Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 10 février 2021 à 15h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La commission des affaires économiques a auditionné, conjointement avec la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, M. Jean-Bernard Lévy, président-directeur général d'EDF.

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Cette audition s'inscrit dans un cycle portant sur le projet de réorganisation de votre entreprise, connu sous le nom de projet Hercule. La commission des affaires économiques et la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire ont déjà entendu Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, qui nous a fait part des difficiles négociations avec la Commission européenne sur la régulation des prix du nucléaire et sur les concessions des barrages hydroélectriques. Les négociations vont se poursuivre et un projet pourrait, d'après la ministre, être examiné d'ici la fin de la législature.

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Lors de son audition, la ministre s'est attachée à lever des inquiétudes suscitées par le projet, qui fait craindre un certain démantèlement de l'opérateur historique dont notre pays dépend étroitement.

Le sujet est vaste puisqu'il s'agit notamment de faire face aux difficultés financières du groupe EDF, de promouvoir la production d'énergies renouvelables et de gérer le vieillissement du parc nucléaire. Je vous cède la parole pour que vous nous fassiez part de votre analyse sur ces sujets et sur les enjeux soulevés par le projet Hercule.

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Jean-Bernard Lévy, président-directeur général d'EDF

EDF a été marquée par le choc de la crise sanitaire. Tous les salariés d'EDF se sont mobilisés – et j'en profite pour leur rendre hommage – pour assurer leurs missions à chaque instant. Les Français n'ont ainsi jamais manqué d'électricité. Les salariés d'ENEDIS se sont aussi mobilisés sur le terrain pour le bon fonctionnement des réseaux. À la mi-mars, nous avions installé cinq mille postes de travail numériques pour que les salariés d'EDF en charge de la relation avec la clientèle puissent répondre depuis chez eux aux personnes qui les appellent. Ces salariés vivent tous en France, contrairement à ceux de beaucoup de nos concurrents. Ils comprenaient donc parfaitement la situation et les enquêtes d'opinion réalisées auprès de nos clients ont fait état d'une très grande satisfaction.

Le confinement et la fermeture des frontières ont aussi perturbé les transports de pièces détachées, mais tout a finalement bien fonctionné. EDF a montré une grande résilience, ce qui nous rappelle que l'électricité fait partie des services essentiels.

Le manque à gagner qu'a provoqué la crise pour le groupe est évalué à deux milliards d'euros de chiffre d'affaires. Le planning de maintenance de notre parc de production a dû être adapté aux circonstances et de nombreux chantiers ont été arrêtés. La production nucléaire a chuté, mais cette chute s'est limitée à un écart négatif de 12 % par rapport à l'objectif initialement fixé pour 2020. La désorganisation de nos travaux se fera sentir pendant deux ans encore. Nous avons donc tout fait pour que le passage de l'hiver soit réussi. La consommation d'électricité est revenue à un niveau normal et, malgré les perturbations créées par la crise sanitaire, l'électricité reste disponible. Réseau de transport d'électricité (RTE) ne fait état d'aucune inquiétude à ce sujet, ce qui nous rassure tous.

Ce contexte nous rappelle les valeurs de l'entreprise, à commencer par la capacité formidable de mobilisation des salariés au service des besoins essentiels du pays. Notre stratégie n'est pas modifiée par la crise sanitaire et nous voulons bien être le champion français et européen de la neutralité carbone. Notre raison d'être est désormais inscrite dans les statuts de l'entreprise. Nous sommes donc engagés à construire un avenir énergétique neutre en CO2, conciliant préservation de la planète, bien-être et développement grâce à l'électricité et à des solutions et des services innovants. Pour rénover leurs logements, les Français peuvent remplacer leurs chaudières fonctionnant aux énergies fossiles par des pompes à chaleur consommant moins d'énergie et n'émettant pratiquement pas de CO2. Les Français peuvent aussi optimiser leur consommation grâce au compteur numérique Linky. Par ailleurs, nous avons à décarboner des sites industriels et à nous positionner sur l'hydrogène bas carbone. Nous avons ainsi pris une participation stratégique dans une entreprise française d'électrolyseurs située dans la Drôme et nous avons créé une filiale pour mettre en œuvre des solutions hydrogène. Enfin, nous sommes très actifs dans le développement de la mobilité électrique. À travers ces offres, nous démontrons que nous sommes l'acteur de référence des deux grands vecteurs de la lutte contre le réchauffement de la planète : l'électricité décarbonée et la sobriété dans la consommation.

Du côté de la production, nous avons acquis une position de leader dans la filière émergente de l'éolien en mer et nous soutenons le développement d'une capacité manufacturière en ce domaine sur le territoire français. Trois usines ont ainsi été construites ou vont l'être à Saint-Nazaire, à Cherbourg et au Havre. Nous rénovons des installations hydrauliques et nous innovons aussi en lançant une grande ferme solaire flottante sur un lac, dans les Hautes-Alpes.

Le nucléaire bénéficie aujourd'hui d'un regain d'intérêt et notre ambition est d'être le leader occidental de ce secteur. Nous remarquons l'intérêt de nombreux pays pour la technologie française. Pour redonner confiance à une filière nucléaire qui a souffert ces dernières années, nous mettons en œuvre le programme de redressement des compétences (Excell) pour que ces dernières soient prêtes le jour où les pouvoirs publics décideront d'engager la construction de nouveaux EPR en France.

À l'international, nous gagnons des appels d'offres dans de nombreux domaines et dans des marchés très concurrentiels. À titre d'exemple, nous installons plusieurs millions de compteurs communicants en Inde et nous alimentons Microsoft et Google aux États-Unis.

Notre conviction est que cette stratégie centrée sur la neutralité carbone est la bonne. Pour autant, nous avons besoin de la réorganisation prévue par le projet Hercule parce que le cœur de notre développement est gravement entravé par le niveau de la dette que nous avons accumulée depuis des années du fait de la régulation encadrée par le mécanisme de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH). Nous avons besoin d'investir pour rester un champion français, européen et mondial.

Le principal enjeu de cette réforme est de mettre fin à l'ARENH, qui a indirectement contribué à faire d'EDF un acteur surendetté. Sans la présence de l'État au capital, nous ne pourrions plus poursuivre notre programme d'investissement car nous avons été dégradés cinq fois par les agences de notation. Nous avons dû céder pour plus de 10 milliards d'euros d'actifs et être recapitalisés à plusieurs reprises. Le mécanisme de l'ARENH est fondé sur la volonté de mettre en place un système déséquilibré, injuste, car il revient à subventionner directement les concurrents d'EDF. Il expose EDF aux prix de vente les plus bas quand les prix du marché sont bas et impose de vendre la production nucléaire à un prix plafonné lorsque les prix de marché sont élevés. Ce prix plafonné, qui n'a pas été réévalué en dix ans, ne couvre pas les coûts du parc de production. Il est donc indispensable de substituer à l'ARENH un mécanisme de régulation plus équitable. Celui-ci doit être stable, symétrique, pérenne et doit bien sûr permettre de rémunérer le parc nucléaire à sa juste valeur. C'est le premier objectif de la réforme. Il est partagé par le Gouvernement, qui négocie les nouvelles modalités de cette régulation avec la Commission européenne. Cette nouvelle régulation nucléaire est nécessaire pour préserver la filière nucléaire française, une pièce essentielle de la stratégie bas carbone du pays.

Le deuxième objectif de la réforme est de donner à EDF les moyens d'investir dans la transition énergétique. Le nucléaire et l'hydraulique resteront pendant longtemps les fondements essentiels de notre mix décarboné, mais chacun voit que la croissance s'effectue principalement par les infrastructures nouvelles d'énergie renouvelable. Il ne faut pas oublier la croissance qui est nécessaire dans notre réseau de distribution. À cet égard, je soulignerai que les investissements d'ENEDIS ont augmenté de 30 % entre 2015 et aujourd'hui. La transition énergétique nécessite aussi des investissements pour résoudre des problèmes tels que la gestion de l'intermittence, qui nécessitera de développer des moyens de stockage. Nous avons aussi à accompagner le développement progressif de la production d'hydrogène bas carbone pour des implications dans l'industrie et dans les transports lourds. Pour accompagner concrètement la décarbonation de notre pays, nous devons être un acteur engagé capable de réaliser des investissements importants. Nous nous devons aussi d'être à l'affût des innovations partout dans le monde.

L'enjeu consiste aussi à éviter le déclassement d'EDF face aux grands groupes européens qui affichent des moyens et des rythmes de développement très supérieurs aux nôtres. Beaucoup de groupes européens qui se sont lancés dans la transition énergétique sans les entraves que nous subissons peuvent annoncer des objectifs à dix ans très supérieurs à ceux que peut envisager EDF dans sa configuration actuelle.

Le troisième objectif stratégique de la réforme est la sécurisation des concessions hydroélectriques. Depuis vingt ans, pèse sur le modèle d'exploitation de nos barrages une menace née de la directive dite « Concessions » de 1998. La mise en concurrence de ces concessions est prévue au moment où elles expirent. Ceci conduirait à démanteler progressivement la cohérence de notre parc hydraulique. Notre perception, qui est largement partagée, est que l'interprétation donnée de la directive européenne de 1998 porte en germe une désoptimisation de la capacité productive de l'hydraulique et un appauvrissement des vallées concernées. Le changement climatique accroît notre préoccupation sur l'importance d'une gestion optimisée de l'eau. Nous voulons préserver et développer l'hydraulique, qui entraîne derrière elle l'activité économique de nombreuses régions.

C'est l'État qui mène les négociations avec la Commission européenne et je me réjouis de la très bonne coordination qui existe entre ce dernier et EDF. Je me permets de vous rappeler les lignes rouges qui ont été fixées en coordination avec EDF.

EDF doit premièrement rester un groupe public intégré, où il n'existe donc qu'une seule stratégie, où les différentes entités coopèrent plutôt que de se faire concurrence. C'est un groupe où les salariés peuvent circuler d'une entité à l'autre pour développer leur potentiel et progresser, où les fonctions mutualisées apportent efficacité, créativité et économies d'échelle. Un groupe intégré conserve, en outre, sa marque propre et le statut des salariés des industries électriques et gazières (IEG) n'est pas remis en cause. Le caractère intégré du groupe EDF est une des clés du succès du modèle énergétique français. Notre positionnement stratégique nous amène à être présents au niveau de tous les maillons de la chaîne de valeur de l'électricité et à couvrir toutes les filières de production ainsi que les services les plus innovants. Ce modèle intégré est un véritable atout pour la France et il doit impérativement être conservé.

Nous devons également garantir que le prix de la future régulation nucléaire couvre correctement nos coûts et rémunère correctement les investissements du parc existant.

Enfin, le groupe EDF doit disposer des moyens de se développer dans tous les métiers de la transition énergétique.

Un accord qui ne répondrait pas à ces objectifs ne serait pas acceptable.

Je reviens ensuite sur les grandes lignes du projet Hercule. Il repose sur une réorganisation du groupe EDF en deux parties complémentaires, jamais concurrentes et bénéficiant chacune d'actifs homogènes et d'objectifs stratégiques clairs. Un premier ensemble que l'on appelle « EDF Bleu » regrouperait la production nucléaire et thermique, la production hydraulique française étant transférée à une quasi-régie détenue par EDF Bleu. La deuxième entité, « EDF Vert », regrouperait la distribution, les services, le commercial, les renouvelables et l'international. EDF Bleu représente le monde de la production centralisée. Le deuxième ensemble regroupe le monde de la production décentralisée.

Au sein d'EDF Bleu, l'enjeu primordial concerne la nouvelle régulation pour le parc nucléaire existant. Le mécanisme retenu devrait prendre la forme d'un prix fixe qui sera accessible à tous les fournisseurs, dans les mêmes conditions. Le niveau du prix devra couvrir les coûts du parc nucléaire existant et les investissements passés et futurs de ce parc.

Nous avons trouvé une voie permettant de protéger notre patrimoine hydraulique. La quasi-régie est une forme de société détenue à 100 % par le secteur public, qui permet une exception au droit européen des concessions. Ce modèle juridique permet la détention totale de la quasi-régie par le groupe intégré EDF. Cette nouvelle organisation donnerait plus de moyens au groupe pour investir et pour accompagner ses clients dans la transition énergétique à travers EDF Vert. Cette dernière bénéficiera de financements propres et pourra se développer beaucoup plus rapidement. La croissance de nos activités dans la transition énergétique nous permettrait de rattraper le retard pris sur plusieurs grands groupes européens.

EDF Vert resterait dans le secteur public et serait détenue très majoritairement par EDF Bleu. Elle devra inclure ENEDIS de façon à avoir un distributeur régulé et puissant d'un côté et des activités renouvelables, commerciales et de service de l'autre côté. Ce modèle de coexistence du distributeur et des activités renouvelables et commerciales est celui retenu par nos grands concurrents européens. Le réseau de distribution est un vecteur essentiel de la transition énergétique. Le rattachement d'ENEDIS à EDF Vert confortera ses missions de service public au bénéfice direct des territoires et en lien étroit avec les autorités concédantes. ENEDIS serait une filiale à 100 % d'EDF Vert. Les mêmes missions de service public garanties par la loi, la même indépendance de gestion et la même péréquation tarifaire seraient maintenues.

Cette réforme est une vraie opportunité de développement pour le groupe EDF. Jusqu'à présent, nous avons visé une capacité renouvelable pour le groupe de 50 gigawatts à l'horizon 2030. Si la réforme Hercule peut se mettre en place, nous pourrons viser le double.

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EDF nous permet de bénéficier d'une énergie électrique toujours disponible, compétitive et parmi les plus décarbonées au monde. Nous devons cela à des femmes et à des hommes qui ont pensé et inscrit le groupe EDF dans un temps long. Ce grand groupe arrive à un moment charnière de son histoire : la fin de l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique en 2025, des objectifs de diversification du mix électrique en 2035, des investissements nécessaires pour conserver sa place sur de nouveaux marchés, des investissements indispensables pour moderniser son parc nucléaire, et un contentieux sur les concessions hydrauliques, qui n'a que trop duré. Ce sont des enjeux qui doivent être relevés par EDF. Il en va du devenir de l'entreprise, des femmes et des hommes qui la composent et de notre souveraineté énergétique.

Le passage en une structure EDF Bleu détenue à 100 % par l'État permettra-t-il de proposer aux consommateurs une énergie électrique compétitive et d'assurer la modernisation de notre parc nucléaire ? En quoi la fin de la mise en concurrence des concessions hydrauliques et donc la mise en place d'EDF Azur détenue à 100 % par EDF Bleu va-t-elle permettre les investissements nécessaires ? Quels types d'investissements seront-ils lancés, et pour quels montants ? Dans quelle mesure la structure EDF Vert sera-t-elle détenue par EDF Bleu ? Quel sera le lien capitalistique entre les deux filiales ? Enfin, comment associerez-vous les salariés du groupe EDF dans cette transformation et nous donnerez-vous l'assurance d'une garantie du service public qui s'y rattache, qui donne à chacun l'accès à une électricité toujours disponible, décarbonée et compétitive ?

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Vous nous avez expliqué qu'il était cohérent de placer ENEDIS au sein d'EDF Vert qui rassemblerait l'énergie décentralisée. La distinction pourrait être critiquée parce que l'éolien ne profite pas au local ; cette énergie est ensuite répartie dans l'ensemble du territoire. La France ne devrait-elle pas plutôt se battre pour modifier la taxonomie européenne, intégrer le nucléaire aux autres énergies décarbonées et cesser cette distinction qui met le nucléaire à part alors qu'il participe à la décarbonation de l'économie ?

Du point de vue du réseau, quelle est la cohérence de la décision qui consiste à laisser RTE du côté d'EDF Bleu et ENEDIS du côté d'EDF Vert alors que la valorisation d'ENEDIS vient d'un monopole légal délégué par des collectivités locales et qu'elle se retrouvera donc dans une structure concurrentielle qui vendra l'électricité et la redistribuera avec un positionnement peut-être compliqué par rapport à ses concurrents ?

Pouvez-vous nous expliquer pourquoi la solution de la quasi-régie n'a pas été évoquée plus tôt et en quoi elle permettrait d'échapper aux règles de la concurrence ?

Mme Barbara Pompili nous a dit que le Gouvernement et EDF réfléchissaient à un plan B permettant de pallier un éventuel échec de la négociation avec la Commission européenne. Pourriez-vous nous décrire les pistes envisagées ?

Enfin, n'aurait-il pas mieux valu sortir du dispositif de l'ARENH sans essayer de le moderniser, quitte à céder sur d'autres points, tels que les tarifs réglementés de vente (TRV), et à garder EDF dans une logique de marché en conformité avec les directives actuelles ?

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Ce projet d'ampleur reçoit l'assentiment du groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés, mais nous interroge également sur plusieurs points.

Comment modifier le système de l'ARENH, qui influe sur le calcul des tarifs réglementés de vente d'électricité, et comment moins peser sur le budget des ménages ? Nous pensons que c'est ici tout l'enjeu de la transition écologique : faire en sorte que le prix de l'électricité ne soit plus dicté par le cours des matières premières fossiles, par le prix du gaz et du carbone alors même que notre électricité serait décarbonée.

Par ailleurs, l'eau est la deuxième source d'énergie en France. Quelles garanties pouvez-vous nous apporter au sujet de la sécurisation des concessions françaises via la quasi-régie ?

Un point attire notre vigilance. L'ouverture du capital d'EDF Vert à hauteur de 35 % au profit de l'actionnariat privé fait craindre que des logiques actionnaires prennent le pas sur celles de l'intérêt général. Comment sécuriserez-vous donc l'actionnariat ?

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Les difficultés principales d'EDF sont liées à une sous-capitalisation et à la sous-rémunération du nucléaire qui découle du mécanisme pervers de l'ARENH. Des fournisseurs alternatifs se trouvant aujourd'hui sur le marché, l'objectif de l'ARENH est atteint. Très peu d'investissements sur les outils de production ont eu lieu. Faut-il donc véritablement maintenir l'ARENH ? Au regard des besoins d'investissement des années à venir, pensez-vous vraiment que la réorganisation Hercule permettra à EDF de disposer de ressources suffisantes, sachant qu'ENEDIS sera majoritairement détenue par la puissance publique ?

Le cadre posé pour élaborer un plan de réorganisation de l'entreprise est tellement enfermé dans les contraintes européennes et dans celles fixées par le Gouvernement que garder un modèle intégré, garantir un prix rémunérateur du nucléaire et sanctuariser l'hydroélectricité dans un domaine totalement public est une équation extrêmement délicate. Elle n'est pas du tout assurée de succès compte tenu des difficultés de négociation avec la Commission européenne. Mme la ministre Barbara Pompili nous a d'ailleurs indiqué avoir engagé une réflexion sur un plan B. En connaissez-vous les pistes et quel serait votre plan B ?

Enfin, les salariés sont très attachés à l'image de service public de l'entreprise et ils doivent, comme les parlementaires, être associés à la réforme. Selon vous, une entreprise à mission pourrait-elle être une piste de réforme dans le cadre du plan B ?

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Le 25 janvier, l'action d'EDF a dévissé de 18 % à la suite de la parution d'un article relatant les tensions avec Bruxelles au sujet du projet Hercule. C'est dire s'il existe un besoin de pédagogie autour de ce projet. J'ai un préjugé favorable vis-à-vis de ce dernier parce que les enjeux du nucléaire sont tels qu'il faut adosser l'opérateur EDF à l'État français, parce que la distribution a tout à gagner à s'ouvrir au monde de la concurrence et parce que le développement des énergies renouvelables nécessite une impulsion très forte d'EDF, qui ne peut être produite dans la structure actuelle de l'entreprise.

L'une des difficultés dans les discussions avec la Commission européenne concernait l'ARENH. Existe-t-il d'autres points qui font débat ?

Le transport de l'électricité est très important car cette énergie ne peut guère être stockée. Le modèle économique de RTE doit évoluer et nous avons auditionné plusieurs dirigeants de RTE à ce propos parce qu'il ne s'agit plus seulement de transporter l'électricité. Que pouvez-vous nous dire sur ce point ?

Le Rhin est un fleuve riche en hydroélectricité et il est pour partie partagé avec l'Allemagne. En quoi cela peut-il influer sur le projet de quasi-régie ? Cette structure aura-t-elle d'autres relations que celles actuelles avec les collectivités riveraines ?

À propos de la déconstruction de Fessenheim, vous nous aviez parlé d'un projet de centre franco-allemand de déconstruction et de traitement des déchets d'installations nucléaires. Ce projet a-t-il évolué depuis notre dernière rencontre ?

Enfin, Mme la ministre Barbara Pompili nous dit que le Brexit n'aurait aucun impact sur le projet Hinkley Point. Comment avez-vous donc fait pour le sécuriser ?

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Le projet Hercule nous inquiète. Nous craignons en premier lieu une perte d'efficacité d'EDF en raison de la séparation de ses différentes entités. Une industrie en réseau nécessite un rééquilibrage permanent et gagne à mutualiser ses compétences et ses services. Le projet Hercule s'attaque précisément à ces synergies vertueuses. Ne craignez-vous pas que l'activité d'EDF perde en qualité et sacrifie l'intégration du groupe ainsi que la péréquation tarifaire ?

Je répète notre attachement au statut des salariés des IEG. Ne pensez-vous pas que le contexte de concurrence accrue induit par le projet Hercule portera préjudice au maintien sur le long terme d'un statut particulier et à ses spécificités ? Certains redoutent une privatisation des réseaux et une remise en cause du monopole de distribution d'ENEDIS si les capitaux privés étaient amenés à croître au sein d'EDF Vert et des syndicats départementaux d'énergie chargés de l'entretien des réseaux.

Au-delà d'une augmentation du tarif de l'ARENH, quelles sont vos propositions pour refonder le dispositif ? Êtes-vous favorable à la mise en œuvre d'un service d'intérêt économique général européen qui tienne compte de l'ensemble des services apportés par le nucléaire français ? Sinon, quel serait votre plan B ?

Par ailleurs, la piste de la quasi-régie, préférable à une libéralisation du secteur, ne répond pas à toutes les préoccupations. Se pose également la question de la vente de l'énergie produite. Sera-t-elle soumise aux fluctuations du prix du marché et qu'adviendra-t-il des sites nucléaires qui ont besoin de l'hydraulique pour refroidir les réacteurs ?

Pouvez-vous enfin me dire quelques mots sur les opérations de grand carénage ? Les délais seront-ils tenus compte tenu de la crise de la covid-19 et des difficultés ont-elles été identifiées par rapport aux emplois et aux compétences ?

Enfin, pouvez-vous nous éclairer sur les mesures visant à favoriser le dialogue social au sein du groupe afin d'éviter que la situation s'envenime ?

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Où en est-on des négociations à Bruxelles sur la réforme de l'ARENH ? Quels sont les points d'achoppement qui paraissent particulièrement tendus ? Le Gouvernement a démenti le fait que la Présidente de la Commission européenne ait demandé six mois de négociation à la France. Nous le confirmez-vous et est-il envisageable que cette réforme soit menée à bien avant la fin du quinquennat ?

En attendant, pourriez-vous nous dire combien ces incertitudes ont coûté à EDF ? Avez-vous instauré un dialogue avec vos représentants du personnel ? Il semble en effet que la concertation ait fait cruellement défaut depuis le lancement de ce dossier. Les parlementaires eux-mêmes ont été tenus à l'écart durant des mois. Comment expliquez-vous l'absence de mise en place de concertation avec les associations représentatives des autorités organisatrices de la distribution d'électricité ? Quid de la place qui serait laissée aux autorités locales si le projet Hercule aboutissait ? Quel serait l'impact sur la qualité du service assuré aujourd'hui à nos concitoyens ? Quelle incidence le projet Hercule aura-t-il sur le prix de l'électricité ? Ne court-on pas encore le risque d'une augmentation importante du coût de l'électricité et d'un nouveau creusement des inégalités entre territoires ? Les ruraux ne risquent-ils pas de payer plus que les urbains ?

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Il y a quelques années, je travaillais comme conseiller clientèle à EDF. Ma place est donc privilégiée pour apprécier le caractère absurde de l'ouverture à la concurrence, ses effets délétères et les pratiques commerciales plus que douteuses des concurrents d'EDF. Je me suis retrouvé une fois interrogé par un client boulanger sur le dispositif de l'ARENH et je lui ai résumé les choses ainsi : « Monsieur, c'est comme si vous produisiez votre pain et aviez investi dans votre équipement et comme si, en vertu de la concurrence, la Commission européenne vous imposait de donner une part de votre production de pain à un boulanger ne disposant pas de fournil. » C'est donc absurde.

Du point de vue du citoyen, quelle justification y a-t-il aujourd'hui au projet Hercule et, plus globalement, à la poursuite de la libéralisation du secteur ? La promesse initiale était celle d'une baisse des prix. Force est de constater que plus personne n'y croit désormais. Une autre promesse, celle de favoriser l'innovation, est démentie par les faits. On a le sentiment que tout cela est uniquement fait pour satisfaire les exigences de la Commission européenne, qui nous paraissent à rebours de l'intérêt général.

Êtes-vous d'accord avec nous pour dire que le système le plus efficace et le moins coûteux est le système public intégré ? EDF a-t-elle chiffré le coût de la désoptimisation induite par la séparation des différentes filières de production ? Que deviendra la recherche et développement d'EDF avec Hercule ? Le renoncement à la mise en concurrence des concessions est-il acté ? La Commission européenne et le Gouvernement insistent sur la nécessité de séparer le pôle nucléaire des autres activités d'EDF au prétexte que la mise en place d'un prix de vente réglementé du nucléaire pourrait être assimilée à une aide d'État. Pourtant, on sait que ce prix de vente serait calculé sur la base du coût de production et qu'EDF ne serait donc pas particulièrement aidée. ENEDIS bénéficie, elle aussi, d'un prix réglementé de vente au travers du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE). Pourquoi connaîtrait-elle donc un traitement différent en se trouvant dans le pôle EDF Vert ? Pourquoi faire appel à l'investissement privé alors que le recours à l'investissement public serait beaucoup moins coûteux pour la collectivité ? On imagine que la différence de coût du capital aura un impact majeur sur le coût final de l'électricité.

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L'énergie est un bien de première nécessité et il convient de veiller à son accès, notamment pour les plus précaires. Ne croyez-vous pas qu'il serait urgent, plutôt que de démanteler EDF, de réfléchir à dresser un bilan des vingt ans de libéralisation du secteur de l'énergie et notamment des conséquences que cette libéralisation a eues sur le tarif de l'énergie ?

Comment un homme intelligent comme vous peut-il considérer qu'il a raison, seul contre tous ? Les organisations syndicales sont opposées à ce projet et le spectre large de l'opposition dit qu'Hercule est un colosse aux pieds d'argile. Je partage votre avis : l'ARENH est le virus de la rage que l'on a inoculé à EDF pour affaiblir le groupe. L'enjeu n'est-il pas de réformer l'ARENH et de faire en sorte que l'énergie soit considérée comme un service public d'intérêt général ? Ce serait peut-être un pas vers une renationalisation du secteur de l'énergie. Que répondez-vous aux associations de collectivités locales face à leurs inquiétudes ? L'ouverture du capital d'EDF Vert va-t-elle conduire les actionnaires privés à s'inscrire dans une logique de rentabilité à court terme qui risque de fragiliser les investissements d'ENEDIS et l'accès au réseau ?

Hercule, je le souhaite, ne va pas aboutir. Sur quoi les négociations à l'échelle européenne bloquent-elles ? Avez-vous un plan B ? Celui-ci ne pourrait-il pas résider dans une recapitalisation par l'État, dans la transformation de la société anonyme (SA) en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) et en retrouvant la voie de ceux qui, à la Libération, avaient considéré que ce bien commun devait faire l'objet d'un contrôle par la Nation parce qu'il posait des questions d'accès à un bien de première nécessité et qu'il posait des questions de souveraineté industrielle, de souveraineté énergétique ? Je crois que la crise a révélé qu'un État stratège devait ne pas abandonner ces deux notions.

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Jean-Bernard Lévy, président-directeur général d'EDF

L'une des difficultés du projet consiste à essayer de concilier un grand nombre des principes que vous avez rappelés avec les textes. L'État français et EDF estiment que ce projet est compatible avec les textes en vigueur. Mais les négociations sont difficiles, ce qui veut dire que la commission de Bruxelles ne partage pas la manière dont l'État français et EDF estiment qu'il faut mettre ces textes en œuvre. Ce sur quoi bloquent les négociations, ce n'est pas sur l'idée qu'il faudrait remettre en cause ce qui a été fait par soixante ans de construction européenne, trente-cinq ans d'Acte unique et plus de vingt ans de libéralisation du marché de l'électricité. Elles bloquent sur la manière dont sont mis en œuvre les textes fondateurs de l'Union européenne. Nous pouvons appliquer de façon intelligente ces textes tout en veillant à conserver un certain nombre de principes, qui sont pour nous essentiels et sur lesquels l'État français et moi ne transigerons pas.

J'entends ceux qui s'inquiètent, ceux qui manifestent, ceux qui ne participent plus aux instances de dialogue social tant qu'ils ne seront pas certains de ce qu'il se passera. Vous ne trouverez aucune déclaration dans laquelle les responsables politiques et le chef d'entreprise que je suis se sont écartés d'un certain nombre de principes. Nous nous battons de façon intense et coordonnée pour résoudre cette équation délicate et pour mettre en œuvre une réponse juridiquement stable et adaptée à notre besoin. Il n'y aura aucune privatisation. Il n'y aura aucun abandon de souveraineté puisqu'au contraire, nous écarterons la menace de voir des concessions qui ne soient plus exploitées dans le système hydroélectrique d'EDF. C'est donc plutôt un renforcement de notre souveraineté et du contrôle par la Nation.

En matière de structuration, nous avons étudié de nombreuses solutions, mais je n'en ai pas trouvé de meilleure que celle sur laquelle nous avons travaillé avec l'État, grâce à laquelle seraient protégés, préservés et peut-être inscrits dans la loi des sujets aussi importants que la détention capitalistique, la péréquation tarifaire et le rôle d'ENEDIS dans la distribution.

La mission qui m'a été confiée consistait à préparer une réforme portée par le Gouvernement, qui mettrait fin à l'ARENH et qui respecterait un certain nombre de ses principes. Une telle réforme ne se prépare pas dans le silence et dans le secret, mais, dès lors qu'il existe une négociation, il paraît naturel de ne pas arriver en mettant sur la table l'ensemble des données du problème. Tout au long des deux dernières années, la qualité du dialogue a évidemment dépendu des points qui nous paraissaient acquis et de ceux qui étaient encore en discussion.

S'agissant du dialogue avec les parlementaires, je suis déjà venu vous exposer les principes de la réforme fin 2019. Avec les organisations qui représentent les salariés au sein d'EDF, nous avons maintenu un dialogue permanent dès lors qu'elles l'ont bien voulu. Enfin, nous avons fait part à nos interlocuteurs des avancées dans la négociation lorsqu'elles nous paraissaient suffisamment claires et définitives. Lorsque nous avons estimé que le sujet de la quasi-régie était suffisamment avancé pour en faire état, nous l'avons rapidement fait pour démontrer que la négociation progressait. Monsieur Aubert, nous avons en effet découvert depuis peu la quasi-régie puisqu'elle est prévue par une directive très récente qui, pour l'instant, n'a été utilisée qu'une seule fois en France, par l'État, dans une autre activité. De la même manière, alors que nous avions plutôt assuré la promotion jusqu'à présent d'un prix pour la production nucléaire établi à l'intérieur de ce fameux « corridor », dès lors que la Commission nous a dit qu'elle préférait un prix fixe, nous en avons pris acte et avons diffusé cette information. Nous essayons de multiplier le dialogue, mais nous ne voulons pas que cette volonté affaiblisse nos positions, rende l'opération infaisable et signifie l'arrêt du projet de remplacement de l'ARENH.

L'ARENH est au cœur du sujet. Son prix est un enjeu essentiel puisque, pour EDF, il en va de la possibilité de se faire correctement rémunérer pour ses investissements passés et à venir sur le parc nucléaire. Les questions qui touchent aux conditions juridiques dans lesquelles pourrait s'exercer la régulation – dont je souligne qu'il s'agit d'une aide d'État – font aussi l'objet de discussions. Le troisième grand chapitre sur lequel portent les débats est celui de la gouvernance. Elle régit les relations entre les différentes parties d'EDF et s'apparente au thème du groupe intégré.

En ce qui concerne les liens capitalistiques, il est prévu qu'EDF Bleu détienne une large majorité du capital d'EDF Vert. J'ai eu l'occasion de proposer que le taux qui figure aujourd'hui dans la loi, de 30 % de détention d'EDF par des actionnaires tiers, soit retenu sur la part de capital qui pourrait ne pas être détenue par le secteur public dans la société EDF Vert. Je ne crois pas que le Gouvernement ait pris position sur ce sujet.

Les investissements qui sont permis par la réforme sont essentiels. Ils permettraient à EDF de jouer tout son rôle dans la transition énergétique. Je vous donnais l'exemple frappant du doublement du parc renouvelable que nous pourrions viser à l'horizon de 2030. Il s'agit de sommes importantes, qui sont de l'ordre de 15 à 20 milliards d'euros additionnels sur la période, et qui feraient beaucoup de bien à l'économie française.

Nous menons la bataille pour la taxonomie du nucléaire avec d'autres électriciens européens et je serais très heureux que des parlementaires et des partis français et européens se joignent à nous dans cette bataille. Nous espérons pouvoir compter sur toutes les forces qui croient au nucléaire dans la durée pour refuser cette aberration qu'est le projet de taxonomie, qui pourrait amener à ne construire au sein de l'Europe des vingt-sept que des centrales nucléaires d'origine extra-européenne.

En ce qui concerne la formation des tarifs réglementés, Mme Tuffnell a très justement insisté sur le couplage actuel entre le prix du TRV et la volatilité des matières premières fossiles. Votre analyse est exacte : si la réforme voit le jour, nous allons découpler le prix du TRV – en tout cas la composante « production » à l'intérieur du TRV – de la volatilité des matières premières et faire en sorte que ce prix reflète bien davantage le prix de la production nucléaire française et bien moins le prix des matières premières telles qu'elles s'échangent sur les marchés. Le remplacement de l'ARENH aurait donc des vertus de stabilisation et de moindre volatilité du prix. Les modes de calcul et les principes du TRV ne seraient pas modifiés.

Je salue le soutien que M. Quatennens a apporté à notre production nucléaire. Il faut faire reconnaître l'importance pour la France et pour l'Europe de ce parc nucléaire dans l'avenir décarboné, ainsi que le fait que la France soit d'ores et déjà l'un des meilleurs élèves en matière de contenu carbone de son électricité. Monsieur Quatennens, en abordant ce sujet, vous êtes au cœur de ce que nous cherchons à préserver : la compétitivité, puisque les prix français sont plus bas que ceux des pays voisins ; l'emploi, puisque le nucléaire est à la source de 220 000 emplois en France ; et la faiblesse des émissions de carbone.

La recherche et développement d'EDF se trouve dans une situation difficile puisque les contraintes qui pèsent dans notre compte d'exploitation du fait de l'ARENH nous ont imposé de réduire nos ambitions dans certains domaines. Si la réforme voit le jour, le groupe disposera d'opportunités plus nombreuses. Cette activité est une caractéristique très forte d'EDF, j'y tiens beaucoup et j'essaye de la préserver malgré les difficultés.

De nombreux chantiers du Grand carénage ont été arrêtés du fait de la crise de la covid-19, mais les grands objectifs de ce programme ne sont en rien changés. Nous dépensons un peu plus de 4 milliards d'euros par an pour prolonger la durée de vie de nos centrales nucléaires et pour améliorer leur niveau de sûreté. Certains programmes, lancés il y a quelques années, sont achevés et le Grand carénage se déroule conformément à nos objectifs.

Aucun changement n'y est prévu en ce qui concerne la nature des concessions sur le Rhin. Il n'est pas non plus prévu de modifier les règles en matière d'autoconsommation. L'autoconsommation est en effet un moyen important d'associer les Français à la politique de décarbonation et nous en faisons la promotion.

Un pas important a été fait ces derniers mois en ce qui concerne la possibilité de créer un technocentre à Fessenheim. À l'occasion du plan de relance, le projet de technocentre a été cité. S'agissant des conditions de fonctionnement et des débouchés, il y a aujourd'hui en discussion un projet de mise en œuvre en France, comme dans la quasi-totalité des pays européens, d'un seuil de libération qui permettrait aux produits issus du technocentre d'être commercialisés à nouveau dès lors que leur radioactivité serait inférieure à un seuil lui-même inférieur à la radioactivité naturelle.

En conclusion, il me paraît évident que, si les discussions avec la Commission européenne avancent et se concluent, il faudra une grande campagne d'explication du Gouvernement et de l'entreprise EDF auprès de leurs parties prenantes. Je voudrais en particulier rassurer les autorités concédantes qui s'inquiètent – de façon totalement infondée, à mes yeux – d'une réforme qui, en fait, ne va rien changer. Je leur dirais même que c'est le statu quo qui me paraît dangereux parce que la protection d'ENEDIS dans une EDF affaiblie serait bien moins bonne que si EDF était renforcée.

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La réforme doit-elle permettre à EDF de financer durablement le nucléaire et donc la sécurité des installations ? Pourquoi EDF assumerait-elle seule le risque industriel de production d'électricité de masse en continuant de vendre un volume grandissant à ses concurrents et à un prix garanti ? Si les concessions des barrages sont ouvertes à la concurrence, quelles obligations de service public doivent-elles être intégrées dans le contrat de concession ?

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En novembre 2019, vous indiquiez qu'en aucun cas il ne faudrait scinder le groupe. Le projet Hercule est-il toujours en adéquation avec votre déclaration ? Nous ne pouvons nous empêcher de constater qu'il s'agit d'un projet uniquement financier organisé pour nationaliser les pertes et privatiser les profits. J'ai tendance à croire que ce projet va à la fois porter atteinte au portefeuille de nos concitoyens et renforcer leur dépendance énergétique. Rappelons en effet que cette opération n'est possible qu'en cas d'augmentation des prix de l'ARENH de 42 euros le mégawattheure à 48, voire 53 euros. À ce propos, pouvez-vous indiquer l'état des négociations ?

Investir sur le renouvelable est essentiel. Le faire contre une énergie déjà décarbonée et pilotable me semble risqué, surtout lorsque votre groupe possède un avantage certain dans le domaine. Comme justifierez-vous auprès des Français une augmentation de leurs factures pour rendre leur électricité moins émettrice de CO2 ?

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EDF a à faire face à plusieurs enjeux qui sont relatifs au maintien du parc existant, au Grand carénage, aux investissements dans de nouveaux réacteurs de type EPR et au démantèlement des réacteurs anciens. Aujourd'hui, l'abondement du dispositif ARENH permettrait de couvrir une partie des investissements, mais cela serait-il suffisant ? Si ce n'était pas le cas, quel serait l'impact en termes de tarification pour les utilisateurs ? Quel serait le coût qui serait éventuellement couvert par le contribuable ?

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Où en sont les recherches sur le recyclage et la diminution éventuelle des déchets radioactifs liés à la production d'électricité de type nucléaire ? En quoi le plan prévu pour EDF agira-t-il concrètement dans le sens des engagements pris par la France lors de l'accord de Paris ?

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À entendre les partenaires sociaux de l'entreprise, il n'y a pas encore eu de véritables échanges entre la direction d'EDF et les syndicats à propos du projet Hercule. Pouvez-vous nous confirmer cette information ? Si c'est le cas, prévoyez-vous d'organiser rapidement une réunion de ce type ?

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Sur quelle simulation d'évolution de la courbe de consommation d'électricité en France le projet Hercule a-t-il été bâti ? Nous avons dans le bassin Rhône-Méditerranée 65 % de l'hydroélectricité française. Plus que tous les autres territoires, nous souhaitons vraiment que le projet de quasi-régie aboutisse pour que soit préservée la meilleure utilisation des 7 milliards de mètres cubes d'eau douce stockés dans les grands barrages français, qui représentent un véritable multiusage de l'eau dans notre pays.

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Dans les années 2000, la filière nucléaire française s'est lancée dans la conception d'un nouveau modèle nucléaire avec le réacteur EPR. Ce projet avait pour objectif de renouveler le parc nucléaire français, mais aussi de proposer à nos partenaires européens et étrangers une vente clé en main. Le lancement peut-être précipité des chantiers des deux premiers EPR a conduit à sous-estimer les difficultés et les coûts de construction, qui ont dérivé. La Cour des comptes a demandé un retour d'expérience sur cette démarche avant toute décision de construction de nouvelles générations, y compris à l'export. Pourtant, il est indéniable que l'exportation de notre savoir-faire en la matière sera indispensable pour maintenir à flot la filière nucléaire française. La Pologne a par exemple ouvert un appel d'offres pour la construction de six réacteurs nucléaires, pour un montant de 34 milliards d'euros. L'avantage dont dispose EDF est sa capacité à prendre en charge ce type de projet dans son entièreté. À ce stade des discussions, quelles seraient, selon vous, les conséquences du projet Hercule sur notre capacité à exporter notre expertise nucléaire ? L'éventuelle scission du groupe n'entravera-t-elle pas notre capacité à proposer des offres couplées à nos partenaires ? Enfin, comment pourrions-nous assurer une stratégie commune et unifiée s'agissant des activités internationales des trois entités d'EDF ?

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Ma première question porte sur votre vision du rôle des gestionnaires de réseaux et notamment d'ENEDIS dans la transition énergétique à un moment où la transition doit s'inscrire dans les territoires. Ces gestionnaires ne doivent-ils pas jouer un rôle stratégique renforcé dans la gouvernance et devenir les premiers ambassadeurs de la transition dans tous les territoires en exploitant pleinement leur position d'interface entre les échelles nationales et locales ? Un tel rôle stratégique est-il compatible avec leur place dans EDF Vert ?

Un prix de 42 euros le mégawattheure, bien inférieur au prix de production, n'envoie-t-il pas un signal contradictoire en donnant le sentiment que le prix de l'électricité est plus bas qu'il n'est effectivement et ne pénalise-t-il pas les économies d'énergie en rendant les travaux moins compétitifs et le temps de retour sur investissement plus long ? Ne faudrait-il pas rétablir un prix plus transparent de l'électricité en le rapprochant de son coût de production et assumer en parallèle une politique plus lisible et plus ciblée de soutien social pour les plus fragiles de nos concitoyens et de soutien à la compétitivité pour nos entreprises les plus petites ou les plus vertueuses ?

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Je souhaiterais que vous soyez plus précis sur les sommes que vous souhaitez mettre sur la table pour redynamiser le territoire après la fermeture de Fessenheim.

Par ailleurs, la concession hydroélectrique du site du lac Noir, dans le Haut-Rhin, est à l'arrêt depuis 2012. L'usine détruite ne sera pas reconstruite, ce qui représente une perte annuelle significative pour les collectivités du territoire. Une indemnisation est prévue, mais pour une durée de sept ans, alors que la convention initiale avait été conclue pour cinquante ans. Avez-vous une solution à cette situation, qui n'est pas gérable pour les communes ?

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Dans le cadre du projet Hercule, la branche hydroélectrique devrait être filialisée, et ce sans bénéficier du statut protecteur de service d'intérêt économique général. Elle serait placée au sein d'EDF Azur et deviendrait alors un producteur d'électricité à part entière. Ces modifications pourraient avoir un impact régional très direct. La privatisation de l'exploitation des barrages hydroélectriques les ferait tomber dans le domaine du champ concurrentiel. Cela suscite une opposition, voire une crainte de la part de nombreux élus en Corse puisque l'énergie hydroélectrique est au cœur des enjeux sociaux, énergétiques et environnementaux de l'île.

À l'heure du réchauffement climatique, l'eau est un bien universel dont la gestion est plus que jamais capitale. Quid de l'avenir de biens communs aussi importants pour nos territoires que les barrages hydroélectriques ?

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Je voudrais vous remercier pour vos propos introductifs et saluer à travers vous l'ensemble des hommes et des femmes qui œuvrent quotidiennement à la gestion et au développement de notre électricien historique.

Dans l'hypothèse où les négociations sur le projet Hercule n'aboutiraient pas, le statu quo pourrait avoir des conséquences très délicates pour votre groupe. Comment abordez-vous l'éventualité de ce statu quo ?

Je salue par ailleurs les services de recherche et développement de votre groupe. Pouvez-vous nous préciser la stratégie d'EDF pour développer des activités innovantes et les éventuelles conséquences du projet Hercule en la matière ?

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Jean-Bernard Lévy, président-directeur général d'EDF

Je demande très respectueusement à M. Adam s'il croit vraiment que, lorsque l'entreprise dit qu'elle a multiplié les contacts avec les organisations syndicales depuis deux ans, celles-ci peuvent sincèrement expliquer qu'il n'y a pas eu de dialogue social. Je comprends que le militantisme appelle quelques fois à des réactions un peu vives et à des discours un peu simplistes, mais la direction générale d'EDF et de nombreux collaborateurs en charge de ces sujets engagent des échanges avec les organisations syndicales depuis que le Président de la République m'a demandé de préparer une réforme. De la même manière, nous avons porté auprès des cadres et des salariés en général les grands enjeux de la réforme. Ce dialogue est toutefois interrompu depuis deux mois, ce qui n'est évidemment pas du fait de la direction générale d'EDF. Je n'ai cessé de rappeler à nos interlocuteurs que notre porte restait ouverte pour parler de cette réforme et de toute alternative qu'ils pourraient proposer. Le dialogue social est indispensable à la bonne marche des opérations industrielles et du système public de l'électricité. J'espère donc qu'il pourra continuer.

Mme Bouchet Bellecourt nous a parlé de scission et de démantèlement. Je lui dirais très respectueusement que j'ai passé beaucoup de temps à décrire le groupe intégré que nous essayons de construire. « Groupe intégré » ne signifie pas « groupe uniforme. » Ce n'est pas un groupe dans lequel tous les salariés font la même chose. Il s'agit d'adapter l'organisation d'EDF à une régulation qui va changer tout en restant conforme aux règles de l'Union européenne. Nous essayons de construire un groupe intégré qui sera un peu différent du groupe que nous connaissons.

EDF a déjà connu des réformes importantes. RTE, qui était un simple département d'EDF il y a une vingtaine d'années, est aujourd'hui devenu une société totalement indépendante parce que des directives européennes nous ont imposé une séparation très forte entre EDF et RTE. Nous avons pendant longtemps été un EPIC, mais cela n'était plus possible, l'Union européenne ayant décidé une mise en concurrence dans le domaine de l'énergie. Nous sommes devenus une société cotée, mais, malgré cela, le service public a continué à fonctionner de manière remarquable, les agents ont conservé le statut des IEG, les territoires d'outre-mer bénéficient de la péréquation tarifaire et la réforme que nous essayons de construire ne change en rien la manière dont les systèmes énergétiques insulaires fonctionneront dans les territoires éloignés de l'hexagone. Cette réforme est difficile, mais elle garde intactes de très nombreuses caractéristiques du groupe. Je dirais même qu'elle renforce ENEDIS et les concessions hydroélectriques car elle fait échapper ces dernières à la menace d'une mise en concurrence qui dénaturerait profondément le parc hydroélectrique français.

Inversement, il y a des activités qui changeraient significativement si la réforme aboutissait. Il s'agirait essentiellement de la manière dont la production nucléaire est commercialisée en France. C'est le cœur des négociations, de la réforme de l'ARENH et de la réforme économique qui doit permettre à EDF d'être rémunérée à un prix convenable.

Par ailleurs, s'agissant de l'EPR et de ses capacités d'exportation, nous sommes observés par de nombreux pays. Nos interlocuteurs nous expliquent qu'il existe en réalité deux options pour doter la Pologne de six réacteurs nucléaires : l'option américaine et l'option française. Il est clair que les décisions qui seront prises sur l'organisation d'EDF, sur ses moyens et sur sa pérennité en matière de gestion du parc nucléaire, mais aussi les décisions qui seront prises par l'État français concernant la construction de nouveaux EPR auront un impact considérable sur la commande de la Pologne. Si nous parvenons à adopter une réforme qui donne un nouvel élan à EDF et qui lui permette de soutenir l'ensemble de ses programmes d'investissement et la continuité du programme nucléaire, nous renforcerons nos chances d'exporter des EPR. Cela représenterait des dizaines de milliers d'emplois pendant plusieurs années pour la France.

Les courbes de consommation sont un sujet intéressant et important. Le Gouvernement, l'État et les différents experts se sont attachés à fixer un cap pour la consommation d'électricité à l'horizon 2035 et 2050. Ce cap doit guider nos efforts pour répondre à la demande. La consommation d'électricité est amenée à augmenter de 20 % d'ici vingt ans. Les logements qui se chauffent aujourd'hui avec des combustibles fossiles passeront en effet progressivement à des systèmes électriques et nous aurons autour de nous un plus grand nombre de véhicules électriques ou à hydrogène.

Nous travaillons sur la question des déchets. Nous sommes évidemment très investis dans le projet Cigéo, qui va progressivement se concrétiser par l'installation d'une usine d'enfouissement des déchets de haute activité dans l'est de la France. Nous travaillons aussi – et c'est principalement le rôle du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) – sur d'autres solutions de plus long terme qui permettraient de réutiliser les déchets hautement radioactifs dans de nouveaux réacteurs. Différents projets ont vu le jour, y compris en France, et nous accompagnons avec nos propres moyens les efforts de la recherche publique dans ce domaine.

M. Hemedinger me parlait du lac Noir. À notre connaissance, le ministère chargé de l'énergie prépare un dossier pour voir si cette concession pourrait renaître à travers un appel d'offres et une nouvelle organisation de la gestion de l'eau.

M. Colas-Roy m'a interrogé sur le statu quo et sur la stratégie d'innovation. Le statu quo est ce qu'EDF connaît depuis des années. Néanmoins, nous avons la volonté d'innover, d'être présents sur toutes les technologies de l'avenir et de continuer à attirer des spécialistes de différents domaines pour nous accompagner dans la transition énergétique, dans les grandes mutations, dans le développement de nos technologies, mais aussi dans les usages des énergies par les territoires, par les communautés humaines, par les entreprises. Nous nous efforçons de préserver cette stratégie d'innovation, à laquelle je tiens beaucoup. La réforme nous donnera vraisemblablement plus de moyens économiques pour jouer un rôle plus important et plus facile à planifier, pour mener des stratégies d'innovation dans la durée et pour que notre pays puisse trouver en EDF un socle en matière d'innovation.

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J'avoue, à titre personnel, que les Bretons seront peut-être soulagés de découvrir la quasi-régie pour le barrage de la Rance. Je me réjouis de cette solution, que nous attendions. En conclusion, nous suivrons attentivement les travaux de la commission des affaires économiques.

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Jean-Bernard Lévy, président-directeur général d'EDF

N'hésitez pas à m'inviter. La grande entreprise nationale que je dirige mérite d'avoir l'occasion de s'exprimer par ma voix dès que vous le souhaitez.