Publié le 11 février 2019 par : M. Hetzel, Mme Meunier, Mme Kuster, M. Bony, Mme Valérie Boyer, Mme Levy, M. Straumann, M. Ramadier, M. Aubert, M. Dive, M. Sermier, M. Cherpion, M. de la Verpillière, M. Ciotti, M. Vialay, M. Lurton, Mme Louwagie, M. Verchère, M. Rolland, M. Door, M. Masson, M. Bouchet, M. Furst, Mme Poletti, M. Brun, M. Parigi, M. Ferrara, Mme Dalloz, M. Lorion, Mme Valentin, M. Viala, M. Bazin, M. Schellenberger, M. Perrut, M. Forissier.
I. – Substituer aux alinéas 3 à 16 les vingt-trois alinéas suivants :
« Haute Autorité de l'évaluation, de la statistique de la prospective et de la performance
« Art. L. 241‑12. – Conformément à l'article 37‑1 de la Constitution, à titre expérimental et pour une période maximale de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement peut, dans les académies qu'il détermine, mettre en œuvre une Haute Autorité de l'évaluation, de la statistique de la prospective et de la performance éducative, autorité administrative indépendante à caractère scientifique, qui sera chargée de :
« 1° Mettre en œuvre les dispositifs d'évaluation de l'organisation et des résultats de l'enseignement scolaire ;
« 2° Concevoir, gérer et exploiter le système d'information statistique en matière d'enseignement ;
« 3° Rendre compte de l'état du système de formation et d'éducation ;
« 4° Évaluer les performances des élèves, des écoles et des établissements de l'enseignement secondaire ;
« 5° Évaluer l'efficacité des programmes d'investissement ;
« 6° Élaborer des prévisions et scénarios d'évolution du système éducatif ;
« 7° Concevoir et mettre à disposition des utilisateurs des outils d'aide à l'évaluation, au pilotage et à la décision ;
« 8° Conduire des études de recherche, avec le concours, le cas échéant, les directions du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement agricole, de l'emploi et de la ville, les services déconcentrés, les organismes extérieurs nationaux ou internationaux ;
« 9° Conduire des missions d'études conjointement avec les commissions permanentes compétentes en matière d'éducation de l'Assemblée nationale et du Sénat et les équipes de recherche ;
« 10° Participer aux projets internationaux destinés à comparer les performances et les modes de fonctionnement des systèmes éducatifs ;
« 11° Produire des indicateurs nationaux et territoriaux de performance de l'enseignement scolaire ;
« 12° Diffuser, de manière didactique, des informations auprès de l'ensemble de nos concitoyens au sujet de l'évaluation et de la performance de notre système éducatif.
« Art. L. 241‑13. – La Haute Autorité de l'évaluation, de la statistique de la prospective et de la performance éducative est administrée par un conseil.
« Le conseil est composé de vingt-cinq membres français, communautaires ou internationaux, reconnus pour la qualité de leurs travaux scientifiques et leur connaissance des grands enjeux socio-économiques. Ils sont nommés par décret pour 6 ans non renouvelables. Il est présidé par un de ses membres, désigné pour 3 ans, par le conseil.
« Art. L. 241‑14. – La Haute Autorité de l'évaluation, de la statistique de la prospective et de la performance éducative est composée de sections dirigées par des personnalités justifiant d'une expérience en matière d'évaluation scientifique, nommées par le conseil de la Haute Autorité, sur proposition de son président. Ces sections comprennent des personnalités étrangères.
« Art. L. 241‑15. – La Haute Autorité de l'évaluation, de la statistique de la prospective et de la performance éducative dispose d'un pouvoir d'investigation sur pièces et sur place. Elle peut à tout moment, sur demande motivée, exiger de la part des établissements scolaires qu'elle évalue, toutes informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission.
« Art. L. 241‑16. – Les avis de la Haute Autorité de l'évaluation, de la statistique de la prospective et de la performance éducative sont publics.
« Art. L. 241‑17. – La Haute Autorité de l'évaluation, de la statistique de la prospective et de la performance éducative dispose de l'autonomie financière. Son budget est arrêté par le conseil sur proposition du directeur.
« Art. L. 241‑18. – Un décret en Conseil d'État précise l'organisation, le fonctionnement et le financement de la Haute Autorité de l'évaluation, de la statistique de la prospective et de la performance éducative.
« Art. L. 241‑19. – La Haute Autorité de l'évaluation, de la statistique de la prospective et de la performance éducative est saisie pour avis de tous projets ou propositions de loi d'orientation de la politique éducative, avant leur adoption par le conseil des ministres ou leur dépôt devant le Parlement.
« Art. L. 241‑20. – La Haute Autorité de l'évaluation, de la statistique de la prospective et de la performance éducative remet tous les ans, avant l'examen du budget, aux ministres chargés de l'éducation nationale, de l'enseignement agricole, de l'emploi et de la ville, un rapport sur l'évolution du système éducatif national et sur les orientations de la politique éducative. Ce rapport est transmis et présenté aux commissions permanentes compétentes en matière d'éducation de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ce rapport peut donner lieu à un débat d'orientation de la politique éducative devant le Parlement. »
II. – Après l'alinéa 19, insérer l'alinéa suivant :
« IIIbis. – La perte de recettes pour l'État résultant de l'application de la présente proposition de loi est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Le présent amendement vise à créer, conformément à l'article 37‑1 de la Constitution, à titre expérimental et pour une période maximale de cinq ans à compter de la publication de la présente loi et dans les académies qu'il détermine, une Haute autorité de l'évaluation, de la statistique de la prospective et de la performance (HAESPP).
Sur le diagnostic de l'école de notre République, les points de vue varient, des observateurs les plus catastrophistes aux commentateurs les plus enthousiastes. Si l'on se fie aux tendances observées dans les pays de l'OCDE, des progrès ont été enregistrés et constituent des acquis précieux mais ils sont largement insuffisants.
La désormais célèbre enquête PISA montre depuis vingt ans que les politiques éducatives françaises n'arrivent pas à endiguer la grande difficulté scolaire. Dans cette perspective, l'évaluation de l'incidence des politiques publiques éducatives constitue un enjeu majeur. Elle apparaît d'abord comme l'instrument essentiel d'un pilotage efficace, au service de l'amélioration de la performance scolaire de tous les élèves et du renforcement de l'équité. Elle est aussi le ressort essentiel de la légitimité des décisions politiques face à l'exigence croissante des citoyens.
En matière d'évaluation du système éducatif, la France fait figure d'exception par rapport à ses partenaires puisque l'acteur principal en charge de la conception des outils d'aide à l'évaluation, au pilotage et à la décision est une direction d'administration centrale. Dans de nombreux pays, cette mission cruciale est confiée à des équipes universitaires ou à des agences indépendantes du ministère de l'éducation nationale.
La direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) est « chargée de la conception, de la gestion et de l'exploitation du système d'information statistique en matière d'enseignement » et « rend compte de l'état du système d'éducation au moyen d'études et de recherches qu'elle engage ». Les conclusions de ses travaux constituent le support principal de l'information sur l'état du système éducatif pour les parlementaires. Elles sont systématiquement invoquées au soutien des analyses des vecteurs de progrès du système.
« L'état de l'école » permet depuis 1991, de disposer d'une analyse synthétique des coûts, des activités et des résultats du système éducatif français. Par ailleurs, la mise en place de suivi de cohortes et le développement d'évaluations standardisées des acquis des élèves, au travers des évaluations CEDRE ou de l'enquête « Lire, écrire compter », permettent aux acteurs de l'éducation de bénéficier de conclusions sur l'évolution des inégalités et de la performance scolaire des élèves français. L'intense activité et la qualité des travaux de la DEPP ne doivent pas faire oublier que depuis sa création, ses initiatives et réalisations sont fortement marquées, du fait des liens hiérarchiques qu'elle entretient avec le ministère de l'éducation nationale, par ses rapports avec le pouvoir politique en général et le Ministre de tutelle en particulier.
Notre droit positif consacre, au niveau constitutionnel, la possibilité de « demander compte à tout agent public de son administration ». Depuis 2006, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), votée à l'unanimité par le Parlement, offre également à la démarche d'évaluation des politiques publiques éducatives une source de légitimité en proclamant un objectif général de performance des services de l'État et l'obligation de produire des indicateurs pour en rendre compte.
Dans cette perspective, la question de l'autonomie scientifique et de l'indépendance politique d'une instance d'évaluation du système éducatif se pose avec une acuité particulière.
Les responsables politiques sont peu favorables à l'autonomie de la DEPP - dont elle bénéficiait pourtant durant les années 90 - considérant que le rôle de cette institution étatique tend plus à la justification de la politique conduite qu'à son évaluation scientifique objective et au fondement d'un processus assurantiel de qualité. C'est ainsi que certaines évaluations sont mises sous embargo et que d'autres ne sont pas commandées malgré l'utilité qu'elles pourraient comporter.
Il est fréquent, dans de nombreux autres pays, que les évaluations des acquis des élèves, de la performance des établissements et de la qualité des diplômes soient obligatoires et imposées périodiquement grâce à des protocoles d'évaluation définis publiquement. C'est ainsi que la République de Corée ou le Canada, deux pays extrêmement performants en matière éducative, disposent d'importantes bases de connaissances sur l'éducation qui tendent autant à orienter les politiques publiques éducatives qu'à en limiter les changements trop fréquents. La publicité de l'ensemble des rapports est également une différence significative avec le système français.
De nombreux acteurs de la communauté éducative appellent de leurs vœux la création d'une instance d'évaluation dont l'indépendance serait garantie.
La création du Conseil national d'évaluation du système scolaire par la loi de refondation de l'école, répond à la nécessité que notre pays se dote d'une instance d'évaluation indépendante externe au Ministère de l'Education nationale mais reste largement sous le joug du Ministre de l'éducation nationale qui en nomme les membres. Il y a une appréhension particulière de l'évaluation en France, perçue par certains acteurs comme la source possible d'une compétition dangereuse entre les établissements, les enseignants, voire même les élèves.
Comme énoncé dans la loi d'orientation et de programmation pour l'avenir de l'école d'avril 2005 dite loi Fillon, l'évaluation du système éducatif est pourtant une nécessité à tous les niveaux. Elle l'est d'abord au niveau macroéconomique. Le poids considérable de la dépense publique consacrée à l'éducation ainsi que le nombre colossal de professionnels qui y participent exigent des indicateurs pertinents qui seuls permettent un pilotage efficace et équitable. L'évaluation de la performance des établissements scolaires est également une nécessité afin de répartir équitablement les moyens sur l'ensemble du territoire. Enfin, l'évaluation des acquis des élèves est primordiale.
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