Commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire lactalis et d'étudier à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et l'effectivité des décisions publiques

Réunion du mardi 12 juin 2018 à 19h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • DGAL
  • alimentaire
  • alimentation
  • analyse
  • autocontrôles
  • crise
  • lactalis
  • lait
  • sanitaire
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La réunion

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L'audition débute à dix-neuf heures.

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L'Assemblée nationale a constitué une commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire Lactalis et d'étudier les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et l'effectivité des décisions publiques.

Il ne s'agit pas de faire le procès de qui que ce soit, nous ne sommes pas des juges, mais de comprendre comment la contamination a pu se produire.

Nous achevons cette semaine nos auditions avec les trois ministres concernés par cette affaire : après vous, monsieur Travert, nous recevrons Mme Agnès Buzyn et M. Bruno Le Maire.

La commission a déjà auditionné la plupart des acteurs principaux de cette crise. Il lui a d'abord semblé indispensable de recevoir les représentants des associations des victimes, puis ceux des administrations de l'État – la direction générale de l'alimentation (DGAL), la direction générale de la santé (DGS), Santé publique France, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) de la Mayenne, département concerné – afin de savoir comment l'alerte avait été donnée et quelles mesures avaient été prises.

La commission a continué ses travaux en auditionnant les représentants des associations de consommateurs et différents acteurs du secteur laitier : la Fédération nationale des industries laitières (FNIL), la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) ainsi que les organisations professionnelles agricoles.

Une autre série d'auditions a porté sur les laboratoires d'analyse.

En ce qui concerne la commercialisation des produits, nous avons auditionné des représentants de l'ordre des pharmaciens et ceux des syndicats des pharmaciens.

Nous avons poursuivi avec des dirigeants de la grande distribution : Auchan, Leclerc, Carrefour, Intermarché, la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), sans oublier le e-commerce, avec Amazon France

Enfin, nous avons reçu les responsables de crèches qui, elles aussi, achètent du lait.

La semaine dernière, nous avons auditionné M. Emmanuel Besnier, le président-directeur général (PDG) de Lactalis.

Nous sommes ravis de vous recevoir, monsieur le ministre – et nous vous remercions d'avoir répondu rapidement à notre invitation car la commission d'enquête achève bientôt ses travaux – afin de faire le point sur les informations que nous avons recueillies et sur les mesures qui pourraient être prises pour éviter une nouvelle crise.

Outre vous-même, monsieur le ministre, nous accueillons M. Bruno Ferreira, directeur adjoint de votre cabinet, chargé de la politique agricole commune (PAC) et des relations diplomatiques, Mme Claire Le Bigot, conseillère pour l'alimentation, la santé et l'environnement, et M. Patrick Dehaumont, directeur général de l'alimentation (DGAL).

Cette audition est ouverte à la presse et retransmise sur le portail vidéo de l'Assemblée.

Comme il s'agit d'une commission d'enquête, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais demander à chacun d'entre vous de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Veuillez lever la main droite et dire : « Je le jure ».

Les personnes auditionnées prêtent successivement serment.

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Afin que les auditions suivent une ligne directrice, le rapporteur et moi-même avons l'habitude de poser au préalable un certain nombre de questions. Je vous en poserai quatre concernant l'organisation et les moyens des services de l'État en matière de sécurité sanitaire.

La répartition des compétences entre les différents ministères en matière de sécurité sanitaire de l'alimentation infantile est-elle à votre sens satisfaisante ?

De façon plus générale, faut-il créer une police unifiée de l'alimentation ? Puisque le règlement européen n° 2017625 du 15 mars 2017 prévoit que, dans les États membres de l'Union européenne, une autorité unique sera chargée de piloter l'élaboration du plan pluriannuel des contrôles, des évolutions sont-elles prévues en ce sens ?

Quels sont les effectifs et les moyens financiers de votre ministère dédiés à la sécurité sanitaire des aliments ? La crise Lactalis n'est-elle pas le signe de l'insuffisance de ces derniers ?

Enfin, que pensez-vous de la proposition, faite notamment par le règlement européen 2017625 déjà cité, de créer une taxe sanitaire dont s'acquitteraient les industriels afin de financer les contrôles officiels – l'État jouissant dès lors d'une certaine liberté financière car les contrôles coûtent assez cher ?

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Je souscris totalement, comme d'habitude, aux excellents propos du président Hutin. J'ai la lourde responsabilité de la rédaction du rapport qui n'aura pas vocation à rester au fond d'un tiroir mais à être utilisé pour amender les textes que nous aurons à examiner, voire à être transformé en proposition de loi, d'où l'importance de vos réponses. Il fera suite à l'excellent projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable (EGALIM), que vous défendez, monsieur le ministre, un texte qui comprend d'ores et déjà de fortes mesures pour la sécurité alimentaire de nos concitoyens.

J'en viens à mes questions.

Au regard de la crise, ne considérez-vous pas que le rythme de contrôle de vos services – un contrôle en moyenne tous les deux ans – mérite d'être revu à la hausse ? Des mesures sont-elles prévues en ce sens ?

Vous semblerait-il pertinent que l'État exerce un contrôle plus important sur l'élaboration du plan de maîtrise des risques et sa bonne mise en oeuvre par l'industriel ?

Faut-il que l'État réalise davantage de contrôles analytiques officiels face au manque de fiabilité de certains autocontrôles ?

Envisagez-vous d'ouvrir davantage, dans les années à venir, l'analyse des contrôles analytiques officiels à des laboratoires privés, sur le modèle du marché de l'eau ?

Pensez-vous que l'indépendance des laboratoires privés chargés de réaliser les analyses pour le compte de grands industriels soit aujourd'hui suffisamment garantie ?

Comment assurer le contrôle des autocontrôles ? Le rôle des laboratoires publics doit-il être renforcé ?

Pensez-vous que les obligations en matière de transmission des autocontrôles doivent être renforcées ? Des modifications devraient déjà être apportées en ce sens par le projet de loi EGALIM, adopté en première lecture à l'Assemblée, mais ne faudrait-il pas que les laboratoires informent directement les autorités publiques en cas de contrôles positifs susceptibles d'entraîner un risque important pour la sécurité sanitaire ?

Les auditions organisées par notre commission depuis plusieurs semaines tendent à montrer des manquements en matière de communication ou de concertation entre la DGAL, la DGCCRF, la DGS et la DDCSPP. Comme vient de vous le demander le président, ne pensez-vous pas, comme le préconisent indirectement certains rapports de la Cour des comptes, qu'il serait souhaitable de créer une police de la sécurité agroalimentaire afin de protéger le plus vite possible l'ensemble de nos concitoyens, en particulier nos jeunes enfants et nos aînés ?

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Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture et de l'alimentation

Je vous remercie de m'accueillir au sein de votre commission d'enquête. Il était en effet important que mes principaux collaborateurs et moi-même venions vous expliquer comment le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, en particulier la direction générale de l'alimentation, traite les crises comme celle survenue à l'usine Lactalis de Craon.

Vous vous demandez si l'organisation des services de l'État, la répartition entre les différents ministères des moyens pour assurer la sécurité alimentaire, est satisfaisante. Le ministère des solidarités et de la santé et Santé publique France sont chargés de la santé humaine et assurent donc la veille sanitaire des cas humains. En cas de toxi-infection alimentaire, ils alertent le ministère de l'économie et des finances et le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, puis ils réalisent l'enquête épidémiologique, par le biais d'un questionnaire, pour connaître les symptômes et l'historique des aliments concernés. Le ministère de l'économie et des finances, à travers la DGCCRF, et le ministère de l'agriculture et de l'alimentation sont pour leur part chargés des produits alimentaires. Une fois qu'ils ont connaissance de cas humains et d'une suspicion de cause alimentaire, un contrôle officiel et, autant que de besoin, la traçabilité et des analyses sont réalisés. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation est responsable de l'hygiène des denrées animales – viande, lait, oeufs, poissons et tout produit transformé. Le ministère de l'économie et des finances est, lui, responsable de l'hygiène des denrées végétales et de l'alimentation infantile.

Les compétences sont donc ici réparties entre, d'une part, la gestion des cas humains, relevant du ministère des solidarités et de la santé, et, d'autre part, les enquêtes alimentaires, relevant du ministère de l'agriculture et de l'alimentation et du ministère de l'économie et des finances. Cette organisation est satisfaisante même si la communication est toujours perfectible.

Pour ce qui est de la répartition des compétences entre le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et le ministère de l'économie et des finances, on a procédé à la fusion des services déconcentrés en 2010. Aussi les agents de la DGAL et ceux de la DGCCRF se trouvent-il aujourd'hui dans les mêmes directions et souvent dans les mêmes services. Ils peuvent donc vraiment travailler ensemble. Une programmation conjointe est prévue pour toucher le plus grand nombre d'établissements dans le temps, dans l'espace et selon les problématiques abordées ; elle prévoit des documents de coordination avec un protocole de coopération entre les administrations.

De façon plus générale, vous vous demandez s'il faut créer une police unifiée de l'alimentation. Si la création des DDCSPP a permis le développement de synergies, il est utile de s'interroger sur l'articulation des administrations entre elles. L'un des scénarios actuellement envisagés et qui pourrait avoir du sens consisterait à confier toutes les compétences concernant la qualité de l'alimentation au ministère compétent en matière d'alimentation, et de prévoir une autre répartition des effectifs entre le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, actuellement au nombre de 4 715, et le ministère de l'économie et des finances, au nombre de 528.

La délégation du contrôle au secteur privé n'est pas l'option choisie par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation : nous estimons que la protection de la santé publique relève des missions régaliennes de l'État. Je rappelle en outre le succès du système Alim'Confiance, qui garantit la transparence au consommateur – il s'agit d'une application développée par la DGAL et que vous pouvez installer sur vos téléphones portables afin de disposer d'une information en temps réel sur les contrôles effectués dans un certain nombre d'établissements.

La délégation n'est en outre pas compatible avec la réglementation communautaire qui impose que les sanctions administratives et pénales prises à la suite d'un contrôle – mises en demeure, procès-verbaux de fermeture, de retrait d'agrément – soient du ressort de l'État ; or de telles sanctions sont prises dans 49 % des cas. L'État doit intervenir après le délégataire pour décider des sanctions administratives et pénales. La réglementation communautaire prévoit l'indépendance, l'impartialité et l'accréditation du contrôleur. Il est nécessaire de conserver ces compétences au sein de l'État en cas de crise en plus du contrôle du délégataire – et l'on peut en effet discuter des économies ainsi réalisées…

Vous m'avez également interrogé sur le règlement européen 2017625 du 15 mars 2017. Il prévoit la mise en place, dans les États membres de l'Union européenne, d'un organisme unique chargé de piloter l'élaboration du plan pluriannuel des contrôles en matière de sécurité alimentaire. Selon quelles modalités en France ? Ce n'est pas encore décidé à ce stade, mais il existe déjà un seul et unique plan de contrôle pluriannuel. Nous entendons en tout cas continuer de travailler sur le scénario alternatif d'une police de la qualité de l'alimentation au sein du ministère chargé de l'alimentation.

Vous m'avez demandé si la crise dont il est ici question n'avait pas mis en évidence une certaine insuffisance des effectifs et des moyens financiers du ministère chargé de la sécurité sanitaire des aliments. Le programme 206, « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », fait partie du budget du ministère de l'agriculture et de l'alimentation. La DGAL compte 4 569 équivalents temps plein (ETP) contre 405 ETP pour la DGCCRF. Les effectifs des contrôleurs sont calculés en fonction du nombre de consommateurs et du nombre d'industries agroalimentaires dans le territoire considéré. Prenons les chiffres de 2016 pour 2015 : au niveau national, le ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt comptait 215 ETP au niveau national, 535 au niveau régional et 3 965 au niveau départemental, soit un total de 4 715 ETP. Les chiffres sont les suivants pour le ministère de l'économie et des finances : 123 ETP – effectif dont un tiers est dédié au contrôle alimentaire – au niveau national, 31 au niveau régional et 374 au niveau départemental, pour un total de 528 ETP. Au ministère de l'agriculture et de l'alimentation, l'inspection des abattoirs et des établissements alimentaires regroupe 45 % des effectifs totaux, soit 2 067 ETP en 2017 dont 71 % en abattoirs. L'inspection hors abattoirs comprend 607 ETP. Notons une augmentation de 180 ETP entre 2015 et 2017, afin de pallier en partie la baisse des effectifs survenue entre 2006 et 2013 – 4 871 ETP en 2006 contre 4 589 en 2013, soit une différence de 282 ETP.

Pour ce qui est du programme 206, toujours, en 2017, les dépenses exécutées s'élèvent à 313 millions d'euros en crédits de paiement. Pour l'action spécifique relative à l'inspection dans le domaine alimentaire, les frais de fonctionnement, à savoir le coût des analyses et des matériels, ont atteint 5,88 millions d'euros et devraient s'élever à 5,5 millions d'euros en 2018 et 5,58 millions d'euros en 2019. Les frais de personnels, de déplacements, de loyers…, relevant du programme 333, « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », sont pris en compte dans ce budget.

Vous avez évoqué une taxe sanitaire qui serait acquittée par les industriels pour financer les contrôles officiels. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation en défend le principe pour la création de 900 ETP dont entre 60 et 100 seront dus au Brexit. Du fait du Brexit, en effet, il va falloir créer, dans nos ports, des sas pour contrôler les aliments ou le bétail vivant qui pourraient y transiter depuis le Royaume-Uni.

Le coût du système sanitaire pour les établissements du commerce de détail et de la restauration est en France de 0,30 euro par habitant et par an et est pris en charge à 100 % par l'État ; ce coût est cinq fois plus élevé aux Pays-Bas, 1,50 euro par habitant et par an, et pris en charge à hauteur de 94 % par l'État ; en Belgique, il équivaut à 5,7 fois celui de la France avec 1,70 euro par habitant et par an et dont 13 % sont pris à son compte par l'État ; enfin, au Danemark, le coût est huit fois plus élevé qu'en France puisque de 2,40 euros par habitant et par an, à charge de l'État pour 83 %.

Estimons-nous ensuite que le rythme des contrôles des services, soit un contrôle en moyenne tous les deux ans, mérite d'être accéléré ? Environ 55 000 contrôles alimentaires par an ont été réalisés pour le ministère de l'agriculture et de l'alimentation ; plus de mille alertes par an ont été lancées, dont la moitié par la DGCCRF ; 30 laboratoires de référence, sur les 150 qui sont spécialisés et référencés. Je rappelle que, depuis vingt ans, la réglementation communautaire a permis une responsabilisation des professionnels et nous encourrions le risque de déresponsabilisation à trop impliquer l'État dans certains contrôles. Pourquoi ? Parce que l'industriel a la responsabilité de la sécurité de ses produits.

J'en viens aux moyens. J'y ai fait allusion, nous sommes favorables à l'établissement d'une taxe pour la réalisation de contrôles officiels. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation fait ces contrôles suivant un rythme calculé sur la base d'une analyse de risque, qui prend en compte le volume produit par l'entreprise, le type de produit – on va par exemple plus contrôler une entreprise qui produit du steak haché qu'une entreprise qui met des aliments en conserve – et le type de consommateur – ainsi beaucoup plus de contrôles seront réalisés sur des aliments infantiles.

Est-il pertinent que l'État exerce un contrôle plus important sur l'élaboration du plan de maîtrise des risques et sa mise en oeuvre par les industriels ? Qu'appelle-t-on un « contrôle plus important » ? Le plan de maîtrise sanitaire est de la responsabilité du professionnel. À l'ouverture d'une industrie, d'une entreprise agroalimentaire, l'agrément n'est octroyé que si le plan de maîtrise sanitaire a été validé par l'État. Des contrôles réguliers sont ensuite effectués. L'inspecteur du ministère de l'agriculture et de l'alimentation fait des audits puis des contrôles de second niveau pour vérifier si le plan de maîtrise sanitaire est suffisant et cohérent voire s'il est appliqué ; et il ne fait pas toujours faire des analyses officielles parce que le professionnel fait faire des analyses de son côté puisque c'est lui, je le répète, qui a la responsabilité de la sécurité des produits. Vous le savez, le projet de loi EGALIM contient un article visant à imposer des comparaisons inter-laboratoires pour s'assurer de la qualité des analyses fournies ou pour avoir une accréditation. Nous espérons que le Sénat ne modifiera pas ce dispositif.

L'État doit-il réaliser davantage de contrôles analytiques officiels face au manque de fiabilité de certains autocontrôles ? Ce serait beaucoup trop lourd. L'État a déjà fait 800 000 analyses pour un budget de 12 millions d'euros, contrôles aléatoires comme contrôles ciblés. Là encore, ce n'est pas à l'État de se substituer aux professionnels.

Vous nous avez interrogés sur la possibilité, dans les années à venir, de confier les analyses des contrôles à des laboratoires privés, sur le modèle du marché de l'eau. C'est déjà le cas, même si de nombreuses analyses sont réalisées aujourd'hui par les laboratoires départementaux. Tous les laboratoires amenés à faire ces analyses sont agréés et donc accrédités et ils devraient de surcroît procéder, je l'ai évoqué avec le projet de loi en cours d'examen, à des comparaisons inter-laboratoires. Aussi la qualité des analyses officielles ne se pose-t-elle pas. L'accréditation implique une obligation d'indépendance, une plus grande impartialité mais aussi le renforcement des compétences. En effet, pour pouvoir réaliser l'ensemble des opérations, nous avons besoin de personnels hautement qualifiés afin qu'elles ne soient pas sujettes à interprétations. Une réflexion est en cours sur la création d'un service d'intérêt économique général, au niveau local et au niveau national, afin de former un réseau national des laboratoires, afin d'apporter des réponses, afin de travailler de manière beaucoup plus transversale.

Il est vrai que l'indépendance des laboratoires privés chargés de réaliser les analyses pour le compte de grands industriels peut poser problème. C'est pourquoi le projet de loi EGALIM prévoit leur accréditation et la réalisation d'essais comparatifs, en aveugle, entre laboratoires. Reste qu'il est compliqué de demander aux laboratoires de confier les résultats des autocontrôles à l'État. En effet, une telle mesure revêtirait un aspect de délation : les résultats des contrôles sont la propriété des professionnels et le laboratoire n'a pas forcément non plus les données nécessaires pour interpréter un certain nombre de résultats. Comment, donc, assurer le contrôle des autocontrôles et comment renforcer le rôle des laboratoires publics ? Nous irions au-delà de la réglementation européenne si nous obligions les professionnels à avoir recours uniquement aux laboratoires publics. Nous avons, du reste, un réseau de laboratoires publics insuffisant, et nous ne saurions mettre en péril l'activité économique d'un certain nombre de laboratoires privés. Des contrôles des autocontrôles sont réalisés lors des inspections officielles, de même que des contrôles des laboratoires par essais d'intercomparaison – les laboratoires publics font déjà des analyses pour le compte des professionnels qui souhaitent recourir à leurs services.

En ce qui concerne l'obligation de transmission des autocontrôles, des modifications ont été apportées en ce sens par le projet de loi EGALIM, adopté en première lecture, même s'il existe déjà une obligation de transmettre les données mais uniquement en cas de toxi-infection alimentaire. Ainsi le projet de loi vise à imposer aux laboratoires de transmettre les données à la demande expresse de l'État et aux professionnels de transmettre les données en cas de risque. Le laboratoire, lorsqu'il dispose des prélèvements et des résultats, ne connaît pas le contexte de réalisation des prélèvements, d'où l'éventualité d'une interprétation difficile des résultats de l'analyse de données qui relèvent de la propriété du professionnel.

Voilà les éléments que j'ai souhaité vous livrer sur la répartition des effectifs et des compétences entre la DGCCRF, relevant du ministère de l'économie et des finances, et la DGAL, relevant du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, mais aussi sur les thèmes sur lesquels nous réfléchissons afin, dans le cadre du projet de loi EGALIM, de tirer les leçons de la crise.

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Vous avez bien voulu citer, monsieur le ministre, les chiffres du programme 206 dont je suis le rapporteur spécial pour la sécurité alimentaire. Vous avez comparé le coût, en France, du système sanitaire pour les établissements du commerce de détail et de la restauration, avec ce qu'il est dans d'autres pays et il se trouve en effet qu'en matière de financement nous sommes bien loin de certains de nos voisins. Or nous devons tirer les enseignements de l'affaire Lactalis.

Si le besoin en financement est important, il semble que le pilotage doive être revu. En 2017, un rapport sénatorial dénonçait l'enchevêtrement des compétences dans le pilotage d'une crise alimentaire. Le président a également insisté sur le fait que la réglementation européenne nous imposait d'avoir un organisme unique chargé de l'élaboration du plan pluriannuel des contrôles. Vous nous avez dit réfléchir en ce moment à la question mais est-ce dans la perspective d'un pilotage préférentiel de vos services ou dans celle de la création d'un véritable service chargé des crises alimentaires – étant donné que la sensibilité du public est évidente en la matière ?

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Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture et de l'alimentation

En tant que rapporteur spécial, vous avez pu constater que le ministère de l'agriculture et de l'alimentation avait fait un effort important en matière de sécurité sanitaire parce que nous considérons qu'il s'agit d'une priorité,…

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Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture et de l'alimentation

…nonobstant l'affaire Lactalis. Nous devons en effet la sécurité alimentaire à nos concitoyens. Nous avons renforcé les moyens de la DGAL de 12 %.

Vous avez relevé qu'en matière de financement la France était loin des autres États membres, ce qui implique que nous revoyions le pilotage, ainsi que le préconise le rapport du Sénat, que vous avez cité, et le règlement européen 2017625. Nous réfléchissons donc à l'organisation de la chaîne de commandement, ainsi qu'à l'instauration, je l'ai mentionné, d'une redevance sanitaire.

Pour ce qui est d'une police unifiée, je l'ai évoqué, les services sont aujourd'hui réunis au sein d'une même direction au niveau départemental mais il y a deux chaînes de commandement distinctes qui pourraient, certes, mieux communiquer, être mieux coordonnées afin de réaliser des contrôles plus efficaces. C'est le sens du règlement 2017625.

Notre but est donc d'améliorer le dispositif et, surtout, sa réactivité.

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Je vais tenter de traduire vos propos, monsieur le ministre, pour tâcher de mieux vous comprendre.

Si j'entends bien : localement, tout fonctionne bien ; au niveau national, en revanche, vous êtes conscients de dysfonctionnements entre services – je n'accuse là aucun service en particulier. Je tiens à rappeler que, lors des auditions précédentes, nous nous sommes trouvés face à un industriel qui a multiplié le nombre de rappels de lots contaminés, mais aussi face à des représentants d'hôpitaux qui n'étaient pas au courant qu'ils avaient du lait contaminé dans leurs établissements, face à des représentantes de crèches qui n'ont jamais – je dis bien jamais – été averties qu'elles avaient du lait contaminé dans leurs services, et face aux représentants de la grande distribution qui a vendu du lait contaminé, a rappelé des lots avant de les remettre en vente !

En somme, je pense qu'il y a un problème au niveau national et que nous devons le résoudre. Je souhaite savoir si ce que vous venez d'évoquer revient à la création d'une sorte de « chapeau » qui couvrirait les services de la DGAL et ceux de la DGCCRF, mais aussi les services de la DGS – chargée de la diffusion de l'information en complément de celle diffusée par l'industriel. C'est à la DGS de se faire le « mégaphone » des problèmes agroalimentaires. C'est ce genre de « chapeau » qu'il me semble nécessaire de mettre en place au niveau national.

Il résulte en effet de nos échanges avec des représentants de la grande distribution que nous sommes confrontés à de nouvelles menaces et je pense en particulier à des menaces terroristes : nous serons peut-être, demain, amenés à prendre des mesures de retrait-rappel parce qu'on aura retrouvé des produits très nocifs dans des bouteilles d'eau ou des boîtes de haricots verts. Il nous faudra alors nous montrer très rapides et des plus performants en matière de communication. Or la communication des industriels ne me paraît pas être la bonne : il suffit de considérer les talents de communicant du PDG de Lactalis… Peut-être est-ce dès lors à l'État de prendre une partie de la responsabilité lorsque l'entreprise est défaillante.

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Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture et de l'alimentation

Les procédures de retrait-rappel ont été lancées mais elles sont de la responsabilité du professionnel. Elles ont été accompagnées de messages diffusés à la radio, à la télévision, sur internet – sur le site de la DGAL par exemple – et ont permis que les produits incriminés soient retrouvés.

Vous évoquez la création d'un « chapeau ». Je tiens à préciser à nouveau que la DGS ne traite que des cas humains alors que la DGCCRF et la DGAL traitent des produits végétaux pour la première et animaux ou d'origine animale pour la seconde. Ce dont nous avons besoin, c'est de retours permanents d'expérience. La gestion de crise impose en effet de se remettre continuellement en question – c'est d'ailleurs le principe même de la gestion de crise : évaluation, gestion, retour d'expérience. Il faut en outre noter que l'État organise de façon régulière des exercices grandeur nature pour les risques de grande ampleur, ce qui nous permet d'améliorer le fonctionnement de nos services, d'accroître leur réactivité. Un retour d'expérience est d'ailleurs prévu au ministère concernant la contamination des oeufs au fipronil au cours de l'été dernier.

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Pour rassurer nos concitoyens – qui nous écrivent à ce sujet –, pouvez-vous nous indiquer quelles précautions ont été prises pour la reprise de l'activité du site de Craon, puisque l'autorisation lui en a été donnée ? Les événements qui s'y sont produits vous ont-ils amené à revoir les protocoles d'autorisation d'exploiter à nouveau le site ? Enfin, l'administration s'est-elle assurée de la destruction des stocks des produits retirés du marché ?

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Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture et de l'alimentation

D'abord, le site de Craon n'a pas rouvert. Plus exactement : le site n° 1, fermé par l'entreprise, ne rouvrira pas. Sur le second site, d'une capacité de production plus importante, sont réalisés des essais grandeur nature – ce qui ne signifie pas qu'il soit rouvert à la production. Il fallait pouvoir organiser ces essais pour vérifier si le protocole sanitaire mis en place et les mesures correctives prises par le groupe étaient bien respectés et permettaient de produire dans des conditions sanitaires optimales. Nous avons autorisé ce test grandeur nature, qui ne porte pas sur du lait infantile mais sur du lait, je dirais, traditionnel et qui n'est pas destiné à la commercialisation.

La réouverture du site pour la production, donc pour la commercialisation, ne sera envisageable qu'après que l'État aura donné son aval et donc après l'analyse complète des données et après vérification que toutes les étapes de fabrication et de contrôle sont respectées et que les produits ne présentent donc pas de risque pour les consommateurs. Dès lors, l'État pourra donner l'autorisation de rouvrir. À ce stade, aucune date n'est prévue.

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Et comment l'administration – c'était ma dernière question – s'est-elle assurée de la destruction des produits retirés du marché et susceptibles d'avoir été contaminés ?

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Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture et de l'alimentation

L'ensemble des produits a été stocké dans des sites appartenant à la société Lactalis et ils ne seront pas, bien évidemment, commercialisés.

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Je crois que M. Savatier fait allusion au fait que des produits contaminés stockés ont été volés, ce qui pose un problème très particulier…

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Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture et de l'alimentation

Des consignes ont été données pour la destruction des stocks et je vous confirme qu'elle est en cours.

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Vous avez insisté, monsieur le ministre, sur un paramètre : la responsabilité du professionnel – et, certes, ce dernier est bien responsable de sa production. Reste que les lots contaminés, ici, n'auraient jamais dû quitter l'usine, et que leur rappel s'est réalisé en deux fois du fait d'éléments de traçabilité incomplets. Aussi, malgré un système de suivi, certaines inspections n'ont pas montré d'écarts majeurs avec les éléments qu'ils possédaient. Comment une entreprise suivie par des services de l'État peut-elle montrer une telle faiblesse dans la maîtrise de son processus de production, au point de ne pas retrouver avec certitude ses lots et comment savoir si c'est de bonne ou de mauvaise foi ? Ne peut-on définir des outils de pilotages plus précis ? On pourrait par exemple conserver un échantillon en poudre – sec par nature, il n'évoluera pas – afin de vérifier si, pour le lot auquel il appartient, un test a été effectué avec un avis conforme. Ne peut-on donc garder un tel échantillon témoin qui prouvera, en cas de nécessité, la bonne ou la mauvaise foi du professionnel ?

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Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture et de l'alimentation

Pour ce qui est de la responsabilité de l'entreprise, vous avez raison, et il y a bien eu deux procédures de retrait-rappel des produits. Toutefois, je ne dispose pas de certains éléments qui relèvent de l'enquête judiciaire en cours.

Des échantillons témoins sont d'ores et déjà systématiquement conservés et tracés de manière à pouvoir anticiper un certain nombre de contrôles.

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Patrick Dehaumont, directeur général de l'alimentation

Plusieurs données sont en effet sous embargo judiciaire. Les inspecteurs, lorsqu'ils visitent un établissement, ont accès à un certain nombre d'informations délivrées par l'entreprise et en fonction desquelles ils peuvent poursuivre leurs investigations – il leur est donc difficile d'aller plus loin quand ils ne disposent pas de ce dont ils ont besoin à un moment précis.

Dans le cas qui nous occupe, l'échantillothèque existait et il a donc été possible de faire des analyses a posteriori et accessoirement, dans plusieurs cas, de retrouver des salmonelles. Les analyses initiales étaient négatives : doit-on l'expliquer par la dispersion des salmonelles dans le produit, par les méthodes d'analyse ? Il est de toute façon important qu'il y ait obligation pour les professionnels de transmettre un certain nombre d'éléments et, le ministre l'a expliqué, le projet de loi en cours d'examen améliorera le dispositif.

Ensuite, c'est grâce à la fréquence des inspections qu'on évaluera au mieux le plan de maîtrise sanitaire de l'entreprise et qu'on vérifiera plus précisément ses autocontrôles.

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Lactalis est peut-être un cas à part, du moins je l'espère. Un scandale a éclaté en 2005, un autre en 2007. Des contrôles positifs ont été réalisés en 2011, en 2012, en 2013. Je souhaite à cet égard revenir sur la transmission des résultats des autocontrôles aux services de l'État. Quand on a autant d'alertes que celles que je viens de citer, vos services pourraient peut-être diriger leur action vers ces entreprises défaillantes. J'entends bien que le nombre d'informations à traiter est important – quand on reçoit des milliers de tests d'autocontrôles positifs – mais la réalité est là même si vous êtes passé, en ce qui concerne Lactalis, d'un rythme bisannuel à un rythme annuel. Vous pourriez mieux réorienter les contrôles si les résultats des autocontrôles positifs étaient communiqués systématiquement aux services de l'État.

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Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture et de l'alimentation

Nous avons décidé d'étendre la notification des autocontrôles positifs portant sur l'environnement du produit. On risque donc de se retrouver avec une masse importante d'informations à traiter ; mais c'est la pratique qui pourra permettre de parer, à l'avenir, aux situations que vous venez d'évoquer.

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Patrick Dehaumont, directeur général de l'alimentation

Il faut en effet améliorer la transmission des informations concernant les autocontrôles – et c'est bien le but du projet de loi EGALIM. Il faut en particulier s'intéresser au contrôle de l'environnement du produit, bon indicateur de la situation sanitaire d'un établissement. Reste que nous devons faire attention à ce que le professionnel ne se défausse pas de sa responsabilité sur les services de l'État car ces derniers devront traiter une quantité importante de données. Autant pour un produit contaminé les services de l'État doivent disposer de l'information et pouvoir décider des retraits-rappels, notamment quand les produits sont sur le marché – dans ce cas il faut absolument et sans conteste que l'État soit très présent –, autant pour ce qui est des contrôles de l'environnement, les services de l'État doivent disposer de l'information lorsque des anomalies risquent de mettre la santé en jeu – et c'était le cas, ici, avec les salmonelles trouvées dans l'environnement du produit.

Le professionnel ne doit toutefois pas transmettre que des résultats bruts : il doit proposer des mesures correctives, un plan d'action pour que la production redevienne « normale ». La démarche doit vraiment être faite au niveau industriel pour corriger la situation parce qu'il s'agit de produits biologiques – il est normal qu'il y ait des bactéries dans les matières premières ; mais elles sont, malheureusement, parfois pathogènes et, selon le processus de production, certains produits peuvent être contaminés. Il est donc très important, j'y insiste, que la transmission des données s'accompagne d'un plan correctif établi par le professionnel afin qu'on puisse l'évaluer, vérifier sa pertinence et vérifier sa mise en oeuvre, sinon nous serons inondés par des milliers voire des millions de résultats d'analyses.

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Ma première question porte précisément sur les autocontrôles positifs de l'environnement du produit. Le ministre a insisté sur la difficulté de rendre obligatoire leur transmission et vous venez d'expliquer pourquoi, monsieur Dehaumont, et de montrer la nécessité de l'élaboration par le professionnel d'un plan correctif. En effet, dans le cas de Lactalis, les résultats des autocontrôles sur un balai et sur un carrelage se sont révélés positifs ; or ils auraient pu aider l'entreprise et les services de l'État à mieux cibler les recherches et par là à prévenir la crise. On voit donc qu'il y a des décisions à prendre en la matière.

Ma seconde question est plus large : un suivi des conséquences de la crise est-il assuré pour les producteurs de lait liés par un contrat avec Lactalis, afin, notamment, d'assurer la stabilité du prix du lait ?

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Lors de son audition, M. Besnier nous a garanti qu'il n'y avait eu aucune conséquence pour l'ensemble des producteurs…

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On nous a tenu à cet égard des discours contradictoires.

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En effet, d'un côté, celui des producteurs qui nous ont déclaré se retrouver en difficulté financièrement, au point de ne plus parvenir à livrer leur lait, et, de l'autre, étais-je en train de dire, celui de M. Besnier qui nous a assuré que les producteurs n'avaient eu aucun problème pour vendre leur lait.

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Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture et de l'alimentation

Les dirigeants de Lactalis, lorsque nous en avons parlé ensemble, nous ont déclaré que la collecte du site de Craon avait été déportée vers d'autres sites à proximité. Vous savez, madame la députée, qu'il y a des sites de production à Laval ou dans le département voisin d'Ille-et-Vilaine. C'est l'assurance que l'entreprise nous avait donnée pour que les producteurs ne soient pas pénalisés. Je n'ai pour l'heure pas eu de retours sur le fait que des producteurs pourraient se trouver en difficulté. Si tel est le cas, je demande à le savoir.

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Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture et de l'alimentation

Car si vous avez des informations sur un défaut ou une absence de collecte sur un des autres sites désignés par l'industriel, je veux le savoir.

En ce qui concerne les transmissions des autocontrôles, il est difficile pour les laboratoires de la faire eux-mêmes car il faut d'abord évaluer un contexte selon lequel l'analyse peut varier. Or ces éléments de contexte, c'est l'entreprise elle-même qui doit pouvoir nous les fournir, d'où la nécessité d'entretenir avec elle un dialogue à partir duquel on jugera s'il est nécessaire de procéder à des contrôles complémentaires.

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De la même manière que M. Savatier, parmi les habitants de ma circonscription se trouvent des adhérents à l'Association des familles victimes du lait contaminé aux salmonelles (AFVLCS). Je crois que vos services, monsieur le ministre, ont bien pris soin de les rencontrer mais je sais qu'ils vous ont adressé des courriers avec des observations et des questions, pour l'heure restées sans réponses. Comme ces questions m'ont également été adressées en tant que membre de la commission, je me permets de faire trois brèves observations.

Des stéréotypes de salmonelles ont été découverts dans l'usine de Craon ; des autocontrôles sur l'environnement mais également sur les produits se sont, au cours des dix dernières années et dans la même usine révélés positifs sans que nous sachions si les produits concernés ont été mis ou non sur le marché.

Ensuite, nous avons découvert, au cours de nos travaux, qu'aucune analyse n'avait été réalisée par l'État depuis douze ans pour vérifier la présence éventuelle de salmonelle dans les produits infantiles, malgré des éléments qui auraient pu alerter sur le risque encouru, étant entendu que la salmonellose est une des premières causes d'intoxication alimentaire en France et peut être, vous le savez, particulièrement grave chez les nourrissons.

Enfin, les distributeurs eux-mêmes nous ont informés, sans qu'aucune explication n'ait été à aucun moment donnée, que la vente de produits censés avoir été retirés pourrait être due à la mise en rayon de produits rapportés par les clients.

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Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture et de l'alimentation

Je l'ai précisé tout à l'heure en préambule : le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, par le biais de la DGAL, fait faire 800 000 analyses par an. Or ces analyses, très nombreuses, comme vous pouvez le constater, ne comprennent pas le lait infantile, dont le contrôle relève de la DGCCRF. Vous me permettrez par conséquent de ne pas répondre à la place du ministère de l'économie et des finances, tutelle de la DGCCRF, puisque vous aurez tout loisir d'interroger mon collègue Bruno Le Maire sur le sujet.

Les représentants de l'AFVLCS ont en effet été reçus au ministère, ce qui était légitime, de même que de répondre à un certain nombre de leurs questions qui nous avaient d'ailleurs été transmises par courrier. Nous avons attendu de disposer d'éléments complémentaires afin de leur répondre très précisément. Les courriers sont à ma signature et leurs destinataires les recevront à la fin de la semaine ou au début de la semaine prochaine. Nous avons mis peut-être un peu trop de temps, selon vous, mais, j'y insiste, à questions précises, réponses précises, ce qui est bien normal.

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Que pensez-vous de l'idée de confier l'analyse des produits végétaux et des produits alimentaires infantiles à la DGAL, afin de faciliter la communication entre les services ? L'affaire Lactalis a en effet démontré l'inefficacité des procédures et tout regrouper au sein de la même direction générale permettrait d'éviter la répétition des problèmes rencontrés.

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Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture et de l'alimentation

La réflexion, sur ce point, entre les deux ministères, n'est pas nouvelle. La question est avant tout de savoir comment être efficace et donc comment assurer, avec une double chaîne de commandement, une meilleure transversalité, une meilleure communication entre les services. Il n'y a pas de lutte entre la DGAL et la DGCCRF ; d'ailleurs, dans les territoires, quand les agents issus du ministère de l'économie et des finances et ceux qui proviennent du ministère de l'agriculture et de l'alimentation travaillent dans un même service, dans un même bâtiment et même dans les mêmes bureaux, ils sont capables d'échanger rapidement. Il est certes toujours possible d'améliorer le dispositif et, j'y insiste, nous y réfléchissons.

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Des responsables de la grande distribution nous ont déclaré qu'il était parfois difficile pour leurs employés d'identifier les produits à retirer parce qu'il fallait lire les numéros des lots, les dates de péremption – la taille des chiffres étant réduite – etc., difficulté qui occasionnait pour eux une perte de temps et pouvait conduire à des incertitudes. Vos services ont-ils songé à améliorer l'étiquetage des produits afin de faciliter la tâche de ces employés ?

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Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture et de l'alimentation

C'est là tout l'enjeu de la traçabilité – de la responsabilité de l'entreprise dans la réalisation de son plan de maîtrise sanitaire. Vous avez tout à fait raison : il ne doit pas être facile pour les employés d'une grande surface d'aller chercher des lots à retirer, de les identifier par un numéro qui n'est pas souvent mis en évidence… Les nouvelles technologies doivent pouvoir les aider, l'information dématérialisée associée au produit leur permettre de repérer les produits plus facilement lorsqu'ils sont dans les rayons. Il revient également à l'entreprise de prévoir des caractères plus grands, de prévoir un logo spécifique lorsqu'il s'agit de produits infantiles, ce qui facilitera leur éventuel retrait. Il convient en outre de réfléchir à la généralisation des étiquettes dématérialisées – d'ores et déjà utilisées dans la viticulture.

Le Conseil national de l'alimentation (CNA) travaille sur l'étiquetage – nous l'avons d'ailleurs beaucoup sollicité en la matière pendant la préparation du projet de loi EGALIM. Reste que cette question relève de la responsabilité de l'entreprise.

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Nous avons déjà travaillé sur l'étiquetage, monsieur Lauzzana, et le rapporteur fera des propositions tenant compte de vos remarques et de celles d'autres députés. Il importe en tout cas, en effet, que l'étiquetage soit obligatoire et identifiable.

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Avant d'autoriser une entreprise à vendre et à commercialiser ses produits, peut-être devrait-on l'obliger à respecter des normes, à savoir l'obliger à user de tel type de caractères pour les étiquettes, lesquelles devraient être placées à tel endroit, afin de faciliter la traçabilité du produit. Il s'agirait de faire en sorte que tout le monde respecte les mêmes règles, ce qui rendrait la vie plus facile et aux consommateurs et aux distributeurs.

En outre, nous avons relevé que des méthodes d'analyse se révélaient parfois déficientes. Il serait sans doute bon que les entreprises du même secteur partagent leur expérience en matière d'application des normes car certaines n'ont jamais de problèmes dans la fabrication de leurs produits alors que d'autres en ont toujours. Le but serait ainsi d'apporter des solutions concrètes, de formaliser la bonne méthode.

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Vous évoquez la responsabilité des entreprises, monsieur le ministre. Vous n'êtes pas sans savoir que, dans le cadre d'un contrat de travail, le dirigeant peut déléguer sa responsabilité, en matière d'hygiène et de sécurité, à des responsables d'exploitation ou des responsables de service. Ne pensez-vous pas que cette délégation ne devrait pas permettre aux dirigeants de se délester de leur responsabilité et qu'ils devraient l'assumer au même titre que leurs salariés ?

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Je vous remercie, monsieur le ministre, pour l'excellente qualité de vos réponses. Il ne nous reste plus à auditionner que le ministre de l'économie et des finances et la ministre des solidarités et de la santé. De nombreuses suggestions des commissaires seront prises en compte dans le rapport. Quand on déplace un curseur, un côté est toujours plus satisfait que l'autre qui l'est toujours moins ; aussi certaines questions susciteront-elles probablement des débats. Quoi qu'il en soit, le rapport restera impartial et sans tabou. J'espère que certaines propositions seront reprises sous forme d'amendements au projet de loi en discussion ou sous forme de proposition de loi.

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Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture et de l'alimentation

L'étiquetage, je le rappelle, est régi par la réglementation européenne. Rien n'empêche toutefois les entreprises, à travers des accords interprofessionnels, d'adapter leur étiquetage aux contraintes évoquées. Vous le savez, lorsqu'il s'est agi de retirer de la vente des produits contaminés ou susceptibles de l'être, nous avons reçu, Bruno Le Maire et moi-même, les représentants de la grande distribution qui nous ont proposé de bloquer les codes-barres de ces produits afin que, si par hasard vous en preniez un qui serait resté dans un rayon, il ne passe pas à la caisse. Nous devons continuer de travailler en ce sens.

Ensuite, l'idée d'un retour d'expérience collectif des entreprises me paraît bonne. On peut l'imaginer, dans un premier temps, au sein d'une même filière afin d'améliorer les bonnes pratiques en matière d'hygiène.

Enfin, en matière d'hygiène et de sécurité des produits pour qu'ils soient propres à la consommation, je rappelle que la responsabilité est bien celle du chef de l'entreprise, le salarié agissant par délégation. C'est d'ailleurs pourquoi c'est le PDG de Lactalis que vous avez entendu : c'est lui qui est responsable.

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Peut-être ma question s'adresse-t-elle davantage au rapporteur. Avons-nous des éléments de comparaison – même si comparaison n'est jamais raison – entre le site de Craon et des entreprises de taille équivalente où les alertes auraient été moins nombreuses, éléments qui permettraient de présumer que certains défauts seraient inhérents à l'entreprise ?

Nous avons de belles entreprises et il faut malgré tout tenir compte de l'équilibre entre la nécessité de garantir la sécurité alimentaire – et donc garder la confiance des citoyens –, et le chantage à l'emploi et à la délocalisation.

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Il n'y a pas d'entreprise équivalente à Lactalis – le groupe est le plus important dans son secteur – mais la question, très pertinente, doit être posée et j'imagine que les services du ministère de l'agriculture et de l'alimentation s'en empareront.

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Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture et de l'alimentation

L'ensemble des entreprises ont été inspectées, ce qui a permis d'obtenir un retour sur les résultats des contrôles, des analyses. L'ANSES sera saisie pour savoir si l'on doit relever le niveau des exigences vis-à-vis de ces entreprises. En attendant, j'y insiste, il était important d'avoir les retours des usines qui fabriquent du lait infantile car toutes n'évoluent pas dans le même environnement.

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J'ai bien compris, monsieur le ministre, que vous n'êtes pas opposé aux essais de comparaison interlaboratoires, en particulier à une intensification des essais en aveugle entre les laboratoires départementaux, que nous pouvons considérer comme des laboratoires d'État puisque agréés par l'État, et les laboratoires privés.

Vous vous êtes montré très objectif dans votre description des crédits alloués par certaines nations voisines au système sanitaire pour les établissements du commerce de détail et de la restauration. Vous nous avez annoncé que vous pouviez créer 900 ETP, certains à la suite du Brexit. Le rapporteur peut-il s'en inspirer pour affirmer que nous soutenons la taxe sur les industriels, taxe du reste décidée par les autorités européennes même si elle sera infime – mais nous connaissons des industriels qui n'ont pas de soucis financiers majeurs ?

Vous avez rappelé qu'il y avait deux chaînes de commandement et vous souhaitez entre elles une meilleure transversalité et une meilleure coordination, ce qui me semble légitime. Les syndicats que nous avons reçus travaillent très régulièrement ensemble, souvent dans le même bâtiment voire dans la même pièce. Il ne s'agit donc nullement de porter l'opprobre sur eux, bien au contraire, mais je constate, puisque le pari mutuel urbain (PMU) relève de vos attributions, que vous en êtes à 4,5 contre un en ce qui concerne les effectifs – dans la perspective de l'établissement d'un « chapeau ».

Les acteurs nous ont appris que, depuis un certain temps, il n'y avait que des inspections officielles et plus d'inspections surprises. Mon père était inspecteur d'académie et j'ai le plus grand respect pour les enseignants, la plupart étant exceptionnels, mais, de temps en temps, quand ils étaient prévenus qu'il y aurait une inspection, les choses ne se passaient pas tout à fait de la même manière… Est-ce que le principe des inspections surprises vous choque ou bien au contraire vous paraît-il intéressant ?

Vous avez juré de dire la vérité, toute la vérité : allez-vous examiner notre rapport avec un oeil positif ?

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Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture et de l'alimentation

Le projet de loi prévoit des contrôles aveugles réalisés par des laboratoires privés. Quant aux contrôles supplémentaires, ils pourront être faits puisque nous avons augmenté le budget de la DGAL de 12 % afin de rendre le contrôle sanitaire plus efficace et afin, ainsi, de renforcer la sécurité alimentaire de nos concitoyens.

Pour ce qui est de la double chaîne de commandement, elle fonctionne et la réflexion sur le fait de savoir si une chaîne unique serait préférable n'est pas suffisamment aboutie. La seule chose qui importe pour l'heure est que les contrôles et les analyses puissent être réalisés de la meilleure façon possible dans un souci d'efficacité et de réactivité.

Voilà qui m'amène au contrôle inopiné qui selon moi est la base. Certes il y a des contrôles officiels dont les industriels sont prévenus mais nous devons continuer à faire des contrôles surprise qui suscitent parfois d'autres contrôles. En outre, les contrôles inopinés ont un caractère tout aussi officiel que ceux diligentés après que les opérateurs ont été prévenus.

Enfin, nous avons soutenu la création d'une commission d'enquête, et le Parlement a eu raison de se saisir de cette affaire car c'est la sécurité sanitaire de nos concitoyens qui est en jeu et, ici, celle de nos enfants consommateurs de lait infantile. Évidemment le rapport que vous remettrez à l'issue de vos travaux sera examiné avec toute l'attention qu'il mérite. J'ai en effet trop de respect pour le travail parlementaire pour qu'il n'en soit pas ainsi. J'ai moi-même, en tant que député, été l'auteur de rapports et je n'ai jamais souhaité travailler pour rien ni souhaité, donc, qu'un rapport reste lettre morte ; aussi, comme ministre, j'utiliserai vos réflexions.

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Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre franchise et pour votre disponibilité.

L'audition s'achève à vingt heures trente.

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Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 12 juin 2018 à 19 heures

Présents. - Mme Géraldine Bannier, M. Grégory Besson-Moreau, M. Guillaume Chiche, Mme Séverine Gipson, M. Christian Hutin, Mme Frédérique Lardet, M. Michel Lauzzana, M. Jean-Claude Leclabart, M. Sébastien Leclerc, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, Mme Graziella Melchior, M. Jacques Savatier

Excusé. - M. Arnaud Viala