Mission d'information sur la résilience nationale

Réunion du vendredi 29 octobre 2021 à 11h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • CEREMA
  • expertise
  • ponts
  • résilience

La réunion

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MISSION D'INFORMATION DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS SUR LA RÉSILIENCE NATIONALE

Vendredi 29 octobre 2021

La séance est ouverte à onze heures trente

(Présidence de Mme Carole Bureau-Bonnard, membre de la mission d'information)

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Nous accueillons M. Pascal Berteaud, directeur général du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) et M. Nicolas Beaurez, responsable de la mission chargée de la résilience, de la transition écologique et du climat. Le CEREMA est issu de la réunion en 2014 de onze centres d'études techniques de l'État. Il a vocation à intervenir en appui aux collectivités territoriales et aux services déconcentrés de l'État sur des questions d'aménagement et de développement durable. La résilience des territoires est devenue une thématique majeure de son action. Il a publié l'année dernière une Boussole de la résilience, sorte de vade-mecum destiné aux collectivités pour les aider à se préparer à affronter les crises du futur.

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Nicolas Beaurez, responsable de la mission chargée de la résilience, de la transition écologique et du climat

La résilience est au cœur de la stratégie du CEREMA, qui agit de quatre manières. La première consiste en approches intégrées. La deuxième se concentre sur des aléas spécifiques. La troisième est centrée sur les composants tels que les infrastructures ou le bâtiment. Enfin, nous développons des solutions naturellement résilientes. C'est le cas de l'économie circulaire ou de la nature en ville.

L'approche intégrée a pour but d'accompagner les territoires dans une réflexion regroupant toutes leurs composantes, afin d'identifier les menaces les plus impactantes, les vulnérabilités et les effets dominos. Ces réflexions ne se fondent pas sur de l'expertise « dure », mais sur une approche stratégique visant à mobiliser les acteurs. Nous travaillons en ateliers incluant les associations, les élus, les acteurs économiques, parfois les habitants. Cette méthodologie est mise en œuvre à chaque échelle de territoire, de la commune à la métropole, pour toutes les typologies de territoires, ruraux, littoraux, de montagne. Nous avons développé une formation sur le sujet des approches intégrées.

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Pascal Berteaud, directeur général du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement

Le sujet de la résilience est majeur pour nous. Nous avons imposé les questions de vulnérabilité et de résilience comme concepts de base dans l'aménagement. La crise du covid-19 en a démontré l'importance. Nous avons restructuré l'ensemble du CEREMA autour de compétences techniques liées entre elles par le sujet du changement climatique et de l'adaptation à ce changement, ce qui équivaut à de la résilience.

Ces questions sont donc devenues fédératrices de nos activités. Nous nous y sommes investis à travers quatre types d'approches opérationnelles. La première, l'approche intégrée, permet de bâtir une stratégie territoriale de résilience en irriguant l'ensemble des thématiques à l'échelle d'un territoire. Elle consiste à comprendre l'ensemble des menaces et à identifier les actions que la collectivité doit mener pour augmenter sa résilience. Nous avons développé plusieurs outils, notamment une Boussole de la résilience qui a été largement diffusée. Cet outil de base se situe au cœur de la méthodologie que nous développons pour accélérer la résilience territoriale des collectivités. Nous proposons également des formations sur mesure destinées aux chefs de projet, aux élus ou aux cadres dirigeants. Nous mobilisons cette approche pour tous les types de territoires, des grandes métropoles à des territoires plus ruraux. Elle s'adapte à l'ensemble des échelles et nous la déployons sur l'intégralité des programmes auxquels nous concourons. C'est le fil conducteur de l'ensemble de nos actions. Nous l'appuyons sur une stratégie de diffusion des connaissances, grâce à la mise en place du centre de ressources pour l'adaptation au changement climatique, qui nous permet de capitaliser sur les expériences et la connaissance. Nous avons accompagné entre trente et quarante collectivités au cours des dix-huit derniers mois grâce à cette approche. Le facteur limitant qui nous empêche d'en accompagner davantage n'est pas la demande, mais notre aptitude à répondre. D'une part, notre capacité d'action est en baisse, d'autre part, nos propres collaborateurs sont actuellement formés à cette approche. Le curseur de nos compétences se déplace, mais cela demande du temps.

La deuxième approche, plus classique, est celle de la gestion des risques et des aléas. Le CEREMA est l'expert national s'agissant des inondations, des mouvements de terrain, des submersions marines et des autres risques liés au changement climatique, ainsi que la pollution de l'air ou du bruit. Nous mobilisons depuis longtemps un outillage spécifique. Nous le déployons autant que possible dans le cadre d'appels à partenaires que nous organisons pour les collectivités. Nous développons ainsi nos méthodes à partir de cas concrets tout en travaillant sur les territoires qui font appel à nous, puis nous capitalisons et rediffusons l'expérience. Un appel à partenaires sur les questions de gestion intégrée du littoral nous a permis de travailler avec l'Association nationale des élus du littoral (ANEL). Un second partenariat avec l'Association des communautés de France (AdCF) et l'Association nationale des élus des bassins (ANEB) sera prochainement engagé sur la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI). D'autres interventions sont effectuées de manière plus ponctuelle, lors de situations d'urgence telles que les inondations, ou hors situation d'urgence.

La troisième approche concerne les composantes du territoire. Compte tenu de notre passé, nous nous intéressons particulièrement aux infrastructures, pour lesquelles nous développons des méthodologies de pointes. Nous réalisons actuellement un diagnostic de la vulnérabilité physique des infrastructures ferroviaires de l'axe Seine pour la SNCF. Nous menons également plusieurs études sur la vulnérabilité des infrastructures routières face au changement climatique. En effet, les différentes couches de la route changent de comportement, ce qui nécessite des actions particulières.

La quatrième approche se concentre sur les solutions et les leviers de résilience. Nous favorisons au maximum les solutions fondées sur la nature, sur des sujets tels que la régulation de la température, la capacité à absorber les précipitations, l'accroissement de la biodiversité. Nous développons de nombreuses méthodes à partir de cas d'usage. Nous menons des actions concernant les mobilités, notamment actives telles que le vélo ou la marche. Nous avons par exemple beaucoup agi pour les pistes cyclables au cours de la crise du covid-19. Enfin, nous dirigeons des travaux sur la sobriété foncière et l'économie circulaire.

Ces quatre approches, sur lesquelles nous avançons par tests avec les collectivités – nous bénéficions d'une centaine d'études de cas réalisées au cours des dix-huit derniers mois – sont très complémentaires. L'enjeu majeur est de déployer ces méthodologies très largement sur l'ensemble du territoire national. Les études sur la résilience représentaient une faible part de notre activité il y a trois ou quatre ans. Aujourd'hui, elles représentent environ 15 millions d'euros par an sur un budget total annuel de 200 millions d'euros. Nous estimons qu'elles doubleront ou tripleront dans un avenir très proche. Paradoxalement, l'émergence des questions de résilience s'avère être un effet bénéfique de la crise du covid-19. Celle-ci a provoqué une prise de conscience générale sur le fait que nos conditions de vie sont susceptibles de changer de manière radicale dans un avenir proche. Notre capacité à nous adapter et à nous montrer résilients est essentielle dans une politique. Nous constatons à quel point nos interlocuteurs dans les collectivités sont impliqués à ce sujet et motivés pour avancer.

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Vos missions, secteurs d'intervention et interactions sont extrêmement nombreux. Si je tentais de formuler une définition synthétique du CEREMA, je dirais qu'il est un établissement public produisant des solutions d'ingénierie axées sur la gestion des risques. Vous pouvez être mobilisés par les services de l'État, centraux ou déconcentrés, ou par les collectivités, afin d'apporter des briques d'expertise soit « à froid » dans la conception de politiques publiques, soit « à chaud » lors de crises.

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Pascal Berteaud, directeur général du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement

C'est un bon résumé. Il faut toutefois y ajouter une troisième mission de diffusion des connaissances. Nous nous présentons comme ayant trois missions. La première mission – de recherche, d'innovation et de développement méthodologique – fait de nous des intermédiaires entre les instituts de recherche et les bureaux d'études privés. La seconde mission nous conduit à tester et expérimenter sur le terrain avec l'État et les collectivités. Elle suppose que nous maintenions notre niveau d'expertise et d'innovation en fonction des besoins des territoires. La troisième mission est la diffusion des connaissances sur l'intégralité du territoire national. Nous progressons sur ce sujet grâce à une animation technique du territoire national rassemblant les acteurs et les connaissances, et grâce à une plateforme d'appui territorial en cours de construction. La notion de diffusion est vitale pour nous, car une méthodologie ne sert à rien tant qu'elle n'est pas partagée.

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Ma circonscription a été frappée par la tempête Alex, notamment dans vallée de la Vésubie, voisine de la vallée de la Roya où vous êtes intervenus. Pouvez-vous expliquer très concrètement en quoi consiste votre ingénierie et ce que vous apportez dans de telles situations ? Les services de la métropole Nice-Côte d'Azur sont intervenus pour prévoir les nouvelles infrastructures à mettre en place en remplacement des ponts et voiries détruits. L'armée a été sollicitée pour créer des ponts provisoires. Avez-vous vocation à travailler avec l'armée dans l'urgence ? Lorsque vous travaillez « à froid », votre mission consiste-t-elle à envoyer des diagnostics d'alerte sur les menaces pour les infrastructures, telles que les tempêtes ou les submersions, et à émettre des recommandations d'amélioration des structures et des modes de fonctionnement ? J'aimerais des éclaircissements sur la manière dont vous travaillez.

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Pascal Berteaud, directeur général du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement

Nos interventions sont effectivement plus faciles à comprendre si on sépare les modes d'action « à chaud » et « à froid ».

Lorsque nous travaillons « à chaud », nous intervenons généralement en appui de l'État, comme lors de la tempête Alex. Nous pouvons également appuyer le conseil départemental, notamment sur les aspects routiers. Nous travaillons plus rarement en appui des collectivités « à chaud », car nos interventions auprès de celles-ci demandent souvent un délai plus important, ce qui sera peut-être modifié à la suite de l'adoption du projet de loi « 3 DS ».

« À froid », nous proposons aux collectivités d'avoir une réflexion globale sur leur stratégie d'aménagement.

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Nicolas Beaurez, responsable de la mission chargée de la résilience, de la transition écologique et du climat

Dans la Nièvre, par exemple, nous avons travaillé sur l'adaptation au changement climatique. Nous nous sommes attachés à prédire les différents modèles physiques que généreront des dérèglements climatiques tels que la hausse des températures, les inondations, les tempêtes, les sécheresses. Puis, nous nous sommes intéressés à leurs impacts actuels ou attendus sur toutes les composantes du territoire : l'agriculture, l'eau, l'urbanisme, les infrastructures, les bâtiments. Cette projection nous a permis de prendre conscience de la manière dont ce territoire allait être touché, mais également des acteurs concernés, des effets dominos qu'engendrerait, par exemple, un stress hydrique sur l'industrie, le tourisme, l'agriculture. Le département s'est déclaré très satisfait du déroulement de la mission. Nous avons établi des diagnostics détaillés sur les infrastructures et les phénomènes qui menaçaient chaque tronçon. Nous avons également analysé la vulnérabilité économique du tissu d'entreprises en fonction de la typologie des entreprises et des aléas affectant le département.

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Pascal Berteaud, directeur général du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement

Une partie de la population nie l'importance du changement climatique, une autre partie redoute la fin du monde. Nous développons l'idée que si le sujet est loin d'être négligeable, il ne représente pas non plus la fin du monde. Nous aurons à affronter des conséquences majeures à des échéances de vingt ou trente ans, en prévision desquelles nous serons capables de nous adapter à condition de commencer dès aujourd'hui. En revanche, les conséquences seront catastrophiques en l'absence d'anticipation.

À l'occasion des inondations dans la vallée de la Roya, nous avons constaté que certains des évènements qui se sont produits étaient très prévisibles. La tempête Alex a certes atteint un niveau de violence exceptionnel et la fréquence de ce genre de phénomène est en train d'augmenter. Si nous n'adaptons pas notre stratégie d'aménagement du territoire, de plus en plus de problèmes surviendront.

S'agissant du littoral, nos projections indiquent que les tempêtes autrefois centennales seront probablement annuelles ou bisannuelles en 2100. Ces constats impliquent des modifications en termes d'aménagement du littoral.

Bref, nous réalisons à la fois des projections sur la manière dont les conditions vont évoluer, mais aussi des préconisations en termes d'adaptation sur les décennies à venir.

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L'ampleur du phénomène et des dégâts dans la vallée de la Vésubie n'était pourtant pas prédictible par les élus locaux.

Pourriez-vous expliquer comment se déroule la saisine du CEREMA ? Est-il de la responsabilité des élus des territoires de vous saisir ou effectuez-vous de vous-mêmes un audit sur le territoire national à l'issue duquel vous émettez des alertes auprès de l'État en fonction de vos constats ?

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Pascal Berteaud, directeur général du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement

Dans ma précédente fonction de directeur de l'eau, j'ai eu à gérér de nombreuses crises dues à des inondations. J'ai pu constater que la mémoire du risque est très faible. Des événements tels que des inondations de terrain peuvent être oubliés en dix ans. Or j'insiste sur l'accélération de la fréquence des phénomènes causés par le changement climatique. La hausse des températures focalise l'attention, cependant elle s'assortit d'une accentuation des phénomènes extrêmes. Il n'est pas surprenant que les élus n'aient pas prévu les dégâts causés par la tempête Alex dans la vallée de la Vésubie, toutefois c'est exactement le genre d'adaptation que nous allons devoir opérer.

Le CEREMA est l'héritier des services techniques du ministère de l'équipement. Nous nous sommes restructurés et nous travaillons à présent dans six domaines d'activité : l'efficacité énergétique des bâtiments, la mobilité, les infrastructures, certains risques et nuisances, les sujets liés au littoral et à la mer et l'expertise territoriale intégrée. Plus de la moitié de nos activités se situent donc dans les champs de compétence institutionnels des collectivités. Nous ne travaillons initialement que pour l'Etat ; cependant, à la suite de la décentralisation, nous avons progressivement travaillé avec les collectivités territoriales.

Avec l'aide de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), nous avons mis en place un dispositif grâce auquel, si une collectivité souhaite l'appui du CEREMA, elle peut nous saisir. Nous effectuons alors trois à cinq jours d'expertise gratuite afin d'affiner les sujets. Si la collectivité souhaite poursuivre – ce qui se produit dans environ 10 % des cas – nous basculons vers un dispositif financé à 50 % par le CEREMA et à 50 % par la collectivité avec l'aide de l'ANCT. Ce système existe depuis la fin de l'année dernière.

Toutefois, les sujets dont nous nous occupons relevant majoritairement du domaine de compétences institutionnelles des collectivités, nous devons trouver des cadres juridiques plus simples qui nous permettent de travailler plus directement avec les collectivités. C'est l'objet de l'article 48 du projet de loi « 3 DS » qui vise à transformer le CEREMA en un établissement qui soit à la fois établissement public national et établissement public local. Les collectivités territoriales pourront y adhérer afin de bénéficier de nos services dans un cadre très simplifié. Si le projet de loi est voté et publié, ces nouvelles modalités devraient se mettre en place à la fin de l'année 2022.

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Lorsque vous travaillez successivement avec plusieurs collectivités, votre mission consiste-t-elle à consolider l'information au-delà de leur territoire administratif, afin d'obtenir une vision et des bases de données globales ? Quelle est la nature de vos relations avec les services déconcentrés de l'État ? Êtes-vous un interlocuteur automatique pour les préfectures ou celles-ci ne vous saisissent-elles que si elles ont épuisé leurs moyens d'ingénierie internes ?

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Pascal Berteaud, directeur général du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement

Les préfectures ne sont pas des interlocuteurs automatiques, mais elles peuvent nous saisir. Au moment de la création du CEREMA, les services techniques du ministère de l'équipement s'étiolaient. La question de notre fonctionnement présentait deux voies possibles : celle de laisser s'éteindre l'expertise publique au profit de bureaux d'études privés ou celle de conserver une expertise publique indépendante et réactive, capable de mutualiser des compétences à l'échelle nationale et d'intervenir lorsque la définition du besoin est encore imprécise. La seconde option a été choisie et adaptée. Cependant, l'expertise publique n'a pas vocation à tout prendre en charge.

La notion de rediffusion et de capitalisation est essentielle pour nous. Ce qui est développé dans un contexte particulier doit servir plus largement. Lorsque nous mettons au point des méthodes, nous nous efforçons de les faire adopter par les bureaux d'études privés. Dans ce but, Syntec-Ingénierie est membre de notre conseil d'administration, afin de s'assurer que nous ne refaisons pas ce que le secteur privé maîtrise parfaitement, et que nos méthodes profitent au plus grand nombre.

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L'État dispose en propre de moins de moyens que dans l'immédiate après-guerre et le CEREMA représente la part résiduelle de ces moyens techniques en matière d'ingénierie de l'équipement. Vous vous appuyez aujourd'hui sur des leviers tels que les collectivités et d'autres cabinets d'études pour apporter du conseil de manière directe ou indirecte sur l'ensemble du territoire. Est-ce une vision exacte ?

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Pascal Berteaud, directeur général du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement

Oui. L'exemple de l'eau est intéressant : l'État entretenait une force de frappe importante au sein des directions départementales de l'agriculture (DDA) et des directions départementales de l'équipement (DDE), puis ces structures ont disparu progressivement, au point qu'une absence totale d'expertise publique a été constatée lorsque des problèmes se sont présentés en Guadeloupe. Durant les Assises de l'eau, il a été demandé au CEREMA de recréer une force d'expertise publique sur les sujets des réseaux, afin que le Gouvernement ou les préfets puissent disposer d'experts en cas de problème.

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J'espère que nous sommes en mesure d'évaluer efficacement, en nous basant sur l'histoire, la pertinence de cette évolution d'organisation. Pour construire un plan local d'urbanisme (PLU), les maires doivent faire appel à de nombreux cabinets d'étude privés. Les directions départementales des territoires (DDT) sont incluses dans le projet, cependant les représentants des collectivités constatent que l'accompagnement et la présence d'opérateurs experts de l'État dans les territoires ont considérablement diminué. J'espère que nous sommes parvenus à une répartition correcte de la proportion des missions confiées à tiers et celle des missions gérées en interne.

Concernant les entreprises, outre votre mission de les faire monter en compétence, quel lien entretenez-vous avec celles qui peuvent fournir des solutions techniques en matière d'alerte ou de matériaux ? Comment la recherche fondamentale et la réflexion appliquée que vous effectuez peuvent-elles se transformer en solutions portées par des entreprises et exportables à l'international ?

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Pascal Berteaud, directeur général du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement

En tant qu'établissement d'expertise nationale, nous considérons que nous sommes à la disposition de la France, que ce soit l'État, les collectivités territoriales ou les entreprises. Nous ne pouvons cependant donner la priorité à certaines entreprises, par rapport à d'autres.

Nous privilégions deux voies de diffusion de notre savoir aux entreprises, d'abord la recherche appliquée et l'innovation, ensuite la voie internationale dans le cadre de réponses à des appels d'offres, par exemple. Cette seconde voie reste à développer. En revanche, nous avons déjà développé l'appui à l'innovation à travers deux outils. Le premier est un outil labellisé « institut Carnot », qui nous permet de travailler avec les entreprises au test et à la validation de leurs solutions liées au changement climatique. De manière plus institutionnelle, nous sommes également sollicités sur les questions de certification et de normalisation.

Le second outil est un incubateur visant à aider les start-up – l'outil « institut Carnot » étant plus orienté vers les petites et moyennes entreprises. La demande d'accompagnement est très importante. Notre premier appel à candidatures a reçu 120 réponses et le second, en cours dans la région Grand Est, a reçu 30 réponses. Il existe donc un réel dynamisme sur le sujet, ce qui est positif.

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Nicolas Beaurez, responsable de la mission chargée de la résilience, de la transition écologique et du climat

Le dernier appel à projets orienté vers les start-up avait d'ailleurs pour sujet la résilience et l'adaptation au changement climatique.

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Comme dans le cas du CEA – Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives –, beaucoup des éléments que le CEREMA développe peuvent être utiles dans d'autres domaines d'activité. J'espère que les frontières entre secteur public et secteur privé sont dépassées, afin que la compétence et l'ingénierie déployées par la recherche publique puissent servir aux acteurs privés, et que les questions de droit et de non-concurrence ne sont pas handicapantes, y compris en ce qui concerne les employés du CEREMA qui souhaiteraient créer leur entreprise sur la base d'une idée qu'ils auraient développée.

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Pascal Berteaud, directeur général du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement

Il arrive en effet que les employés du CEREMA créent leur entreprise ou partent travailler pour les collectivités, ce que nous facilitons, car cela participe à la diffusion du savoir. Notre turn over atteint environ 10 %, ce qui est élevé dans la fonction publique. Les employés restent au CEREMA durant cinq ou six ans, puis partent éprouver ailleurs ce qu'ils ont appris. Il arrive qu'ils reviennent. Ce sont des flux essentiels. En revanche, il est plus rare que les anciens employés reviennent lorsqu'ils sont partis vers le secteur privé.

L'idée d'alimenter la communauté nationale en compétences est vitale.

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Concernant le sujet spécifique des ponts de secours, l'armée de terre, que nous avons récemment auditionnée, nous a révélé que son stock de ponts a beaucoup diminué. Je crois qu'il existe un centre national des ponts de secours. Êtes-vous en lien avec ce centre ? Comment évaluez-vous les moyens de notre pays dans sa capacité à redéployer des ponts en cas de besoin ?

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Pascal Berteaud, directeur général du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement

Le CEREMA accueille le centre national des ponts de secours depuis janvier 2021. Ce centre était un service du ministère de l'écologie. Il dispose de plus de 7 kilomètres de ponts divers. Nous allons développer fortement cette compétence car les besoins sont très importants.

Les entités qui ont composé le CEREMA regroupaient environ 4 000 personnes il y a douze ou treize ans. À sa création en 2013, le CEREMA comptait 3 200 personnes. À la fin de cette année 2021, notre effectif sera de 2 400 personnes. Nous avions indéniablement à opérer des gains de productivité. Les six domaines d'activité, qui se subdivisaient jusqu'en 2020 en soixante-six sous-domaines, se subdivisent à présent en vingt-deux sous-domaines, chacun présentant un intérêt majeur à être porté par la politique publique, et chacun recouvrant un sujet sur lequel le CEREMA est l'expert public de référence. Des choix ont été effectués, nous avons restructuré les équipes. Nous ne pouvons plus effectuer de gains de productivité. Un débat est en cours entre l'État et nous à propos des effectifs du CEREMA. Si l'État continue à les diminuer, il faudra qu'il nous indique les actions à supprimer.

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Est-il encore utile de maintenir un centre des ponts de secours ? L'armée, qui possède cette compétence, ne pourrait-elle gérer les ponts de secours ?

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Pascal Berteaud, directeur général du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement

Je ne suis pas convaincu qu'il faille se reposer sur l'armée pour des interventions de ce type sur le territoire national. Ce n'est pas son métier.

La réunion se termine à douze heures vingt-cinq.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur la résilience nationale

Présents. – Mme Marine Brenier, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Thomas Gassilloud

Excusés. - M. Alexandre Freschi, Mme Sereine Mauborgne