Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Réunion du jeudi 3 décembre 2020 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • discrimination
  • racisme
  • écart
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

  France Insoumise    En Marche  

La réunion

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La mission d'information organise une table ronde réunissant M. Yazid Chir, cofondateur et président de Nos quartiers ont du talent (NQT), Mme Anne Laure Cuq, directrice régionale Sud-Ouest de Les entreprises pour la cité, M. Jérôme Lê, chef de la cellule « statistiques et études sur l'immigration » de la direction des statistiques démographiques et sociales de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et Mme Marie-Anne Valfort, professeure à l'École d'économie de Paris, détachée auprès de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

La séance est ouverte à 9 heures.

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. La présente mission d'information a été créée par la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale le 3 décembre 2019 – il y a exactement un an. À l'issue de nos travaux, nous présenterons un rapport qui dressera un état des lieux des formes de racisme et proposera des mesures et des pistes de réflexion pour rendre plus effective la lutte contre le racisme. Pour cela, votre analyse et votre recul nous seront précieux.

Nous avons l'honneur de recevoir aujourd'hui des économistes, des sociologues, des spécialistes de la politique de l'emploi et des professionnels des ressources humaines. Nous aborderons les politiques de l'emploi et les solutions pour remédier aux inégalités et aux discriminations en matière d'accès à l'emploi, de carrière et de rémunération entre les personnes blanches et les minorités.

Nous traiterons de ce que l'on appelle parfois le racisme institutionnel, qui est le résultat de mécanismes bien souvent involontaires et de facteurs multiples, et qui aboutit à des écarts importants entre différents groupes. Ces écarts constatés ne s'expliquent pas par d'autres raisons que l'origine ou la couleur de peau. Face à ces faits objectivés, nous avons le devoir de réduire les écarts statistiques qui sont défavorables aux minorités, quelles qu'en soient les causes.

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. Nous avons auditionné des universitaires, des associations, des cabinets ministériels. Nous partageons un même constat d'inégalités entre les minorités et les autres. Vous observez et agissez contre ces discriminations et j'espère que vous pourrez aujourd'hui nous apporter des pistes de solutions. Quelles mesures ou dispositifs pourraient faciliter votre action ou permettre de la déployer à plus grande échelle ?

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Marie-Anne Valfort, professeure à l'École d'économie de Paris, détachée auprès de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

. J'aimerais partager avec vous trois des principaux enseignements issus des rapports et des études menées sur les discriminations ethno-raciales sur le marché du travail en France.

Tout d'abord, le critère de l'origine ethnique et de la couleur de peau est le critère en fonction duquel les Français considèrent que les discriminations sont les plus fréquentes. Ce premier enseignement est issu du dernier baromètre établi par le Défenseur des droits et l'Organisation internationale du travail (OIT) sur la perception des discriminations dans l'emploi publié le premier décembre 2020. Le même résultat se retrouve dans l'eurobaromètre sur les discriminations. L'eurobaromètre confirme qu'en France, comme en moyenne dans les autres pays de l'Union Européenne, les discriminations en fonction de l'origine ethnique et de la couleur de peau sont perçues comme étant les plus fréquentes. La comparaison entre les différentes vagues montre que la fréquence perçue de ces discriminations ne diminue pas depuis dix ans. L'eurobaromètre nous apprend par ailleurs que la France est l'un des pays de l'Union européenne où la discrimination est ressentie avec le plus d'acuité par la population – nous constituons à ce titre une exception. Malheureusement, cette particularité française reflète une réalité : la France apparaît parmi les pays d'Europe de l'Ouest et d'Amérique du Nord qui discriminent le plus en fonction de l'origine ethnique et de la couleur de peau lorsque l'on étudie les testings sur curriculum vitae (CV). L'origine ethnique des candidats fictifs est véhiculée par leur patronyme, qui signale l'appartenance à la majorité blanche ou à la minorité non blanche. Une étude récente menée par des sociologues américains montre que parmi les neuf pays occidentaux où ces testings ont été menés, la France discrimine le plus les minorités ethno-raciales à parcours scolaire et professionnel équivalent. La probabilité pour les Français blancs d'être invités à un entretien d'embauche est de 50 % à 100 % supérieure à celle de Français issus de minorités non blanches. Les discriminations ethno-raciales sur le marché du travail constituent donc un réel sujet.

Le deuxième enseignement est que le coût de ces discriminations est massif. Les discriminations évincent les individus de l'emploi ou les cantonnent à des postes moins qualifiés que ceux auxquels ils pourraient prétendre. Ces mécanismes économiques génèrent des pertes énormes en matière de production, qui grèvent à leur tour les recettes des finances publiques : l'État perçoit moins d'impôts sur les revenus et sur les sociétés, et fournit plus de dépenses publiques pour l'indemnisation du chômage et les transferts sociaux en faveur des personnes discriminées. Mais les discriminations génèrent également un coût humain considérable : l'expérience répétée des discriminations affecte négativement la santé psychique des personnes. Ce phénomène apparaît clairement dans les pays qui collectent des informations sur l'appartenance des personnes à des groupes traditionnellement discriminés (les minorités ethno-raciales ou sexuelles) comme les États-Unis ou le Royaume-Uni. Ces groupes sont beaucoup plus sujets aux risques psychosociaux, causant plus de mésestime de soi, d'anxiété, de dépression, de tendance suicidaire. Ces statistiques pourraient être interprétées comme de pures corrélations – mais des études récentes montrent qu'il n'en est rien. C'est bien le fait d'évoluer dans un climat discriminatoire qui mine le bien-être des individus issus de groupes discriminés. À ce coût humain s'ajoute également un coût social : la discrimination nourrit chez certains individus la volonté de rupture et le ressentiment. La discrimination peut générer des clivages profonds au sein de la société, en particulier quand elle est liée à l'origine ethnique ou à la confession, car elle pousse alors au repli communautaire. Ce lien de cause à effet entre discrimination et repli a été clairement identifié.

Enfin, de nombreuses pistes prometteuses sont envisageables pour remédier à ces discriminations – il s'agit du troisième enseignement. Le baromètre établi par le Défenseur des droits et l'OIT montre que le taux de non-recours est en diminution. Les victimes de discriminations dans la sphère professionnelle seraient deux fois plus nombreuses aujourd'hui qu'en 2013 à entreprendre des démarches suite aux discriminations qu'elles subissent. Les efforts doivent être poursuivis afin de crédibiliser la menace de la sanction juridique. Pour cela, les acteurs de proximité doivent être formés afin d'accompagner les personnes et prouver les discriminations dont elles sont victimes. Ces formations devraient en priorité s'adresser aux membres des comités sociaux et économiques (CSE) et aux délégués syndicaux. Il est très difficile de prouver la discrimination en raison de l'origine ethnique et de la couleur de peau. Pourtant, la jurisprudence a permis de faire valider par les tribunaux des stratégies d'enquête, comme par exemple l'étude de la consonance des noms et des prénoms dans le registre unique du personnel pour mettre en avant des discriminations à l'embauche en raison de l'origine ethnique. Ces études montrent par exemple que les personnes d'origine africaine sont le plus souvent embauchées en contrat intérimaire ou en contrat à durée déterminée (CDD), mais rarement en contrat à durée indéterminée (CDI). Cependant, se concentrer sur le seul volet juridique n'est pas suffisant. La plupart des candidats qui sont écartés par les employeurs continuent d'ignorer s'ils ont été discriminés par l'employeur car ils n'observent pas le profil des candidats qui ont été retenus. Il faut donc absolument renforcer la formation des employeurs à ne pas discriminer. Depuis 2017, la loi oblige en France les entreprises de plus de 300 salariés à former leurs personnels chargés des ressources humaines à la non-discrimination. Il est essentiel d'établir un cahier des charges en la matière et de certifier les cabinets de formation qui s'y conforment. Ce cahier des charges devrait permettre de diffuser, au sein des services de ressources humaines, l'ensemble des bonnes pratiques déjà mises en œuvre dans d'autres entreprises. Cette formation est une étape essentielle, mais encore faut-il que les employeurs soient réellement incités à mettre en œuvre le contenu de ces formations. Ainsi le label « diversité » a-t-il été attribué à certains employeurs – mais les labels tendent à récompenser bien plus les moyens mis en œuvre que les résultats atteints. Il faut donc se tourner vers des processus de labellisation des employeurs basés sur les résultats. En ce sens, l'index de l'égalité professionnelle créé en 2019 par le ministère du travail constitue une avancée considérable, tant sur le plan international que national. Cet index se concentre sur une série de mesures objectives de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et s'accompagne d'une série de sanctions visant l'employeur. Deux évolutions de cet index seraient souhaitables : tout d'abord, pour qu'il englobe d'autres critères, comme l'origine ethnique et le handicap ; ensuite, pour qu'il ne se concentre pas seulement sur les trajectoires professionnelles mais intègre également la mesure des comportements de recrutement des employeurs.

Pour conclure, il est plus nécessaire que jamais de lutter contre les discriminations. Je donnerai deux raisons à cela : les discriminations vont être amplifiées par l'épidémie due à la COVID-19, alors que les minorités ethno-raciales payent déjà un très lourd tribut en termes de mortalité et que la montée du chômage donne plus de latitude aux employeurs pour se livrer à des pratiques discriminatoires ; le renforcement de la cohésion nationale que vise la lutte contre les séparatismes nécessite que celle-ci s'accompagne d'une politique ambitieuse de lutte contre les discriminations. À défaut, la lutte contre les séparatismes risque de renforcer le sentiment de stigmatisation de certaines minorités ethno-raciales et d'exacerber leurs tentations radicales. En effet, le séparatisme islamiste mobilise de nombreux jeunes en communiquant sur les discriminations ethno-raciales et religieuses massives et persistantes dont ils sont l'objet – ce que les résultats des testings sur CV ne démentent pas.

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Jérôme Lê, chef de la cellule statistiques et études sur l'immigration de la direction des statistiques démographiques et sociales de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE)

Mon intervention se base sur résultats des articles que j'ai publiés à l'INSEE sur les questions d'emploi et de salaire – le plus important d'entre eux a été publié en 2019. L'INSEE ne formule pas de recommandation de politiques publiques. Le but de mon intervention est d'établir des faits et d'apporter des chiffres permettant de cadrer les débats.

Les discriminations sont complexes à évaluer statistiquement. L'INSEE a retenu, pour les traiter, l'approche indirecte : nous ne nous basons pas sur des données subjectives comme le ressenti des discriminations ni sur des données de testings – celles-ci viennent compléter nos travaux. L'évaluation indirecte consiste à analyser les écarts entre deux populations pour une variable d'intérêt, comme le taux de chômage, le taux d'emploi, le niveau de salaire. Pour cela, nous essayons de raisonner à caractéristiques égales. Je citerai un exemple pour illustrer mon propos. Les descendants d'immigrés turcs connaissent un taux de chômage de près de 25 % – ce taux est trois fois plus élevé que celui des personnes sans ascendance migratoire, c'est-à-dire ni immigrées ni descendantes d'immigrés. Pour ces personnes, le taux de chômage s'élève à 8 %. Pour expliquer ces chiffres, il faut tenir compte du fait que les descendants d'immigrés turcs sont souvent jeunes, très peu diplômées et résident dans des zones urbaines sensibles. Leur taux de chômage doit donc être comparé avec celui de jeunes sans ascendance migratoire présentant les mêmes caractéristiques observables. Les méthodes adéquates montrent que les trois-quarts des 17 points d'écart du taux de chômage s'expliquent par les différences de caractéristiques observables. Près de 4 points d'écart ne sont, en revanche, pas expliqués. Ce résidu constitue une sorte d'indice des discriminations.

La difficulté, pour le statisticien, est d'attribuer cet écart inexpliqué à de la discrimination ou du racisme. L'on constate, par exemple, des écarts de niveau de salaire très importants entre les immigrés (c'est-à-dire les personnes nées étrangères à l'étranger) et les personnes sans ascendance migratoire, même à caractéristiques égales. Certains immigrés très diplômés peuvent avoir un bas salaire en comparaison avec leurs équivalents non immigrés. Le problème est qu'il est possible que ces écarts soient dus à des discriminations liées à l'origine ethnique, ou bien à des facteurs liés au processus migratoire de ces personnes (mauvaise maîtrise du français, diplômes non reconnus en France, etc.). Pour les immigrés, l'origine et le parcours migratoire se confondent.

Mon travail propose de distinguer ces deux effets pour isoler l'origine, qui seule peut faire l'objet de discriminations. Mon intuition de base se fondait sur la distinction entre les immigrés, qui subissent un double effet lié à la migration et à l'origine, et les descendants d'immigrés – leurs enfants, qui ont étudié en France, en maîtrisent la langue, souvent ont la nationalité française, mais qui partagent les mêmes patronymes, couleur de peau ou religion que leurs parents immigrés. Il est possible, en comparant ces deux groupes avec des personnes sans ascendance migratoire, d'isoler les effets de l'origine et de la trajectoire migratoire.

Le premier résultat marquant concerne l'accès à l'emploi. Les taux de chômage des immigrés et de leurs descendants sont relativement proches. Les taux de chômage des personnes originaires du Maghreb, d'Afrique subsaharienne et de Turquie sont supérieurs à celui des personnes sans ascendance migratoire. Ces écarts, persistants d'une génération à l'autre, s'expliquent très bien pour les descendants d'immigrés. Cela traduit une amélioration relative de l'accès à l'emploi d'une génération à l'autre et révèle que des éléments liés à la migration (comme la maîtrise du français) sont importants. Pourtant, il demeure un écart de 5 points avec le taux de chômage de la population sans ascendance migratoire. Cette persistance est particulièrement importante chez les hommes, immigrés et enfants d'immigrés, originaires du Maghreb – leur taux de chômage s'élève à 23 %, créant un écart de 15 points avec celui des personnes sans ascendance migratoire. Parmi eux, seuls 5 points peuvent être expliqués par des différences de structure (liées à l'âge, aux diplômes, au lieu de résidence). 10 points d'écart demeurent donc entre les personnes sans ascendance migratoire et les immigrés aussi bien que leur descendance. Il n'est donc pas possible d'affirmer que les immigrés maghrébins ne trouveraient pas de travail en raison de facteurs liés à la migration (leur mauvaise maîtrise du français, par exemple), puisque leurs descendants, nés et scolarisés en France, sont confrontés à ces mêmes difficultés à un niveau équivalent.

Le second résultat porte sur les comportements d'activité : ceux-ci traduisent la présence sur le marché du travail – ils tiennent au fait de chercher un emploi ou d'en occuper un. Les hommes, qu'ils soient immigrés ou sans ascendance migratoire, ont sensiblement les mêmes comportements d'activité. Les écarts sont faibles et s'expliquent très bien. Les écarts, en revanche, sont très importants parmi les femmes. Ainsi, le taux d'activité des femmes immigrées, surtout originaires de Turquie et du Maghreb, est particulièrement faible. On observe en revanche une forte convergence des comportements chez les descendantes d'immigrés : quand elles n'ont pas d'enfant, elles adopteront des comportements d'activité proches de ceux des femmes sans ascendance migratoire. Mais une fois devenues mères, les descendantes d'immigrés ont une tendance beaucoup plus forte à se retirer du marché du travail, même à caractéristique égale, que les femmes sans ascendance migratoire. Il faut donc distinguer deux éléments dans l'analyse de l'accès à l'emploi. Il convient tout d'abord de considérer les barrières à l'emploi lors de l'embauche : les analyses sur le chômage montrent que ces barrières sont plus fortes chez les hommes immigrés que chez les femmes. Ensuite, il faut distinguer les comportements d'activité, qui relèvent de choix personnels de positionnement sur le marché du travail, qui sont particulièrement importants chez les femmes.

Enfin, l'on détecte beaucoup moins de faisceaux de discriminations liés à l'origine (qu'il s'agisse de salaires ou de conditions d'emploi) une fois que les personnes ont accédé à l'emploi.

Les écarts inexpliqués de salaires sont très importants chez les immigrés et beaucoup moins chez les descendants d'immigrés. Cela suggère que les écarts de salaire seraient liés aux difficultés propres à la migration davantage qu'aux pratiques discriminatoires. Les immigrés ont davantage tendance à accepter des emplois dans des conditions moins favorables. Néanmoins, des chiffres significatifs en matière d'écarts de salaire existent chez les descendants d'immigrés d'Afrique subsaharienne, pour lesquels les écarts de salaire inexpliqués sont importants (de l'ordre de 5%) pour les hauts comme les bas salaires, alors que ce n'est pas le cas pour les descendants d'immigrés maghrébins (bien que ceux-ci soient très peu représentés au-delà du neuvième décile de la répartition des salaires).

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Yazid Chir, cofondateur et président de Nos quartiers ont du talent (NQT)

Notre association, Nos quartiers ont du talent, a été créée il y a quinze ans, juste avant les émeutes ayant eu lieu dans les banlieues en 2005. Elle se fonde sur un constat simple : à l'époque, les hauts diplômés en Seine-Saint-Denis avaient jusqu'à cinq fois moins de chance de décrocher un entretien d'embauche que la moyenne nationale. Ces chiffres sont issus de la première étude de testing menée à grande échelle sur les hauts diplômés de Seine-Saint-Denis, publiée à la fin de l'année 2004. Elle concluait à plusieurs critères discriminatoires : le code postal, l'origine sociale, le patronyme étranger.

Nos quartiers ont du talent a mobilisé les entreprises afin de participer à une expérience pilote avec 200 jeunes identifiés par Pôle Emploi sur les critères de l'étude : diplômés à Bac+4, ayant moins de trente ans et résidant en Seine-Saint-Denis. Les entreprises mobilisées s'étaient engagées à recevoir en entretien les jeunes sélectionnés à la seule condition que leur CV corresponde à un poste ouvert au recrutement au sein de l'entreprise. L'opération a été lancée avec une centaine d'entreprises et 200 jeunes en novembre 2005. Pour nous assurer de la réussite de l'opération, à savoir que les jeunes seraient non seulement reçus en entretien mais recrutés, nous avons au préalable reçu les jeunes par petits groupes. Je vous livre le portrait-type des 200 jeunes sélectionnés pour l'opération : il s'appelle Jean-Luc Willybiro, est originaire de Centrafrique, né à Saint-Denis et issu d'une fratrie de cinq enfants. Son père est ouvrier et sa mère est mère au foyer. Puisque ses parents n'ont pas les moyens de payer des études à tous leurs enfants, il est l'élu et va représenter l'espoir de la méritocratie pour toute sa famille. Titulaire de deux masters, après plusieurs mois de recherches d'emploi infructueuses, il se résigne à envoyer sa candidature pour un travail alimentaire, pour lequel on lui répond qu'il est surqualifié. Il supprime alors la mention de ses six années d'études supérieures pour accéder à des petits boulots. Au bout d'un an et demi, des droits Pôle Emploi lui sont ouverts. C'est à ce moment-là qu'il est sélectionné pour l'opération Nos quartiers ont du talent. Ces jeunes ont perdu confiance en eux et, dans ces conditions, ne seront pas recrutés s'ils décrochent un entretien d'embauche.

Partant de ce constat, nous avons recruté des parrains et marraines occupant des postes décisionnaires dans les entreprises et nous avons monté un système de coaching et de mentoring. Six mois après le lancement de l'opération, 60 % des 200 jeunes ont été recrutés à leur niveau de diplôme. Nous avons comparé ces chiffres avec ceux de l'éducation nationale, qui montrent que 51 % des hauts diplômés trouvent un emploi à la hauteur de leur diplôme en onze à douze mois de moyenne. Nous avons donc atteint des résultats légèrement meilleurs que la moyenne nationale, en deux fois moins de temps et dans un environnement dans lequel les jeunes diplômés ont cinq fois moins de chance d'accéder à un entretien d'embauche.

L'association Nos quartiers du talent est aujourd'hui présente dans toutes les régions, y compris dans les départements d'outre-mer. Nous avons accompagné plus de 60 000 jeunes, qui ont bénéficié d'un mentoring et d'un accompagnement par des cadres expérimentés en activité. Notre taux de succès est passé de 60 % à 80 % en six mois. Ainsi, la période de recherche d'emploi des jeunes est réduite de douze mois en moyenne.

Forts de ces réussites, nous avons collecté beaucoup de données depuis quinze ans. Nous dressons un premier constat : le principal critère de discrimination est le manque de réseau. À un niveau élevé de diplôme, 70 % des emplois sont obtenus par le réseau – l'absence de réseau constitue un fort handicap. Le deuxième critère de discrimination est lié à l'orientation subie. Plus de 50 % des jeunes accompagnés se concentrent dans quatre grandes filières : le marketing, la communication, les ressources humaines et le juridique. La moyenne du besoin réel des entreprises dans ces domaines est de 5 % à 10 %. Les jeunes se dirigent donc trop souvent vers des filières qui emploient peu. Enfin, nous avons remarqué que la moitié des jeunes, après avoir essuyé plusieurs refus dans leurs recherches – par manque de réseau, par mauvaise orientation, ou en raison de la discrimination – se rabat durablement sur des emplois peu qualifiés. Ils constituent alors des exemples à ne pas suivre pour tous les jeunes qui préfèreront se tourner vers la voie de l'argent facile par, par exemple, le trafic.

Le premier secteur informel organisé en France est ainsi le trafic de cannabis. Cela participe au fait qu'une énorme différence culturelle, sociale, hiérarchique se crée avec les jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Le racisme est lié à la différence et à la peur de l'autre – et ce phénomène risque de s'accélérer.

L'expérience de Nos quartiers ont du talent a démontré qu'apporter un petit coup de pouce à des jeunes diplômés, en offrant quelques heures de son temps, en ouvrant l'accès à un réseau et en leur redonnant confiance, leur permet de devenir des modèles, des exemples à suivre. Nous avons démontré que l'entraide pouvait changer les choses. Une moyenne de trois heures par mois, soit dix-huit heures sur six mois, peut changer durablement le cours de la vie d'un jeune et de l'ensemble de son entourage. Nous sommes convaincus que la seule arme de destruction massive du racisme est l'éducation.

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Anne-Laure Cuq, directrice régionale Sud-Ouest de Les entreprises pour la cité

Les entreprises pour la cité ont été créées par Claude Bébéar il y a une trentaine d'années. Notre objectif est d'accompagner les entreprises dans leur engagement sociétal en poursuivant la conviction que les entreprises ont leur part à faire. Trois sujets nous tiennent particulièrement à cœur : l'égalité des chances dans l'éducation, l'accès à l'emploi et la diversité dans l'entreprise, et enfin le mécénat.

Nous constituons un réseau d'entreprises et non une association de lutte contre les discriminations. Nous accompagnons les entreprises au quotidien en organisant des opérations de sensibilisation, des formations, des séances de groupes de travail, des échanges entre pairs, par exemple. Nous les engageons également à participer à des actions concrètes sur le terrain. Enfin, nous partageons leurs bonnes pratiques afin que les plus avancées inspirent les autres sur ces différents sujets. Nous proposons d'être le relais des réalités que nous constatons dans nos échanges avec les responsables des ressources humaines, de l'inclusion ou de la diversité au sein des entreprises.

Nous formulons trois constats principaux. Le premier est que le racisme dans l'entreprise est une réalité. Nous sommes confrontés à des actes, à des propos, à des comportements racistes et à des discriminations liées à l'origine des personnes dans la sphère de l'emploi. Les discriminations à l'embauche sont le phénomène le plus connu et le mieux identifié, et les engagements des entreprises portent souvent sur ce phénomène en priorité.

Cependant, nous constatons également des discriminations dans l'évolution de carrière. La mesure de ces phénomènes est insuffisante, bien que le plafond de verre soit manifeste : passé un certain niveau hiérarchique, tous les membres des comités de direction ou des comités exécutifs sont blancs. Ce plafond de verre existe de toute évidence, il est connu et admis par beaucoup de nos interlocuteurs.

Nous constatons enfin un racisme ordinaire, qui est diffus et va affecter les relations de travail. L'essentiel est évidemment d'entrer dans l'entreprise et d'accéder à une carrière, mais la qualité des relations de travail au quotidien est également affectée par des remarques récurrentes, des plaisanteries par exemple. Elles constituent des micro-agressions, des phénomènes infraliminaux qui ne sont pas communiqués à la hiérarchie, en partie car ils ne sont pas toujours identifiés comme des phénomènes racistes par les personnes qui en sont elles-mêmes victimes. Pour autant, la récurrence et l'intention négative de ces phénomènes créent un vécu compliqué qui peut déboucher sur de vraies difficultés dans l'entreprise, comme l'autocensure et la mésestime de soi.

Le second constat est que le sujet est insuffisamment qualifié et mesuré. La mesure est compliquée, cependant elle est possible – elle est clairement insuffisante dans les entreprises. Les testing à l'embauche pourraient être largement généralisés, de même que les audits sur les procédures de ressources humaines. Nous disposons de peu de baromètres annuels ou d'enquêtes de perception qui pourraient permettre de mieux saisir le racisme diffus ou les micro-agressions – car la perception des discriminations est tout aussi importante que la mesure factuelle et légale des discriminations dans l'évolution et dans les projections professionnelles des personnes. Nous ne disposons pas d'indicateurs de suivi sur l'origine traitant de l'évolution de carrière ou de l'accès à la promotion par exemple. Tout cela résulte en une connaissance incomplète du sujet. Les directions disposent donc d'une vision très parcellaire et ne sont pas sûres d'agir de la bonne manière ou en visant les bonnes cibles.

Le troisième constat est que la discrimination est un sujet d'attention pour les entreprises, mais pour autant leurs actions sont limitées. Le sujet de la discrimination en raison de l'origine n'est jamais traité frontalement et est souvent englobé dans des politiques plus larges, ce qui contribue en partie à invisibiliser le problème. Si le sujet est traité, il va donc souvent l'être en même temps que d'autres sujets. Ainsi nos interlocuteurs nous demandent d'organiser une session de sensibilisation sur les préjugés : une partie sera consacrée aux origines – l'âge, le genre, le handicap seront traités sur le même plan. Beaucoup d'entreprises sont également engagées en faveur de l'accès à l'emploi des personnes issues des quartiers prioritaires de la politique de la ville : les deux choses vont se confondre, et la discrimination en raison de l'origine sera alors traitée de manière indirecte. D'autres approches indirectes peuvent concerner la diversité religieuse au sein de l'entreprise ou l'emploi des personnes réfugiées. Les actions directes sont, en revanche, timides et très peu nombreuses. Elles constituent souvent des actions isolées, et ne sont jamais intégrées dans un grand plan de lutte contre le racisme dans l'entreprise.

Le terme de racisme est d'ailleurs très rarement employé. Notre expérience montre que le mot « racisme » est tabou en entreprise. Certaines personnes souhaiteraient investir ce sujet mais ne savent pas comment le faire. Cela nous questionne sur les barrières persistantes en la matière. Nous avons créé la charte de la diversité il y a quatorze ans. Malgré la conscience du phénomène et la bonne volonté, pourquoi n'arrivons-nous pas à concrétiser ces actions ? Je constate la complexité de la mesure des discriminations en raison de l'origine ainsi qu'un phénomène de concurrence entre les différentes thématiques de la diversité – le racisme ne se situe pas en première ligne.

Nous préconisons, à l'échelle de l'entreprise, de dresser d'abord un état des lieux. Nous suggérons de travailler à l'objectivité et à la transparence des processus, de traiter les signalements et de travailler à la formation. La méconnaissance des moyens d'agir et de réagir freine l'évolution professionnelle et le bien-être ensemble. Il est essentiel de braquer les projecteurs sur ce sujet – il semble que la contrainte légale est très efficace en la matière.

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. Merci. Vous avez parlé à plusieurs reprises des labels. S'ils ne sont pas assez exigeants et pas assez centrés sur les résultats, quelles évolutions recommandez-vous ?

Vous évoquiez, madame Cuq, la concurrence entre les différentes thématiques de la diversité. Quelles pistes de solutions préconisez-vous ?

Vous avez constaté, monsieur Chir, la mauvaise orientation des élèves. Je m'interroge sur le rôle des conseillers d'orientation en la matière.

Je reviens enfin sur le testing. Il est très difficile de prouver une discrimination et les testing peuvent y remédier. À ma connaissance, ils n'entraînent en revanche aucune sanction.

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Yazid Chir, cofondateur et président de Nos quartiers ont du talent (NQT)

. Je répondrai à la question portant sur l'orientation des élèves. En 2018, une étude internationale a été menée par le cabinet Korn Ferry sur la pénurie de hauts diplômés liée à la révolution numérique à l'horizon 2030. Cette pénurie constitue un manque à gagner en raison de la destruction de métiers existants et de nouveaux besoins dans les thématiques numériques. Cette étude conclut que la pénurie de hauts diplômés coûtera environ 8 000 milliards de dollars à l'échelle mondiale. La France accusera un manque à gagner de 175 milliards de dollars lié au déphasage entre le besoin réel des entreprises et les formations dispensées dans les universités. Nous subissons le plus grave déficit de compétences (« skill gap » en anglais) de tous les pays d'Europe. Le seul moyen de le résoudre est de faire en sorte que les entreprises se rapprochent durablement des universités, et que les programmes d'enseignement correspondent aux besoins des entreprises. Filières de formation et besoins des entreprises ne sont pas alignés. Au Danemark par exemple, le taux de chômage est excessivement faible : cela est lié au fait que les universités dialoguent en permanence avec le monde de l'entreprise et les filières sont alignées sur les besoins en temps réel. Les jeunes y sont payés pendant leurs études à l'université et, une fois diplômés, tant qu'ils n'ont pas trouvé de travail à la hauteur de leur diplôme, c'est l'université qui est pénalisée financièrement, à un niveau équivalant à la rémunération que le jeune diplômé continue de percevoir.

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Marie-Anne Valfort, professeure à l'École d'économie de Paris, détachée auprès de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

Il est également important de sensibiliser les professeurs et les conseillers d'orientations aux biais qui affectent négativement leur appréciation du potentiel de certains élèves. L'école, sans le savoir, se fait le relais de stéréotypes bien ancrés – selon lesquels, par exemple, les enfants issus de l'immigration ne sont pas faits pour les études – et cela a un impact auto-réalisateur très important sur les élèves. Une étude conduite récemment en Italie a consisté à faire passer des tests d'association implicite aux enseignants pour déceler s'ils appliquaient des biais négatifs inconscients à l'égard des personnes issues de l'immigration extra-européenne. Leurs biais étaient extrêmement importants. Cela a permis aux enseignants d'en prendre conscience et de les mettre sous contrôle. En conséquence, la réussite scolaire de ces élèves a progressé de manière très significative.

Je reviendrai également sur la mesure. S'agissant de la possibilité de collecter des informations sur l'origine ethnique des salariés dans les entreprises, en 2012, la CNIL et le Défenseur des droits ont produit l'excellent rapport « Mesurer pour progresser vers l'égalité des chances ». Il n'est pas interdit de collecter ces informations. Le Conseil Constitutionnel a, en effet, interdit d'avoir recours à un référentiel ethno-racial rigide, c'est-à-dire qui proposerait des catégorisations ethno-raciales préétablies. En revanche, il est tout à fait possible de demander aux individus leur ressenti d'appartenance et certaines entreprises collectent ces informations.

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Anne-Laure Cuq, directrice régionale Sud-Ouest de Les entreprises pour la cité

Je partage entièrement le propos de madame Valfort sur les préjugés et les biais inconscients. Il faut travailler au plus tôt sur les déterminismes. Nous menons des interventions régulières auprès des collégiens. Ce sont les interventions globales et très en amont qui peuvent modifier les trajectoires professionnelles futures des élèves, ainsi que le regard que les enseignements et les conseillers d'orientation portent sur eux aussi bien que le regard qu'ils portent eux-mêmes sur leur potentiel. Il est urgent d'ouvrir le champ des possibles et de limiter l'autocensure.

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. J'aimerais revenir sur les exemples de réussite des grands frères et grandes sœurs dans les quartiers, et la tentation de glisser sur la voie de l'argent facile par les trafics. Pourquoi n'arrive-t-on pas à juguler ce problème ?

Ensuite, la politique de places réservées aux élèves des quartiers prioritaires dans les concours d'entrée dans les grandes écoles porte-t-elle ses fruits et pensez-vous que cette politique est favorable ? Il me semble que ce dispositif est parfois dévoyé.

Pensez-vous que rendre la faculté totalement gratuite permettrait de lever les obstacles à l'accès à l'université ?

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. Merci pour vos propositions et vos témoignages. Je m'adresse à monsieur Yazid Chir, d'abord au sujet de l'exemplarité. Je sais que des dispositifs d'éducation par le sport permettent d'intégrer les jeunes à des parcours d'insertion professionnelle et d'intégration réussis. Ne faudrait-il pas s'appuyer sur des expérimentations qui fonctionnent déjà très bien, comme la vôtre ? Ensuite, vous n'avez pas évoqué l'entreprenariat. Menez-vous des actions en ce sens ? Nous savons que les jeunes des quartiers populaires ont une envie d'entreprendre plus importante que ceux d'autres territoires.

Ensuite, nous faisons face à une grande difficulté qui est le manque d'opportunité de brassage des populations. Nos systèmes sont beaucoup trop cloisonnés – qu'il s'agisse du logement, de l'accès à la santé, des espaces de vie commune. Ne faudrait-il pas retravailler la carte scolaire ?

Enfin, je souhaiterais aborder la mémoire et l'histoire. Comment faire pour que ces jeunes soient considérés comme faisant partie de notre histoire en raison de l'engagement de leurs parents ou de leurs grands-parents dans nos différentes guerres ?

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. Notre mission d'information s'intéresse aux nouvelles formes de racisme. Vous narrez des actions commencées respectivement il y a trente et quinze ans. Les discriminations existent toujours malgré ces tentatives. Sont-elles suffisantes ? Ou bien, les discriminations ont-elles changé ?

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Yazid Chir, cofondateur et président de Nos quartiers ont du talent (NQT)

. Je répondrai à la question sur les initiatives qu'il serait favorable de dupliquer. Nous avons remarqué que les décalages entre les jeunes s'opèrent dès la maternelle. Il faut réussir à régler les problèmes dès le plus jeune âge. Des initiatives existent en la matière, comme des écoles maternelles basées sur l'entraide et couplées avec des maisons de retraite. Ces initiatives, menées notamment aux États-Unis, donnent des résultats au-delà de toutes les espérances sur le développement intellectuel des enfants. Les parents jouent également un rôle clé. Les 60 000 jeunes que nous avons accompagnés ont tous un point commun : ils disposent d'une colonne familiale très forte, et leur réussite est la priorité absolue de leurs parents. Il faut identifier ces parents et tout faire pour que leurs enfants deviennent des exemples. Les choses bougent toujours parce que nous activons l'entraide.

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Marie-Anne Valfort, professeure à l'École d'économie de Paris, détachée auprès de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

L'école doit assurer l'égalité des chances et contribuer à la lutte contre toutes formes de discriminations. L'enseignement moral et civique est obligatoire du primaire au lycée, mais il n'est pas toujours pleinement mis en œuvre faute de formation suffisante des enseignants. Il est important d'introduire à ce sujet des modules de formation obligatoires au sein des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (INSPÉ), ainsi que dans la formation continue des professeurs, en renforçant les partenariats avec des associations développant des outils pédagogiques, comme l'association Enquête. Le brassage à l'école est essentiel, mais je ne pense pas que la réforme de la carte scolaire permette de l'améliorer. Il faudrait bien plutôt engager une réflexion pour éviter les contournements de la carte scolaire.

Enfin, je ne suis pas certaine que nous fassions face à des formes nouvelles de discrimination. En revanche, nous sommes sûrement dans un cercle vicieux : les discriminations incitent les personnes au repli, ce qui peut les conduire à amplifier les différences qui les séparent des personnes qui les rejettent, ce qui exacerbe encore les discriminations dont elles sont victimes. Il est urgent de casser ce cercle vicieux pleinement engagé en France.

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Anne-Laure Cuq, directrice régionale Sud-Ouest de Les entreprises pour la cité

Je note quelques évolutions dans les manifestations des discriminations. La COVID a fait naître des situations compliquées de discriminations à l'égard des personnes asiatiques, renvoyées à leur contagiosité supposée car le virus venait de Chine. Cela révèle un système global qu'il est urgent de déconstruire. Il est pour cela important de sensibiliser aux stéréotypes et de former les conseillers d'orientations, les responsables de ressources humaines, les acteurs du monde de l'entreprise. Il faut pour cela aller au-delà des incitations et imposer des formations par des mesures réglementaires et du contrôle.

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Yazid Chir, cofondateur et président de Nos quartiers ont du talent (NQT)

Je vous invite tous à lire l'étude publiée par le cabinet McKinsey en 2020 « Diversity wins : How inclusion matters ». Elle a été réalisée sur plus de 1 000 entreprises dans 12 pays dont la France et démontre par des faits que les entreprises qui misent sur la diversité ethnique et de genre sont 33 % plus performantes que les autres.

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Jérôme Lê, chef de la cellule statistiques et études sur l'immigration de la direction des statistiques démographiques et sociales de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE)

. Je conclus sur la mesure de ces phénomènes. Les statistiques que j'ai présentées sont issues de résultats d'enquêtes ; elles n'existent pas dans les données d'entreprise. Il est souvent possible de distinguer les personnes immigrées de première génération. En revanche, distinguer les descendants d'immigrés est plus complexe et nécessiterait de poser des questions qui peuvent être aujourd'hui problématiques d'un point de vue juridique, portant sur l'origine des parents voire des grands-parents des personnes.

La séance est levée à 10 heures 35.