Publié le 15 décembre 2020 par : M. Potier, Mme Pires Beaune, M. Jean-Louis Bricout, Mme Rabault, Mme Rouaux, M. Aviragnet, Mme Battistel, Mme Biémouret, M. Alain David, Mme Laurence Dumont, M. Faure, M. Garot, M. David Habib, M. Hutin, Mme Jourdan, M. Juanico, Mme Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Leseul, M. Letchimy, Mme Manin, M. Naillet, Mme Santiago, M. Saulignac, Mme Tolmont, Mme Untermaier, Mme Vainqueur-Christophe, M. Vallaud, Mme Victory, les membres du groupe Socialistes apparentés.
I. Modifier ainsi les autorisations d'engagement :
II. Modifier ainsi les crédits de paiement :
Cet amendement du Groupe Socialistes et apparentés rétablit les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » tels qu’ils avaient été adoptés par les députés.
Il vise à allouer 5 millions d'euros supplémentaires à l'action « Gestion équilibrée et durable des territoires » afin de renforcer le contrôle des structures en matière de foncier agricole. Cette somme correspond à une estimation d'un ETP par département.
Le renouvellement des générations est une condition sine qua non pour assurer la sécurité et la qualité de notre alimentation, produire de la valeur ajoutée économique et environnementale dans l’agriculture et aménager l’ensemble du territoire.
Cette priorité nationale repose sur un outil majeur : la régulation du marché foncier. Les règles qui le régissent doivent rendre possible la liberté d’entreprendre « pour tous » et garantir l’usage du foncier comme celui d’un bien commun dans la durée. Une politique des structures responsable doit privilégier le facteur humain au jeu des capitaux, favoriser la diversité au détriment des monopoles. C’est le sens du « pacte foncier » qui, depuis les années 1960, établit un équilibre entre la propriété et le travail et unit la France à son terroir.
Fondée sur la dérive individualiste de la course à l’agrandissement, un relâchement du contrôle, des failles législatives et l’arrivée de fonds spéculatifs à partir de 2008, une « libéralisation » est à l’œuvre dans notre pays depuis une décennie. Ces désordres risquent de devenir exponentiels et ont d’ores et déjà un effet sur la compétitivité de notre agriculture. L’enrichissement de quelques-uns se traduit par un appauvrissement collectif. Les spécialisations excessives qui en découlent ont des effets négatifs sur le plan agronomique.
Notre conviction profonde est qu’il n’y aura pas d’agroécologie sans relève et qu’une relève est impossible sans une politique foncière juste.
Il y a trois ans, les investisseurs chinois lors des opérations d’achat de terres françaises ont joué le rôle de « lanceurs d’alerte » : ils ont en quelque sorte été « l’arbre qui révèle la forêt » d’un délitement éthique de nos politiques foncières.
C’est notamment le cas du détournement du travail à façon et du phénomène sociétaire qui, après la censure partielle du Conseil constitutionnel sur la loi relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles, demeurent un angle mort des régulations attendues.
Avec prudence, nous plaidons pour que la vigilance sur les usages du sol ne nous distraie pas de celle que nous devons avoir sur sa propriété. Sur le temps long, la structure de la propriété foncière a inéluctablement des conséquences sur l’équilibre de notre société et notre rapport à la nature.
Ce combat pour la terre fait écho à de nombreux travaux scientifiques, comme l’étude prospective Agrimonde-Terra, élaborée en 2016 par des scientifiques de l’INRA et du CIRAD avec l’appui d’experts internationaux, qui met en avant l’enjeu capital de la sauvegarde et de la partition des sols pour nourrir 10 milliards d’êtres humains en 2050 : tous les scénarios étudiés « impliquent de garantir un accès à la terre pour toutes les structures agricoles et de prendre en compte les dynamiques de développement rural » (Agrimonde-Terra, 2016, Étude prospective sur l’usage des terres et la sécurité alimentaire à 2050 - résumé).
Ce combat pour la terre s’inscrit dans l’esprit des États généraux de l’alimentation qui ont mis en avant l’urgence de régulations : « la santé dans son acception la plus large doit être protégée ainsi que l’environnement dans ses différents compartiments (eau, air, sol, biodiversité), en faisant de cette performance sanitaire et environnementale un levier de performance économique » et garantissant les cycles de fertilité (Atelier 11 des États généraux de l’alimentation, « Réussir la transition écologique et solidaire de notre agriculture en promouvant une alimentation durable »).
Ce combat pour la terre enfin est une réponse à l’état d’urgence formulé dans deux rapports publiés à quelques semaines d’intervalle à l’automne 2018 par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) : alors que la première tire la sonnette d’alarme sur les conséquences dramatiques du changement climatique sur la faim dans le monde et la progression de la sous‑nutrition, le second confirme le rôle majeur des sols dans la résilience climatique.
Cet amendement s'inscrit dans le cadre de l'appel que nous avons lancé collectivement en mars dernier avec 18 organisations (syndicats, collectivités et ONG environnementales), en faveur d’une loi de partage et de protection des terres agricoles.
Voici la liste des 9 propositions formulées dans le cadre de l’appel pour une nouvelle loi foncière :
1. Inscrire dans la loi le principe selon lequel le sol, comme les autres ressources naturelles, est un « élément du patrimoine commun de la Nation ».
2. Réguler l’ensemble des marchés fonciers en assurant leur transparence, leur contrôle et leur orientation sur l’usage et la propriété.
3. Permettre un accès à la terre à la nouvelle génération grâce au partage, au portage et au financement du foncier agricole.
4. Préciser le statut de l’actif agricole et celui du fermage dans sa dimension sociale et environnementale.
5. Tendre vers l’objectif de zéro artificialisation nette avec des règles d’urbanisme cohérentes et une fiscalité qui limite la spéculation.
6. Moderniser et démocratiser les instruments de prospective et de mise en œuvre des politiques foncières
7. Créer les conditions favorables au développement de l’agroécologie permettant une nourriture de qualité pour tous, la protection de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique (notamment via la captation carbone des sols).
8. Défendre un ambitieux programme de recherche sur la santé des sols à l’échelle de l’Union européenne, en appui à la future Politique Agricole Commune.
9. Lancer, au nom de la paix, un plaidoyer pour un traité onusien visant à lutter contre l’accaparement des terres
Dans l’attente de cette grande loi foncière pour le XXIe siècle, le présent amendement propose donc, à droit constant, de renforcer le contrôle des structures par les services de l’État.
Pour être recevable, cet amendement modifie les crédits (en AE et CP) de la manière qui suit :
- l'Action 24 du Programme 149 est abondée à hauteur de 5 millions d'euros.
- les crédits de l'Action 01 du Programme 215 sont diminués à hauteur de 5 millions d'euros.
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