Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Réunion du lundi 24 juin 2019 à 16h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • hydrogène
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

  PS et divers gauche    En Marche    MoDem    Les Républicains  

La réunion

Source

La réunion commence à seize heures cinq.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous sommes réunis pour clôturer les travaux de la mission d'information relative aux freins à la transition énergétique et autoriser la publication du rapport.

Cette mission a été décidée par la Conférence des présidents du 19 juin 2018 et a débuté ses travaux en septembre 2018. Elle avait pour objectif d'analyser les freins à la transition énergétique et les solutions à mettre en œuvre pour les lever.

Écouter, observer, consulter ont été les maîtres-mots de nos travaux. Écouter en auditionnant les acteurs concernés, les experts, les représentants des pouvoirs publics ; observer en effectuant des visites de terrain, des déplacements pour constater in situ ce qui se faisait en France mais aussi dans d'autres pays européens ; consulter en lançant de manière assez inédite une plateforme de consultation citoyenne en ligne pour récolter les avis et les propositions de nos concitoyens.

Les travaux de la mission d'information, couvrant un champ très vaste, ont traité sept grandes thématiques : les freins liés à l'absence de vision de ce que sera l'avenir de la production et de la consommation d'énergie ; le développement des énergies renouvelables ; la mobilité ; les économies d'énergie ; l'évolution future des grands groupes énergétiques et industriels ; la fiscalité et les financements ; enfin, le rôle primordial des territoires.

Pour mener à bien ses travaux, la mission a mené une trentaine d'auditions, organisées avec des professionnels des filières énergétiques, des responsables associatifs, des représentants des pouvoirs publics. La diversité et le nombre des acteurs impliqués ont nécessité, très rapidement, après la première audition de septembre, de travailler sous forme de tables rondes thématiques réunissant cinq acteurs en moyenne. Elles ont permis de dresser un panorama complet des problématiques qui se posaient à la mission.

Cent acteurs ont été auditionnés, sous la forme de vingt-sept tables rondes, ayant réuni au total plus de deux cent cinquante personnes.

En 2018, se sont donc dix auditions qui ont été organisées, dont huit sous forme de tables rondes, ayant comme thèmes les biocarburants, la distribution d'énergie, les enjeux de la transition énergétique, le secteur du bâtiment, l'artisanat dans le secteur de la construction et l'énergie solaire et photovoltaïque.

En 2019, la mission d'information a mené vingt et une auditions, dont dix-neuf sous forme de tables rondes, que ce soit sur l'éolien terrestre et marin, la filière hydrogène, la méthanisation, la voiture propre, la transition énergétique du transport maritime et aérien, les grands groupes et la transition énergétique, la chaleur renouvelable, les réseaux d'énergie, l'industrie et la transition énergétique, la fiscalité, l'hydroélectricité, le transport de marchandises, le financement de la transition énergétique, les actions menées par les collectivités territoriales et la manière de faire évoluer les pratiques sociales.

M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, et Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ont été auditionnés en clôture de nos travaux.

Toutes ces auditions ont permis d'éclairer la mission grâce aux nombreuses informations recueillies, qui ont abouti à des constats, puis à des propositions.

Mais la mission ne s'en est pas tenue à ces auditions. Elle a également effectué plusieurs déplacements, qui ont permis d'identifier les bonnes pratiques sur le terrain et de rencontrer des représentants des pouvoirs publics et des acteurs européens qui ont parfois déjà mené à bien cette transition.

C'est ainsi que nous nous sommes rendus à Dunkerque, en mars 2019 ; à Bruxelles, en avril 2019, pour y rencontrer notamment et compte tenu de l'importance des enjeux européens, les responsables de la Commission européenne en matière de climat et d'énergie ; au Danemark, afin d'observer les solutions déployées en matière de politique énergétique pour mettre en œuvre une transition acceptée par tous : 63 % de la production d'électricité danoise est d'origine renouvelable – part que le pays souhaite porter à 100 % d'ici 2030 – et le Danemark est aujourd'hui le premier producteur mondial d'électricité éolienne. Lors de ce déplacement, nous avons visité l'île de Samsø, qui est à 100 % autosuffisante en énergie renouvelable, où nous avons eu des échanges très intéressants avec les acteurs locaux et les citoyens, largement associés, en amont, au développement des projets.

En mai 2019 enfin, nous avons effectué un dernier déplacement en Allemagne, qui a été l'occasion de rencontrer et d'échanger avec les acteurs professionnels des filières énergétiques, les responsables associatifs et les représentants des pouvoirs publics.

Afin d'élargir les consultations, nous avons également décidé de recueillir l'avis de ceux qui sont directement concernés par la transition énergétique : nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle, du 6 mars au 17 avril, nous avons lancé une consultation citoyenne en ligne. Cette consultation citoyenne a permis aux Français de faire des propositions, de réagir aux propositions d'autres contributeurs mais aussi de voter pour celles qu'ils jugeaient les plus intéressantes.

Intitulée « Lever les freins à la transition énergétique : oui, mais comment ? », cette consultation se présentait sous forme de sept questions : Quelles sont, selon vous, les freins à l'émergence de mobilités durables ? Quels sont les freins aux économies d'énergie ? Quel rôle pour les filières énergétiques et industrielles dans la transition énergétique ? Quels sont les freins au développement des énergies renouvelables ? Quels sont les freins relatifs au changement des pratiques ? Quelles mesures économiques et fiscales pour favoriser la transition énergétique ? Quelle vision et quelle organisation pour une transition énergétique réussie ?

Durant les six semaines de consultations, 5 290 contributions écrites et plus de 20 737 votes ont été recueillis : c'est un véritable succès, qui démontre la réelle appétence des Français pour cette thématique de la transition énergétique.

Avant de donner la parole au rapporteur, je voudrais le féliciter pour la qualité et le contenu de son rapport. Je tiens également à remercier les administrateurs qui nous ont accompagnés tout au long de cette mission.

Après vous avoir présenté son rapport, le rapporteur vous proposera de l'adopter, puis il sera présenté devant la commission des affaires économiques et la commission développement durable, le 2 juillet prochain.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, chers collègues, je voudrais, avant toute chose, vous remercier pour votre engagement. Nous avons, neuf mois durant, accompli un gros travail. Je joins également mes remerciements à ceux du président pour nos administratrices dont le travail de recherche, d'organisation et de synthèse a permis à ce rapport – qui est un beau travail d'équipe – d'exister.

La transition énergétique est l'affaire du siècle, et il faut l'aborder comme telle. Pour réussir une transition, il faut savoir répondre à trois questions : pourquoi cette transition est-elle nécessaire ? vers quoi doit-elle conduire et par quels chemins ?

À la première question, les citoyens du monde, au premier rang desquels les plus jeunes, commencent à avoir des réponses. En témoignent le fait qu'ils descendent dans la rue, mais également le résultat des dernières élections : tout le monde comprend que, pour préserver le climat, il faut changer nos façons de faire, et donc de la gestion de nos énergies.

À la seconde question, la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) nous apporte la réponse, réponse que va confirmer la loi énergie-climat : nous devons parvenir à la neutralité carbone en 2050.

Savoir comment on parvient à cet objectif est en revanche beaucoup plus compliqué. Cela concerne tout le monde et exige en premier lieu un effort planifié. C'est le message principal qu'entend délivrer notre rapport : nous avons besoin d'une vision à long terme et d'un effort de planification pour avancer dans la bonne direction. Aujourd'hui, nous appréhendons la transition énergétique par le petit bout de la lorgnette en multipliant les petites mesures, qui finissent par s'entrechoquer parce qu'elles ne se rapportent à aucune vision d'ensemble.

Le second constat qui s'impose est que nous abordons trop facilement la question de la transition énergétique par le biais du débat sur l'énergie électrique – et donc de l'énergie nucléaire. C'est en réalité une ornière, car l'énergie électrique représente 26 % ou 27 % de l'énergie totale que nous consommons, part dans laquelle le nucléaire représente 70 %. Le nucléaire représente donc moins de 20 % de notre consommation totale d'énergie, dont 66 % sont en réalité issus de l'énergie fossile – pétrole, gaz ou charbon –, et c'est donc bien sur l'énergie fossile que doivent porter nos efforts.

Pour en revenir à la nécessité de revoir la planification de nos actions en faveur de la transition énergétique, je ne peux que renvoyer à la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui se révèle difficile à utiliser dans la mesure où les unités et les références utilisées ne sont pas nécessairement harmonisées, cet écart étant flagrant si l'on compare la PPE avec le document amont, c'est-à-dire la stratégie nationale bas-carbone, celle-ci prenant comme années de référence 2040 ou 2050 tandis que la PPE se réfère à 2028 ou 2030.

D'où la difficulté à en tirer un dessein clair auquel rallier la population. Il me semble néanmoins que, sur ce point précis, nous avons été entendus par Emmanuelle Wargon. J'en veux pour preuve le fait que l'amendement que nous avons déposé devant la commission des affaires économiques et demandant la réalisation d'une synthèse de la PPE accessible au public a été adopté.

Cette vision synthétique doit nous permettre d'avancer en articulant nos actions à l'échelle européenne, nationale, puis régionale. La connexion avec l'échelon européen doit être permanente. Par exemple, il faudra que la définition des véhicules à faibles et très faibles émissions que nous avons fait inscrire dans la loi d'orientation des mobilités (LOM) et qui stipule qu'y sont inclus les véhicules utilisant des carburants à bilan carbone neutre, soit prise en compte par l'Union européenne, comme chaque nouvelle avancée française.

Il faut ensuite mieux articuler la planification nationale et la planification régionale car force est de constater qu'aujourd'hui il n'est pas suffisamment tenu compte au niveau national des perspectives inscrites dans les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) et les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET). Or, il est essentiel de pouvoir consolider dans un document global les bonnes idées mises en œuvre sur le terrain.

Plusieurs d'entre nous ont tiré de nos voyages au Danemark et en Allemagne la certitude que la France disposait de nombreux atouts pour réussir la transition énergétique. Certes, l'Allemagne est en avance en matière de développement de l'énergie éolienne, mais les Allemands admettent que, pour gérer la variabilité de l'éolien, ils ont besoin d'un réseau européen qui leur permette de combler leurs phases de faible production par les excédents produits par les pays voisins. Or c'est une réponse assez peu satisfaisante dans la mesure où en règle générale, lorsqu'il y a du vent en Allemagne, il y en a partout, et lorsqu'il n'y en a pas, il n'y en a nulle part. Il en va de même pour le soleil.

Quant aux Danois, ils exportent leur excédent d'énergie éolienne vers la Norvège, ce qui permet à celle-ci de remonter l'eau de ses barrages pour produire une électricité rachetée par le Danemark ! Là encore, le système n'est pas nécessairement gagnant-gagnant.

En France, nous avons la chance d'avoir à la fois des barrages hydroélectriques et des centrales nucléaires, que nous devons voir comme les éléments d'un système global, dont font également partie le réseau de transport d'électricité et ses interconnexions avec l'Europe. Aujourd'hui, on a tendance à considérer que les centrales nucléaires et les barrages hydroélectriques ne sont là que pour produire de l'électricité, ce qui n'est pas le cas : ils ont aussi pour rôle de stabiliser le réseau et de pallier la variabilité de l'éolien et du solaire, et il faut les gérer en conséquence. Bien sûr, nous allons ramener à 50 % notre production d'énergie nucléaire, mais il faut se demander comment la production d'énergie nucléaire et d'énergie hydraulique doit être organisée pour gérer au mieux cette variabilité.

Il faut plus de stations de transfert d'énergie par pompage (STEP), qui permettent de stocker de l'eau dans des bassins d'accumulation lorsque la demande d'énergie est faible, afin de la turbiner pour produire de l'électricité lorsque la demande est forte. J'avais proposé un amendement en ce sens, mais il n'a pas été accepté. Je le proposerai à nouveau en séance publique, car j'estime que nous devons insister sur ce qui constitue une force de notre politique énergétique en France.

Un autre point important est celui de la quantification des gisements. Aujourd'hui, chaque initiative visant à développer une nouvelle énergie se heurte à une opposition : ainsi, on craint des éoliennes qu'elles défigurent nos paysages, et de la méthanisation qu'elle utilise trop de surfaces agricoles alimentaires… Nous devons répondre à toutes ces questions en planifiant et en quantifiant. Par exemple, il faut commencer par se demander de quelle quantité de mélasse de betterave et de marc de raisin on dispose pour fabriquer des biocarburants, et quelle est la biomasse disponible pour faire de la méthanisation – mais sans planter du maïs à cette fin. On peut envisager de réserver une partie de la surface agricole utile – cela pourrait être un pourcentage de l'ordre de 7 % à 15 %, par exemple – à des cultures destinées à la méthanisation mais, dans ce cas, cela doit faire l'objet d'une décision prise en toute transparence, par le Parlement et le Gouvernement.

Nous devons également quantifier nos gisements de biomasse, et notre capacité à produire de l'énergie éolienne. Sur ce dernier point, on sait très bien que certains territoires où on a initialement constaté une acceptabilité correcte de l'éolien arrivent aujourd'hui à saturation. Il faut donc maintenant déterminer, territoire par territoire, où on peut mettre des éoliennes, et combien, et je pense qu'on pourrait faire beaucoup plus d'éolien terrestre si on procédait à cette planification – évidemment, on peut se poser la même question pour l'éolien marin, qu'il soit posé ou flottant.

Je vais maintenant évoquer le mix énergétique un peu plus dans le détail, en commençant par l'hydroélectricité. Notre mission a reconnu le rôle de premier plan de cette énergie en termes de production – une production que l'on doit pouvoir augmenter sans créer de nouveaux barrages : il semble que de nouveaux investissements suffisent à envisager un potentiel de 30 % supplémentaires. L'hydroélectricité constitue aussi et surtout un dispositif de régulation des énergies variables, qui permet de pallier la variabilité des autres énergies renouvelables, notamment grâce aux STEP.

En matière d'éolien, nous devons intégrer davantage les enjeux environnementaux et la faisabilité, en renforçant notre capacité de planification pour une meilleure acceptabilité. Celle-ci peut se trouver améliorée par la prise en compte de certains points techniques ayant notamment pour objet de réduire la pollution visuelle de nuit – pour cela, il existe par exemple des dispositifs permettant d'allumer le balisage lumineux uniquement lorsqu'un aéronef passe à proximité.

Pour ce qui est du photovoltaïque, nous devons favoriser les projets dans le nord de la France, donc réfléchir aux moyens de lancer des appels d'offres à budget constant, mais régionalisés, permettant de développer le solaire sur tout le territoire, mais aussi abaisser le seuil d'appel d'offres à 100 kilowatts (KW) afin de favoriser les petits projets.

En ce qui concerne la méthanisation, nous devons revenir à l'ambition de la PPE de 2016, c'est-à-dire reconfirmer la cible de 8 térawattheures (TWh) pour 2023. Pour cela, nous devons bien sûr améliorer le coût de revient de la méthanisation, mais aussi faire en sorte d'accélérer la réalisation des projets en engageant une réflexion qui prenne pour point de départ le nombre d'installations possibles sur chaque territoire. On peut s'inspirer de l'exemple du département du Maine-et-Loire, qui a planifié l'installation de 49 méthaniseurs sur son territoire, et le généraliser en s'assurant de l'acceptabilité auprès de la population, mais aussi en vérifiant que l'on ne fait pas de bêtises en termes de longueur du trajet à parcourir pour amener les intrants, et de disponibilité de ces intrants.

Le plan « Hydrogène » doit être examiné en ce qui concerne à la fois la production, la distribution et les usages. On produit aujourd'hui environ un million de tonnes d'hydrogène par craquage du méthane. Notre premier objectif doit consister à verdir cette production en recourant plutôt à l'hydrolyse – au moyen d'une électricité décarbonée, bien sûr. Il faut également investir dans la recherche, afin de trouver d'autres moyens de produire de l'hydrogène. Aujourd'hui, dans le meilleur des cas, l'hydrogène provenant de l'hydrolyse est quatre fois plus cher que celui provenant du craquage du méthane : nous devons donc vraiment progresser sur ce point pour arriver à des coûts acceptables.

Nos travaux ont mis en évidence qu'il existe plusieurs stratégies de distribution de l'hydrogène : on peut le transporter par camion, mais aussi en injecter une certaine proportion dans les gazoducs qui acheminent du méthane – pas plus de 20 % car, au-delà, l'hydrogène a tendance à fuir. Il faut se demander où l'hydrogène doit être produit, à savoir soit dans de petites entités locales, à proximité des lieux où il sera consommé, soit dans de grandes entités pour être ensuite distribué sur de plus longues distances.

Il existe de multiples usages de l'hydrogène. Pour ce qui est de la mobilité, on parle beaucoup de la pile à combustible, très performante en termes d'autonomie : de mémoire, je dirai qu'un réservoir d'hydrogène permet de parcourir 75 % de la distance parcourue avec un réservoir à essence de même contenance. L'hydrogène peut aussi servir à fabriquer des carburants synthétiques : il est possible de recombiner à l'hydrogène les excès de CO2 rejetés par les aciéries pour obtenir des carburants de type éthanol. On peut aussi injecter de l'hydrogène dans le réseau de gaz de ville pour en augmenter la performance calorifique, comme cela s'est fait à titre expérimental à Dunkerque. Enfin, il est possible de fabriquer des carburants constitués d'un mélange de biométhane et d'hydrogène.

J'en viens au thème de l'efficacité énergétique et de la place qu'il convient de redonner au Parlement en la matière. Je suis convaincu qu'on ne peut pas embarquer la population dans la transition énergétique si les parlementaires ne sont pas déjà eux-mêmes convaincus du bien-fondé de cette transition, mais aussi parfaitement informés : chacun de nous devrait être capable de parler de la planification pluriannuelle de l'énergie, ce qui ne me paraît pas être le cas aujourd'hui. Sur tous les sujets que j'ai évoqués, il y a des choix à effectuer sur le plan national : il est donc essentiel de faire en sorte que l'on débatte de la PPE au sein de l'Assemblée nationale. Certains objecteront qu'il s'agit d'un sujet très technique, échappant de ce fait à la compétence des parlementaires, mais le Haut Conseil pour le climat a justement pour rôle de simplifier les thématiques du climat pour les rendre accessibles aux parlementaires. Après tout, la bioéthique ou l'intelligence artificielle sont également des sujets très techniques, et cela n'empêche pas les parlementaires d'en débattre !

Il n'y a donc aucune raison pour que la transition énergétique ne soit pas discutée au Parlement, et je pense qu'il faut vraiment insister sur ce point. Aujourd'hui, certains essaient d'inscrire dans la loi énergie-climat l'interdiction de louer des passoires thermiques. Pourquoi ne pourrait-on pas avoir un projet de loi reprenant toutes les thématiques relatives à l'efficacité énergétique ? On l'a fait un peu avec la LOM, ce qui est une bonne chose, mais je crois qu'on pourrait aussi le faire avec l'efficacité énergétique ou le plan « Hydrogène ».

La transition énergétique doit également s'appuyer sur les collectivités locales. Les auditions menées par notre mission d'information ont mis en évidence des exemples formidables de communes, d'intercommunalité, de départements, de régions, qui ont pris le problème à bras-le-corps et y ont répondu en proposant des solutions très concrètes, dont certaines sont déjà mises en place. C'est le cas du Maine-et-Loire, mais aussi de Dunkerque, où beaucoup de choses ont été faites. D'une manière générale, les schémas d'économie industrielle circulaire, prévoyant la réutilisation des rejets de chaque industrie, constituent de formidables exemples.

En tant que parlementaires, nous devons être capables d'expliquer pourquoi on change, où on va et de quelle manière. Cela implique d'informer les citoyens, mais aussi les enfants – dès l'école primaire – et de mettre à disposition de nos concitoyens des outils permettant à chacun de calculer son empreinte carbone. Nous devons également faire en sorte que les travaux d'experts soient toujours accompagnés de rapports vulgarisés et synthétiques à destination des élus.

Je n'ai pas abordé tous les thèmes dans le cadre de cette présentation, mais l'échange qui va suivre permettra certainement de le faire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le rapporteur, je voudrais tout d'abord vous féliciter pour votre rapport. Pour avoir suivi un certain nombre d'auditions et de déplacements, je mesure l'importance du travail effectué.

Cette mission se situe au cœur des enjeux de la transition énergétique. La France s'est fixé des objectifs très ambitieux depuis les COP21 et COP22, les Accords de Paris, la loi de transition énergétique, les PPE. Les auditions ont cependant montré que nous sommes confrontés à des freins techniques ou culturels, ou dus à un manque de volonté ou de connaissances. Ils nous empêchent d'atteindre les objectifs fixés alors que nous sommes dans l'urgence.

Entre autres difficultés, vous relevez le manque de visibilité, de planification, d'acceptabilité sociale. Dans certains domaines, nous ne parvenons pas à « embarquer » les citoyens. Or la transition énergétique ne sera une réussite que si nous « embarquons » tout le monde.

Vous avez aussi insisté sur un point : la PPE doit être débattue au Parlement, sous une forme ou sous une autre. Les parlementaires doivent s'emparer de ce qui ne doit pas être une simple consultation. Alors que cette mission tombe vraiment à pic dans le débat du projet de loi énergie et climat, je regrette que nous ne puissions pas y introduire des mesures fortes auxquelles nous tenons, les uns et les autres, de quelque bord politique que nous soyons.

À titre un peu plus personnel, je voulais aussi vous remercier pour votre reconnaissance du rôle de l'hydroélectricité. C'est un sujet qui m'est cher depuis très longtemps. Nous avons la chance d'avoir deux piliers, le nucléaire et l'hydroélectricité. Cette dernière production peut permettre de gérer les pics de consommation et certains usages et multi-usages. Nous gagnerions à nous reposer sur ce socle pour pouvoir développer toutes les énergies renouvelables et obtenir enfin le mix souhaité, en réponse à l'ambition que nous nous sommes donnée.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'ai entendu des constats plus que des questions et, à mon tour, je voudrais adresser des remerciements. Merci beaucoup pour votre investissement sur tous ces sujets.

On peut considérer que cette mission tombe à pic, à un moment où nous discutons du projet de loi énergie et climat, ou qu'elle arrive un peu tard puisque nous n'avons pas suffisamment de recul pour modifier le texte en débat. De toute façon, dans sa rédaction actuelle, le projet de loi énergie et climat est un peu court. Le champ est tellement vaste qu'il ne peut pas être résumé en une seule loi. Je recommanderais aux ministres de traiter un par un des sujets tels que l'efficacité énergétique ou le mix énergétique, chaque thème pouvant donner lieu à une loi.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le rapporteur, je me joins à mes collègues pour me réjouir du chemin parcouru : le diagnostic initial et les nombreuses auditions vous ont amené à produire un excellent travail. Je crois qu'il est en effet nécessaire d'organiser et de rendre cohérents les nombreux outils de planification qui existent à différents étages.

Pour dépasser l'horizon du projet de loi énergie et climat, nous devons nous intéresser au financement. L'audition de tous les acteurs nous a convaincus de ce besoin de prévisibilité. Peut-être pourriez-vous préciser les recommandations en matière de programmation pluriannuelle permettant une visibilité du financement ? Quelles solutions envisagez-vous ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En ce qui concerne le financement, nous n'avons pas vraiment dégagé de solution. Nous avons constaté que les modes de financement pouvaient être nombreux : garantie de rachat, complément de rémunération, aide à l'investissement, taxes.

Nous ne pourrons pas échapper aux taxes et nous devons les remettre sur le tapis, peut-être en augmentant les mesures d'accompagnement et les aides à ceux qui pourraient en avoir besoin, tout en veillant à mesurer les conséquences des dispositions prises sur nos concitoyens de chaque partie du territoire.

Prenons l'efficacité énergétique. On parle de l'allocation destinée à remédier aux passoires énergétiques. Pour ma part, je pense qu'il faut un bouquet de solutions utilisables selon les cas. Les travaux peuvent être effectués à l'occasion de la revente d'un bien immobilier ou d'un changement de locataire, ou par le propriétaire occupant. Les mesures doivent s'inscrire dans un continuum lisible. Malgré tout le travail accompli, je peine à avoir une vision globale de l'efficacité des financements actuels. Des sommes énormes ont été dépensées en faveur de l'éolien dans le cadre d'engagements pluriannuels. Il faut encore creuser et simplifier dans ce domaine de l'efficacité énergétique.

Dans le temps qui nous était imparti, nous sommes parvenus à dresser un tableau assez complet de ce qu'est la transition énergétique. Dans ce tableau, nous avons identifié beaucoup d'outils. À présent que nous avons une vision complète, nous allons pouvoir classer les moyens de financement et les outils fiscaux de façon plus rationnelle.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le rapporteur, je me joins bien entendu à mes collègues pour vous féliciter pour ce rapport que j'ai pris le temps de lire pendant le week-end. Il est très éclairant à un moment où la loi énergie et climat est en cours d'examen.

Ce rapport récapitule de nombreux constats. Vous avez à peu près tout dit et vous avez notamment évoqué la place du Parlement. Pour ma part, je pense à celle du citoyen.

Le conseil citoyen qui va être mis en place dans le domaine de l'écologie va-t-il nous aider à avancer sur ces sujets ? On aborde toujours les questions d'un point de vue individuel. Ce matin à la radio, j'entendais des micros-trottoirs sur la manière dont les gens allaient gérer la canicule. De nombreuses personnes interrogées ont répondu qu'elles allaient s'engager dans la climatisation de leur logement. Si elle peut être utile en ces périodes de pointes de chaleur, la climatisation n'est pas un équipement anodin en termes de consommation d'énergie.

Comment pourrions-nous nous approprier ces enjeux, les gérer et faire des propositions de manière collective ? Si nous abordons toujours la question au niveau individuel, nous n'arriverons jamais à trouver la solution. J'assume ma nature très utopiste et très idéaliste. Il y a certes le Parlement mais il faut aussi embarquer nos concitoyens et notamment les jeunes qui, si j'en juge par ceux que j'ai rencontrés ces derniers temps, sont prêts à cela. Encore faut-il aussi reprendre des solutions qui viennent d'eux.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis d'accord avec vous. C'est pourquoi je pense que nous devons avancer par projets de loi bien cernés et ayant fait l'objet d'une consultation citoyenne en ligne sur des questions très précises, comme nous l'avons fait dans le cadre de notre mission. Notre consultation nous a permis de constater une vraie maturité des citoyens sur ces sujets. Comment les gens réagissent-ils ? Quelle est leur compréhension du problème que nous voulons résoudre ? Ce type de consultation nous aiderait beaucoup.

L'action peut aussi passer par l'éducation des enfants ou les projets participatifs. Au Danemark, les propriétaires des éoliennes sont les citoyens. En France, lorsque des associations ou des coopératives veulent s'insérer dans des projets éoliens, ils arrivent souvent trop tard : plus rapides, les investisseurs privés ont bloqué les terrains.

Il faut aussi montrer que l'énergie produite localement est directement utilisable par les citoyens. Quand on produit du biométhane et qu'on l'injecte dans le réseau, il faut que cela se sache. Il faut dire : c'est avec cela que l'on se chauffe, que l'on va se déplacer. Certains villages comme le mien n'ont pas de réseau de gaz. Pourquoi ne pas les équiper, à terme, s'il y a un méthaniseur dans le secteur ? Il faut que les citoyens fassent concrètement la relation entre l'énergie produite et l'énergie consommée.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce débat est d'autant plus pertinent que l'on a su faire l'eau potable individualisée dans certaines communes. Pourquoi ne pas le faire avec le gaz ?

Monsieur le rapporteur, vous avez raison : ce n'est pas le texte énergie et climat qui va tout régler. Il faudra procéder par touche. J'en veux preuve un mail que je viens de recevoir et que je vais vous lire : « Monsieur le député, le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution et l'article 98, alinéa 5, du Règlement de l'Assemblée nationale disposent que tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis. Tel n'est pas le cas de vos amendements n° 269 et n° 270. » Ces deux amendements, que j'avais déposés pour la séance publique en première lecture, portaient sur un sujet que vous venez d'évoquer, monsieur le rapporteur : ils visaient à renforcer l'actionnariat et le système coopératif pour la propriété des éoliennes.

Ces amendements m'avaient été inspirés par l'expérience très enrichissante de l'île de Samsø au Danemark, que nous avions visitée et où les éoliennes sont la propriété des citoyens, ce qui résout le problème de l'acceptabilité. Malgré notre volonté, nous pouvons être bloqués par les règlements que nous nous imposons. Or, nous voulons avancer. Nous devrons revenir sur le sujet.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le projet de loi, tel que rédigé, est bien borné, c'est-à-dire que l'on ne peut pas aller au-delà de ce qui est écrit. Le texte est très restrictif et c'est pourquoi nous devrons en passer par d'autres projets de loi pour traiter les autres éléments.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous préconisez une augmentation des effectifs de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). Si vous avez le retour de l'expérience ou l'étude d'impact, pourriez-vous nous expliquer comment seraient déployés ces effectifs ? Le seraient-ils dans les territoires ou sur des sujets bien précis ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Non, le besoin n'est pas quantifié pour l'instant mais nous avons échangé avec les responsables de l'ADEME à plusieurs reprises sur de nombreux sujets. Ils nous ont souvent expliqué qu'ils ne pouvaient pas répondre à toutes les demandes de conseil. C'est un problème d'accompagnement sur le territoire et non pas uniquement de financement.

Lorsque j'étais maire, j'ai fait une rénovation d'école. L'isolation a été mise aux normes BBC et HQE ; nous avons installé une pompe à chaleur géothermique et un petit réseau de chaleur. Pour avoir le conseil de l'ADEME, j'ai dû intervenir personnellement, ce qui n'est pas normal. Pour un tel projet, nous aurions dû bénéficier des ressources techniques d'ingénierie de bon niveau de l'ADEME ou d'un autre organisme. Actuellement, c'est l'ADEME qui est l'organisme le plus en mesure de répondre à une telle demande. Je suis d'accord avec vous : il faut faire l'étude d'impact et déterminer quels effectifs sont nécessaires, à quel moment et pour quoi faire. Mais nous avons besoin d'ingénierie.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Puisqu'il n'y a pas d'autre question, voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur le rapporteur ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comme certains d'entre vous l'ont dit, ce rapport est un document qu'il va falloir faire vivre et dans lequel il faudra aller puiser. Personnellement, je vais en faire le service après-vente sur mon territoire. J'invite chacun d'entre vous à vous saisir de ces sujets et je suis à votre disposition si vous voulez que nous allions en parler un peu partout. C'est aussi notre rôle de faire connaître le contenu de ce rapport et de l'utiliser comme une ressource.

En tout cas, je tiens à vous remercier encore une fois pour votre implication. Nous avons passé de bons moments et nous avons bien travaillé. On est heureux quand on a bien travaillé.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, monsieur le rapporteur. Nous allons passer au vote.

La mission d'information adopte le rapport à l'unanimité, autorisant ainsi sa publication conformément aux dispositions de l'article 145 du Règlement de l'Assemblée nationale.

La réunion s'achève à dix-sept heures.

Membres présents ou excusés

Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Réunion du lundi 24 juin 2019 à 16 heures

Présents. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Christophe Bouillon, M. Julien Dive, M. Bruno Duvergé, M. Adrien Morenas, Mme Véronique Riotton, Mme Nathalie Sarles