soit encore invisible. Des secteurs entiers sont dans une bonne santé artificielle, et le groupe de travail doit approfondir la problématique de l'endettement dans les auditions à venir. Par ailleurs, les situations sont également hautement contrastées sur le plan territorial, avec des territoires dynamiques tandis que d'autres sont dans une situation préoccupante. Il serait intéressant de faire un inventaire des filières et d'examiner si certains territoires sont plus résilients que d'autres du fait de leur structure économique.
Je partage le constat des rapporteurs, et souligne l'incompréhension et le sentiment d'injustice de nombreux petits commerçants vis-à-vis des mesures adoptées. Des commerces ont été maladroitement désignés comme étant « non essentiels », alors qu'ils servent leurs villes et villages de manière remarquable. Il est étonnant de ne pas pouvoir recevoir quelques clients dans de petits commerces, là où d'autres commerces en accueillent de grands nombres.
J'insiste sur l'importance d'étudier les impacts de cette crise sur le tourisme et je regrette l'absence d'un groupe de travail consacré spécifiquement à ce sujet. Le Gouvernement a mis en œuvre au printemps un plan ambitieux pour soutenir l'activité touristique, même si des carences subsistent. Les commerces qui ne vivent que de l'activité touristique, alors qu'ils peuvent être considérés comme étant de première nécessité, ne sont pas accompagnés. Il y a un risque qu'ils ne puissent faire face à leurs échéances, et perdent toutes leurs économies. Les efforts de toute une vie pourraient être anéantis en quelques mois. Les situations humaines et la fragilité de ce petit commerce justifient une prise en compte spécifique de ses besoins.
Compte tenu de l'impact de la crise sur le secteur touristique, en particulier sur les activités saisonnières, le groupe de suivi devrait très probablement intégrer cette problématique à son programme de travail.
Tout d'abord, je souhaite faire part du sentiment d'incompréhension exprimé par de nombreux petits commerçants sur le terrain, qui n'admettent pas la concurrence déloyale à laquelle ils sont soumis de la part de la grande distribution. À cette occasion, j'insiste pour que des contrôles soient mis en place afin d'obtenir une application uniforme des restrictions. Il est regrettable que ces difficultés surviennent peu de temps avant Noël, ce qui pourrait nuire au caractère festif de cette période. Enfin, j'observe que la fermeture des cafés et restaurants a eu un impact négatif sur les conditions de travail des entreprises artisanales, les ouvriers n'ayant plus la possibilité de s'abriter ou d'effectuer les pauses réglementaires dans un lieu de vie.
S'agissant des aides d'État, dont je reconnais l'importance, elles ne peuvent se substituer à la nécessité d'aider les petits commerçants à conserver leur passion et leur envie de poursuivre leur activité. À cet égard, les mesures de soutien, en particulier le fonds de solidarité réactivé, paraissent souffrir d'un manque de lisibilité, notamment lorsqu'elles se combinent avec des dispositifs mis en place au niveau des collectivités territoriales.
Au titre des perspectives d'évolution à plus ou moins long terme, je constate chez les commerçants une forte envie de mettre au point les solutions les plus adaptées à la reprise d'activité dans un contexte marqué par la recrudescence des épidémies. Au-delà du retrait en magasin (« click and collect »), il paraît possible d'imaginer des dispositifs permettant de concilier l'ouverture du magasin et le respect des impératifs sanitaires (prise de rendez-vous, limitation du nombre de clients en magasin, etc.).
Enfin, sur les questions de fiscalité, la commission des affaires économiques devrait jouer un rôle dans la sensibilisation des consommateurs dans la portée de leurs choix, un achat de proximité ayant plus de retombées fiscales qu'un achat sur une plateforme comme Amazon.
Je suis étonné d'entendre qu'il existe des difficultés, évoquées par M. Philippe Bolo, concernant l'accès des entreprises au fonds de solidarité réactivé. N'hésitez pas à les signaler, si vous en avez connaissance.
Je reviens sur le sentiment d'incompréhension qu'éprouvent beaucoup de Français face à ce qui s'apparente plus à un « demi-confinement » qu'à un véritable confinement. L'application différenciée des restrictions crée des situations absurdes, certains types de magasins – électroménager, par exemple – restant ouverts tandis que d'autres, tels que les commerces de meubles, restent fermés. S'agissant de la restauration routière, contrairement à ce qui avait été annoncé, seuls les centres routiers ont pu rouvrir, et non les relais routiers. Les itinéraires qui ne disposent d'aucun centre routier (Rennes - Caen, par exemple) ne peuvent donc pas offrir d'espaces de restauration.
Des pistes de dématérialisation sont envisagées pour aider les commerçants, mais l'activité commerciale reste, quoi qu'il arrive, centrée sur les notions de contacts physiques et de conseils directs entre un vendeur et un client. Par ailleurs, j'insiste sur la nécessité de réactiver le dispositif « Action Cœur de Ville » et de clarifier la position de l'État sur la limitation des zones commerciales en périphérie. Un dispositif de zone franche destiné aux centres-villes et aux bourgs pourrait être mis en place afin de protéger les commerces de proximité. En outre, je souhaite mettre en avant le rôle essentiel joué par les tribunaux de commerce dans la prévention de la fermeture des petits établissements.
Enfin, je regrette que le Gouvernement n'ait pas tiré profit de la journée fériée du 11 novembre pour imposer la fermeture de tous les commerces sur l'ensemble du territoire, ce qui aurait pu avoir des effets positifs, tant au titre de la lutte contre la pandémie que de la prévention des situations de concurrence déloyale. S'agissant des librairies, je ne comprends pas pourquoi ces commerces, pourtant « essentiels » en ces temps de confinement, n'ont pas été autorisés à rester ouverts.
Compte tenu de la consommation de livres, estimée à une vingtaine d'ouvrages par an pour les gros lecteurs, ces commerces peuvent probablement supporter une fermeture pendant un mois. Je rappelle également la part, somme toute peu significative, qu'occupe Amazon dans le commerce en ligne (20 % selon les rapporteurs du groupe de suivi) : cette plateforme, qui vend des produits français, ne saurait être érigée en bouc émissaire.
Enfin, je m'interroge quant à la situation des santonniers, qui réalisent 80 % de leur chiffre d'affaires sur les mois de novembre et décembre : 30 % d'entre eux pourraient disparaître d'ici la fin de l'année et le mouvement s'accélérera si la profession dans son ensemble n'est pas soutenue tout au long de l'année 2021. Plus globalement, la situation des commerçants dont le chiffre d'affaires est concentré sur la fin de l'année (ventes de fleurs ou d'aliments de fête comme le foie gras, etc.) devrait faire l'objet d'une attention soutenue de la part les pouvoirs publics.
J'estime que cette nouvelle période de confinement risque, en raison même de sa saisonnalité, de rendre les mesures de restriction d'autant moins équitables et acceptables. Outre les métiers d'art, il faut insister sur les difficultés rencontrées par les commerces d'habillement, les magasins de jouets et les bijoutiers. Je me félicite, par ailleurs, de l'évocation des problèmes de stocks par les rapporteurs du groupe de suivi. Au-delà de la mobilisation des banques et des assurances, d'autres dispositifs de soutien doivent être trouvés.
S'agissant du problème des loyers commerciaux, je souhaiterais qu'une solution soit trouvée pour les petits bailleurs. En outre, toutes les entreprises, notamment les plus petites d'entre elles, ne sont pas capables de s'adapter rapidement aux impératifs de la numérisation et il serait donc nécessaire que les réseaux consulaires (chambres de commerce et d'industrie, chambres des métiers de l'artisanat, etc.) soient mobilisés pour les accompagner.
Au titre des perspectives d'évolution à plus long terme, je juge indispensable d'anticiper les effets sur le tissu économique des changements des habitudes de consommation issus de ces périodes de confinement. Enfin, une réflexion sur la fiscalité devrait également être engagée collectivement.
Des réactions des associations commerçantes, il ressort un sentiment de frustration et d'iniquité. Elles ne contestent pas les mesures sanitaires qui ont été prises mais le confinement n'étant pas le même pour tout le monde, les commerçants ont souhaité dire qu'ils étaient là et qu'ils aimeraient continuer à vivre.
Amazon fait partie des entreprises qui ont profité du confinement du mois de mars. Il faut repenser notre manière de travailler avec les plateformes du e -commerce. Amazon est connu pour son non-respect des règles fiscales, sociales et environnementales. Derrière les chiffres et les situations il y a des hommes et des femmes, des étudiants, des intérimaires, des chômeurs mais aussi des auto-entrepreneurs et des artisans. Selon les associations caritatives la crise sanitaire a fait basculer dans la pauvreté 1 million de personnes supplémentaires qui s'ajoutent aux 9,3 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. La situation humaine est dramatique, les mesures annoncées vont certainement aider les petits commerçants et il y a des choses à faire concernant des entreprises comme Amazon pour les taxer, même si cela ne réglera pas le problème.
Beaucoup de choses ont déjà été dites au printemps. Il convient désormais de s'interroger sur les mesures à prendre pour préparer demain.
Premièrement, d'un point de vue pragmatique, le travail qui a été fait par les six groupes de travail de la commission lors du premier confinement a été utile. Reste le problème politique : pour que les règles suscitent l'adhésion de tout le monde il faut qu'elles soient fondées sanitairement et comprises du point de vue de leur logique sanitaire. C'est ce qui a pêché sur la définition des biens « essentiels ». À mes yeux il faut y remédier, y compris par des échanges avec le conseil scientifique, ce qui est d'ailleurs prévu par le projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire.
Le second sujet est celui de la concurrence déloyale et je regrette que, lors de son examen, la majorité se soit contentée de critiquer la proposition de loi instaurant un moratoire sur l'implantation de nouveaux entrepôts logistiques destinés aux opérateurs du commerce en ligne et portant mesures d'urgence pour protéger le commerce de proximité d'une concurrence déloyale, inscrite à l'ordre du jour de la journée réservée au groupe Écologie, Démocratie, Solidarité et présentée en commission des affaires économiques le 1er octobre dernier. Pire encore, le Gouvernement va alléger les impôts locaux d'Amazon. Il y a aussi la problématique de l'application de la loi pendant la période des fêtes et le Black Friday que le législateur avait souhaité interdire dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Il faut prendre le sujet de la concurrence déloyale à bras le corps en rappelant que seulement 4,7 % des ventes sur Amazon sont le fait de petites et moyennes entreprises françaises. À d'autres moments de notre histoire ont existé des impôts sur les bénéfices de guerre : la commission des affaires économiques doit aller au-delà du constat et avancer vers des solutions.
Je voudrais faire un focus sur la situation des acteurs économiques à La Réunion, même si ce territoire n'est pas concerné par le confinement. J'attire votre attention sur l'engagement des compagnies aériennes à maintenir un minimum de vols, sur le fret durant les fêtes de fin d'année, sur l'exportation des productions agricoles, sur le tourisme et sur les mesures d'accompagnement économique qui doivent être territorialisées.
Il existe un manque de fonds propres des entreprises et je propose de transformer le prêt garantit par l'État (PGE) en fonds propres.
Je relève que cette crise devait constituer une opportunité en permettant d'engager une réflexion de fond pour bâtir une fiscalité du commerce plus adaptée aux enjeux du XXIe siècle. Les rapporteurs ont parlé de l'assujettissement des entrepôts à la taxe sur les surfaces commerciales, c'est selon moi une mesure d'équité. Mais on connaît aussi la réticence du Gouvernement à l'appliquer aux géants du e -commerce.
J'appelle à l'application rapide de la suppression de la taxe locale sur les enseignes de publicité extérieure, demande formulée par les professionnels. Enfin, je considère que c'est le moment d'engager les opérations de revitalisation du territoire.
Au-delà du débat sur l'« essentialité » qui, dans de nombreux cas, peut amplifier la colère des petits commerçants, la question de l'équité fiscale revient en permanence. Mme Delphine Batho a évoqué les périodes de guerre : après la première guerre mondiale, les industries bénéficiaires et notamment d'armement avaient été taxées dans un cadre de solidarité pour la Nation. Il faudra réfléchir à la taxation des surfaces d'entrepôts des plateformes du e -commerce.
La démobilisation des banques par rapport au premier confinement doit être dénoncée et je souhaite des propositions sur l'implication des assurances face à ce deuxième confinement et aux difficultés des commerçants.
Je voudrais formuler deux remarques avant de céder la parole aux rapporteurs. Tout d'abord, je souhaite que la commission des affaires économiques travaille de la façon la plus transpartisane possible. Ensuite, j'ai évidemment conscience des limites de l'exercice actuel, dans un contexte où l'essentiel du projet de loi de finances pour 2021 a déjà été examiné devant l'Assemblée nationale. Mais, sur les débats fiscaux, en particulier concernant la taxation des acteurs comme Amazon, je vous invite à déposer des amendements sur les articles non rattachés.
Je salue la qualité du travail transpartisan mené. Il est nécessaire que les secteurs bancaires et assurantiels prennent des risques pour soutenir les entreprises en difficulté. Je m'étonne aussi, comme d'autres collègues, du fait que les commerces puissent rester ouverts ce 11 novembre, dans un contexte où le Gouvernement souhaite que les gens restent chez eux.
J'abonde dans le sens des propos tenus par M. Dominique Potier au sujet des difficultés encore invisibles des entreprises. Ces difficultés risquent de se manifester avec retardement au printemps prochain. Il semble donc important de prêter attention au coût d'amortissement de la crise pour ces acteurs déjà fragilisés. Il convient d'insister sur la nécessité d'une acculturation des Français en matière de pratiques d'achat, en reprenant à notre compte un slogan des années 1980 « Nos emplettes font nos emplois ». Il semble par ailleurs indispensable de trouver un équilibre, avec des protocoles sanitaires renforcés, pour permettre aux commerçants de bénéficier de la période des fêtes de Noël.
Enfin, en conclusion, je souhaite mentionner l'accueil et de la restauration des travailleurs du BTP. Il y a nécessité à trouver des solutions leur permettant de se restaurer le midi et de bénéficier d'un temps de repos le plus confortable possible.
Je souhaite également saluer la qualité du travail effectué dans le cadre du présent groupe. Je rejoins M. Stéphane Travert et le président Roland Lescure sur la nécessité d'un débat sur la fiscalité d'acteurs comme Amazon, tout en soulignant que ce dernier ne doit pas être « l'arbre qui cache la forêt ».
J'adhère également au constat selon lequel le secteur des banques et des assurances doit être pleinement mobilisé dans le cadre de la présente crise.
S'agissant de la situation des petits commerçants, pour qui la demande d'équité fiscale a été, et reste forte, j'insiste pour que l'on évite d'opposer les acteurs entre eux, petits commerces et grandes surfaces, par exemple. Je relève, en outre, que l'U2P formule une demande de territorialisation des mesures, qui doit être prise en compte.
Enfin, le groupe de travail aura un champ d'action qui différera des groupes sectoriels organisés lors du premier confinement dans la mesure où tous les sujets ne peuvent pas être traités simultanément. Ils feront l'objet d'études échelonnées dans le temps. Ainsi, le groupe de travail s'est d'abord penché sur le sujet des commerces de proximité, premiers concernés par le reconfinement, ainsi que sur la question des banques, qui sera traitée sur deux semaines. Seront également abordés les secteurs de l'alimentation – très affecté à l'approche des fêtes de Noël et du nouvel an ou de périodes comme celles du « Beaujolais nouveau » – et du tourisme, à quelques semaines de la saison d'hiver. Des auditions spécifiques seront organisées, auxquelles les députés intéressés par ces sujets pourront être associés, pour interagir avec les acteurs et avec les rapporteurs.
Je remercie les rapporteurs et invite les députés qui auraient des suggestions de thématiques à aborder à se rapprocher d'eux.